Randonnées hivernales

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Randonnées hivernales
La constellation d’Orion
L’hiver est une période privilégiée pour s’initier à l’observation du Ciel. Si vous
résistez aux températures polaires qui peuvent régner dans nos contrées lors des belles nuits
de janvier, c’est un Univers merveilleux qui s’offrira à vous, avec son cortège de
constellations spectaculaires, d’étoiles à l’éclat incomparable, d’amas resplendissants, de
nébuleuses « trois étoiles »…
1. Premiers conseils…
Une question qui m’est souvent posée est de savoir comment on peut se repérer parmi
les étoiles. Il est tout à fait
déconseillé pour un débutant
d’acheter un atlas du ciel en
trois volumes, reprenant toutes
les étoiles jusque la quinzième
magnitude : c’est le meilleur
moyen de se perdre ! Il est
infiniment préférable de se
procurer une carte du ciel
mobile, que l’on peut trouver
dans les bonnes librairies pour
une dizaine d’euros 1.
Ce type de carte est
l’outil idéal pour découvrir les
constellations et les objets
remarquables. Elle se présente
sous la forme d’un disque,
centré sur l’étoile polaire, sur
lequel sont représentées les
principales étoiles du ciel. Les
étoiles reprises sur la carte ne
sont pas toutes visibles en
même temps : il n’y a par
Le « Cherche Étoiles » de Sébastien Gauthier, réglé pour une
observation en février vers 20 h : Orion trône majestueusement en
plein Sud.
1
Si vous voulez obtenir une carte mobile « pour pas un rond », connectez-vous au site du Canadien Sébastien
Gauthier : http://www.astrosurf.com/alphaweb/MonChercheEtoiles/index.html ; vous y trouverez un fichier .pdf
qui vous permettra de construire, après quelques coups de ciseaux et avec un peu de colle, un très joli « Cherche
Étoiles ».
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exemple aucun espoir d’observer Sirius un soir d’été ! Par contre, certaines constellations
restent visibles quel que soit le moment de l’année et l’heure de la nuit : ce sont les
constellations circumpolaires, comme la Grande Ourse ou Cassiopée.
L’avantage d’une carte mobile par rapport à une carte classique, c’est que l’on peut
déterminer facilement la portion du ciel visible à un instant donné. En effet, on trouve sur le
pourtour de la carte des indications relatives aux mois et aux jours de l’année : il suffit de
faire coïncider la date de l’observation avec l’heure
d’observation qui figure sur la pochette, et le ciel observable
apparaît dans la lucarne centrale. Autour de cette lucarne
figurent les quatre point cardinaux : Nord, Est, Sud, Ouest. Si
l’on observe le ciel en direction du Sud, il suffit d’orienter la
carte de telle sorte que l’indication « Sud » soit placée vers le
bas ; de même, si l’on observe vers le Nord, c’est cette fois
l’indication « Nord » de la carte qui doit être placée en bas.
Un des nombreux modèles de
« lampe rouge » destinée aux
astronomes amateurs ; celle-ci
est également équipée d’une
lampe blanche.
Ah, j’oubliais ! Le complément indispensable de la
carte céleste est l’incontournable « lampe rouge », qui permet
de consulter la carte en cours d’observation sans trop perturber
la vision nocturne.
Alors, que peut-on observer d’intéressant lors d’une
première randonnée dans le ciel d’hiver ? Énormément de choses ! Je ne peux que vous
conseiller de vous reporter à la merveilleuse série d’articles « La Constellation du Mois » de
Claude Gabriel, parue dans les numéros 0 à 20 de Galactée, et dont une partie est reprise sur
notre site (http://olympus.umh.ac.be).
2. La constellation d’Orion
En hiver, le point de départ de toute observation est la splendide constellation d’Orion.
Lorsque vous l’aurez identifiée, la carte mobile vous permettra de découvrir les constellations
voisines sans difficulté. Vous serez réellement impressionné par la rapidité avec laquelle les
constellations vous deviendront familières, au point qu’après quelques nuits passées à la belle
étoile la carte mobile ne vous sera plus d’aucune utilité ! C’est alors, lorsque vous désirerez
observer une étoile double ou un amas globulaire, qu’il deviendra intéressant de disposer
d’une carte plus détaillée.
a. Origine mythologique
Les anciens Grecs voyaient dans la constellation hivernale d’Orion un chasseur
fameux, qui est au centre de nombreuses légendes.
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La naissance d’Orion est assez particulière. Hyriée, fondateur et roi d’Hyria, en
Béotie, accueillit un jour sous son toit Zeus, Poséidon et Hermès. Le pauvre roi, sans
descendance, les supplia de lui donner un fils. Les dieux lui demandèrent d’uriner sur la peau
du bœuf qu’il leur avait sacrifié ; ils enterrèrent alors la peau, et c’est à cet endroit que naîtra
neuf mois plus tard le petit Orion (de ouria, urine !) qui deviendra un géant. Selon une autre
version, Orion était le fils de Poséidon et d’Euryalée, fille de Minos.
Orion était si grand qu’il
pouvait marcher sur le fond de la
mer, tout en gardant la tête au sec. Il
eut une vie assez tumultueuse ; la
plupart des versions concordent pour
dire qu’Orion a été tué par Artémis,
et qu’après sa mort il aurait été placé
parmi les astres. Le roi de Chios,
Oenopion, lui avait promis sa fille
Mérope à la condition qu’il délivre
l’île des bêtes sauvages qui
l’infestaient.
Orion
relève
brillamment le défi. Mais le roi renie
sa parole, et le géant, après s’être
La constellation d’Orion (Uranographia, Hévélius, 1690).
enivré, s’en prend à Mérope et la
viole. Le roi, fou de rage, aveugle alors Orion, qui erre jusqu’aux forges d’Héphaïstos. Le
serviteur de ce dernier, le jeune Cédalion, monte alors sur les épaules du géant et lui sert de
guide. Orion entre dans la mer, se dirige vers l’Orient, le visage tourné vers le Soleil, dont les
rayons lui rendent la vue. Il aurait vécu ensuite en Crète, comme chasseur, en compagnie
d’Artémis. Mais Éos, la personnification de l’Aurore, tombe amoureuse d’Orion et l’enlève.
Artémis, furieuse qu’une déesse tombe amoureuse d’un mortel, le tue de ses flèches.
Selon une autre version, Orion, après avoir débarrassé l’île de Chios de ses animaux
sauvages, aurait tenté de violer Artémis ; celle-ci aurait fait sortir de terre un scorpion qui
l’aurait piqué mortellement – ce qui expliquerait, comme le rapportent certaines sources, que
les constellations d’Orion et du Scorpion ne sont jamais visibles en même temps, tant leur
haine réciproque est grande. Ou bien encore la déesse aurait tué Orion car elle pensait que ce
dernier voulait tuer tous les animaux de la Terre. Selon un autre récit enfin, Apollon, irrité de
l’affection qu’Artémis, sa sœur, portait à Orion, aurait défié la déesse de la chasse d’atteindre
avec une flèche un point éloigné à la surface de la mer. Artémis relève alors le défi, sa flèche
atteint le but, mais la cible n’est autre que la tête d’Orion qui dépassait de l’eau… De chagrin,
Artémis aurait décidé de placer son bien-aimé dans le ciel.
Dans la mythologie, la constellation d’Orion est aussi liée à l’amas des Pléiades, qu’il
poursuit inlassablement, comme le chasseur poursuivait les filles d’Atlas.
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b. L’anatomie du Géant Orion
Par analogie avec le géant de la
mythologie grecque, on peut décrire la
constellation d’Orion en parlant de sa tête, de ses
épaules, de ses pieds, de son épée, de son baudrier
ou encore de son arc.
Orion est facilement repérable grâce à sa
fameuse ceinture : il est en effet impossible de
rater ces trois étoiles de même éclat, parfaitement
alignées au centre de la constellation. Ces trois
luminaires sont Alnitak (ζ Orionis), Alnilham
(ε Orionis) et Mintaka (δ Orionis) ; ils constituent
le fameux Baudrier d’Orion. On les appelle
souvent les Trois Rois, ou plus rarement le
Râteau. En janvier, le Baudrier est visible plein
Sud en début de soirée.
Plus haut, à gauche, on trouve une
magnifique étoile, plus brillante encore que les
Trois Rois, de couleur rougeâtre, c’est Bételgeuse La constellation d'Orion et sa fameuse nébuleuse.
Photo réalisée à l’aide d’un objectif de 55 mm
(α Orionis), que les astronomes ont identifiée
(film Kodak Gold 400 ISO, pose 2 minutes).
comme une supergéante rouge. Bételgeuse est en
effet une étoile gigantesque : son diamètre fluctue entre 550 et 900 fois le diamètre de notre
Soleil. Je dis « fluctue », car c’est une étoile animée de pulsations, et sa magnitude varie, de
façon assez irrégulière, entre 0,4 et 1,3. Si Bételgeuse occupait la place de notre Soleil, sa
surface ne serait pas très distante de l’orbite de Jupiter, alors que sa masse n’est que de 20 fois
supérieure à celle de l’Astre du jour ! Cette étoile, qui est arrivée au terme de sa vie, risque
bien de se transformer un jour en supernova.
À droite de Bételgeuse, on trouve Bellatrix (γ Orionis), étoile de deuxième magnitude
située à 250 années-lumière de la Terre. Bételgeuse et Bellatrix constituent les épaules
d’Orion.
La tête d’Orion est constituée par un triangle d’étoiles composé de λ Orionis, de
magnitude 3, et de deux étoiles plus faibles de magnitude 4 ; la proximité des ces trois astres
donne parfois à l’ensemble un aspect nébuleux.
Une autre étoile remarquable de cette constellation est Rigel (β Orionis), supergéante
de couleur blanc bleuté, que l’on trouve en bas et à droite de la ceinture d’Orion. Rigel est une
étoile extrêmement lumineuse, puisqu’elle brille comme 55 000 Soleils ! Si Rigel était située à
la même distance de nous que ne l’est Sirius, qui est déjà l’étoile la plus brillante du Ciel, elle
atteindrait une magnitude de –10, voisine de celle de la Pleine Lune !
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Je vous conseille d’observer Rigel au télescope : vous découvrirez cette « star » du ciel
hivernal sous un jour nouveau, puisque c’est une très belle étoile double. Elle possède en effet
un compagnon, bleu lui aussi, situé à une distance de 9’’ d’arc. Rigel et son compagnon
forment un véritable système double (dit aussi système double physique, par opposition aux
La constellation d’Orion.
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systèmes doubles, dits optiques, qui ne résultent que d’un effet de perspective), situé à
900 années-lumière de la Terre. Nous avons observé ce couple à plusieurs reprises lors de nos
Nocturnes : il est parfaitement séparable avec un instrument de 200 mm de diamètre. Il serait
intéressant de tenter l’observation avec un instrument plus petit, puisque les 9’’ de séparation
ne devraient pas constituer un obstacle majeur pour un télescope de l’ordre de 10 cm de
diamètre ; la grande différence d’éclat entre les deux membres du couple (0,3 pour Rigel et
6,7 pour son compagnon) devrait cependant compliquer l’observation.
À gauche de Rigel, on trouve Saïph (κ Orionis), dont la lumière a voyagé pendant
2 000 ans pour parvenir jusqu’à nous. Rigel et Saïph matérialisent les pieds d’Orion.
Le Géant tient devant lui une peau de lion, constituée par un ensemble d’étoiles (les 6
étoiles π et les deux ο ) distribuées suivant un arc, dont il se sert pour attaquer la constellation
voisine, le Taureau. Il tient également une massue, matérialisée par les étoiles µ, ν, ξ et les
deux χ.
c. La Grande Nébuleuse d’Orion
La constellation d’Orion abrite l’un des plus beaux objets du Ciel : la Grande
Nébuleuse, qui porte le numéro 42 dans le catalogue de Messier. Bien que Claude Gabriel
vous en ait déjà parlé en détail dans le
numéro de décembre 1997, il m’est
impossible de passer sous silence ce
majestueux nuage interstellaire, qui flotte
dans l’espace à 1 500 années-lumière de
la Terre.
Le repérage de la nébuleuse est
assez aisé : il suffit de trouver l’étoile de
quatrième magnitude θ Orionis, qui
constitue l’Épée d’Orion, ou encore le
manche du Râteau. C’est θ Orionis qui
Le cœur de la Nébuleuse d'Orion et le Trapèze
éclaire la nébuleuse et la rend visible.
photographiés par Michel Debury à l’aide d’ un
Dans un site pas trop pollué par les
appareil digital (Nikon Coolpix) à l'oculaire du
télescope
de 280 mm de diamètre de S. Francq. Pose de
lumières parasites, la nébuleuse est déjà
8 secondes à f/3.5.
visible à l’œil nu. Aux jumelles, le
spectacle est au rendez-vous : de simples 7 × 50 suffisent à révéler la forme caractéristique de
la nébuleuse, et dans de bonnes conditions, la baie sombre devient visible et on distingue déjà
les étoiles qui éclairent la nébuleuse. L’avantage d’observer M42 avec des jumelles de
grossissement pas trop important est que la nébuleuse est alors visible dans le même champ
que la ceinture d’Orion, ce qui constitue évidemment un spectacle de premier ordre. Chaque
classe d’instrument possède son propre intérêt…
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La Grande Nébuleuse d'Orion photographiée par Sébastien Francq au foyer de son
télescope de 280 mm de diamètre. Pose de 15 min sur Provia 400 F poussé à 1600 ISO.
La nébuleuse M43 est visible sur la gauche.
À l’oculaire d’une petite lunette ou d’un télescope de base, tous ces détails sont
confirmés, et une observation remarquable devient possible. En effet, θ Orionis se révèle être
en réalité un système stellaire multiple. Un grossissement de 20 × permet de déceler les quatre
composantes principales du système, connu sous le nom de Trapèze. D’autres composantes
sont observables avec des instruments plus puissants : lors de nos Nocturnes, il nous est arrivé
d’observer jusqu’à six composantes à l’oculaire d’un télescope de 280 mm !
Enfin, à l’oculaire d’un télescope de plus grand diamètre (200 mm et plus), et sous un
ciel bien noir, l’image devient époustouflante. Dans le silence des campagnes, coupé des
contingences terrestres, on se prend à survoler la nébuleuse, qui prend la forme d’un oiseau
qui déploie ses ailes majestueuses dans l’obscurité du Cosmos. Des différences de densité
semblent apparaître ; le nombre de détails observables est impressionnant. Il ne faut
cependant pas perdre de vue que si les photographies à longue pose permettent de voir les
couleurs de la nébuleuse, celles-ci restent indécelables à l’oculaire d’un télescope d’amateur
(certains parlent de teinte verdâtre, sans plus) ; en revanche la surexposition de la zone
centrale de M42 empêche de déceler sur les photographies les détails visibles dans un bon
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télescope. M42 est accompagnée par la petite nébuleuse M43 qui enveloppe une étoile de
huitième magnitude.
Une seul conseil : n’hésitez pas à nous rejoindre lors des Nocturnes hivernales, nous
partagerons assurément des moments intenses… Et la complémentarité des instruments de nos
Cercles fera merveille sur cet objet d’une grande richesse qu’est la Grande Nébuleuse !
Quant aux télescopes géants, ils révèlent d’autres secrets de la Nébuleuse d’Orion, qui
est une région composée en grande majorité d’hydrogène et d’hélium, avec de petites
quantités d’autres éléments comme le soufre, l’azote, l’oxygène ou l’argon. On la qualifie
souvent, à juste titre, de pouponnière d’étoiles. En effet, l’observation dans le domaine de
l’infrarouge permet d’y détecter la présence d’objets chauds, encore enveloppés dans leur
cocon de gaz et de poussières, et qui, lorsque les réactions nucléaires s’enclencheront,
deviendront de véritables étoiles. À l’échelle astronomique, les étoiles du Trapèze sont très
jeunes : leur âge ne dépasse pas un million d’années.
d. Autres curiosités
Une autre nébuleuse est observable dans Orion, mais elle nécessite un instrument
performant. Nous l’avons déjà observée à l’aide du télescope de 200 mm, mais c’est
clairement avec un télescope de plus grand diamètre que l’observation devient aisée. Je veux
parler ici de la nébuleuse M78, que l’on peut trouver en partant d’Alnitak. Orion est très riche
en nébuleuses diverses, mais elles sont malheureusement très difficiles à observer. Je ne
citerai donc ici que la célèbre nébuleuse de la Tête de Cheval, qui entoure Alnitak ; cette
dernière est si brillante qu’elle rend impossible l’observation directe de la nébuleuse : seule
l’utilisation d’un filtre interférentiel Hβ couplé à un télescope de très grand diamètre permet le
miracle. Notre Cercle possède un tel filtre, et peut-être un jour pourrons-nous en équiper
l’oculaire du télescope Dobson de 500 mm de notre ami Damien…
La constellation d’Orion renferme quelques belles étoiles multiples, comme l’étoile
triple ι Orionis, accessible aux petits instruments, et composée d’une étoile blanchâtre de
magnitude 2,3 et d’un compagnon bleuâtre plus pâle de magnitude 11 ; la troisième
composante – elle aussi de 11e magnitude, mais rouge – se trouve un peu plus loin, à 50’’.
Autre belle étoile triple, η Orionis, plus difficile à résoudre, puisque les deux composantes
visibles sont séparées de seulement 1,5’’ d’arc, ce qui rend l’observation d’autant plus
impressionnante !
La constellation d’Orion constitue le point de départ idéal pour découvrir d’autres
belles constellations du ciel d’hiver. Ainsi, si l’on fait passer une ligne droite à travers les
Trois Rois, on tombe à gauche sur Sirius, et à droite sur Aldébaran ; cette dernière,
caractérisée par sa belle couleur rouge, est l’étoile la plus brillante de la constellation du
Taureau.
Francesco Lo Bue (UMH)
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