Edito rial

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Hegel Vol. 4 N° 4 - 2014
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DOI : 10.4267/2042/54388
La théorie de Darwin est-elle toujours
crédible ?
Charles Darwin (1809-1882) a exprimé sa théorie dans son livre « L’origine des espèces » en 1859. Il
connut aussitôt un immense succès. Il pensait qu’à chaque génération d’une espèce, de petits changements
apparaissaient caractérisant ce qu’on a appelé le gradualisme ou micro évolution. Toutes ces variations
minimes pouvaient sur une période de temps très longue expliquer les trois millions d’espèces que
nous connaissons, chacune donnant naissance à la suivante dans une longue chaîne allant de l’amibe à
l’homme à partir d’un ancêtre commun. De plus, en transposant dans la nature ce que ses amis éleveurs
faisaient pour améliorer les espèces en choisissant les meilleurs sujets pour la reproduction, il a introduit
le concept de sélection naturelle, conservant dans les variations, celles susceptibles de présenter un
avantage pour l’espèce. Il fut également influencé par les travaux de Thomas Robert Malthus, indiquant
que la population augmente selon une progression géométrique alors que les ressources alimentaires
suivent une progression de type arithmétique, justifiant une lutte pour l’existence avec survie des plus
aptes telle que l’a défini Herbert Spencer. Darwin, pas plus que Lamarck qui parlait de transformisme, ne
connaissaient la génétique apparue plus tard avec des lois précises publiées en 1866 par le moine Johann
Gregor Mendel et redécouvertes en 1900. Deux faits marquants sont à retenir : d’une part, la description
en 1901 sur les plantes œnothères, par le Hollandais Hugo de Vries, des mutations représentant des
changements brusques sans intermédiaires et d’autre part, la distinction faite en 1883 par Auguste
Weisman entre les cellules germinatives servant à la reproduction et les cellules somatiques, ce qui
condamna l’hérédité des caractères acquis, base de la théorie de Lamarck. Par la suite, la théorie de
Darwin a donné lieu en 1947 à une théorie synthétique de l’évolution animée par un généticien Theodosius
Dobzhansky, trois biologistes Ernst Mayr, Julian Huxley, Ben Rensch et un paléontologue George Gaylord
Simpson. Les sauts brusques sans formes intermédiaires que n’expliquait pas Darwin, ont été interprétés
dans leur théorie des équilibres ponctués par Stephen Jay Gould et Nils Elredge sous forme du passage
d’écosystèmes d’un état stable à un changement brutal pour mieux s’adapter à l’environnement.
A partir de la découverte de la double hélice de la molécule d’ADN avec un alphabet à quatre lettres A,T,C,G
en 1953 par James Watson et Francis Crick, qui leur valut le prix Nobel de Médecine en 1962, la génétique
a fait des progrès considérables et reste la clé de la compréhension du vivant. C’est incontestablement
une des disciplines primordiales du futur de la médecine moderne. On sait désormais décrypter le génome
des espèces, en se rappelant toutefois que seulement 5 à 7 % des gènes du génome codent pour la
fabrication des protéines du vivant. On parle beaucoup actuellement de l’épigénétique qui est le mode
d’expression du génome pour faire le phénotype des individus. Les facteurs environnementaux peuvent
modifier l’expression des gènes sans toutefois changer le génome.
De cette intelligente complexité, il faut désormais tirer les arguments dirimants qui permettent de penser
que la théorie de Darwin n’est plus crédible d’un point de vue scientifique.
Il importe tout d’abord de s’entendre sur la définition de l’approche scientifique. Un scientifique du vivant
se doit de faire honnêtement des observations rigoureuses de phénomènes reproductibles par d’autres
chercheurs, effectuer des mesures et faire des expérimentations si cela est nécessaire. A partir de cette
collecte de faits scientifiques, il doit essayer d’expliquer et pour ce faire, formuler des hypothèses qui, si
elles se vérifient, peuvent devenir des lois ou des dogmes. En réalité, il y a en biologie peu de lois qui ne
soient un jour ou l’autre, comme le prévoyait Karl Popper, remises en question.
En second lieu, la notion d’espèce doit être bien définie. Darwin s’y refusait, car le passage d’une
espèce à une autre, dit filiation interspécielle, devait se faire dans un certain flou permettant au couple
mutation/sélection d’opérer à partir d’un ancêtre commun. Dans les années 30, l’équipe de Thomas
Hunt Morgan à Pasadena a réalisé sur la drosophile 409 mutations par des rayonnements avec des
malformations multiples sans jamais réussir à créer une espèce nouvelle. Ceci avait fait dire au grand
biologiste français Pierre-Paul Grassé : « s’ils veulent illustrer par des exemples l’évolution en action, les
darwiniens feront bien de ne plus proposer comme modèles le colibacille et la drosophile. » En réalité,
l’espèce est une entité précise que Ernst Mayr, darwinien convaincu, définissait en 1982 comme « une
communauté reproductive de populations, reproductivement isolée d’autres communautés et qui occupe
une niche particulière dans la nature ». Ainsi, est clairement indiquée une barrière génétique des espèces
rendant stériles les accouplements hors espèces, solution intelligente et efficace pour éviter le chaos
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Editorial
Cette question se pose à nous avec une particulière acuité, car à notre époque l’hypothèse de Darwin
est adoptée par la majorité des scientifiques et figure seule au programme des sciences de la vie de
l’Education nationale pour les lycées de France. Pour formuler une réponse satisfaisante, il convient donc,
dans une littérature très abondante, d’extraire les éléments principaux.
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dans la nature. Certaines espèces voisines peuvent s’accoupler et avoir une descendance, mais celle-ci
est stérile comme c’est le cas du mulet ou du tigron. Ce principe fondamental exclut toute possibilité
du passage d’une espèce à l’autre par mutation aléatoire. La mutation génétique est une réalité assez
fréquente au niveau des gènes ou des chromosomes, mais elle reste une erreur non prévisible et non
programmable survenant le plus souvent durant la méiose qui est le processus complexe d’appariement
des deux hémi-plans génétiques parentaux. Nous savons qu’existe un mécanisme haute fidélité bien
décrit par Rodman et Wagner en 1988 avec deux boîtes à outils permettant de veiller en temps réel au
bon fonctionnement de la chaîne de montage des chromosomes de l’individu nouveau: l’ADN polymérase
capable de remplacer un nucléotide inapproprié et l’exonucléase, autre enzyme d’autoréparation.
Toutefois, si la réparation qui ne peut interrompre le processus dure trop longtemps ou si la réparation
est trop importante, il peut y avoir arrêt du développement et avortement spontané ou aussi dans
des cas heureusement assez rares présence d’une malformation récessive ou dominante, pouvant se
transmettre à la descendance. Les laboratoires modernes d’oncogénétique peuvent détecter les gènes
défectueux responsables par exemple des cancers du sein chez la femme en envisageant une prévention
encore difficile mais très prometteuse.
La mitose par contre, est le processus de reproduction et de différentiation des cellules de notre corps qui
ont toutes le même ADN. Le génome se réplique un million de milliards de fois de l'œuf fécondé à l'âge
adulte. Parmi nos 220 milliards de cellules, 200 milliards doivent être périodiquement remplacées. Les
cellules intestinales ont une durée de vie de l'ordre de 3 jours, les globules rouges 120 jours, les cellules
du foie 480 jours. Les cellules sensorielles de la muqueuse nasale olfactive durent 60 jours et sont
remplacées par des cellules souches présentes en grande quantité. Le même processus de remplacement
se retrouve dans le corps godronné de l'hippocampe, dont l'activité est permanente. S'agissant des
20 milliards de cellules restantes, il s'agit essentiellement des neurones, qui ne se reproduisent pas. Ceci
semble devoir garantir le maintien, tout au long de la vie, de la même personnalité et du même caractère,
ce qui fait que ceux qui l'ont mauvais génétiquement, n'ont aucune chance réelle d'en changer. Chaque
individu humain est donc unique dans toute l'histoire du monde et l'égalité démocratique soutenue par
des politiques en totale inculture biologique est une hérésie catastrophique. On a tendance actuellement
dans les neurosciences, à remettre en cause le dogme de la non reproductibilité des neurones en
invoquant la plasticité cérébrale. Celle-ci existe incontestablement, mais elle est limitée, sinon nous
serions capables de guérir les personnes hémiplégiques, tétraplégiques et paraplégiques, ce qui n'est pas
le cas actuellement et ne le sera vraisemblablement jamais.
Il apparaît donc possible de considérer avec ces arguments que la théorie de Darwin qui n’a jamais été
démontrée scientifiquement, devrait figurer dans les livres d’histoire des sciences et ne plus occuper de
façon prioritaire le mental des chercheurs et les programmes éducatifs. Eliminer une théorie oblige à en
proposer une autre. Dans le « Programme Homme » publié aux PUF en 2003, j’ai proposé de parler de
« programmisme » et de « constructeur » pour désigner de façon plus anonyme le responsable de ce
fantastique édifice de la vie. Heureusement, ce génial constructeur est invisible et muet. Il laisse le monde
sur ses rails avec ses catastrophes en tout genre, en nous donnant l’entière liberté et responsabilité de
mener notre vie comme nous le voulons et le pouvons jusqu’à l’issue finale et fatale de cette merveilleuse
aventure.
Professeur Pierre Rabischong,
Doyen honoraire de la Faculté de Médecine de Montpellier
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