santé Nuisances sonores au travail : Depuis juillet dernier, la directive européenne de 2003 sur le bruit dans l’entreprise s’applique en France. De nouvelles règles s’imposent aux employeurs pour protéger les salariés exposés. Le secteur du BTP est particulièrement concerné par ces nouvelles dispositions. es seuils d’alerte abaissés, le suivi médical des salariés exposés au bruit amélioré, l’information des personnels sur les dangers encourus renforcée… La lutte contre le bruit en milieu professionnel a franchi une nouvelle étape avec la transposition en droit français de la directive européenne de février 2003. Le texte, applicable dans notre pays depuis juillet dernier, contient diverses dispositions à respecter par les employeurs sous peine de sanctions (lire encadré Repères, page 56). Il concerne particulièrement le secteur du bâtiment qui figure au palmarès des métiers exposant à des nuisances sonores. « De nombreuses entreprises nous sollicitent afin que nous mesurions les sources de bruits dans le cadre de leurs activités », indique Joël Gacoin, technicien en métrologie de la société Santé BTP (Rouen). augmenté la concentration de poussières dans l’atmosphère, avec leur cortège de conséquences sur la santé des travailleurs. « Notre rôle est d’aider les chefs d’entreprise à trouver des solutions, techniques et organisationnelles, qui atténuent le bruit sans créer d’autres dommages », précise Joël Gacoin. Mesurer le bruit, un vrai métier ! Constater qu’un atelier est bruyant est simple. En revanche, identifier l’ensemble des sources sonores, inventorier les machines et les outils les plus assourdissants, passer au crible chaque poste pour détecter les phases les plus bruyantes, connaître le niveau d’exposition d’un travailleur au cours de la journée, déterminer si la nuisance est cyclique ou non… Tout cela requiert un savoir-faire et un matériel adéquat. C’est après avoir collecté et analysé ces mesures que le risque inhérent à chaque poste est évalué. Seconde étape : proposer des solu- 54 décembre 2006 n N° 91 n Prévention btp © XAVIER PIERRE L 왖 Il est important de sensibiliser le personnel aux risques induits par des tâches et des outils courants. tions pour améliorer les conditions acoustiques sur le lieu de travail. Cela peut concerner le matériel (une scie circulaire fait plus ou moins de bruit selon la qualité de sa lame), le procédé de fabrication (par exemple la vitesse de la machine) ou encore le local (en changeant certaines machines de place pour que le bruit ne se répercute pas sur les murs, en les encoffrant ou en leur mettant un capot, en ajoutant des revêtements isolants ou absorbants sur les parois de l’atelier). L’enjeu est de réduire le bruit sans compliquer les activités. Il convient par ailleurs de ne pas remplacer une nuisance par une autre, comme remplacer la soufflette d’air comprimé, très nocive pour l’oreille – que les salariés utilisent notamment pour le nettoyage de leur machine –, par un balayage ; on aura certes diminué le bruit, mais on aura considérablement Se protéger sur les chantiers Si, dans un atelier, on repère rapidement les machines et les process les plus bruyants, c’est plus complexe sur un chantier. « La mobilité des compagnons et le phénomène de coactivité font qu’ils sont exposés non seulement aux bruits qu’ils produisent eux-mêmes, mais aussi à ceux de tous les autres corps de métiers », poursuit Joël Gacoin. Outre la difficulté de mesurer le bruit s’ajoute celle de proposer des solutions. Une des recommandations habituelles : lorsque des tâches très bruyantes sont effectuées (carottage, brise-béton…), une signalétique identifie la zone à risque et indique aux différents corps de métiers présents sur le site la nécessité de porter des EPI. Les deux grandes catégories de protections sont les coquilles et les bouchons. Les premières se portent de manière intermittente dans un environnement professionnel particulièrement assourdissant. Sur un plan thermique, les oreilles n’étant plus ventilées, le port permanent de coquilles est inconfortable, surtout par temps chaud. Pour les travaux de longue durée, les bouchons moulés combattre © EMMANUEL LEPAGE mieux les sont préférables. En choisissant le filtre adapté (il en existe huit), on peut obtenir l’atténuation de bruits puissants, tout en laissant passer les fréquences sonores correspondant à la voix humaine. Joël Gacoin préconise les bouchons sur mesure en silicone ou en acrylique. « Ils sont parfaitement étanches, puisque moulés sur le conduit auditif du sujet. Leur efficacité, leur confort et leur personnalisation font qu’ils sont plus facile- ment portés en continu par les compagnons. Au final, c’est moins coûteux que d’acheter des bouchons standards et de les remplacer régulièrement. » Il est aussi essentiel d’informer le personnel sur les dangers du bruit. Peu ont conscience de l’intensité sonore produite par certains chocs et chutes d’objets (par exemple jeter à terre une armature en ferraille). « On atteint facilement les 105-110 dB. Comme c’est très bref, les salariés sous-estiment le risque, ne se protègent pas, mais leurs oreilles souffrent ! » De même convient-il de sensibiliser le personnel aux risques induits par des tâches et des outils courants. Le marteau par exemple, utilisé pour une multitude de travaux, que ce soit en atelier ou sur un chantier : « Le coup de marteau est un bruit impulsionnel, accompagné d’une vibration (de la structure) d’une durée inférieure à une Prévention btp >> n N° 91 n décembre 2006 55 santé >> Nuisances sonores au travail : mieux les combattre REPÈRES © PLACIDE Auparavant, la réglementation relative au bruit en entreprise reposait sur une directive européenne de 1986. La nouvelle directive du 6 février 2003 (2003/10/CE), transposée en droit français en février 2006, est applicable depuis juillet dans notre pays (décret 2006-892 du 19 juillet 2006). Elle fixe de nouveaux seuils à partir desquels l’employeur se doit d’agir. Exemples : évaluation de l’exposition au bruit, information des salariés sur les risques encourus et protections auditives mise à disposition dès 80 dB (A) ; plan d’action de réduction du bruit et port des EPI obligatoires à 85 dB (A) ; valeur limite d’exposition avec protection à 87 dB (A) ; contrôle préventif institué pour le salarié à partir de 80 dB (A) et audiométrie systématique à partir de 85 dB (A). seconde et qui se répète en moyenne toutes les 0,2 seconde. On ne se rend pas compte de sa nocivité pour l’audition, or il peut provoquer d’énormes dégâts dans l’oreille interne. » Pas seulement l’oreille… « Le bruit n’a pas les mêmes conséquences selon qu’il est brutal et court ou répété », explique le Pr Patrice Tran Ba Huy, médecin ORL. Il est démontré que les bruits répétés accélèrent 56 décembre 2006 n N° 91 n Prévention btp le vieillissement de l’organe de Corti (appareil de l’audition). Les stress successifs créent en effet des réactions enzymatiques qui retentissent sur le fonctionnement et sur l’oxygénation des cellules ciliées et favorisent leur destruction. Il s’agit donc de lésions pernicieuses, car pendant une longue période la perte auditive est insensible. C’est seulement lorsque cette destruction altère la perception des fréquences sonores vocales que l’on commence à moins bien comprendre les discussions courantes et à réaliser les dommages subis. Il est déjà trop tard : ce qui est perdu l’est de manière irréversible. « Souvent, précise le Pr Tran Ba Huy, les premiers signes sont une gêne à la compréhension de la conversation en milieu bruyant ou des acouphènes aigus. » Au moindre doute, il faut solliciter un avis médical. Une fois la surdité installée, la chirurgie est 왘 Pour en savoir plus – Lire « Le guide des EPI », supplément de Prévention BTP, n° 90, novembre 2006. – www.infobruit.org inopérante et l’appareillage peu satisfaisant, car l’oreille devient intolérante aux sons forts, amplifiés par les prothèses auditives. Quant aux traumatismes aigus, dus à une déflagration, ils peuvent entraîner des lésions du tympan, des osselets (marteau…) ou de la cochlée. Leurs conséquences immédiates sont parfois majeures (surdité presque totale). Il importe de consulter au plus vite (dans les 24 heures). Dans certains cas, le recours à la chirurgie s’impose (pour refaire un tympan, aspirer une poche de sang dans l’oreille, réparer les osselets). Dans d’autres, un traitement d’urgence est prescrit à base de corticoïdes, mais cette thérapeutique n’est pas toujours efficace. Enfin, les effets du bruit ne se limitent pas à l’oreille. Il peut affecter les systèmes nerveux, cardio-vasculaire, et engendrer des déficits de l’attention, des tensions musculaires, des vertiges, des troubles de l’humeur et du sommeil. Les salariés qui travaillent dans le bruit sont souvent fatigués, irritables et plus anxieux. Autant de perturbations susceptibles de favoriser les accidents de travail. Cendrine Barruyer