
2
2. En 1957, le Traité de Rome ne connaît ni patients ni citoyens. Il est banal de rappeler qu'à
cette époque la construction communautaire, héritière de la CECA, s’inspire dans son ensemble
des valeurs du libre-échange. L'objectif poursuivi par le traité de Rome est l'établissement d'un
marché commun fondé sur les quatre grandes libertés "fondamentales", la libre circulation des
biens, des travailleurs, des services et des capitaux, d’une part, et sur le jeu de la concurrence,
d’autre part. La Communauté garantit la mobilité des personnes dans son espace (articles 39-42,
43 et 49-50 CE) en éliminant les obstacles et, en même temps, en faisant tout pour la
promouvoir, la faciliter, voire la rendre attractive. Car si, en quittant son pays pour aller travailler
ou vivre dans un autre Etat membre, l'intéressé perdait tout ou partie de ses droits en matière de
sécurité sociale (pensions, chômage, maladie ou prestations familiales), la libre circulation des
travailleurs assurée par le traité serait fortement entravée. C'est pourquoi, dès le début de la
construction européenne, le législateur communautaire a pris, conformément à l'article 42 CE5,
les mesures nécessaires pour l'établissement de cette liberté, en adoptant le règlement n° 3/58
relatif à la sécurité sociale des travailleurs migrants, devenu ultérieurement règlement n°
1408/716. Cette réglementation, qui constitue le premier texte de droit dérivé à caractère social,
n'instaure pas une harmonisation mais simplement une coordination des régimes nationaux de
sécurité sociale; elle a pour but de garantir une protection entière et continue des travailleurs qui
font usage de leur droit à la libre circulation.
La coordination communautaire a laissé subsister les systèmes de sécurité sociale qui étaient et
continuent d'être nationaux et se caractérisent par leur territorialité7. Pour remédier à des
inconvénients causés par la territorialité et protéger le travailleur qui se déplace, la réglementation
communautaire prévoit un mécanisme, qui est resté inchangé depuis 1958, basé sur les quatre
principes suivants: a) égalité de traitement entre nationaux et non nationaux ; b) unicité de
législation applicable (pour éviter les conflits de lois positifs ou négatifs, le travailleur est soumis
à la lex loci laboris) ; c) totalisation des périodes d'assurance (ou conservation des droits en cours
d'acquisition) ; d) exportation des prestations à l'intérieur de la Communauté (levée des clauses
de résidence ou conservation des droits acquis).
3. En ce qui concerne les prestations de maladie, le législateur communautaire a mis en place un
mécanisme pour assurer la couverture sociale des travailleurs migrants en garantissant, en outre,
sous certaines conditions, un accès aux soins dans un autre Etat membre, à charge de leur
organisme d’assurance maladie. Bien que ce mécanisme, initialement prévu pour la protection
des migrants ait évolué au fil du temps, il continue à prévoir une mobilité limitée des patients.
Schématiquement, hormis le cas où l’état de santé de l’assuré social nécessite d’urgence des
soins pendant un séjour provisoire dans un autre État membre, le règlement 1408/71 subordonne
à l’obtention d’une autorisation préalable de l’institution de l’État compétent (État d'affiliation)
la prise en charge par celle-ci, selon les barèmes de l’État où les soins ont été dispensés ou les
5 Le Conseil, (…), adopte, dans le domaine de la sécurité sociale, les mesures nécessaires pour l'établissement de la libre
circulation des travailleurs, en instituant notamment un système permettant d'assurer aux travailleurs migrants et à leurs
ayants droit : a) la totalisation, pour l'ouverture et le maintien du droit aux prestations, ainsi que pour le calcul de celles-
ci, de toutes périodes prises en considération par les différentes législations nationales, b) le paiement des prestations aux
personnes résidant sur les territoires des États membres.
6 Règlement (CEE) nº 1408/71, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur
famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, (JO L 149, p. 2). Il sera remplacé par le règlement dit
"Simplification" (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination
des systèmes de sécurité sociale (JO L 200), lorsque son règlement d'application, actuellement négocié au Conseil, sera
adopté.
7 R. Cornelissen, «The principle of territoriality and the Community regulations on social security (Regulations 1408/71
et 574/72)», Common Market Law Review, 1996, 33 p. 439.