L’AUTORITE PLAN : I) L’existence de l’autorité II) La nature de l’autorité III) L’autorité Civile I) L’EXISTENCE DE L’AUTORITE a) L’existence de l’autorité : celle-ci est nécessaire de droit naturel « L'homme est par nature un animal social, si bien que dans l'état d'innocence les hommes auraient eu une vie sociale. Mais la vie sociale d'une multitude ne pourrait exister sans un dirigeant qui recherche le bien commun ; car plusieurs recherchent nécessairement plusieurs buts, mais un seul n'en recherche qu'un »1. Ce qui fait dire à Aristote : « Chaque fois que plusieurs éléments sont ordonnés à une seule fin, on en trouve toujours un qui prend la tête et qui dirige ». On voit déjà ici quelle est la nature de cette relation qui rattache nécessairement l’autorité à la société : c’est une relation de forme à matière. La vie sociale d’une multitude ne peut exister comme telle (c'est-à-dire que la multitude ne peut s’organiser socialement) que s’il existe un dirigeant qui l’organise comme telle. La multitude ne sera formellement une société que si elle est dirigée vers la fin commune par une autorité. NB : le rapprochement avec le corps physique est utile, parce qu’il va servir à manifester davantage ce qu’est l’autorité par rapport à la société. De même que le corps humain n’est tel que moyennant l’âme, ainsi la société n’est telle que moyennant l’autorité. Un corps privé de son âme n’est corps que de manière équivoque : il est corrompu, ce qui signifie que ses différentes parties, ses différents organes ne sont plus reliés entre eux et se désagrègent, comme autant d’entités totales et autonomes. De même, une société sans autorité n’est société que de manière équivoque : elle n’existe plus comme telle et à la place c’est autre chose qui s’installe, un agrégat d’autres sociétés autonomes, ou tout simplement une foule d’individus indépendants les uns des autres, c'est-à-dire l’anarchie. 1 Prima pars, q.96, a.4 (Somme théologique) 1 -Fiche pratique de Philosophie Politique- Renouveau Français b) Le rôle de l’autorité Le rôle de l’autorité est d’organiser les différentes activités de manière à ce qu’elles puissent se compléter les unes les autres pour obtenir la fin commune. L’autorité établit ainsi un ordre (ou une organisation) pour rendre possible l’acquisition du bien commun. Et l’expression de cet ordre (écrite ou coutumière) est la loi. C’est pourquoi l’autorité, et elle seule, est la cause nécessaire et suffisante de la loi légitime.2 La nature de l’homme veut qu’il vive en société, il est pareillement nécessaire qu’il y ait parmi les hommes de quoi gouverner la multitude. En effet comme les hommes existent nombreux et que chacun pourvoit à ce qui lui convient, chacun irait de son côté, s’il n'y avait quelqu’un pour avoir soin du bien de la multitude. Ainsi le corps de l’homme se désagrégerait, s’il n’y avait pas dans ce corps une certaine force directrice commune, ordonnée au bien commun de tous les membres. Il en est ainsi car il n’y pas nécessairement d’identité entre l’intérêt propre et l’intérêt commun. Les intérêts propres divisent, tandis que l’intérêt commun unit. Il faut donc en plus de ce qui meut au bien propre de chacun, quelque chose qui meuve au bien commun de l’ensemble. C’est pourquoi l’on trouve aussi un principe directeur en toutes les choses appelées à former un tout. Dans n’importe quelle multitude, il faut donc qu’il y ait une autorité chargée de régler et de gouverner3. II) LA NATURE DE L’AUTORITE Rappelons ici quelques notions sur l’autorité ; l’autorité est une notion analogique, par conséquent nous y retrouvons un premier analogué (qui possède en lui-même toute l’essence de l’Autorité) et un deuxième analogué qui découle et qui participe du 1er analogué4. Selon l’étymologie « «Autorité », du latin « auctoritas » vient du verbe « augere » qui signifie augmenter. L’autorité augmente la perfection des hommes, parce qu’elle leur rend possible l’acquisition de leur fin, qui est la vie parfaite c'est-à-dire la vie en société. Or, cela a lieu de 2 Ia, IIae, q.90, a.3 De Regno, chapitre I 4 Afin d’expliciter la notion d’analogie, prenons ici un exemple avec la notion de VIE : pour cette notion nous er dirons que le 1 analogué est DIEU, car Dieu est la VIE même et possède donc cette vie à la perfection. Nous ème dirons aussi que l’Homme est le 2 analogué car effectivement l’homme vit mais il ne fait que participer à sa façon d’une Vie en plénitude. Ainsi de suite pour les autres êtres vivants comme les animaux, les végétaux… Chacun peut être dit « être vivant », nous voyons pourtant très bien que la vie de la plante n’est pas celle de er l’animal ni celle de L’homme et de Dieu. Seul le 1 analogué possède cette vie en plénitude. Les autres êtres er sont dits « avoir la VIE » que de manière imparfaite et en relation avec le 1 analogué. 3 2 -Fiche pratique de Philosophie Politique- Renouveau Français deux manières, une manière parfaite et une manière imparfaite. C’est pourquoi, la notion d’autorité va se diviser entre deux analogués, dont l’un sera premier par rapport à l’autre : - De manière parfaite, l’autorité consiste non seulement à rendre possible l’acquisition d’une fin mais aussi à rendre possible cette fin. Cette notion correspond au pouvoir de celui qui institue la société, en décidant à la fois quelle est la fin à obtenir en commun et quels sont les moyens nécessaires pour l’obtenir. C’est le pouvoir de l’autorité principale. Dans le cas des sociétés naturelles (sociétés imparfaites que sont la famille et le village ; société parfaite qui est la cité) Dieu seul possède cette autorité, car c’est lui seul qui créée la nature humaine, qui est une nature sociale et c’est lui seul qui par conséquent décide en même temps quelle est la fin de cette nature humaine et quels sont les moyens nécessaires à observer pour l’acquérir. Et Dieu indique cette fin et ces moyens en promulguant la loi naturelle. - De manière imparfaite, l’autorité consiste seulement à rendre possible l’acquisition d’une fin qu’elle n’a pas elle-même instituée. Et l’autorité consiste seulement à donner l’explicitation particulière des moyens nécessaires, dont l’expression est restée encore trop universelle. C’est le pouvoir de l’autorité vicaire ou de l’autorité politique. Cette autorité ne peut pas choisir ni la fin ni les moyens nécessaires de la société. Elle en reçoit l’expression et ne peut que l’expliciter en promulguant un droit positif humain. Dans le cas des sociétés naturelles, le droit positif humain de la loi civile explicite la loi naturelle. 1er analogué per prius : principale. Elle institue la fin et tous les moyens nécessaires AUTORITE 2nd analogué per posterius : vicaire. Elle reçoit (et n’institue pas) la fin et les moyens nécessaires mais elle les applique et elle en donne l’expression plus explicite. 3 -Fiche pratique de Philosophie Politique- Renouveau Français Cette distinction permet de comprendre le sens des mots de St Paul : « Toute autorité vient de DIEU » (Rom. XII, chap.1) : o Par rapport à l’origine du pouvoir : Dieu est la cause 1ère de tout pouvoir en tant que créateur de la nature humaine et de son inclination naturelle donnée par Dieu à l’homme pour vivre en société. o Par rapport à l’exercice du pouvoir : Dieu a laissé à l’Homme (créature raisonnable et libre) le soin de choisir tel chef et/ou tel régime. NB : Rousseau nie le fait que toute autorité vienne de DIEU. Pour lui, la société civile tire son origine uniquement et exclusivement d’un contrat social. Rousseau nie l’inclination naturelle de l’homme à la vie politique. III) L’AUTORITE CIVILE Après avoir distingué la notion d’autorité, cela va nous permettre de comprendre ce qu’est l’autorité civile : a) L’origine de l’autorité civile : l’Autorité civile en tant que telle vient immédiatement de Dieu, auteur de la nature. Dieu a voulu que l’Homme vive en société. Autrement dit, dans la mesure où la société civile est une société naturelle, il résulte de cela qu’elle tire son origine immédiate de la nature elle-même ou de Dieu, auteur de la nature. b) Le sujet de l’autorité civile : dans la mesure où la nature ne détermine pas de manière positive le sujet immédiat de l’autorité, il appartient à l’homme de déterminer le sujet de l’autorité civile. La loi naturelle n’exige pas que l’autorité civile soit confiée à un homme plutôt qu’à un autre ou à un roi plutôt qu’à une chambre de députés… C’est pourquoi, il appartient à chaque peuple ou Nation de choisir son chef et la forme du régime qu’il souhaite. Pour autant, et comme nous l’avons souligné en deuxième partie, l’autorité du chef politique est une autorité vicaire. Son origine même du pouvoir provient donc de Dieu qui a créé la nature humaine avec une fin propre (celle de vivre en société et de sauver son âme). A ce titre, une autorité légitime ne peut être dite telle que dans la mesure où elle respecte la fin pour laquelle elle a été mise en place : procurer le bien commun à ses sujets et être un adjuvant au salut éternel. L’autorité trouve son existence et sa 4 -Fiche pratique de Philosophie Politique- Renouveau Français raison d’être uniquement dans cette relation au bien commun et à la fin ultime de tout être (son salut éternel). La phrase de St Paul que nous avons expliqué ci-dessus n’est donc pas anodine et ordonne l’autorité civile avec l’autorité divine comme une fin dernière intermédiaire est ordonnée par la fin ultime. La question de la légitimité de tout pouvoir civile réside essentiellement dans sa relation au bien commun qu’il procure ou non à la société (cf fiche pratique N°3). c) Les compétences de l’Etat Sans rentrer dans les détails rappelons sommairement les compétences propres de l’Etat. Le domaine propre de l’Etat, ou fonction régalienne, correspond à l’ensemble des actions qui lui sont propres et que l’on attend de lui en vue du bien commun. Les fonctions régaliennes : l’unité de la Cité (faire converger chaque force individuelle vers le bien public), le pouvoir législatif, exécutif et judiciaire, la sécurité intérieure et extérieure, les relations politiques extérieures, et battre monnaie (pas de souveraineté politique sans souveraineté économique). Les fonctions non régaliennes : Le chef politique a pour office en premier lieu d’instituer la vie bonne, deuxièmement de la conserver et troisièmement de la faire progresser. Le terme « fonction non-régalienne » désigne le champ d’action qui incombe à l’autorité civile mais de façon ni exclusive, ni prépondérante. Nous y trouvons : la fin surnaturelle (le souverain doit garder à l’esprit la fin surnaturelle quand il exerce sa fonction régalienne), la santé publique, la régulation économique, les beaux arts, l’environnement… 5 -Fiche pratique de Philosophie Politique- Renouveau Français