L`antibiorésistance en élevage porcin

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Santé animale
A
B
Bactérie - cibles cellulaires des antibiotiques
Action :
altération
Quinolones
Fluoroquinolones
inhibition
Aminosides
Tétracyclines
Macrolides et apparentés
Phénicolés
Sulfamides
Triméthoprime
Bêta-lactamines
duplication
du chromosome
synthèse du
peptidoglycane
(absent chez les Tenericutes
dont mycoplasmes)
ribosomes :
synthèse protéique
membrane externe
cytoplasme :
synthèse acides nucléiques
(bactéries à Gram négatif)
Polymyxines
(ex. colistine)
membrane
cytoplasmique
A : E. coli résistant à 13 antibiotiques sur les 16 testés
B : E. coli ne présentant pas de résistance aux 16 antibiotiques testés
L’antibiorésistance en élevage porcin
Le porc, comme tous les autres animaux et l’Homme, est soumis à une pression infectieuse
microbienne. Les bactéries occupent une place essentielle dans ces infections, d’autant
plus qu’elles peuvent se défendre contre les médicaments destinés à les détruire : les
antibiotiques.
Les antibiotiques sont primordiaux pour
soigner l’Homme ou l’animal lorsqu’il subit
une infection bactérienne. La découverte
(1929) du premier antibiotique (la pénicilline) a été une révolution médicale : la possibilité d’attaquer spécifiquement les bactéries sans que l’arme ne soit dangereuse
pour l’individu. Mais le monde bactérien
a mené sa contre-révolution en élaborant
des stratégies de défense. Les années passant, la contre-offensive bactérienne est
devenue critique car l’antibiorésistance
s’est propagée et la découverte d’antibiotiques réellement nouveaux s’est raréfiée.
nes au sein de la bactérie. En se fixant
sur ce ribosome, les antibiotiques empêchent la production de protéines, ce qui
entraînera la mort bactérienne. C’est ainsi
qu’agissent par exemple les aminosides
Bactérie - cibles cellulaires des antibiotiques
Quinolones
Fluoroquinolones
Tech Porc
duplication
du chromosome
Bêta-lactamines
synthèse du
peptidoglycane
(absent chez les Tenericutes
dont mycoplasmes)
Action :
altération
inhibition
Actions (des antibiotiques)
et réactions (des bactéries)
Les molécules antibiotiques sont regroupées en familles en fonction de leur
structure chimique et de leur mode d’action sur les bactéries. Le constituant bactérien visé par le plus grand nombre de
familles d’antibiotiques est le ribosome,
qui est le lieu de fabrication des protéi-
(ex. gentamicine, néomycine), les tétracyclines, les macrolides (ex. tylosine) et
les phénicolés (ex. florfénicol). Les sulfamides et le triméthoprime vont, quant
à eux, inhiber la synthèse des acides
membrane externe
(bactéries à Gram négatif)
membrane
cytoplasmique
ribosomes :
synthèse protéique
Mars - Avril 2013 - n° 10
cytoplasme :
Aminosides
synthèse acides nucléiques
Tétracyclines
Macrolides et apparentés
Phénicolés
Polymyxines
(ex. colistine)
Sulfamides
Triméthoprime
Santé animale
spontanées dans ses propres gènes. Ces
nucléiques également nécessaires, entre
modifications génétiques vont permetautres, à la fabrication des protéines. Les
tre à la bactérie de contrer l’action des
antibiotiques des familles des quinoantibiotique et de survivre :
lones (ex. acide oxolinique) et
dégradation de l’antibiotique,
des fluoroquinolones (ex. enrofloxacine, marbofloxacine) vont
“Les bactéries modification de la cible bacempêcher la duplication du
peuvent réagir térienne qui n’est alors plus
reconnue par l’antibiotique,
chromosome et stopper ainsi le
(ou résister).“
protection de la cible vis-à-vis
développement bactérien. Une
de l’antibiotique, imperméabiautre cible possible des antilité de la bactérie à l’antibiotique, expulbiotiques est la structure qui entoure la
sion de l’antibiotique vers l’extérieur de la
bactérie et qui maintient son intégrité : la
bactérie.
membrane cytoplasmique associée (sauf
chez les mycoplasmes) à une paroi. Cette
Cette résistance acquise aux antibiotidernière est le lieu d’action des bêta-lacques peut être détectée dans un laboratamines (ex. pénicilline, amoxicilline, ceftoire d’analyses vétérinaires grâce, entre
tiofur, cefquinome) qui vont empêcher
autres, à l’antibiogramme par diffusion
sa synthèse. Les polymyxines (ex. colisen milieu gélosé.
tine) vont également agir à ce niveau en
détruisant cette structure.
Les bactéries peuvent réagir (ou résister) aux actions de ces antibiotiques.
Cette résistance peut être naturelle ou
acquise. La résistance naturelle est due
à une caractéristique appartenant à la
définition même d’un type de bactérie.
Par exemple, les mycoplasmes sont des
bactéries sans paroi et sont donc de fait
résistantes aux bêta-lactamines. La résistance acquise correspond à une bactérie
initialement sensible à un antibiotique
donné, mais qui devient résistante à
ce même antibiotique dans un second
temps. Cela peut se faire par acquisition
de gènes provenant d’autres bactéries
environnantes, ou suite à des mutations
La surveillance de
l’antibiorésistance : un
dispositif essentiel
En France, la surveillance de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes pour
les animaux est assurée par le Résapath
qui collige les résultats d’antibiogrammes des laboratoires d’analyses vétérinaires adhérant à ce réseau.
Entre 2003 et 2011, 21439 antibiogrammes relatifs aux porcs ont été enregistrés
par l’Anses. Ils ont été réalisés pour des
bactéries isolées en élevage porcin au
cours d’infections. Ils ont été transmis
par 49 laboratoires, dont dix qui repré-
Figure 1 : Pourcentages des Escherichia coli sensibles aux antibiotiques
les plus fréquemment testés
Pourcentage de E. Coli sensibles
100
90
Ceftiofur
80
70
Gentamicine
60
Enrofloxacine
50
Néomycine
40
Ac. oxolinique
30
Amoxicilline
20
Trim. + Sulf
10
Tétracycline
0
2003 2004 2005 2006 2007 2008
2009
2010
sentaient 94 % des don-nées. Toutes
pathologies confondues, la majorité des
antibiogrammes (81 %) concernait Escherichia coli (E. coli : 59 %), suivis par Streptococcus suis (9 %), Pasteurella multocida
(7 %) et Actinobacillus pleuropneumoniae
(6 %).
L’analyse de l’évolution de l’antibiorésistance de E. coli a été réalisée pour les
antibiotiques les plus fréquemment testés (figure 1).
Entre 2003 et 2010, les analyses statistiques ont mis en évidence une diminution de la proportion des E. coli sensibles
à l’ensemble de ces antibiotiques, à l’exception de la tétracycline et de l’association triméthoprime-sulfamide.
Néanmoins, les données 2011 indiquent
un début d’inversion de tendance pour
une majorité des antibiotiques étudiés.
Ce phé-nomène reste à être confirmé par
les données 2012. Il devrait être conforté
par l’action conjointe de l’ensemble des
acteurs inter-venant dans la santé animale autour du plan «EcoAntibio2017»
mis en place par la Direction Générale de
l’Alimentation et dédié à la préservation
de l’activité des antibiotiques en médecine vétérinaire.
L’avenir de l’antibiothérapie chez les animaux de rente passe par une utilisation
raisonnée et pertinente des antibiotiques associée à une maîtrise globale des
conditions zootechniques et de biosécurité des élevages. C’est l’ensemble de ces
conditions qui contribuera à la gestion
optimale de la santé animale et du coût
des traitements médicamenteux tout en
minimisant les risques de transfert de
l’antibiorésistance à l’Homme.
Eric JOUY1, Claire CHAUVIN1, Jean-Yves
MADEC2 et Isabelle KEMPF1
Anses - Laboratoire de
Ploufragan/Plouzané1 et Lyon2
[email protected]
2011
Tech Porc
Mars - Avril 2013 - n° 10
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