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Cy Twombly par Isabelle de Maison Rouge
Construite autour de trois grands cycles : Nine Discourses on Commodus (1963), Fifty Days at Iliam (1978) et Coronation
of Sesostris (2000), cette rétrospective retrace l’ensemble de la carrière de l’artiste à travers un parcours chronologique de
cent quarante peintures, sculptures, dessins et photographies permettant d’appréhender toute la richesse d’un oeuvre, à
la fois savant et sensuel.
Né en 1928 à Lexington, Virginie, Cy Twombly est décédé en 2011, à l’âge de quatre-vingt-trois ans, à Rome où il a
passé une grande partie de sa vie. Unanimement salué comme l’un des plus grands peintres de la seconde moitié du 20e
siècle, Twombly qui, depuis la fin des années 1950, partageait sa vie entre l’Italie et les États-Unis, « syncrétise »
l’héritage de l’expressionisme abstrait américain et les origines de la culture méditerranéenne. De ses premiers travaux du
début des années 1950, marqués par les arts dits primitifs, le graffiti et l’écriture, jusqu’à ses dernières peintures aux
couleurs exubérantes, en passant par ses compositions très charnelles du début des années 1960 et sa réponse à l’art
minimal et conceptuel dans les années 1970, cette rétrospective souligne l’importance que Cy Twombly accorde aux
cycles et aux séries
dans lesquels il réinvente la grande peinture d’Histoire. L’exposition est aussi l’occasion de rendre sensible la relation
forte entretenue par l’artiste avec Paris.
Depuis ses débuts au Black Mountain College, en Caroline du Nord, Cy Twombly n’a cessé de pratiquer la photographie.
Formé auprès de la photographe américaine Hazel-Frieda Larsen, il réalise dès 1951 une série de natures mortes,
capturant bouteilles et pots, qui évoquent le souvenir des oeuvres du peintre italien Giorgio Morandi. Au Maroc en 1953,
lors de son premier voyage outre-Atlantique, il scrute attentivement les chaises, les plis des nappes d’un restaurant de
Tétouan. Mais c’est plus tard, lorsqu’il découvre le format carré du Polaroïd qu’il développe sa propre identité
photographique. Reflets du goût de Cy Twombly pour le flou, les couleurs pastel ou parfois saturées et stridentes, les
agrandissements tirés à sec évoquent un monde d’images contemplatif. Ces photographies rappellent les lieux où il
vécut, son goût pour la sculpture, les fleurs et les végétaux. Lorsqu’un ami lui apporte cédrats, mains de Bouddha et
autres fruits de la famille des citrons, il accentue leur côté sculptural et sensuel dans des séries de polaroïds. Loin des
conventions photographiques de l’époque, il fait naître par l’image des « poèmes succincts et discrets »
Les années 1950 témoignent de la maturité précoce de Cy Twombly, jeune peintre originaire de Lexington, dans le sud
des États-Unis. À peine sorti du Black Mountain College, université libre expérimentale de Caroline du Nord, où il côtoie
l’avant-garde américaine, il s’embarque, à 24 ans, pour l’Europe et l’Afrique du Nord en compagnie de Robert
Rauschenberg. À son retour à New York à la fin du printemps 1953, il réalise ses premières oeuvres d’envergure, dont la
sonorité des titres évoque des villages et sites archéologiques marocains. Naissent ensuite les toiles blanches couvertes
d’écritures – Cy Twombly n’affectionnait pas le terme « graffiti » dont la critique les affuble. Le chef-d’œuvre de la
décennie est sans conteste la série de peintures blanches réalisées en 1959 à Lexington, que Leo Castelli refuse pourtant
d’exposer. L’économie de moyens est poussée à l’extrême, en un mélange de peinture industrielle blanche et de mine de
plomb. L’austérité du langage pictural en fait des oeuvres d’exception.
Au cours de l’été 1957, Cy Twombly retourne en Italie pour rendre visite à son amie Betty Stokes ; l’épouse de
l’aristocrate vénitien Alvise Di Robilant vient de donner naissance à leur premier enfant. Le couple habite alors
Grottaferrata, où Cy Twombly photographie Betty à plusieurs reprises. Lors de ce séjour, il réalise notamment une suite
de huit dessins à la craie de couleur, dont il lui fait cadeau. L’un d’eux fut malheureusement extrait de l’ensemble qui ne
compte plus actuellement que sept dessins. Leur écriture nerveuse et leurs couleurs vives en font des oeuvres
d’exception.
Après son mariage avec l’aristocrate italienne Luisa Tatiana Franchetti, célébré à New York le 20 avril 1959, Cy Twombly
s’installe à Rome, dans un palais situé via di Monserrato, quartier d’intellectuels. Le couple fait de cette demeure sa
résidence principale. À cette époque, Twombly vient d’abandonner la peinture industrielle, fluide et visqueuse, au profit
de la peinture à l’huile en tube, aux propriétés opposées. Entre 1960 et 1962, il réalise quelques-unes de ses peintures les
plus charnelles. Empire of Flora en est un exemple éloquent. Des fragments de corps épars, féminins comme masculins,
parsèment les toiles qui semblent conserver la mémoire sensuelle des chaudes nuits romaines.
Fin 1963, alors que John F. Kennedy est assassiné à Dallas, Cy Twombly consacre un cycle de neuf peintures à
l’empereur romain Commode (161-192), décrit comme cruel et sanguinaire. L’artiste traduit le climat de violence du
règne de l’héritier de Marc Aurèle, marqué par la terreur et les exécutions. Exposé à la galerie Leo Castelli à New York au
printemps 1964, le cycle reçoit un accueil extrêmement défavorable de la part de la critique. Le public new-yorkais, qui
s’enthousiasme alors pour le minimalisme naissant, comprend mal le génie pictural de Cy Twombly et sa capacité à
transcrire sur la toile les phases psychologiques complexes qui marquèrent la vie et la mort de l’empereur romain. À
l’issue de l’exposition, Cy Twombly récupère les oeuvres du cycle « Commodus » qui fut vendu à un industriel italien,
puis acquis en 2007 par le musée Guggenheim de Bilbao.
Après avoir réalisé une série de peintures placées sous le signe d’Éros à l’aube des années 1960, Twombly se tourne dès