Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Le Sahel face aux changements climatiques Enjeux pour un développement durable Bulletin mensuel du Centre régional AGRHYMET N° spécial 2010 43 p. AGRHYMET BP 11011 Niamey Niger jlesec00327_cor3.indd 232 exemple, sous la plume de Benoît Sarr et de Seydou Traore, que toutes les cultures ne réagissent pas de la même façon. Les années chaudes font ainsi chuter le rendement des mils et du sorgho (de plus de 10 % pour une élévation de température de 2 °C), mais elles accroissent les rendements dÊautres céréales (de 10 à 35 % dans le cas du riz, toujours pour une hausse de 2 °C et à condition que les besoins en eau soient satisfaits). Dans un registre voisin, Issa Garba relativise la thèse largement répandue dÊune baisse systématique, dÊaucuns disent même irréversible, de la productivité des pâturages. Là encore, il est absurde de raisonner à lÊéchelle du Sahel tout entier, comme le montre la campagne agricole 2008-2009 où la production fourragère a été largement excédentaire dans les pays de la façade atlantique (Sénégal et Mauritanie), ainsi que dans lÊOuest du Mali et dans la majeure partie du Burkina Faso, alors que le Tchad a connu une situation critique et que le Niger a dû affronter une véritable catastrophe, avec un déficit fourrager de plus de 16 millions de tonnes. Il en est résulté un déplacement massif du gros bétail vers les secteurs côtiers et une exacerbation des conflits entre exploitants agricoles et éleveurs. Mais, parallèlement, lÊauteur rappelle que les aléas climatiques nÊaffectent quasiment pas les petits fermiers qui élèvent des caprins⁄ La leçon qui se dégage de lÊensemble, cÊest quÊil faut éviter les interprétations trop simplistes. Non, le Sahel nÊest pas uniforme. Non, le climat ne présente pas de tendance, mais une infinité de modes de variabilité. Non, toutes les cultures nÊont pas les mêmes exigences. Non, tous les cheptels ne sont pas au même point vulnérables⁄ Hubert NÊDjafa Ouaga explique ensuite quÊà lÊéchelle locale, les paysans ont en général une bonne lecture des manifestations de la variabilité climatique, et quÊils réagissent de façon pertinente pour préserver leurs moyens dÊexistence, avec ou sans lÊaide des services techniques et des projets de développement. En fin de compte, cette brochure claire et bien illustrée remplit parfaitement son objectif, qui était de toucher le public le plus large possible. On regrettera tout au plus que la bibliographie finale, à une ou deux exceptions près, renvoie uniquement à des rapports non publiés, auxquels lÊimmense majorité des lecteurs ne pourra pas avoir accès. Jean-Pierre Besancenot [email protected] doi : 10.1684/sec.2010.0257 232 Sous un titre qui nÊen reflète quÊen partie le contenu, puisquÊil y est autant question de la variabilité naturelle des dispositions thermo-pluviométriques que de lÊinstallation éventuelle de ÿ nouveaux climats Ÿ induits par les activités humaines, le Centre régional AGRHYMET de Niamey vient de publier un numéro spécial qui mérite de retenir lÊattention de tous les lecteurs de Sécheresse. Par-delà une référence obligée aux travaux du Groupe dÊexperts intergouvernemental sur lÊévolution du climat (GIEC), le propos de ce petit fascicule est double. Il sÊagit dÊabord de décrire aussi finement que possible lÊévolution du climat régional depuis les grandes sécheresses qui ont sévi au début des années 1970 et 1980. Il sÊagit ensuite dÊévaluer la vulnérabilité des systèmes de production et des modes de vie des populations sahéliennes face aux fluctuations des températures et des précipitations. On sÊattachera en premier lieu aux pages, brèves mais suggestives, consacrées par Benoît Sarr aux fortes pluies et aux inondations qui, de 2000 à 2009, et spécialement en 2007, ont en divers endroits mis à mal les hommes, les activités agricoles et les infrastructures économiques. On sÊattachera plus encore à la solide réflexion dÊAbdou Ali pour tenter de déterminer si la ÿ grande sécheresse Ÿ est ou non révolue et si le prétendu ÿ tournant climatique Ÿ de 1993 correspond bien à une réalité. DÊune part, plutôt que dÊévoquer des périodes sèches et des périodes humides, lÊauteur préfère parler de modes différents de variabilité interannuelle de la pluviométrie, la fin de la décennie 1990 et la totalité de la suivante étant caractérisées par lÊalternance rapide dÊannées très humides et dÊannées très sèches ce qui rend les prévisions plus difficiles que par le passé et impose de nouvelles stratégies dÊadaptation. DÊautre part, il ne saurait y avoir de tendance valable pour lÊensemble du Sahel. On serait plutôt, depuis une quinzaine dÊannées, en présence dÊune ÿ fracture climatique Ÿ avec, à quelques nuances près, poursuite de la sécheresse dans lÊOuest et retour progressif à des conditions plus humides dans lÊEst. DÊoù un accroissement de la variabilité spatiale des pluies, qui rend inopérante la vision dÊun Sahel globalement sec ou globalement arrosé si tant est que de telles images aient jamais eu un sens. Les autres contributions traitent des impacts de la variabilité climatique sur la dégradation des sols, sur les ressources en eau, sur la productivité des cultures et sur lÊélevage. On en retiendra par Sécheresse n° 3, vol. 21, juillet-août-septembre 2010 8/20/2010 10:01:57 AM Water and sustainability in arid regions Bridging the gap between physical and social sciences Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. G. Schneier-Madanes, M.F. Courel, eds. Dordrecht: Springer Netherlands Coll. „Earth and Environmental Science‰ ISBN 978-90-481-2775-7 2010, 22 + 349 p. 158,20 euros Du 9 au 15 octobre 2006, en présence de quelque 250 scientifiques venus de plus de quarante pays, lÊuniversité du Xinjiang a organisé à Urumqi une conférence internationale sur lÊeau, les écosystèmes et le développement durable en domaine aride ou semi-aride. Après une longue décantation, les principaux enseignements de cette manifestation viennent de fournir la matière dÊun ouvrage original, codirigé par les géographes Graciela Schneier-Madanes et Marie-Françoise Courel. Une cinquantaine dÊauteurs, hydrologues, écologues, climatologues, spécialistes de télédétection, politologues, économistes, archéologues, historiens ou architectes, ont mis leurs compétences en commun afin de mieux comprendre les défis auxquels sont confrontés les hommes vivant dans Sécheresse n° 3, vol. 21, juillet-août-septembre 2010 jlesec00327_cor3.indd 233 les déserts chauds ou sur leurs marges et dÊévaluer les stratégies mises en place pour juguler la précarité des ressources hydriques et la médiocrité des aptitudes agricoles. Les sept chapitres qui composent la première partie, axée sur les problèmes contemporains, soulignent la complexité des interactions entre la disponibilité de lÊeau, les biotopes, les biocénoses et les interventions humaines. LÊaccent y est dÊabord mis sur le Nord-Ouest de la Chine, avec un plaidoyer en faveur dÊun aménagement mieux coordonné, respectant davantage la nature et justifiant donc lÊappellation dÊéco-reconstruction. LÊapport potentiel de la télédétection pour la réalisation de diagnostics précis et pour lÊanalyse des processus est excellemment illustré sur lÊexemple de lÊoasis de Keriya, dans le sud du désert de Taklimakan. La distorsion entre ressources (superficielles aussi bien que souterraines) et besoins en eau est ensuite analysée en Iran et au Maghreb. Le cas de la Tunisie est traité à part, en insistant sur lÊaggravation des risques qui pourrait résulter de lÊévolution du climat, puis sur lÊimpérieuse nécessité de concilier le respect de lÊintégrité environnementale et la recherche de la sécurité alimentaire, dÊautant quÊun choix crucial commence à se poser entre le souci de nourrir la population nationale et la tentation de se lancer dans la production de bio-énergie, pour satisfaire la demande extérieure. La deuxième partie, forte de cinq chapitres, sÊapplique à tirer les leçons de lÊhistoire et, par une analyse fouillée de leurs systèmes techniques et socioculturels, à améliorer notre connaissance des sociétés vivant dans les zones arides. Les galeries drainantes souterraines (khettara au Maroc, qanat en Iran, karez dans la dépression de Turpan au Xinjiang) et lÊarchitecture des villes oasiennes (comme Kashgar, au point de rencontre des routes nord et sud de la soie) montrent ainsi comment lÊingéniosité des hommes a réussi, au fil des siècles, à rendre habitables et économiquement viables des milieux a priori hostiles. La question sous-jacente est de savoir sÊil y a encore place, dans le monde actuel, pour des technologies traditionnelles. La réponse est positive, si lÊon en juge à travers le cas de Marrakech où coexistent dans une relative harmonie des aménagements multiséculaires et des aménagements à la pointe du progrès, mais ayant encore à faire la preuve de leur efficacité. Encadrée par une présentation générale des ressources en eau, qui fait une large place à la géopolitique, et par une réflexion historico-épistémologique sur les exigences contradictoires du développement et de la conservation de lÊenvironnement dans un contexte de pénurie hydrique, la troisième partie rassemble sept chapitres sur le thème de la gouvernance et de la durabilité des aménagements hydrauliques. Cette fois, en dehors dÊune mise au point sur la réhabilitation des écosystèmes secs de la rive nord de la Méditerranée, les exemples viennent majoritairement du Nouveau Monde, que ce soit le Sud-Ouest des États-Unis (où la surexploitation des eaux souterraines hypothèque gravement lÊavenir et où la législation encadrant le pompage semble ignorer les principes élémentaires de lÊhydrologie), les confins septentrionaux du Mexique (où un développement urbain incontrôlé amplifie de façon alarmante le manque dÊeau) ou le bassin de la rivière San Juan en Argentine (où lÊon réfléchit à des méthodes permettant de rationaliser lÊirrigation). Mais il ne suffit pas de disposer dÊeau en quantité suffisante, encore faut-il quÊelle soit de bonne qualité ; cÊest pourquoi sont également évoquées les contaminations arsenicales dans le Cône sud. Les éditrices nÊont pas souhaité gommer de petites divergences de fond ou de forme entre les auteurs, certains privilégiant par exemple la notion structurelle dÊaridité là où dÊautres sÊen tiennent à la notion conjoncturelle de sécheresse. De même, il nÊest pas sûr que tous se réfèrent exactement à la même définition dÊune oasis. Mais cela nÊempêche en rien quÊil se dégage de lÊensemble une réelle unité. En renonçant aux grandes synthèses au profit de méticuleuses études de cas et en jouant astucieusement avec les échelles de temps et dÊespace, lÊouvrage attire opportunément lÊattention sur trois points. Le premier est un constat dÊhétérogénéité, tant dans les paysages, dans leur contenu naturel et humain, que dans les ressources quÊils offrent et les contraintes quÊils imposent. Le deuxième, corrélatif du précédent, réside dans le fait que lÊeau ne peut désormais être valablement gérée quÊaux échelles fines, en prenant très largement en compte les valeurs, les connaissances et les pratiques des populations locales. Le dernier souligne lÊatout précieux que peut représenter la collaboration des sciences sociales et des sciences dites ÿ dures Ÿ. Puissent ces trois conclusions être méditées et mises en pratique par tous ceux qui ont quelque responsabilité dans le devenir des milieux arides ! Jean-Pierre Besancenot [email protected] 233 8/20/2010 10:01:58 AM La restauration écologique Principes, valeurs et structure d’une profession émergente Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. André F. Clewel, James Aronson Actes Sud 2010, 340 p. 28 euros 234 jlesec00327_cor3.indd 234 La version originale de cet ouvrage a été publiée en 2007 chez Island Press dans la série ÿ Science et pratique de la restauration écologique Ÿ. Il a été traduit en français en 2010. Cet ouvrage est le 13e de la série et sÊintéresse plus directement à la réalisation de programmes et de projets. Il sÊadresse plus particulièrement aux personnes qui sont engagées sur le terrain dans des actions de restauration dÊécosystèmes à travers le monde. Mais cet ouvrage peut toucher un public plus large allant des ingénieurs écologues aux professionnels des ressources environnementales en passant par les étudiants qui envisagent une carrière dans la restauration écologique. Il vise à consolider les définitions, clarifier les concepts, faire la lumière sur les tendances actuelles en matière de restauration écologique. Il met en avant les synergies possibles avec les activités qui lui sont proches : lÊingénierie écologique, lÊéconomie écologique et la science de la durabilité. De manière plus concrète cet ouvrage est constitué de 12 chapitres organisés en cinq parties. La partie I intitulée ÿ Introduction et contexte général Ÿ précise les fondements de la restauration écologique selon des perspectives écologiques et culturelles ; la partie II sÊintéresse aux éléments des projets de restauration ; la partie III est consacrée aux valeurs abordées par la restauration ; la partie IV décrit la structure dÊune profession émergente et enfin le livre se termine par la partie V ÿ La restauration écologique holistique Ÿ. La plupart des chapitres sont indépendants et peuvent se lire dans nÊimporte quel ordre. LÊoriginalité de cet ouvrage est quÊentre les chapitres se trouvent ce que les auteurs appellent des ÿ visites de terrains virtuels Ÿ. Il sÊagit de brefs encadrés qui présentent des projets de restauration permettant dÊillustrer divers points soulevés dans les chapitres. Ces visites de terrain proviennent du monde entier et certaines concernent plus particulièrement les zones arides puisque la première traite de la restauration dÊune végétation aride en Australie. André Kergreis Rédacteur en chef Sécheresse n° 3, vol. 21, juillet-août-septembre 2010 8/20/2010 10:01:58 AM