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Tech PORC Mars - Avril 2013 - n° 10
A : E. coli résistant à 13 antibiotiques sur les 16 testés
B : E. coli ne présentant pas de résistance aux 16 antibiotiques testés
Santé animale
A
B
Les antibiotiques sont primordiaux pour
soigner l’Homme ou l’animal lorsquil subit
une infection bactérienne. La découverte
(1929) du premier antibiotique (la pénicil-
line) a été une révolution médicale : la pos-
sibilité d’attaquer spéciquement les bac-
téries sans que l’arme ne soit dangereuse
pour l’individu. Mais le monde bacrien
a me sa contre-révolution en élaborant
des stratégies de défense. Les années pas-
sant, la contre-oensive bactérienne est
devenue critique car l’antibiorésistance
s’est propagée et la découverte d’antibioti-
ques réellement nouveaux sest raréée.
Actions (des antibiotiques)
et réactions (des bactéries)
Les molécules antibiotiques sont regrou-
pées en familles en fonction de leur
structure chimique et de leur mode d’ac-
tion sur les bactéries. Le constituant bac-
térien visé par le plus grand nombre de
familles d’antibiotiques est le ribosome,
qui est le lieu de fabrication des protéi-
nes au sein de la bactérie. En se xant
sur ce ribosome, les antibiotiques empê-
chent la production de protéines, ce qui
entraînera la mort bactérienne. C’est ainsi
qu’agissent par exemple les aminosides
(ex. gentamicine, néomycine), les tétra-
cyclines, les macrolides (ex. tylosine) et
les phénicolés (ex. orfénicol). Les sulfa-
mides et le triméthoprime vont, quant
à eux, inhiber la synthèse des acides
Le porc, comme tous les autres animaux et l’Homme, est soumis à une pression infectieuse
microbienne. Les bactéries occupent une place essentielle dans ces infections, d’autant
plus quelles peuvent se défendre contre les médicaments destinés à les détruire : les
antibiotiques.
L’antibiorésistance en élevage porcin
Bactérie - cibles cellulaires des antibiotiques
inhibition
altération
Action :
Bactérie - cibles cellulaires des antibiotiques
inhibition
altération
Action :
duplication
du chromosome
Quinolones
Fluoroquinolones
synthèse du
peptidoglycane
(absent chez les Tenericutes
dont mycoplasmes)
membrane externe
(bactéries à Gram négatif)
membrane
cytoplasmique
Bêta-lactamines
cytoplasme :
synthèse acides nucléiques
Sulfamides
Triméthoprime
ribosomes :
synthèse protéique
Aminosides
Tétracyclines
Macrolides et apparentés
Phénicolés
Polymyxines
(ex. colistine)
duplication
du chromosome
Quinolones
Fluoroquinolones
synthèse du
peptidoglycane
(absent chez les Tenericutes
dont mycoplasmes)
membrane externe
(bactéries à Gram négatif)
membrane
cytoplasmique
Bêta-lactamines
cytoplasme :
synthèse acides nucléiques
Sulfamides
Triméthoprime
ribosomes :
synthèse protéique
Aminosides
Tétracyclines
Macrolides et apparentés
Phénicolés
Polymyxines
(ex. colistine)
A : E. coli résistant à 13 antibiotiques sur les 16 testés
B : E. coli ne présentant pas de résistance aux 16 antibiotiques testés
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Santé animale
nucléiques également nécessaires, entre
autres, à la fabrication des protéines. Les
antibiotiques des familles des quino-
lones (ex. acide oxolinique) et
des uoroquinolones (ex. enro-
oxacine, marbooxacine) vont
empêcher la duplication du
chromosome et stopper ainsi le
développement bactérien. Une
autre cible possible des anti-
biotiques est la structure qui entoure la
bactérie et qui maintient son intégrité : la
membrane cytoplasmique associée (sauf
chez les mycoplasmes) à une paroi. Cette
dernière est le lieu d’action des bêta-lac-
tamines (ex. pénicilline, amoxicilline, cef-
tiofur, cefquinome) qui vont empêcher
sa synthèse. Les polymyxines (ex. colis-
tine) vont également agir à ce niveau en
détruisant cette structure.
Les bactéries peuvent réagir (ou résis-
ter) aux actions de ces antibiotiques.
Cette résistance peut être naturelle ou
acquise. La résistance naturelle est due
à une caractéristique appartenant à la
dénition même d’un type de bactérie.
Par exemple, les mycoplasmes sont des
bactéries sans paroi et sont donc de fait
résistantes aux bêta-lactamines. La résis-
tance acquise correspond à une bactérie
initialement sensible à un antibiotique
donné, mais qui devient résistante à
ce même antibiotique dans un second
temps. Cela peut se faire par acquisition
de gènes provenant d’autres bactéries
environnantes, ou suite à des mutations
spontanées dans ses propres gènes. Ces
modications génétiques vont permet-
tre à la bactérie de contrer l’action des
antibiotique et de survivre :
dégradation de l’antibiotique,
modication de la cible bac-
térienne qui n’est alors plus
reconnue par l’antibiotique,
protection de la cible vis-à-vis
de l’antibiotique, imperméabi-
lité de la bactérie à l’antibiotique, expul-
sion de l’antibiotique vers l’extérieur de la
bactérie.
Cette résistance acquise aux antibioti-
ques peut être détectée dans un labora-
toire d’analyses vétérinaires grâce, entre
autres, à l’antibiogramme par diusion
en milieu gélosé.
La surveillance de
l’antibiorésistance : un
dispositif essentiel
En France, la surveillance de l’antibioré-
sistance des bactéries pathogènes pour
les animaux est assurée par le Résapath
qui collige les résultats d’antibiogram-
mes des laboratoires d’analyses vétéri-
naires adhérant à ce réseau.
Entre 2003 et 2011, 21439 antibiogram-
mes relatifs aux porcs ont été enregistrés
par l’Anses. Ils ont été réalisés pour des
bactéries isolées en élevage porcin au
cours dinfections. Ils ont été transmis
par 49 laboratoires, dont dix qui repré-
sentaient 94 % des don-nées. Toutes
pathologies confondues, la majorité des
antibiogrammes (81 %) concernait Esche-
richia coli (E. coli : 59 %), suivis par Strep-
tococcus suis (9 %), Pasteurella multocida
(7 %) et Actinobacillus pleuropneumoniae
(6 %).
L’analyse de l’évolution de l’antibioré-
sistance de E. coli a été réalisée pour les
antibiotiques les plus fréquemment tes-
tés (gure 1).
Entre 2003 et 2010, les analyses statisti-
ques ont mis en évidence une diminu-
tion de la proportion des E. coli sensibles
à l’ensemble de ces antibiotiques, à l’ex-
ception de la tétracycline et de l’associa-
tion triméthoprime-sulfamide.
Néanmoins, les données 2011 indiquent
un début d’inversion de tendance pour
une majorité des antibiotiques étudiés.
Ce phé-nomène reste à être conrmé par
les données 2012. Il devrait être conforté
par l’action conjointe de l’ensemble des
acteurs inter-venant dans la santé ani-
male autour du plan «EcoAntibio2017»
mis en place par la Direction Générale de
l’Alimentation et dédié à la préservation
de l’activité des antibiotiques en méde-
cine vétérinaire.
L’avenir de l’antibiothérapie chez les ani-
maux de rente passe par une utilisation
raisonnée et pertinente des antibioti-
ques associée à une maîtrise globale des
conditions zootechniques et de biosécu-
rité des élevages. C’est lensemble de ces
conditions qui contribuera à la gestion
optimale de la santé animale et du coût
des traitements médicamenteux tout en
minimisant les risques de transfert de
l’antibiorésistance à l’Homme.
Eric JOUY1, Claire CHAUVIN1, Jean-Yves
MADEC2 et Isabelle KEMPF1
Anses - Laboratoire de
Ploufragan/Plouzané1 et Lyon2
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
02003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 20112010
Ceftiofur
Gentamicine
Enrooxacine
Ac. oxolinique
Amoxicilline
Trim. + Sulf
Tétracycline
Néomycine
Pourcentage de E. Coli sensibles
Figure 1 : Pourcentages des Escherichia coli sensibles aux antibiotiques
les plus fréquemment testés
“Les bactéries
peuvent réagir
(ou résister).
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