6Jean-Louis Gardies
travaux du Centre de Philosophie du Droit qu’avait fondé Michel Villey,
lequel manifesta toujours à son égard, outre une grande considération,
une totale confiance et amitié. Par le fait même, Georges Kalinowski put
jouer un rôle très important dans le développement de la revue Archives
de Philosophie du Droit, et contribuer largement au prestige de celle-ci.
Georges Kalinowski était un philosophe profondément original. Son
non-conformisme détonnait, du moins dans le climat français, même si
l’audience internationale qu’avaient rapidement rencontrée beaucoup de
ses travaux y décourageait toute possible conspiration du silence. Cette
originalité tenait notamment à la double inspiration de ses recherches et
de son œuvre.
D’un côté, Georges Kalinowski appartenait à la tradition philoso-
phique qui, partie de Vienne autour des disciples de Brentano et de
Meinong, et prolongée par l’enseignement que K. Twardowski avait pen-
dant plus de trente ans dispensé à Lwow, avait abouti aux grands repré-
sentants de l’Ecole de Varsovie : Lukasiewicz, Lesniewski, Kotarbinski
et Ajdukiewicz ; tandis qu’une autre branche de cette même tradition
d’origine autrichienne, encouragée, si l’on peut dire, par l’émigration des
années 1930, allait trouver les propres prolongements que l’on sait dans
le monde anglo-saxon.
D’un autre côté, Georges Kalinowski se sentait attaché à la tradition
aristotélicienne et, plus spécialement, thomiste, à laquelle l’avait déjà
initié un de ses premiers maîtres, le philosophe du droit Czeslaw Mar-
tyniak, et dont on sait qu’elle avait connu en France un renouveau avec
les études de Jacques Maritain et d’Etienne Gilson.
Ces deux traditions, originairement au moins apparentées, mais bien
distinctes, étaient indissociablement liées dans son esprit, même si le lien
était loin d’être initialement évident pour tous ses lecteurs, en particulier
pour ceux qui, en France, pouvaient aborder pour la première fois telle
de ses œuvres, et auxquels il n’était pas scandaleux qu’échappât d’abord
entièrement la relation de certaines dispositions logiques, apparemment
très techniques, à l’inspiration fondamentalement métaphysique de leur
auteur.
La renommée de Georges Kalinowski s’établit d’abord sur l’origina-
lité de son travail de logicien. On sait que la logique modale, que Frege
et Russell avaient à peu près laissée de côté, avait ensuite connu un cer-
tain renouveau grâce à Clarence Irving Lewis. Celui-ci avait cependant
limité son attention aux classiques modalités reprises à la tradition aris-
totélicienne (« nécessaire », « impossible », « possible », « contingent »),
modalités souvent dites « aléthiques », parce qu’il était a priori plus