Ethique et gestion de cas

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Ethique et gestion de cas
Workshop – 27 juin 2011 - Marseille
Synthèse des débats.
Pour cette synthèse, 7 thèmes ont été identifiés :
1. REFLEXION A PROPOS DE LA DENOMINATION ET DES DEFINITIONS.......................... 2
2. DIALECTIQUE AUTOUR DU RESPECT DE LA PERSONNE ET DE SON INTIMITE :
INFORMATION / SECRET. DISCRETION / INDISCRETION ..................................... 4
3. CONSENTEMENT ET REFUS : RESPECT DU PRINCIPE D’AUTONOMIE .......................... 7
4. DROIT, RECONNAISSANCE ET LEGITIMATION ................................................... 10
5. RESPONSABILITE POUR ET AVEC LES AUTRES .................................................. 13
6. ELEMENTS DE REFLEXION EN SANTE PUBLIQUE ET ECONOMIE DE LA SANTE ................ 15
7. LA GESTION DE CAS : UNE FONCTION INNOVANTE…. ......................................... 18
Pour chaque thème, quelques lignes de résumé sont proposées en exergue. Puis
des citations extraites du texte intégral ont été choisies de façon à illustrer au
mieux les problématiques débattues par les participants au Workshop. Les
fonctions des intervenants de cette synthèse sont disponibles en fin de
document.
L’intégralité des échanges retranscrits par une sténotypiste, puis relus et
amendés par les participants est disponible sur le site de l’EREMA (www.espaceethique-alzheimer.org)
Pour poursuivre le travail, ce document de synthèse sera proposé comme base
de réflexion aux gestionnaires de cas réunis lors d’une journée d’étude, le 10 mai
2012, à Marseille.
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Réflexion à propos de la dénomination et des
définitions
Le « gestionnaire de cas » est le professionnel qui intervient auprès des
personnes malades en situation de complexité. Il est référent unique de la prise
en soins, à la croisée des champs sanitaires et sociaux. Traduit de l’anglais
« case manager », la dénomination ne semble pas toujours servir la définition de
cette nouvelle fonction. Les représentations qu’elle véhicule varient selon les
domaines professionnels de chacun, et selon la place occupée, d’usager ou
d’intervenant.
Fabrice GZIL.- Je crois me souvenir qu’il y a quelques années, une consultation
avait été lancée dans un colloque pour savoir comment traduire « case
manager ». La traduction littérale par « gestionnaire de cas » n’est pas
entièrement satisfaisante, car elle met l’accent sur la gestion, alors qu’un
« manager », en anglais, c’est aussi un responsable, un « chef », et quelqu’un
qui sait se débrouiller dans une situation délicate, comme quand on dit : ça va,
je « gère ».
Elodie LYS.- Coordonnateur de santé. C'est le titre du diplôme. Encore une fois,
c’est réducteur parce que ce n'est pas juste en santé. Et ce n'est pas que de la
coordination.
Pierre LE COZ.- Gestionnaire est un mot qui évoque l'économie,
l'administration. Est-ce une transposition ? Où y a-t-il vraiment des tâches de
gestionnaire stricto sensu ? La gestion, c’est la distribution rationnelle,
budgétaire, administrative de ressources économiques au sens précis. Est-ce que
cela n'a rien à voir ou est-ce qu’il y a cette dimension dans le travail de
gestionnaire de cas ?
Frédéric BALARD.- On a gardé « gestionnaire de cas » comme l’ont fait les
Québécois, qui n'ont pas eu de difficulté à s'approprier ce terme-là. C'est plus
difficile en France. Peut-être aussi pour les gestionnaires de cas eux-mêmes car
ce n'est pas forcément simple pour se présenter aux gens. Le mot
« gestionnaire » peut évoquer une dimension financière ou économique et celui
de « cas » peut être perçu comme péjoratif.
Perrine MALZAC.- Le gestionnaire de cas est souvent présenté comme un
porte-parole de la personne dont l'autonomie est fragilisée par la maladie
d'Alzheimer.
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Jean-Philippe FLOUZAT.- Le terme de porte-parole me paraît extrêmement
fort, trop fort. On est là pour aider à faire évoluer une situation, à faire travailler
ensemble un certain nombre de professionnels, pour être auprès des malades.
Dominique SOMME.- Le mot « advocacy » m’intéresse. Il n'a pas été traduit.
En fait, il y a des avocats ici, ils me corrigeront si je dis des bêtises. Un avocat
est un lawyer aux Etats-Unis. Il ne devient advocate que quand il est en train de
faire son travail devant la barre. L’advocacy, ce serait donc la représentation au
moment où il y a lieu de le faire. Je trouve qu’il est intéressant qu'il y ait deux
mots dans le langage anglais ; en tout cas, cela peut porter à réflexion sur le
terme advocacy qui me paraît plus complexe, et donc forcément plus intéressant
que le mot de porte-parole. Le porte-parole, c'est compliqué pour la personne à
qui on retire la parole, mais c'est aussi compliqué pour la personne qui doit
porter parce que, du coup, il devient en charge de quelque chose d'extrêmement
précieux qu'il devrait avoir du mal à porter. Je trouve que ce terme est
doublement piégeant, et je n'aurais pas tendance à l'utiliser.
Aline CORVOL.- Ce terme de porte-parole, dans le sens où la personne a bien
une parole, peut l'exprimer, mais ne peut pas la porter, la défendre et se battre
pour qu’elle soit respectée, me semble valable et respectable. Par contre, ce
n’est pas du tout l'idée d'une représentation, mais simplement l'idée de prendre
la parole de la personne et de la mettre sur la place publique.
Catherine MOLINES.- Par rapport au terme de porte-parole, effectivement, il y
a le gestionnaire de cas qui a une position de porte-parole, on a oublié un
intervenant, qui est la personne de confiance. Est-ce que, finalement, le
gestionnaire de cas n'est pas plus un médiateur et le porteur d'une situation ?
Fabrice GZIL.- Pour moi, il vaudrait mieux dire que la déontologie des
gestionnaires de cas leur impose de veiller au bien-être et à la sécurité des
personnes aidées, de veiller à ce qu’elles puissent avoir accès aux aides et aux
soins auxquelles elles ont droit, et de veiller à ce que leurs préférences soient
respectées. Car dire que la mission du gestionnaire de cas est d’être le porteparole de la personne pose toutes sortes de difficultés. Pourquoi le gestionnaire
de cas serait-il plus légitime, ici, que la famille, la personne de confiance, le
mandataire de protection future, le tuteur… qui peuvent aussi revendiquer ce
statut de porte-parole ?
Joelle REVOCAT.- En médecine, nous y sommes confrontés tous les jours. La
mission est une mission d’aide ; ce n'est pas une mission de porte-parole.
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Dialectique autour du respect de la personne et
de
son
intimité :
Information
/
Secret,
Discrétion / Indiscrétion
Les informations qui circulent, dans le cadre de la gestion de cas, sont de sources
multiples et diversifiées. Elles concernent toutes les composantes de l’être
humain et relèvent, en particulier, de tout ce qui a trait à son intimité. L’éthique
du gestionnaire de cas lui impose respect et discrétion quant à la communication
des informations recueillies. Un devoir de discernement est requis dans le
partage des informations pertinentes, celles qui sont utiles pour le bien être de la
personne.
Dominique SOMME.- Je pense que le gestionnaire de cas devient possesseur
d'un certain nombre d'informations. Un certain nombre ne sont pas d'ordre
médical, et sont tout autant importantes que celles qui sont d'ordre médical. Je
pense qu’il est important d’élargir le problème de la confidentialité et du secret
car ce sont les deux parties de ce même problème.
Patricia SILVESTRE.- Au départ, les sources d’informations sont multiples. Il
faut d’abord apprendre à connaître la personne, la connaître du mieux possible.
Cela se fera par la personne elle-même, mais également par celle qui nous fait le
signalement. On va essayer de reconstituer le puzzle au niveau social, médical,
de l’entourage, des ressources… Nous avons besoin d'un tas d'informations.
Cette démarche s’inscrira nécessairement dans le temps, puisque l’on va rentrer
en confiance progressivement. Ces informations vont s'enrichir au fur et à
mesure, et seront de tous ordres. Parallèlement, il nous appartient de faire
attention à ce qui est utile. Continuellement, on se pose des questions : l'intérêt
de la personne, l'utilité de ce que l'on fait, et ne pas divulguer quelque chose qui
n'a pas d'intérêt ou qui pourrait se retourner contre la personne.
Michel PONCET.- Je crois que c'est vraiment un problème très important, une
évaluation multidimensionnelle par un gestionnaire de cas amène à vraiment
connaître la personne. Le gestionnaire de cas est en possession de beaucoup
d'informations sur une personne donnée et doit apprendre à ne les utiliser qu’au
bénéfice du patient.
Valérie CERASE.- Et des informations sur son entourage aussi. Cela peut
engager une fille, un mari, toute la famille, tout le milieu naturel qui l'entoure,
qui peut donner des informations sur des gens qui n'ont pas envie que quelqu'un
détienne ces informations, au-delà de celui qui est pris en considération par le
gestionnaire de cas.
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Fabrice GZIL.- Le fait qu’une information ne soit pas communiquée entre
professionnels peut être une perte de chance pour la personne. Mais d’un autre
côté, la question de savoir « quelles informations on a le droit de communiquer à
qui » est assez délicate. Que disent les médecins ? Sont-ils réticents à vous
communiquer des informations ?
Jean-Marc HENRY.- C'est une question difficile parce que, entre médecins,
entre confrères, on ne doit délivrer aux confrères que les informations
nécessaires à l'exercice de son art ; en aucun cas, on ne peut délivrer tout ce
que l'on sait sur le patient. Le patient ne peut pas nous relever du secret. Et on
voit bien, actuellement, dans la société, que sur le principe de la promotion de
l'autonomie, on met à mal ce secret.
Aline CORVOL.- Il y a un auteur américain qui dit qu'il ne faut pas raisonner, en
gestion de cas, en termes de secret, mais en termes de respect de l'intimité : ne
pas mettre le secret comme un absolu, mais voir la finalité pour la personne.
Fabrice GZIL.- Mais on voit qu’il y a pour le gestionnaire de cas toutes sortes
de questions qui se posent : quelles informations puis-je demander (et à qui) ?
Quelles informations puis-je communiquer (et à qui) ? Et quelles informations
dois-je m’interdire de recevoir (même si on voudrait me les donner) ?
Frédéric BALARD.- Recevoir l'information n'est pas anodin, dans le sens où,
souvent, celui qui est porteur d'informations, la source, utilise cette information
pour instrumentaliser le gestionnaire de cas dans le sens qui l’arrange.
Annagrazia ALTAVILLA.- Il y a des principes généraux, mais ce qui compte,
c'est vraiment de voir si, en faisant cette action, je peux porter atteinte de
quelque manière à la personne. Pour moi, c'est cela qui compte : c'est le
questionnement permanent dans les choix que je fais. Je fais cela, je suis
astreinte au secret professionnel, quelles sont les conséquences de mes actions ?
Fabrice GZIL.- Je suis favorable à une clarification, même si le droit ne règlera
bien sûr pas tous les problèmes. Avant de communiquer une information, les
gestionnaires de cas pourraient se demander si celle-ci est vraiment
indispensable, si le fait de ne pas la communiquer entrainerait vraiment une
perte de chance, ou une mise en danger de la personne. On voit déjà que
l’information « nécessaire » n’est pas évidente à définir. Se pose aussi la
question de savoir quand, avant de transmettre une information à un tiers, il faut
obtenir un accord exprès de la personne, et non pas seulement un accord tacite.
Il y a des opinions très divergentes sur ce point. Concernant la communication à
la famille du diagnostic de maladie d’Alzheimer, certains auteurs estiment que les
proches doivent être pleinement informés, qu’on ne peut leur opposer le secret
médical. D’autres auteurs estiment au contraire que les professionnels n’ont
aucun droit moral ni légal à informer les proches, sauf s’ils ont obtenu l’accord
formel de la personne ; et que quand la personne n’est plus en mesure de
donner son accord, on ne peut informer les proches qu’en cas de danger grave et
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immédiat. Des questions analogues se posent, me semble-t-il, aux gestionnaires
de cas.
Fabrice GZIL.- Le fait que ce soit une institution publique qui pilote la MAIA ne
garantit pas tout, parce que la collectivité territoriale pourrait, un jour, si elle est
moins vertueuse que la vôtre, utiliser ces informations au détriment de la
personne pour la bonne gestion du système de santé. Une question cruciale :
savoir à quelles conditions les gestionnaires de cas peuvent obtenir des
informations et les transmettre à des tiers ?
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Consentement et refus : respect du principe
d’autonomie
Le consentement est requis au long cours, pour toutes les interventions et
propositions du gestionnaire de cas. Il est centré sur les capacités de
compréhension de la personne et peut prendre des formes adaptées à son statut
cognitif. La forme écrite du consentement n’est pas à proscrire, elle peut avoir
une valeur symbolique importante. Chaque situation singulière est à prendre en
considération.
Fabrice GZIL.- Vous avez dit que l'évaluation se faisait après un accord
préalable. Comment l'obtenez-vous ? Et sur quoi exactement porte cet accord ?
Elodie LYS.- Un accord sur la venue, sur la rencontre. Il est là-dessus en
premier lieu. Je ne vais pas au domicile sans avoir pris contact au préalable avec
la personne. J'explique ce qu’est la gestion de cas. J'explique pourquoi c'est
adapté à chaque personne rencontrée. Je ne peux pas dire ce que je vais pouvoir
leur apporter immédiatement puisqu'il faut d'abord que j’évalue la situation
avant de pouvoir dire éventuellement ce que je peux leur apporter.
Joelle REVOCAT.- Par rapport à cela, en tant que médecin généraliste, sur le
fait d'introduire une tierce personne dans les familles, je prends un peu des
précautions. J'en parle aux gens. Ils disent oui ou non. En général, ils peuvent
dire oui, mais c'est un oui qui peut être non un autre jour
Aline CORVOL.- Quoi qu'il en soit, on est à domicile, c'est-à-dire que, pour
qu’un gestionnaire de cas intervienne, il faut que la personne ouvre la porte. Elle
ne l'ouvre pas forcément la première fois. Quelque part, à chaque intervention
du gestionnaire de cas, il y a cet accord informel par le fait que la personne
ouvre ou n'ouvre pas la porte, et répond ou ne répond pas au téléphone.
Aline CORVOL.- Concernant le consentement écrit. Les gestionnaires de cas
m'avaient dit que c'était compliqué. Il y a cette question de l'écrit. Quand est-ce
que l'écrit doit intervenir dans le consentement ? Est-ce qu’un consentement oral
est suffisant ? Est-ce qu’un consentement informel par le fait d'ouvrir la porte et
de garder des relations est suffisant ?
Elodie LYS.- Obtenir un consentement écrit d'une personne en état de
vulnérabilité est très problématique. Je me demande quelle valeur a cette
signature. Cela veut dire quoi ? Je me protège de quoi en obtenant une
signature ? Jusqu'où demander un consentement écrit à quelqu'un qui est en
état de vulnérabilité ?
Nicole BARISONE-CECCALDI.- Le problème du consentement n'est valable que
s'il est éclairé, c'est-à-dire si l’on a été capable de comprendre ce que l'on nous a
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expliqué. Là je trouve que l'on est devant le mur. Il y a un diagnostic posé, a
priori il y a des facultés cognitives altérées. Comment peut-on consentir dans ce
cas-là ?
Frédéric BALARD.- Je voudrais revenir sur quelques expressions utilisées, en
particulier la partie dimension « éclairée » du consentement. Et puis aussi :
« dans la mesure où son état le permet ». Effectivement, on est avec des
personnes qui sont atteintes de la maladie d'Alzheimer, mais même si on n'était
pas sur ce genre de personnes-là, jusqu'à quel point suis-je capable de savoir si
la personne en face de moi est éclairée ?
Corinne TICHIT.- C'est un préalable indispensable que d'avoir plusieurs
rencontres pour obtenir un minimum de consentement de la personne, un
minimum de compréhension de ce qui va se passer. En effet, il va y avoir
introduction d’une personne, qui va être intrusive dans le bon sens, mais aussi
dans le mauvais sens du terme Il y a plusieurs rencontres. Si la personne nous
dit « non », même si l’on évalue qu'il y aurait un besoin d'assistance et
d’accompagnement plus élaborés, on va respecter le choix de cette personne.
Michel PONCET.- Le plus souvent, il y a un malade et un aidant principal qui est
autonome. Cela doit être plus facile d'avoir le consentement de ce tiers que du
malade. Dans ce cas-là que faites-vous ? Il faut bien prendre une décision à un
moment, et il est vrai qu’il ne doit pas être toujours facile d'être persuadé du
consentement de la personne malade.
Françoise ROUSSET.- Dans le cas de la protection de la personne, il est bien
précisé que la personne prend, en ce qui la concerne, toutes les décisions qui lui
sont personnelles. Si vous voulez, le tuteur ne peut pas agir à la place de la
personne, dans le cadre de décisions médicales, etc., sauf évidemment danger.
C'est bien prévu dans les articles du Code Civil (articles 457 et suivants). Et il y
a, en cas de difficulté au niveau du consentement, une possibilité de saisir le
juge des tutelles qui peut, dans certains cas, autoriser le tuteur à assister ou
même à représenter la personne dans le cadre des décisions liées à la prise en
charge de sa personne.
Ensuite, il y a ces dispositions qui disent bien que lorsque l'état de la personne
protégée ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle, le juge ou
le conseil de famille peut prévoir qu'elle bénéficiera, pour l'ensemble des actes
relatifs à sa personne ou ceux d'entre eux qu'il énumère, de l'assistance de la
personne chargée de la protection.
Federico PALERMITI.- Cela me faisait penser que l’on voudrait donner à ce
document-là énormément de finalités. Il sert pour se protéger au plan
professionnel, pour informer, pour écrire réellement ce que l'on va faire, en tout
cas les missions du cadre général de ce que l'on va réaliser avec la personne. En
même temps, c'est formaliser ce processus que l'on va accompagner. Ce
document représente beaucoup de choses, peut-être trop de choses.
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Pierre LE COZ.- Imaginons que le consentement ne soit plus recueilli. Je pense
que, sur un plan philosophique, symbolique, c'est gênant. Cela veut dire que ces
personnes sont, en quelque sorte, exclues de la communauté humaine. C'est-àdire que ce que l'on fait pour les autres malades, en demandant un
consentement, on ne le fait plus pour eux. Ils sont donc déjà sortis de
l'humanité. Et Hegel a écrit des choses, sur un plan philosophique, qui me
paraissent très profondes sur le fait que l'écriture, c'est la trace de l'esprit.
Quand on a des papiers qui paraissent un peu arides, malgré tout c'est l'esprit
qui s'est matérialisé, qui s'est rendu effectif. Pensez à la signature : quand vous
signez, c'est vous, c’est moi, ma signature. Je me reconnais, c’est toute mon
histoire, c'est mon passé. Et même si je n'ai rien compris, c'est moi qui me suis
matérialisé et objectivé dans cette signature.
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Droit, reconnaissance et légitimation
Plusieurs facteurs peuvent contribuer à légitimer la gestion de cas dont tout ce
qui a trait à l’organisation politique et juridique. Le gestionnaire de cas, quant à
lui, construit sa reconnaissance à travers les interactions qu’il crée avec la
personne malade, les autres professionnels et la famille. Dans l’avenir, une
meilleure connaissance de cette fonction et sa généralisation devrait contribuer à
lui offrir un véritable statut.
Michel PONCET.- Vous savez qu'il a été décidé, dans le cadre du plan
Alzheimer, premièrement, de la mise en place d'une méthodologie qui vise à
l'intégration des différentes structures participant à la prise en charge des
patients et aidants. C'est cela la méthodologie des MAIA. Et, deuxièmement, il a
été décidé de la création en France, comme cela existe déjà dans de nombreux
autres pays, de la fonction de gestionnaire de cas. C'est la mesure 5 du Plan
Alzheimer. Deux mots-clefs : MAIA et gestion de cas. Ces deux mesures sont
très liées. En France, aujourd'hui, il n'existe pas de gestion de cas hors de cette
expérimentation MAIA. Ces deux mesures sont considérées, par de nombreux
acteurs, comme deux mesures phares du plan Alzheimer.
Dominique SOMME.- Il y a la légitimité actuelle et la légitimité visée, qui n'est
pas forcément la même, dans le fait que les gestionnaires de cas sont implantés
dans le cadre des MAIA. Ce n'est pas anodin. Si ce choix a été fait, c'est parce
que l'on pense qu'une partie de la légitimité, à terme, de la fonction proviendra
bien sûr du fait que les partenaires ensemble offrent un cadre sécurisé à
l'intervention du gestionnaire de cas.
Matthieu DESTAMPA.- Pour faire la gestion de cas, il fallait aussi qu'ils
construisent leurs propres réseaux. De ce fait, dans le temps du gestionnaire de
cas, en plus de l'appropriation des outils, de la gestion de cas, il y a aussi ce
partenariat, les rencontres, l'explication : qu'est-ce que le gestionnaire de cas ?
Qu'est-ce que la MAIA ? Le partage des valeurs avec d'autres professionnels
permet de renforcer la légitimité.
Annagrazia ALTAVILLA.- Je pense qu'il faut rappeler que c'est un projet pilote.
Gestionnaire de cas est une nouvelle figure professionnelle, que personne ne
connaît vraiment. Ils sont donc en quête de légitimation aussi. Et, du moment où
cette fonction professionnelle prendra toute son ampleur et où les différents
intervenants reconnaîtront cette figure professionnelle comme les autres figures
professionnelles déjà connues, je pense que la moitié de l'information sera
acquise. Les gens savent que, s’ils reçoivent un coup de fil, du moment qu’ils en
ont entendu parler à la télé, dans les conférences, dans les associations, si
quelqu'un se présente comme gestionnaire de cas, cela correspond à quelque
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chose. Je pense qu’il y a un travail d'information du public à faire. Du moment où
l'information est diffusée, on sera en mesure de dire que l'information est plus
éclairée.
Fabrice GZIL.- Avez-vous une carte de visite, une carte professionnelle à
présenter quand vous allez dans les services ?
Dominique SOMME.- Il y a des sites qui ont des cartes du porteur, des sites qui
ont des cartes avec des logos MAIA, et des sites qui ont des cartes avec tous les
logos. La diversité existe, si l’on parle de cartes de visite. Il n'y a aucun site où il
y a des cartes professionnelles.
Patricia SILVESTRE.- Ce sont les informations que nous apportons qui font que
l'on nous reconnaît.
Elodie LYS.- Parfois, on est appelé par le médecin parce qu'il peut être en
difficulté par rapport à la personne, qui n'est pas forcément très informative.
Lorsque l’on conduit un patient aux urgences, au départ, ils ne veulent pas de
nous parce que nous ne sommes pas de la famille, ils finissent par faire appel à
nous parce qu'ils se rendent compte que cela peut leur faciliter le travail.
Perrine MALZAC.- C'est une légitimité qui se construit par l'utilité de votre
présence plus que quelque chose qui est reconnu a priori. Et vis-à-vis des autres
intervenants, qui sont déjà en place ?
Patricia SILVESTRE.- Souvent, quand on arrive sur une situation, des
personnes sont déjà « référentes », et beaucoup impliquées. Il nous faut
parvenir à négocier avec elles, reconnaître ce qu'elles font, et les rassurer sur
nos rôles respectifs. On est là pour aider et renforcer ce qui est déjà en place.
Frédéric BALARD.- Il me semble aussi que le gestionnaire de cas, pour gagner
en légitimité auprès de la personne âgée, va être presque obligé de sortir de son
cadre de légitimité professionnelle avec les partenaires. Il doit être légitime visà-vis de la personne âgée. Elle doit trouver qu'il sert à quelque chose, sinon la
confiance n'est pas établie et le plan d'aide ne pourra pas être mis en place.
Fabrice GZIL.- La légitimité peut s’entendre en deux sens. Premier sens : mon
interlocuteur me reconnaît-il comme légitime, me prend-il au sérieux, considèret-il que j’ai des choses à lui apporter ? Deuxième sens : suis-je légitime à agir
comme je le fais ? Suis-je dans mon rôle, ou suis-je en train d’outrepasser ce
rôle, suis-je par exemple dans une situation d’abus de pouvoir ? Même en
gardant à l’esprit que les gestionnaires de cas interviennent dans une MAIA,
cette deuxième série de questions se pose, me semble-t-il, et renvoie à l’autorité
des gestionnaires de cas. En d’autres termes, s’il est important de savoir
comment les gestionnaires de cas peuvent se faire reconnaître dans leur rôle, la
question de savoir quand ils sont légitimes à exercer leur autorité se pose
également.
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Dominique SOMME.- Pour revenir sur l'idée d’Elodie LYS, qui me semble
intéressante, la légitimité, c'était la possibilité d'être écouté. Et, de ce fait, il n'y
a pas de légitimité absolue. Au contraire, on pourrait toujours renforcer la
légitimité dans ce sens-là. En revanche, c'est le problème de l'autorité. Si on est
légitime à exercer une autorité, ce qui est dangereux, ce n’est pas la légitimité,
c’est l’autorité que l’on exerce.
Annagrazia ALTAVILLA.- Cela montre bien la double notion de légitimité :
légitimité donnée par les institutions et légitimité sur le plan personnel que l'on
acquiert. Ce qui montre à la fois la faiblesse de la légitimité donnée par les
institutions et la nécessité de garder et de nourrir cette relation singulière avec la
personne. Ce qui veut dire investir davantage sur la formation des gestionnaires
de cas. Formation en termes de communication relationnelle, formation en
termes de tout ce qui va autour : notions juridiques, notions sociales, notions de
la maladie, etc.
Olivier DUPONT.- Il faut que le système lui-même puisse être en capacité de
légitimer ceux qui vont devenir gestionnaires de cas dans l'avenir. C'est pour cela
que cela doit s’inscrire dans un dispositif intégré, qui a lui-même dû inscrire ces
fameux espaces de concertation où des gens sont impliqués stratégiquement,
sont co-responsables du dispositif, et disent qu’ils sont garants des gestionnaires
de cas.
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Responsabilité pour et avec les autres
Le gestionnaire de cas exerce une fonction à responsabilité. Sa position, à
l’interface de plusieurs champs professionnels et environnementaux comporte un
certain nombre de risques : risque de se substituer aux autres, risque d’accéder
à un pouvoir de décision abusif et risque d’être rendu responsable de tout
dysfonctionnement. L’élaboration d’une charte éthique pourrait contribuer à
limiter ces risques. Cette question de la responsabilité, assez peu abordée lors
des débats, demanderait à être approfondie.
Matthieu DESTAMPA.- C'est la question de ne pas abandonner. Jusqu'à
présent, lorsqu'une personne est en refus de soins ou d’aide, en général des
professionnels passent au domicile et, au bout d'un moment, se retirent. A la
différence, le gestionnaire de cas intervient sur le long terme, et il repassera
plusieurs fois. Il va essayer de convaincre. C'est une question qui me paraît
essentielle.
Frédéric BALARD.- Par ailleurs, dans cette section, on a parlé de responsabilité.
Les gestionnaires de cas se reconnaissent comme responsables de la personne et
de son devenir. Et cela va plus loin parce qu’il y a aussi la notion de culpabilité.
Par exemple : une gestionnaire de cas m'expliquait qu’une personne était dans
une situation de refus, elle refusait les auxiliaires de vie, tous les intervenants.
Petit à petit, la gestionnaire de cas a gagné la confiance de la personne, a réussi
à mettre en place des intervenants, dont une auxiliaire de vie qui venait faire le
ménage. La personne âgée s'est levée, elle a glissé, elle s’est cassé le col du
fémur, elle a été hospitalisée. La responsable désignée par la personne âgée,
c'est la gestionnaire de cas. « Pourquoi elle m'a fait venir cette auxiliaire de vie ?
C’est elle qui me l’a conseillée, alors que cette personne-là travaille mal, c'est à
cause d’elle que je me suis cassé le col du fémur, etc. » Même dans la fonction
de coordination du gestionnaire de cas, il peut y avoir une forte responsabilité,
qui est vécue du point de vue de la personne âgée.
Frédéric BALARD.- Mais, les gestionnaires de cas que j'ai rencontrés ont
souvent expliqué qu'ils se sentaient responsables de la personne, avec le
corollaire que, au bout d'un certain moment, dans l'évolution de la situation, ils
pouvaient se sentir aussi coupables. Lorsque la situation marche moins bien, la
personne âgée peut désigner le gestionnaire de cas comme le coupable de la
dégradation de la situation. Par exemple : une mise sous tutelle qui va être mise
en place, la personne âgée va peut-être se sentir flouée et désigner le
gestionnaire de cas comme la personne qui l’a volée, qui lui a retiré ses biens,
etc.
Michel PONCET.- Cela concerne la légitimité et la responsabilité. En gros, nous
sommes d'accord que le gestionnaire de cas est un peu le référent, il a des
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responsabilités vis-à-vis de la personne qu'il a accepté de prendre en gestion de
cas. La question que je me pose, c'est qu'il a des responsabilités de 8 heures du
matin à 5 heures de l'après-midi : après, quid de la nuit ? Dans une MAIA
donnée, les gestionnaires de cas se regroupent, pourquoi les gestionnaires de
cas ne pourraient pas organiser, au sein de ce groupe, un tour de garde ? Un
aidant (familial) responsable l’est 24h sur 24.
Valérie CERASE.- En même temps, je ne crois pas qu'il faille organiser un
système de garde. C'est important parce que ce n'est pas du sanitaire. Quand on
pense « urgence », on pense au sanitaire. Mais, nous ne sommes pas dans le
sanitaire. Il ne faudrait pas que l'on croit que l'on va établir un système de
garde. Ce serait une espèce de semi urgence ; cela ne voudrait pas dire grandchose.
Michel PONCET.- C'est pour éviter le sanitaire, justement, la sur utilisation des
urgences, des hospitalisations. Beaucoup de problèmes se posent la nuit. Vous
savez très bien que les urgentistes reçoivent, la nuit, plein de patients âgés
parce qu’ils sont tombés.
Elodie LYS.- Nous avons toutes été confrontées à accompagner aux urgences
médicales, et à attendre de voir comment s’organise la suite. Quand les gens
sont seuls, on a beau dire à l'hôpital qu'ils ne peuvent pas rentrer chez eux, de
nous prévenir pour voir comment on s'organise parce qu'on a des choses à
mettre en place, on reste parce qu'il n'y a pas de référent familial. Ce n'est ni le
médecin traitant ni l'infirmière ni l'assistante sociale qui va organiser la suite du
retour. Les urgences, c'est souvent une entrée et une sortie. La sortie peut être
très tard. On ne reste pas jusqu'à la sortie parce que nous savons nous
organiser, mais on peut rester au-delà des heures ouvrables.
Perrine MALZAC.- Une autre question que je me pose : comment être sûr de ne
pas marcher sur les plates-bandes des autres métiers avec lesquels on travaille ?
Comment être sûr que l'action qu'un gestionnaire de cas fait n'est pas l'action
qu'aurait pu faire une assistante sociale ou qui fait partie des rôles de l'assistante
sociale, par exemple ?
Matthieu DESTAMPA.- Il faut que le gestionnaire de cas apprenne à se
détacher du « faire » et il faut qu'il aille vers le « faire faire ». Une assistante
sociale gestionnaire de cas, il faut qu'elle apprenne à déléguer à une autre
assistante sociale la tâche d'assistante sociale. C'est souvent dans ce cas-là que
c'est plus compliqué.
Annagrazia ALTAVILLA.- Il serait intéressant et important d'établir une charte,
un code qui puisse être, pour moi, en tant que patient, mon point de référence.
C'est-à-dire : ce gestionnaire de cas a ces pouvoirs, a ces droits et ces devoirs.
Cela me permet de choisir plus librement de faire la démarche auprès de vous,
au moins.
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Eléments de réflexion en santé publique et
économie de la santé
L’objectif de la gestion de cas est l’amélioration de la qualité des parcours de
soins, avec en arrière plan une dimension de maîtrise des coûts. Cela pourrait
créer une tension entre l’intérêt de la personne et l’intérêt collectif qui oblige à
une certaine vigilance.
L’inégalité d’accès à la gestion de cas a double dimension : une dimension
géographique qui devrait progressivement s’effacer par sa généralisation et une
dimension qualitative nécessitant une formation initiale homogène et un souci de
formation continue.
Perrine MALZAC.- J'ai été frappée, à la lecture en particulier du mémoire de
Aline CORVOL et de ce qui s'est dit aujourd'hui, de cette dimension d’économie
de la santé, que je n'avais pas du tout appréhendée au départ. On pourrait dire
que le recours à un gestionnaire de cas pourrait avoir comme objectif secondaire,
voire primaire pour certains, de faire en sorte que les coûts consacrés à une
personne atteinte de la maladie d'Alzheimer soient diminués. Ce qui peut, me
semble-t-il, poser un souci, dans la pratique, aux gestionnaires de cas si, dans
leurs missions, cette objectif de meilleure gestion des biens de santé d'une part,
et de diminution des coûts globaux de prise en charge d’autre part, devait
interférer.
Dominique SOMME.- La relation du gestionnaire de cas aux assurances est un
élément assez capital des lignes de fragmentation en Europe. Quand le
gestionnaire de cas est employé par une compagnie d'assurances, il a pour
mission, souvent, d'organiser au mieux le maintien à domicile pour la personne,
bien sûr avec des objectifs de qualité aussi, mais avec l'arrière-pensée que c'est
quand même la compagnie d'assurances qui le paie et qui se paie de ce salaire
sur les économies que le gestionnaire de cas lui fait faire.
Dominique SOMME.- La question des coûts est toujours sous-jacente,
notamment très clairement autour des coûts de la non qualité. Si on se dit qu'il y
a une question autour des personnes en situation complexe, c'est parce que,
quand on fait l'analyse de leur trajectoire, on se dit qu'elle est suboptimale pour
elle et qu’en plus, elle entraîne des coûts qui ne sont pas justifiés par les
résultats pour la personne.
Matthieu DESTAMPA.- Il est vrai que la question de l'intégration, c’est aussi
éviter la redondance des évaluations, tout simplement. Si jamais, un
gestionnaire de cas est le référent de la situation, et va faire l'évaluation en
s'appuyant sur les professionnels, cela va éviter que x professionnels soient
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contactés pendant les mois avant ou après, on va aussi pouvoir transférer ce
temps de ces professionnels vers d'autres tâches. La question de coût est
forcément sous-jacente à l'intégration.
Michel PONCET.- Vous aviez écrit un article, en 2009, et il me semble que vous
écriviez qu'il avait été à peu près démontré, à travers l'étude d'une méta-analyse
de tout ce qui a été fait sur la gestion de cas, que cela n'entraînait pas de
surcoût.
Dominique SOMME.- Mais, quand on regarde de façon globale ces études, c'est
cela : il y a un investissement, l'intégration coûte avant de rapporter - c'est une
loi un peu générale. Il y a un moment où il faut investir. Mais, quand on a des
études qui ont suffisamment d'horizon temporel, généralement c’est 3 ou 4 ans,
de façon globale, les coûts d’investissement et les coûts globaux, liés au fait que
l’on a investi, s'équilibrent.
Michel PONCET.- Se lancer dans une action qui serait bénéfique aux personnes
âgées démentes mais qui aurait des conséquences négatives sur le système de
santé des autres, serait une catastrophe.
Fabrice GZIL.- Je suis d'accord avec Michel PONCET quand il dit qu'améliorer
l'efficience des dépenses de santé peut être un objectif éthique, parce qu’une
meilleure gestion des dépenses de santé améliorera le bien-être de l’ensemble de
la population. C'est d'ailleurs une obligation à laquelle sont tenus tous les
professionnels de santé : ils doivent se préoccuper à la fois de l'individu et la
population.
Les gestionnaires de cas doivent-ils privilégier l’intérêt de la personne ou avoir
pour objectif premier de réduire les coûts de santé ?
Perrine MALZAC.- Pour vous, par rapport à votre responsabilité morale vis-àvis de la personne, si vous devez intégrer en plus une responsabilité morale visà-vis de la société, cela peut être conflictuel.
Perrine MALZAC.- Que cela aboutisse à une économie, certainement. Mais estce un critère de jugement dans vos actions ?
Patricia SILVESTRE.- Le critère principal, je pense que c'est la personne en
elle-même, c'est essayer d’améliorer sa situation, avant les critères
économiques. Après, on se dit que si elle est moins hospitalisée, si les choses
sont en place, il y a forcément un retentissement économique. Mais, en première
intention, je ne peux pas dire que, lorsque je fais un plan de suivi individualisé,
je fais une addition à côté.
Aline CORVOL.- Les choses pourraient évoluer vers plus de pression financière
sur les gestionnaires de cas. Et est-ce que ces questions d'équilibre entre
respecter les choix de la personne et mettre en place la meilleure organisation
possible et les contraintes de coût ne vont pas se poser dans l'avenir ?
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Fabrice GZIL.- Il n'y a pas que les assurances qui ont intérêt à réduire les
coûts de santé ; cette préoccupation est aussi celle des pouvoirs publics ;
d’ailleurs, nous avons tous intérêt à ce que le système soit plus efficient. Du
coup, comme personne ne saurait avoir deux maîtres, je me demande ce que les
employeurs des gestionnaires de cas attendent, et ce que les gestionnaires de
cas font, quand il y a manifestement une contradiction entre le fait d’assurer à la
personne des aides et des soins optimaux, et le fait de rationaliser les dépenses
de santé.
Perrine MALZAC.- Je reviens sur la question de la complexité, détermination
de la notion de complexité, et justice ou injustice. Est-ce que l’on peut considérer
que faire appel à un gestionnaire de cas pour un patient lui donne un avantage
par rapport à d'autres ? Cela pose une question de répartition de ce « plus » sur
l'ensemble des patients.
Mathieu CECCALDI.- Ce qui m'interpelle le plus, c'est par rapport à l'équité en
termes territorial. Pour moi, c'est la question la plus sensible. Maintenant que
l'on a inventé cela, il va falloir que l'ensemble des citoyens de ce pays, si cela se
décline de manière plus large, en bénéficie. Je suis très inquiet. Je pense que
personne ne peut répondre là-dessus.
Le principe d'équité n'est pas qu'un principe éthique, c'est aussi un principe
fondateur de la loi Hôpital Patient Santé Territoires. On nous dit qu'il faut que
tout soit accessible de la même manière partout. Si ma mère a un Alzheimer, un
cas complexe, dans la rue qui est dans le 5ème, à 20 mètres on passe dans le
4ème, et que l'on me réponde : la MAIA, c'est le 4ème, et pas le 5ème, je serai
amené à m'interroger en termes de citoyen. Pourquoi ma mère, qui est
citoyenne, est-elle traitée différemment ?
Olivier DUPONT.- Je suis particulièrement heureux d'entendre ce message : on
a quelque chose qui marche quelque part, pourquoi est-ce que ce n'est pas
partout ? Pour autant, je pense qu'il faut s'inscrire dans le temps, mais qu’il ne
faut pas non plus s'inscrire n'importe comment dans le temps parce que vous
avez bien conscience tous aujourd'hui que c'est une mécanique assez complexe,
malgré tout. Huit expériences étrangères sur dix ne se sont jamais soldées par
autre chose qu'un arrêt.
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La gestion de cas : une fonction innovante…
Tout au long des débats, certaines caractéristiques particulièrement innovantes
de la gestion de cas ont été soulignées. Ce constat nous incite à envisager de
poursuivre la réflexion avec les différents protagonistes, directement impliqués.
Michel PONCET : En schématisant, je crois que l'on peut dire que l'objectif
général de la gestion de cas est d'améliorer la qualité de la prise en charge des
patients, et la qualité de vie des patients et des aidants. On pourrait résumer
l'objectif comme suit : rendre une situation sanitaire, médicosociale, sociale,
psychologique complexe, difficile à gérer par les aidants, en une situation vécue
comme plus simple et plus éthiquement acceptable par le malade, son aidant
familial principal et son ou ses aidant(s) professionnel(s). Je crois que le
gestionnaire de cas vise à l'autonomie et à l'intégration du patient Alzheimer.
Matthieu DESTAMPA.- D'autre part, dans des situations qui sont un peu
compliquées, où le gestionnaire de cas a du mal à rentrer au domicile, des
situations dites de refus, pouvoir informer, d'être là dans le non abandon,
pouvoir dire que le gestionnaire de cas s'inscrit dans cette dimension de temps,
est important par rapport à l'entourage professionnel.
Matthieu DESTAMPA.- Par rapport à la notion d'équipe, on voit bien que le
domicile, c'est très compliqué. Ce sont des situations particulières, en général qui
sont dites complexes, avec une fragmentation avec les intervenants sur des
domiciles, qui ne sont en général pas évidentes. Il est vrai que, lorsque l’on
interroge les différents intervenants autour de la personne, avant l'arrivée du
gestionnaire de cas, souvent c'étaient des gens qui se trouvaient seuls et qui
n'arrivaient pas à faire le lien avec tout le monde. L'arrivée du gestionnaire de
cas permet de créer ce lien. D’autre part, par rapport à l'équipe, le gestionnaire
de cas ne décide pas, il n'arrive pas avec une solution toute faite. C'est comme
un accoucheur qui est là pour faire en sorte que l'ensemble des intervenants codécide avec la personne de vers quoi on s'oriente.
Dominique SOMME.- La question de la cible est extrêmement importante
puisque le mot « complexe » ne veut rien dire en soi. On a besoin de définir
quelle est la bonne cible parce que la gestion de cas n’a pas vocation à être la
réponse aux angoisses des partenaires par rapport au fait que quelqu'un serait
isolé, à un moment donné. Sinon, on va se retrouver avec l'impossibilité de se
dire : on ne va pas faire de la gestion de cas juste parce que les gens sont un
peu isolés à un moment donné. Il y a des questions de critères : qu'est-ce que
l'on appelle la complexité ? Sinon, tout le monde va dire : c'est déjà mon métier,
est-ce qu’il y a besoin d'un gestionnaire de cas ?
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Matthieu DESTAMPA.- Le gestionnaire de cas va se trouver avec un nombre
d'informations qui va dépasser son champ de compétences du départ, A l'issue
de cette évaluation globale, il doit
arriver à synthétiser, à prioriser, à
problématiser en lien avec les autres professionnels pour arriver à bien
comprendre ce qui se passe. S’il n’y a pas ces échanges avec le médecin,
l'infirmière et l'auxiliaire de vie, le gestionnaire de cas va être très vite limité
pour faire son plan de service et le suivi de la situation.
Federico PALERMITI.- Je m'interroge sur la fonction et le métier. On donne
cette fonction à des professionnels de milieux professionnels complètement
variés, avec un statut complètement varié, avec des droits d'accès à des
informations complètement variées et avec des pouvoirs complètement variés.
Jean-Philippe FLOUZAT.- Pour l'instant, le gestionnaire de cas n'est pas une
profession. Chaque professionnel reste assistante sociale, infirmier... C'est une
fonction qui est exercée par des professionnels issus de différents métiers. Ce
n'est pas une profession spécifique, pour le moment.
Corinne TICHIT.- On se pose aussi la question de l'articulation entre le médical
et le social. Le gestionnaire de cas est vraiment le symbole de cette communauté
médicale et sociale.
Valérie CERASE.- Ce qui est intéressant dans cette fonction, qui peut-être un
jour sera un métier, c'est qu’elle aide les personnes à exercer leur autonomie.
Au-delà de tout ce que l'on a pu dire, c’est : j’aide la personne à exister en tant
qu’individu autonome. Cela leur donne un pouvoir, certes. Mais, avant, il faut
aussi avoir un certain nombre de compétences pour pouvoir accéder à cela. Je
fais exister l'autonomie qui reste. Cela lui donne une légitimité au regard des
autres professionnels, des personnes elles-mêmes et de leurs familles. Enfin, ils
les aident à reprendre un peu un certain pouvoir sur eux-mêmes et sur ce qui les
entoure.
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Liste des participants au workshop.
Les noms grisés sont membres du comité d’organisation du workshop.
* : Membres du comité de pilotage de l’Espace éthique Alzheimer
NOM
Annagrazia ALTAVILLA
Aline ARGAUD
Fréderic BALARD
Nicole BARISONE-CECCALDI
FONCTIONS
Avocate, consultante à l’Agence Européenne des Médicaments, MCU associée
de l’Espace Ethique Méditerranéen
Gestionnaire de cas MAIA13
Anthropologue
Avocat au barreau de Marseille
Anne CARON-DEGLISE
Conseiller à la Cour d'appel de Paris, en charge de la protection des majeurs.
Membre du conseil scientifique de la CNSA.
Valérie CERASE*
Médecin de santé publique, gériatre, directeur de l’Institut de la Maladie
d’Alzheimer, pilote de la MAIA 13, Marseille
Mathieu CECCALDI*
Chef du Service de Neurologie et de Neuropsychologie, Pôle de Neurosciences
Cliniques, Coordinateur du CMRR Alzheimer PACA Ouest. CHU Timone,
Marseille
Responsable local de l’enseignement DIU Gestionnaires de cas
Aline CORVOL
Marie-Odile DESANA*
Matthieu DESTAMPA
Doctorante en éthique médicale, Gériatre, HEGP, Paris
Présidente France Alzheimer
Gériatre, chercheur en Santé Publique, Assistance Publique Hôpitaux de Paris,
Hôpital Ste Perrine.
Expert auprès de l'équipe pilote nationale de la mesure 4
Olivier DUPONT
Jean Philippe FLOUZAT
Fabrice GZIL*
Jean Marc HENRY
Perrine MALZAC*
Gériatre. Pilote de la mesure 4 du plan Alzheimer
Direction Générale de la Cohésion Sociale. Pilote de la mesure 5 du plan
Alzheimer
Responsable du Pôle «Etudes et recherche. Fondation Médéric Alzheimer
Psychiatrie
Département de Génétique Médicale, Espace Ethique Méditerranéen, Hôpital
Timone. AP-HM
Catherine MOLINES
Gériatre. Unité court séjour gériatrique, CGD, Marseille
Catherine PERISSET
Equipe pilote nationale de la mesure 4, Expert en intégration des services
P. 20
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Michel PONCET*
Neuropsychiatre
Joelle REVOCAT
Médecin généraliste
Françoise ROUSSET
Mandataire de Justice à la protection des majeurs
Patricia SILVESTRE
Gestionnaire de cas MAIA13
Dominique SOMME
Médecin Gériatre, chercheur en Santé Publique. Hôpital Européen Georges
Pompidou. Expert auprès de l'équipe pilote nationale de la mesure 4.
Responsable national du DIU « gestion de cas »
Corinne TICHIT
Responsable technique des AS APA. Direction PA-PH. Conseil Général 13
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