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Du point de vue juridique, la question se pose de savoir si on doit à l’embryon une protection
de ses droits fondamentaux, qui interdit de „l’utiliser“ à d’autres fins. Il est tout à fait évident
qu’on peut parler de tels droits fondamentaux de l’embryon, d’une part au point de vue de son
droit propre, et d’autre part dans le but de protéger la fonction d’orientation donnée par le
droit et sa fonction normative.
• Au point de vue de son droit propre, l’embryon est un sujet de droit potentiel qui, d’un
point de vue génétique aussi, est identique à lui-même comme futur sujet de droit, et qui
se développe en un tel sujet de droit de manière continue, sans rupture. Il a par conséquent
un droit à ce qu’on ne lui porte pas préjudice dans ce „status potentialis“. Le fait que, à
titre d’embryon dit „surnuméraire“, il soit de toute façon perdu, ne change rien à l’affaire :
on ne peut pas procéder à des expérimentations sur quelqu’un sans son consentement (et a
fortiori le détruire), au motif qu’il serait voué à mourir. Le fait qu’on en espère une grande
utilité pour le progrès médical n’y change rien : même en cas d’utilité certaine pour
d’autres êtres humains, un sujet de droit ne peut pas être sacrifié, comme le montre
l’interdiction de prélever des organes sous la contrainte, fût-ce au motif de sauver la vie de
plusieurs autres personnes.
• La protection de la fonction d’orientation donnée par le droit et sa fonction normative :
Que l’embryon puisse jouir des droits fondamentaux ressort également de la texture
générale de l’ordre juridique. D’une part, il existe une tendance universelle à la protection
de notre image de l’homme, à une attitude de déférence et de respect à l’endroit de la vie
humaine sous toutes ses formes, sans lesquelles les normes juridiques elles-mêmes
resteraient sans effet (protection de la fonction d’orientation). D’autre part, le danger
persiste que, à long terme, on ne puisse contenir cette instrumentation de l’être humain à
fin d’utilité étrangère aux embryons jusqu’au 7ème respectivement 14ème jour de leur
développement. L’interdiction de tuer, norme fondamentale de toute société, doit être
protégée contre toute érosion (protection de la fonction normative).
En conclusion : Indépendamment de la question de savoir si l’on veut reconnaître à
l’embryon le statut de personnalité, il faut assurer la convergence entre son droit fondamental
à la vie et sa prétention à la dignité humaine, convergence issue à la fois de son propre droit et
de la protection de la fonction d’orientation exercée par le droit ainsi que sa fonction
normative. Pour ce qui est du droit à la vie, l’embryon jouit de la même protection juridique
fondamentale qu’une personne au sens avéré du terme.
Cela est valable aussi pour les embryons in vitro „surnuméraires“ : les exigences de protection
de la fonction d’orientation du droit et de sa fonction normative se concrétisent ici dans la
prise en considération de la dignité de l’embryon, laquelle interdit de l’utiliser à des fins
étrangères, au motif qu’il serait „surnuméraire“. Cette prétention à ce qu’on prenne en
considération sa dignité ne peut être restreinte par l’espoir d’un progrès médical.
3 Les prétendues „restrictions“ du projet de loi du Conseil fédéral
Notre premier paragraphe a expliqué qu’une autorisation de recherche expérimentale sur les
embryons de moins de 14 jours n’est pas tenable eu égard aux données de l’embryologie. Le
deuxième paragraphe a montré que les embryons „surnuméraires“ jouissent eux aussi d’un
droit à la protection contre toute utilisation à des fins étrangères. Cela correspond du reste à
l’interdiction de produire des embryons à des fins de recherche (art. 119, al. 2, let. c, Cst.). On
ne comprend pas pourquoi la prise en considération de la dignité de l’embryon (cf. art. 119,
al. 2, phrase 2, Cst. et ATF 119 Ia 460, 503) devrait exclure la production intentionnelle
d’embryons à des fins de recherche, mais ne devrait pas exclure l’utilisation d’embryons
„surnuméraires“ produits involontairement. De plus, il faut aujourd’hui se souvenir de ceci :