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les salariés savent qu'ils retrouveront ailleurs », explique José Corpataux, de l'Union syndicale suisse (USS).
Pour préserver l'emploi, les entreprises et branches suisses n'ont ainsi pas hésité à s'entendre en interne sur
des modulations des salaires et des horaires dès le début de la crise, quand la France a mis plus de trois ans
à bâtir un outil législatif pour leurs concurrentes hexagonales.
Si le Code du travail est si léger, c'est que tout se joue ainsi un ou deux échelons plus bas, via des conventions
collectives du travail (CCT) de branche ou d'entreprise. Elles sont en pleine dynamique suite au « deal » du
début des années 2000 : « On a accepté la libre circulation en Suisse des travailleurs européens en échange
d'un fort dialogue social pour préserver l'emploi et éviter du dumping social », explique l'USS. Le patronat a
joué le jeu et le nombre de salariés couverts par une CCT (on en compte 600) est passé de 30 à 50 % depuis.
La plupart octroient notamment une cinquième semaine de congés et fixent des indemnités de licenciement.
Elles définissent aussi la durée du travail, en moyenne de 42 heures. « Notre syndicalisme, inspiré de
l'allemand, est réunifié et réformiste. On est là pour concrétiser le partenariat social via les CCT. On préfère
toujours négocier un bon accord que tout attendre de l'Etat », insiste Luca Cirigliano, secrétaire central de
l'USS. « La Suisse déteste les mesures qui tombent d'en haut. C'est vu comme une étatisation de l'économie
dont personne ne veut. Alors on s'assoit, on parle, on s'engueule, puis on trouve un consensus », abonde
l'union patronale. Et quand on leur parle rapport de force et arrêt du travail, les syndicalistes font la moue :
« On ne marche pas comme ça. La grève ne sert à rien, on l'a compris depuis longtemps. » Pas des mots en
l'air : la plupart des CCT contiennent des clauses relatives au maintien de « la paix au travail » et la dernière
grève nationale remonte à… 1918. Trop dociles, les syndicats ? « Ils s'appuient plutôt sur l'arme de la
démocratie directe », confie le Seco, via les votations, ces référendums d'initiative populaire qui rythment la
vie de la confédération. C'est ainsi, par exemple, qu'ils ont obtenu des mesures contre les parachutes dorés.
Et même un « non » du peuple peut les aider : « On a obtenu en 2014 une votation sur un salaire minimal à
4.000 francs suisses [pas si élevé que cela car la vie y est très chère, NDLR]. Le "non" a gagné, mais le débat
a porté et de plus en plus de CCT se dotent de salaires minimaux », explique l'USS.
L'autre pilier du système suisse, au coeur du tissu de PME qui fait son succès, a aussi de quoi en rabattre à la
France : pendant que l'Hexagone désespère de dépasser les 400.000 apprentis, « deux jeunes sur trois
choisissent la formation professionnelle après la scolarité obligatoire », indique Sarah Daepp, responsable
projet au secrétariat d'Etat à la Formation. Le système, très modulable, offre des cursus de deux à quatre ans
et des passerelles vers l'université. Clef du succès : « Une culture du consensus total entre écoles et
entreprises pour coller aux besoins du marché du travail. » Précisément ce qui fait défaut en France, où les
régions et l'Education nationale pèsent de tout leur poids dans le dispositif. A son siège près de Lausanne,
Bobst, un leader mondial du secteur de l'emballage, compte « 200 apprentis sur 1.500 salariés ; ils restent
quatre ans, puis environ un tiers seront embauchés ». « En France, un apprenti est parfois vu comme une
charge. Chez nous, c'est un investissement », y explique-t-on.
L'assurance-chômage est la dernière brique centrale du modèle. Autre vertu du plein-emploi, elle est à
l'équilibre financier malgré des cotisations basses (2,2 % du salaire, 1,1 % l'employeur, 1,1 % employé) et des
allocations encore plus élevées qu'en France (de 70 à 80 % du salaire brut selon la situation familiale). La
durée d'allocation varie de un à deux ans. Mais ces droits impliquent de stricts devoirs : il faut apporter tous
les mois des preuves de sa recherche et le chômeur doit accepter les offres adaptées à son profil dans un
rayon de deux heures de route. A défaut, il s'expose à des baisses d'allocations. « Cela reste rare. Ce n'est pas
la mentalité suisse de profiter du système », tempère le secrétariat à l'Economie. Ici, point de négociations
interminables sur l'évolution des cotisations : l'Etat et les partenaires sociaux ont bâti un dispositif où elles
baissent ou augmentent automatiquement, selon le taux de chômage. Dernière en date, la hausse de 2011
a permis de financer la forte hausse du chômage partiel avec la crise… et de préserver des emplois, encore
et toujours.
Préférence nationale
Problème : deux gros grains de sable viennent troubler cette belle horlogerie. Le premier est venu des urnes :
en février 2014, à 50,3 %, les Suisses ont adopté une votation « contre l'immigration de masse » lancée par
le très droitier parti de l'UDC. Elle prévoit de fixer des quotas annuels selon les besoins de l‘économie et