Marek Halter conte les femmes de l'islam.
Redonner une place aux femmes dans l'histoire des religions.
« Un jour, je me suis demandé si l’absence de regard féminin sur la Bible n’était pas à l’origine
de tous les malentendus qui suscitent tant d’interrogations et de débats parmi les hommes.
Aussi ai-je essayé de relire la Bible à travers les femmes. Brusquement tout changeait. Les
événements historiques retrouvaient leur place, les invraisemblances disparaissaient. » C'est
ainsi que Marek Halter dit avoir commencé à construire son oeuvre de conteur en allant
rechercher les figures oubliées de ces femmes sacrifiées de l'histoire des religions, et en leur
rendant une âme, un corps, des émotions et un destin lisible pour tous. Humanisé. Nourri d'une
lecture ni scientifique ni abstraite, mais d'une approche au contraire clairement profane. “
Mon travail de romancier repose, avant tout, sur de longues recherches et c’est à partir de ces
recherches, recherches scientifiques, que je reconstitue la vie de mes personnages. Ce que
l’on peut me reprocher, c’est ma légitimité à me saisir de tel ou telle personnage
.”
Marek Halter ne se défend aucunement de faire oeuvre de vulgarisation. C'est peut-être là ce
qui fait sa force auprès du public que ses ouvrages passionnent: il permet à chacun de renouer
avec le savoir religieux sans appréhension, lui dont la curiosité inlassable n'a d'égal que
l'humilité du conteur qui cherche à conter le mieux possible, sans d'aucune façon avoir la
prétention de faire oeuvre de chercheur...
Après les femmes de la Bible, raconter les femmes de l'islam.
Ainsi, en ouvrant sa trilogie des femmes de la Bible, Marek Halter s'était déjà attaqué à trois
magnifiques portraits de femme: Sarah, l’épouse stérile d’Abraham, pesait de tout son destin
individuel face à Dieu. Tsippora, épouse de Moïse, qui, étant noire, a dû lutter contre le racisme
et l’ostracisme. En se dressant contre l’extrémisme religieux, dont les femmes sont les
premières victimes, Lilah, à laquelle il consacre le dernier volet de sa trilogie, défend une
magnifique idée de la dignité.
A Marie, la mère de Jésus, il a également consacré l'un de ses ouvrages. Aujourd'hui, c'est à
Khadija qu'il consacre le troisième volet de sa trilogie sur l'islam. Ce qui lui vaut, de la part de
ses détracteurs, une forme de procès moral de légitimité: “Qui suis-je pour agir ainsi? Si des
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Juifs ont pu me reprocher certains passages de Tsippora, on imagine bien que certains
musulmans n’apprécient guère qu’un écrivain français juif vienne apporter un complément
d’histoire aux adeptes de cette grande religion, la religion musulmane,”
déclare-t-il, très lucidement, face aux réactions qu'il perçoit parfois.
Mais Marek halter n'en a cure... Et demeure fidèle à l'esprit de son engagement de romancier,
auquel il demeure sincèrement attaché. “Je suis un conteur, un conteur qui s’appuie, comme je
vous l’ai déjà dit, sur des recherches approfondies. J’ai
fait relire les épreuves par un certain nombre d’imams et ils n’ont rien trouvé à redire. Il y a juste
eu un ami écrivain musulman qui m’a conseillé d’enlever un passage, un passage dans lequel
Mahomet faisait l’amour avec une jeune femme...”,
ajoute-t-il, comme détail anecdotique...
Il restitue surtout la place et le rôle que ces femmes ont pu jouer à l'époque, et en cela, même si
le romancier s'éloigne de la rigueur de l'historien, paradoxalement, il permet à l'histoire de
s'incarner avec une force et une authenticité qui pouvaient cruellement faire défaut jusque-là.
En s'intéressant à Khadija, le conteur découvre une femme de tête. Une femme forte, au destin
et à l'intelligence exceptionnels. Si les femmes musulmanes manquaient d’un modèle fort, d’une
héroïne, “à travers "Khadija", nous leur rappelons qu’elles n’ont pas à chercher ailleurs pour en
trouver une. La première de leur modèle n’est autre que la femme de Mahomet ”,
déclare Marek Halter. Chacune des trois femmes qu'il évoque, Khadija, Fatima ou Aïcha, auront
en réalité joué un rôle déterminant, voire capital, dans la naissance et l'avènement de l'islam.
Emanciper les femmes musulmanes à la recherche de modèles forts...
Et, en effet, plus particulièrement la première épouse du prophète Mohammed. Car si Khadija,
riche veuve, n'avait pas dit : « Moi, je crois », l'aventure musulmane n'aurait jamais commencé.
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[De Muhammad à Khadija] « Quand j’étais pauvre,
elle m’a enrichi : quand tout le monde m’abandonnait, elle m’a réconforté ; quand on me traitait
de menteur, elle a cru en moi.
» Sans sa plus jeune fille, Fatima, guerrière intransigeante, Mahomet n'aurait jamais pu imposer
l'Islam dans la péninsule arabique. Et si Aïcha, la dernière épouse, n'avait pas fidèlement
retranscrit ses paroles, nous ne connaîtrions pas le Coran”, affirme-t-il sans ambages.
Veuve, belle et riche, Khadija s'est remariée tardivement pour maintenir sa place dans la
société très masculine de La Mecque. Contre toute attente, elle a choisi un homme pauvre et
illettré, Muhammad ibn Abdallâh, dont elle est devenue la première femme. En dix ans de
bonheur, elle a su imposer Mohammad auprès des puissants clans de La Mecque, formant
avec lui un couple exceptionnel, modèle de sagesse et de modération. Lorsqu'une série de
tragédies s’abat sur le pays, et que la peste, les inondations et la mort endeuillent la famille,
face à ces coups du destin, Khadija fait preuve d’un courage et d’une force inouïs.La paix
revenue, Mohammad s’isolera alors dans le désert où, un jour, l’ange Gabriel lui transmettra les
paroles du Dieu Unique. Mohammad, à cet instant, croit devenir fou mais Khadija pressent qu’il
s’agit là d’un grand événement et se dressera contre tous pour défendre la parole nouvelle de
son bien-aimé, C'est en grande partie grâce à elle que Mohammad ibn Abdallâh bâtira ainsi
l’une des plus remarquables aventures religieuses du monde...
Le rôle déterminant de Khadija dans l'avènement de l'islam.
Comme il ne savait pas lire, et encore moins écrire, il a accumulé les sourates – ce qui veut
dire "chapitre" en araméen. Puis, Khadija a fait venir des scribes et, de mémoire, Mahomet a
dicté ces sourates. Rédigées en arabe sur toutes sortes de supports, ce récit ne sera rassemblé
que plus tard pour former le Coran, qui veut dire "récitation". La révélation initiale de Mahomet,
c’est celle d’un Dieu qui s’adresse à un peuple polythéiste dans sa propre langue, l’arabe .”,
résume Marek Halter.
Choisir le personnage de Khadija n'a rien d'anodin. “Il y avait urgence à raconter cette histoire
car il est urgent que les musulmanes puissent se trouver un modèle. Les jeunes sont en
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recherche de spiritualité, pour différentes raisons, et, parce que les laïques ne parviennent à
leur fournir de réponse, ils s’enfoncent dans la radicalité”,
estime le romancier-conteur. “L’histoire de Khadija, c’est l’histoire de cette femme libre, cette
épouse forte et déterminante, la première des musulmans, l’être sans lequel Mahomet n’aurait
sans doute pu, su traduire, transmettre sa révélation. Comme disait l’historien Marc Bloch, "
l’histoire est toujours contemporaine"
et l’histoire de Khadija, c’est l’histoire de toutes les femmes musulmanes jusqu’à aujourd’hui.”
Renouer avec l'histoire des religions pour mieux les appréhender.
Ce livre a, par nature, deux publics, estime-t-il. 'Les lecteurs musulmans, qui sont à la
recherche de leur propre "Panthéon", et les lecteurs non musulmans qui pourraient découvrir un
monde qu’ils ne connaissent pas ou plutôt un monde dont la perception a été pervertie par les
extrémistes, le djihad notamment .”
A ce sujet, il déclare d’ailleurs qu’il serait indispensable d’accorder plus de place à
l’enseignement de l'histoire des religions dans nos écoles. “Le principe de laïcité a voulu bannir
toutes les religions de leur enceinte, c’est une erreur. Je l’avais dit à Vincent Peillon, je le redirai
à Benoit Hamon. Connaître l’autre, c’est lui ôter son côté diabolique. Au-delà, c’est en
reconnaissant la spécificité de l’autre qu’on atteint l’universel. C’est une erreur fondamentale
que d’imaginer que nous sommes tous pareils ou que nous devrions l’être..
.”
Marek Halter, en consacrant son oeuvre de romancier aux différentes religions, et en
s'engageant à en diffuser le message de paix et de tolérance que l'ouverture à toutes les
religions procure, est profondément conscient du danger qu'elles portent intrinsèquement en
elles: “dans toutes les religions, il y a un danger?: on est convaincu que la sienne est la
meilleure, qu’elle répond à toutes les questions. Mais il faut accepter celle des autres. Faire
coexister les idées contradictoires, c’est le souci de ma vie …”, affirme l'homme. Et le
romancier.
« Khadija », de
Marek Halter,
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Marek Halter conte les femmes de l'islam.
éd.?Robert Laffont, 374?pages,
21,50?euros.
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