LE MYSTERE DE JESUS,
VRAI DIEU ET VRAI HOMME
Dès les premiers siècles, les chrétiens, par leur contemplation et leur réflexion, ont cherché à
sonder le mystère du Christ qu'ils aimaient. Ils se sont demandé ce qui différenciait Jésus d'un autre
homme ; cela les a conduits à préciser la nature du lien unique qui unit le Christ à son Père.
Cette élaboration doctrinale ne s'est pas faite facilement. Il a fallu la contemplation de bien
des saints, le sang versé de plusieurs martyrs et le génie de très grands esprits pour qu'après quatre
siècles d'âpres luttes, le mystère de Jésus soit formulé en termes précis et définitifs, au Concile de
Chalcédoine, en 451. Pourquoi tant de difficultés ? Parce que les paroles et les actes de Jésus font
apparaître deux aspects de sa personnalité qu'il fut bien difficile de concilier et d'articuler.
I LES DEUX FACES DU MYSTERE DE JESUS
D'un côté, Jésus semble avoir été, pendant ses années passées en Palestine, un homme comme
vous et moi. Les Evangiles nous racontent sa naissance, nous disent qu'il grandit (Lc 2 52), mangea
(Mt 26 20-21), eut soif (Jn 19 28), fut parfois fatigué (Jn 4 6) et troublé (Jn 11 33), admira certains de ses
contemporains (Mt 7 10), pleura devant la mort d'un de ses proches (Jn 11 35), souffrit et mourut. Quoi
d'extraordinaire en cela ?
Mais, par d'autres aspects de sa vie et de son enseignement, Jésus se présente comme ayant
des pouvoirs qui sont bien au-dessus des simples forces humaines. Certaines de ses prérogatives sont
même proprement divines. Il commande à la nature (Cf. la tempête apaisée), redonne la vie à
plusieurs morts sans invoquer d'autres forces que la sienne (Mc 5 41). Il précise de sa propre autorité
la Loi divine sur le mariage, le meurtre et l'adultère (Mt 5 21-32), prétend remettre l'offense infinie du
péché et guérit un paralytique pour le prouver (Lc 5 22-25). Il dit avoir le pouvoir de juger la
conscience tous les hommes (Mt 16 27) et exige une soumission qui n'est due qu'à Dieu puisque
chacun doit être prêt à lui sacrifier ses liens de parenté et même sa propre vie (Cf. Lc 14 26).
D'autres de ses affirmations paraissent encore plus claires :
* Souvent Il affirme sa préexistence à son apparition sur terre. Il rappelle à de très
nombreuses reprises "avoir été envoyé" par son Père pour accomplir une mission
particulière. Il laisse même entendre qu'il existe depuis toujours en affirmant : "Avant
qu’Abraham fût, je suis" (Jn 8 58). Comme le note avec justesse le Père Lagrange, en
utilisant ici le temps présent (je suis) et non un imparfait (j'étais), Jésus dit qu'il n'a ni
commencement ni fin ; Il existe donc de toute éternité.
* D'autres paroles du Christ sont encore plus claires. Il dit être le seul à connaître le Père
et que le Père seul le connaît (Mt 11, 27). Cette réciprocité dans la connaissance n'est
possible que s'il y a une égalité de nature entre le Père et Jésus. Seul Dieu peut
connaître adéquatement Dieu et si le mystère de la personnalité de Jésus n'est
connaissable que par Dieu et même pas par les anges à l'intelligence la plus
pénétrantes, c'est parce qu'il dépasse l'ordre du créé.
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* Enfin, Il déclare lui-même cette égalité de nature avec son Père en affirmant très
clairement dans le Temple de Jérusalem : "Le Père et moi, nous sommes un" (Jn 10 30).
Certes, les apôtres n'ont pas compris sur le coup la portée de telles affirmations du Christ. Il
faut attendre la Résurrection pour que les écailles leur tombent des yeux et qu'ils reconnaissent la
divinité du Christ. Ainsi, une semaine après Pâques, ayant Jésus devant les yeux, Thomas est non
seulement acculé à reconnaître la réalité de la résurrection mais il va plus loin et professe aussi que
Jésus est Dieu en s'exclamant : "Mon Seigneur et mon Dieu !" (Jn 20 28).
La divinité de Jésus est une partie essentielle du témoignage des apôtres et des premiers
disciples de Jésus, même s'ils ne la formulent pas encore avec les termes techniques que forgeront les
théologiens des siècles suivants. Ainsi, saint Pierre reconnaît en Jésus l'auteur de la vie (Ac 3 15), saint
Paul - comme saint Jean, d'ailleurs (Jn 1 3) - affirme qu'il est créateur de toutes choses (Col 1 16) et
qu'il est de la même forme, c'est-à-dire de la même nature, que Dieu (Ph 2 6) ; en Lui, "se trouve
corporellement la plénitude de la divinité " (Col 2 9).
II HESITATIONS ET HERESIES
L'homme Jésus s'est dit Dieu et Il a donné, par ses miracles et par toute sa vie, des signes de la
vérité de cette déclaration. Devant la grandeur de cette affirmation, l'intelligence humaine s'affole et
perd pied. Au cours de l'histoire, elle va errer principalement sur trois points. Puisque "quelqu'un"
(une personne) s'est dit homme et Dieu, les erreurs pourront porter : soit sur l'affirmation de son
humanité (en la niant ou en la diminuant), soit sur celle de sa divinité, soit sur l'union de l'une et de
l'autre. Examinons rapidement l'histoire de ces hérésies.
A) - Les négateurs de l'humanité de Jésus
Trois grandes hérésies nieront que le Christ fut vraiment et complètement homme.
* D'abord les docètes qui prétendaient que Jésus n'avait que l'apparence d'un corps, que
cette enveloppe charnelle que les apôtres ont vue n'était qu'une sorte de fantôme :
Jésus semblait un homme, mais Il ne l'était pas vraiment. A ceux-là, saint Ignace
d'Antioche répondra que si le Christ a seulement semblé souffrir sur la croix, la
rédemption n'est aussi qu'une apparence et non une réalité.
* Les valentiniens soutiendront, eux, que le corps du Christ est venu du Ciel au travers
de Marie. Elle n'a été qu'un canal et n'a pas engendré l'Homme-Dieu. Le Christ a un
corps sidéral, d'une autre matière que le nôtre. Dans ce cas-là, Jésus n'est plus le
Messie de la lignée de David tant attendu par les juifs.
* Plus tard, Apollinaire soutiendra qu'en s'incarnant, le Christ n'a pas pu prendre une
humanité complète. Il a pris seulement un corps et les parties végétale et animale de
notre âme mais pas sa partie spirituelle. Il craint que l'intelligence et la volonté
humaines de Jésus aient pu entrer en conflit avec le Verbe. Les Pères orientaux
remarqueront avec raison qu'une telle conception est catastrophique. Si le Verbe n'a
pas pris une âme humaine, Il ne sauve pas nos âmes, car "seul ce qui est assumé par le
Christ est sauvé".
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B) - Les négateurs de la divinité de Jésus
Deux grands courants se partagent ici le triste champ de l'hérésie.
* Les judéo-chrétiens, qui apparaissent au premier siècle et dont nous retrouvons
l'erreur encore aujourd'hui chez les témoins de Jéhovah ou les juifs messianiques.
Jésus est bien un prophète, le plus grand de tous, Il est aussi le Messie attendu, mais II
n'est pas Dieu. Jésus est Fils de Dieu au même titre que nous, c'est-à-dire que par la
grâce, vraie participation à la vie divine, Il est adopté par Dieu, mais Il n'est pas Dieu
par nature et de toute éternité.
* Arius, enfin, soutient que Jésus n'est certes pas un homme comme les autres mais qu'il
n'est pas pourtant Dieu. Le Verbe qui s'est incarné n'est pas la seconde personne de la
Trinité. C'est un être supérieur, le plus parfait de tous, supérieur aux anges mais c'est
une créature. Les Conciles de Nicée (325) et de Constantinople I (381) réagiront
contre cette hérésie en proclamant que le Fils est "vrai Dieu de vrai Dieu, engendré, non
pas fait, consubstantiel au Père".
G) - Erreurs sur la conciliation des deux natures de Jésus
Citons ici seulement deux grands noms qu'il est bon de connaître.
* Nestorius. Ce Patriarche de Constantinople niait l'unité fondamentale du Christ, en
distinguant deux personnes en Jésus : la personne divine qui habiterait dans la personne
humaine de Jésus comme dans un temple. Dans une telle perspective, on ne peut pas
dire que le Verbe de Dieu souffre ou meurt ni que Marie soit la mère de Dieu, ce que
définira justement le Concile d'Ephèse en 431.
* Originaire aussi de Constantinople, le moine Eutychès soutiendra, lui, qu'en Jésus la
divinité - qui est infinie - a absorbé l'humanité. Alors que Nestorius divisait (en deux
personnes) le Christ, Eutychès, lui, confond l'humanité et la divinité de Jésus. Les deux
hérésiarques furent condamnés par le Concile de Chalcédoine, en 451, qui proclama
dans le Christ l'union en une seule personne de deux natures "sans confusion ni
changement" [contre Eutychès] et "sans division ni séparation" [contre Nestorius], Il nous
reste maintenant à expliquer cette définition qui clôt définitivement les débats et seule
rend compte de la complexité du témoignage des apôtres.
III LE MYSTERE DE L'UNION HYPOSTATIQUE
Après avoir décrit les grandes hérésies qui faussaient le mystère du Christ, explicitons la
doctrine catholique sur le sujet. Elle peut se résumer en une expression : le mystère de l'union
hypostatique, c'est-à-dire d'une personne divine (la seconde personne de la Trinité, le Verbe) en deux
natures, l'une divine et l'autre humaine.
A) - Le Christ a deux natures
Rappelons rapidement qu'une nature est l'essence d'une chose en tant que principe d'actions
diverses. Disons approximativement que cela correspond à la définition d'une chose. La nature d'un
homme est d'être un animal raisonnable.
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Le Christ possède à la fois la nature divine (Il est Dieu) de toute éternité et, depuis
l'Annonciation, la nature humaine complète (hormis le péché). Ces deux natures sont au principe
d'actes très différents : des actes divins (comme la création) et des actes proprement humains
(l'admiration et la souffrance, par exemple).
B) - Mais la personne du Christ est unique
La personnalité est une réalité plus profonde encore que la nature. Elle est le support d'une
nature concrète, support qui est nécessairement individualisé et donc ne peut être communiqué à
quelqu'un d'autre alors qu'une nature peut se partager. Dans le langage courant, alors que la
définition désigne la nature, le nom propre désigne la personne. Catherine, Thomas, voilà des
personnes différentes mais qui ont en commun une nature (une définition), celle d'être des
animaux raisonnables.
Si le Christ a deux natures, Il est seulement une seule personne, une personne divine, la
deuxième personne de la Sainte Trinité. Personne qui possède de toute éternité la nature divine et
acquiert une nature humaine quand Marie prononce son Fiat. Ainsi Jésus aurait pu dire : "Je suis
Dieu" et "Je suis homme", les noms Dieu et homme désignant ses deux natures et l'emploi de
l'unique mot "Je" aurait désigné son unique personne, qui est divine.
Même si elles peuvent paraître difficiles à comprendre, ces précisions sur le mystère du
Christ sont capitales pour la foi. Elles entraînent toutes sortes de conséquences, sur la nature de la
Rédemption, sur l'Eglise dont la structure est humano-divine, à l'image de son chef, sur le respect
dû au Christ dans la Sainte Eucharistie, etc. De nombreux martyrs sont morts pour en témoigner.
FRATERNITE SAINT VINCENT FERRIER
Bibliographie
Catéchisme de l'Eglise Catholique, 464-478.
Quatre articles du P. Louis-Marie de Blignières développent avec des tableaux suggestifs ce que
nous avons ici résumé : Voir revue Sedes Sapientiae, n° 43 (p. 1-10), n° 44 (p. 1-16), n° 45 (p. 8-22)
et n° 53 (p. 1-12).
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