UNIVERSITE PARIS VAL-DE-MARNE FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL ******************** ANNEE 2002 N° THESE POUR LE DIPLOME D’ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE Discipline : Médecine Générale --------------------Présentée et soutenue publiquement le A CRETEIL (PARIS XII) ----------------Par Joël KRAMEISEN Né le 5 juillet 1969 à Metz (Moselle) -------------------- TITRE : Répercussions de l’état de santé des chefs d’état sur l’histoire de France. DIRECTEUR DE THESE : M. le Docteur Bruno HALIOUA Signature du Directeur de thèse LE CONSERVATEUR DE LA BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE Cachet de la bibliothèque universitaire 2 REMERCIEMENTS L’auteur voudrait avant tout remercier Sa femme, pour la mise en page, les graphiques, les illustrations, son indispensable soutien, sa patience et sa confiance. Sa mère pour son abnégation sans faille. Son père, pour son inconditionnel support quotidien et bien sûr son sens de l’histoire qui m’a guidé et inspiré au cours de ma vie Eric, Myriam et Hervé pour leurs soutiens. Marianne, Auriel, Nathanël, Nathalie et Myriam. Danielle et Paul. Son directeur de thèse, pour la joie qu’il a eu à lui permettre d’arriver à réaliser cette thèse, ses corrections, son talent littéraire ses encouragements. Sans sa participation active cette thèse n’aurait pu voir le jour. 3 INTRODUCTION « Ceux qui ne connaissent pas leur histoire s’exposent à ce qu’elle recommence » écrit Elie Wiesel. Un regard rétrospectif de médecin sur l’Histoire de France permet de constater l’importance qu’ont pu avoir certaines pathologies. A l’heure où l’Histoire de la Médecine trouve sa place dans l’enseignement, l’influence de maladies sur le cours de l’Histoire est encore peu explorée mais est parfois indispensable pour comprendre l’Histoire. Ma thèse vise à mettre en évidence comment des pathologies de chefs d’état français ont pu radicalement modifié le destin de la France. Au delà d’une histoire mythifiée, cette constatation doit démontrer le rôle crucial de l’état de santé de ceux qui sont à la tête d’une nation. 4 TABLE DES MATIÈRES REMERCIEMENTS ........................................................................................2 INTRODUCTION............................................................................................3 TABLE DES MATIÈRES................................................................................4 TABLE DES ARBRES GENEALOGIQUES ..................................................8 TABLE DES ILLUSTRATIONS.....................................................................9 LEXIQUE ......................................................................................................10 A. CHARLES VI : INFLUENCE DE SES TROUBLES PSYCHIQUES SUR LA DESASTREUSE DEFAITE D’AZINCOURT.......11 I. CHARLES VI ..............................................................................12 1. Sa vie 12 2. Sa personnalité 13 II. SA PATHOBIOGRAPHIE ..........................................................13 1. La fièvre typhoïde 13 2. La première crise délirante 14 3. Les autres crises délirantes 16 4. Les périodes inter critiques 17 5. Les antécédents familiaux du roi 18 6. Les causes des troubles psychiques évoquées à l’époque et les conséquences politiques 19 7. Causes possibles des troubles psychiques 19 III. LES CONSEQUENCES POLITIQUES DES TROUBLES PSYCHIQUE DE CHARLES VI. ............................................................21 1. La situation de la France au moment du règne de Charles VI pendant la guerre de cent-ans 21 2. La bataille d’Azincourt 21 3. Les conséquences des troubles psychiques de Charles VI pour la France 25 B. FRANCOIS 1er ...................................................................................32 I. SA VIE .........................................................................................32 1. Son enfance 32 2. La mort précipitée de Louis XII 33 3. Le règne de François 1er 33 4. La bataille de Pavie 34 II. LA PATHOBIOGRAPHIE DE FRANÇOIS 1ER .........................37 1. L’apostume royal 37 2. Les causes possibles de l’abcès anal 37 3. Descriptions des abcès suivants 39 III. L’IMPACT HISTORIQUE DES TROUBLES ANAUX DE FRANCOIS 1ER ........................................................................................39 5 1. Un abcès sinusien a contribué à accélérer la fin de la captivité de François 1er 39 2. Un brutal changement d’alliance 40 3. Le début des persécutions des protestants à grande échelle 41 4. La déroute militaire de la France 43 44 5. La mort de François 1er 6. Conclusion 45 C. LOUIS XIV : DE L’INFLUENCE DE LA SANTE DU ROI SUR LES CHOIX POLITIQUES DE LOUIS XIV ................................................46 I. LOUIS XIV : SA VIE .................................................................47 1. La politique intérieure de Louis XIV 47 2. La politique extérieure de Louis XIV 48 II. LES PATHOLOGIES DU ROI LOUIS XIV ...............................48 1. La santé du roi avant la révocation de l’édit de Nantes 49 2. La goutte : une maladie chronique qui fait changer le roi 49 3. La fistule naso-palatine 51 4. La fistule anale. 52 5. Une crise de paludisme 53 III. LES CONSEQUENCES DES PATHOLOGIES DE LOUIS XIV 54 1. La religiosité accrue de Louis XIV 54 2. La soumission de l’église lors des premières crises de goutte du roi 55 3. Destruction du système d’alliances lors de sa fistule nasosinusienne et sa fistule anale 56 4. La révocation de l’édit de Nantes au cours d’une crise de goutte 57 5. Les conséquences stratégiques catastrophiques de la révocation 58 6. La maladie a rendu Louis XIV populaire et l’a renforcé avant la guerre de la Ligue de Augsbourg 59 7. La goutte et les fistules ont déterminé des choix de société en France 60 8. Quelques avancées dues aux pathologies royales 60 9. Conclusion 61 D. LES BATAILLES PERDUES PAR NAPOLEON 1ER EN RAISON DE SES PROBLEMES DE SANTE...............................................63 I. SA VIE .........................................................................................63 1. L’enfance 64 2. Les premières campagnes 64 3. La campagne d’Egypte arrêtée par une épidémie de peste 65 6 4. 5. 6. La montée au pouvoir : le Directoire 66 L’entrée en guerre de la Prusse 67 La fin de l’Empire 68 II. LA SANTE DE L’EMPEREUR...................................................69 1. Les colères de Napoléon 69 2. Un eczéma prurigineux chronique de Napoléon et un dartre 69 3. Une crise de paludisme 70 4. Les migraines 70 5. Les hémorroïdes de Napoléon 71 6. La dysurie 71 7. L’ictère de l’Empereur 71 8. Les douleurs abdominales de Napoléon 72 9. Une hémoptysie 73 10. Une conjonctivite virale 74 11. Les blessures de guerre de l’Empereur 74 III. L’INFLUENCE DES MALADIES DE NAPOLEON SUR L’HISTOIRE DE FRANCE .....................................................................74 1. Des migraines dangereuses 75 2. La peste a vaincu l’expédition d’Orient 76 3. La bataille de Ratisbonne aurait pu être évitée ou facilitée 77 4. La ménopause précoce de Joséphine contraint Napoléon à un mariage malheureux 77 5. La catastrophe de Russie en 1812 évitable sans la trachéite, la dysurie et l’œdème présentés par Napoléon à son arrivée à Moscou 78 6. L’Europe contre Napoléon 82 7. Les 100 jours et la défaite de Waterloo causées par un Napoléon diminué par une crise hémorroïdaire et une dysurie. 84 8. Conclusion 88 E. NAPOLEON III : SES PROBLEMES URINAIRES SONT A L’ORIGINE DE LA CHUTE DU SECOND EMPIRE ..................................90 I. NAPOLEON III : L’HOMME .....................................................90 1. Sa famille 90 2. Sa jeunesse 90 3. La montée au pouvoir 91 4. Son règne 92 II. LES ELEMENTS PATHOBIOGRAPHIQUES DE NAPOLEON DE NAPOLEON III. ..........................................................95 1. Avant l’accession au pouvoir 95 2. Le service de santé impérial 96 3. La santé de l’Empereur pendant le règne 96 4. Une première colique néphrétique 97 7 5. Une première rétention urinaire 98 6. La première pyélocystite 98 7. Les crises de pyélonéphrites aiguës à répétition sur calcul vésical 99 8. La Grande Consultation 100 9. L’intervention chirurgicale fatale 102 III. LES CONSEQUENCE POUR LA France DES PATHOLOGIES URINAIRES DE NAPOLEON III. ............................103 1. Le premier écueil de l’Empire : l’inutile et trop longue expédition mexicaine 103 2. La crise des duchés s’est réglée sans la France 104 3. La victoire prussienne sur l’Autriche-Hongrie est favorisée par la maladie de Napoléon III 106 4. Des rumeurs médicales, des crises boursières et des libéralisations dues aux faiblesses de l’Empereur 107 5. L’absence de contreparties pour la France dans le règlement de la crise entre l’Empire austro-hongrois et la Prusse 108 6. La défaite de 1870 110 7. Le décès de Napoléon III renforce l’installation de la République en France 112 8. Conclusion 114 CONCLUSION ............................................................................................115 BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................117 8 TABLE DES ARBRES GENEALOGIQUES Arbre n°1. Arbre n°2. Arbre n°3. Arbre n°4. Arbre généalogique de Charles VI..............................................................11 Arbre généalogique de François 1er ............................................................31 Arbre généalogique de Louis XIV..............................................................46 Napoléon Ier et III : Généalogie légitime et illégitime simplifiée .....................62 9 TABLE DES ILLUSTRATIONS Illustration n°1 : Illustration n°2 : Illustration n°3 : Illustration n°4 : Illustration n°5 : Illustration n°6 : Illustration n°7 : Illustration n°8 : Illustration n°9 : Illustration n°10 : Charles VI ..........................................................................................12 La Bataille d’Azincourt 1 ...................................................................24 La Bataille d’Azincourt 2 ...................................................................24 Henri V roi d’Angleterre ....................................................................30 François 1er .........................................................................................32 La Bataille de Pavie............................................................................36 Louis XIV...........................................................................................47 Madame de Maintenon .......................................................................54 Napoléon 1er .......................................................................................63 Napoléon Bonaparte ...........................................................................72 10 LEXIQUE Tuphos : Ensemble formé par l’état de stupeur et d’abattement extrême qui caractérise la fièvre typhoïde et quelques maladies infectieuses graves , telles que le typhus exanthématique et les paratyphoïdes (affections typhoïdes).1 Clystère : Injection pratiquée par le fondement (prendre un clystère); clystère est le mot savant, lavement le mot vulgaire et remède le mot utilisé par pudibonderie 2 Annates : Ancien droit du Pape sur les bénéfices consistoriaux dont le revenu s’élevait à au moins 24 ducats et ce droit consistait ordinairement en une année du revenu.2 Vésicatoire : topique destiné à provoquer le soulèvement de l’épiderme par accumulation au-dessous de lui d’une certaine quantité de sérosité. Il était presque toujours fait avec de la poudre de cantharide ou de la cantharidine. 2 Diaphorétique : médicament ou remède qui favorise la transpiration cutanée d’une façon légère (Les diaphorétiques accroissent la circulation des vaisseaux de la peau (eau chaude aromatisée ou non et tisane) les diaphorétique salins , ammoniacaux antimoniaux ont été très employés et les opiacés (poudre de Dover) sont diaphorétiques à petite doses seulement). 1 Le Garnier Delamare Dictionnaire des termes de médecine 25 e édition 1999 Maloine Paris. 2 Encyclopédie Larousse Paris 1932 2 11 A. CHARLES VI : INFLUENCE DE SES TROUBLES PSYCHIQUES SUR LA DESASTREUSE DEFAITE D’AZINCOURT Jean Le Bon Jeanne de Bourbon Charles V Le Sage Duc d' Anjou Philippe Le Hardi Duc de Bourgogne Duc de Berry Isabeau de Bavière Charles VI Le Fou Sacré en 1380 Charles VII Marie d' Anjou Arbre n°1. Louis Duc d' Orléans Arbre généalogique de Charles VI 12 I. CHARLES VI Illustration n°1 : Charles VI 1. Sa vie Charles VI est né le 3 décembre 1368, il a perdu sa mère à l’âge de 10 ans et son père à 11 ans et demi. Son oncle, le duc de Bourgogne, est chargé de son éducation. Son autre oncle, le duc d’Anjou, est écarté du pouvoir pour avoir profité de 2 mois de régence entre la mort de Charles V et le règne de Charles VI pour vider les caisses du royaume.(2) Charles VI a inauguré son règne avec panache par une brillante victoire à Roosebecque contre les Flamands révoltés de Gand, à l’âge de 14 ans. Il s’est marié à 16 ans avec Isabeau de Bavière avec laquelle ils ont eu 12 enfants dont seul un fils atteindra l’âge adulte: le futur Charles VII. Ce Dauphin a été conçu lors d’une période de crise de son père, ce qui a donné lieu à un soupçon de bâtardise qui a largement contribué à affaiblir la légitimité de cet héritier. (2) A 20 ans, en 1388, Charles VI qui disposait du pouvoir absolu, a pris la décision de dissoudre le Conseil de Régence et de renvoyer ses trois oncles. Son frère Louis et ses oncles ont constitué à partir de cette période pour Charles VI un danger constant. Louis, le jeune frère de Charles VI qui était frustré dans ses ambitions car il n’avait pas l’aplomb nécessaire pour permettre à ses idées de se réaliser, s’est rapproché des 13 Marmousets et a ambitionné de profondes réformes qu’il n’a pu concrétiser. Son désir de pouvoir l’a mené à lutter pour accroître son influence afin de s’approprier par la même occasion le trône. Les absences répétées du roi Charles VI ont contribué à accroître les luttes entre Louis son frère, et son oncle, le duc de Bourgogne. Ce conflit est en grande partie responsable de l’affaiblissement de la France pendant plusieurs dizaines d’années. Louis a été assassiné en 1407 et son camp associé au Dauphin l’a vengé en 1419 en assassinant le duc de Bourgogne 12 ans plus tard.(2) 2. Sa personnalité La personnalité pré-morbide de Charles VI a été rapportée par le Religieux de Saint Denis : « Il se distinguait par une telle affabilité, qu’en abordant les moindre gens, il les saluait avec bienveillance et les appelait par leur nom. Il entrait de lui-même en conversation avec ceux qui voulaient arriver jusqu’à lui… ». Brachet a attribué au roi Charles VI une « libéralité » dépassant « les bornes de modération » avec un tempérament hyperactif, toujours pressé, ludique, poussant à l’excès les fêtes, l’amour, et les jeux. A priori ce caractère aurait dû constituer plutôt une prédisposition pour une psychose maniaco-dépressive.(13) II. SA PATHOBIOGRAPHIE 1. La fièvre typhoïde Au cours des mois de mars et avril 1392, le roi Charles VI a présenté en même temps que les ducs de Bar et Berry un syndrome septique sévère. Le duc de Bar était un des grands féaux dont les terres n’étaient pas encore dans le Domaine Royal. Froissart a décrit cette affection en ces termes: une : « fièvre et chaude maladie », ce qui correspond à une hyperthermie accompagnée de convulsions. Le roi a perdu à cette occasion ses «ongles et les cheveux ». (38) Brachet et de nombreux autres auteurs 14 depuis le début du XXème siècle ont rattaché ces troubles à une fièvre typhoïde(13). Le duc de Bar est mort des suites de cette affection. (43) (65). La fièvre typhoïde est une hypothèse diagnostique très probable; en effet cette pathologie était très fréquente à l’époque en raison des conditions d’hygiène déplorables. On sait que cette affection survient après une phase d’incubation silencieuse de 1 à 2 semaines et qu’elle est suivie d’une fièvre d’élévation progressive ou brutale pouvant s’élever jusqu’à 40° et persister, associée à une asthénie importante. La fièvre s’accompagne également de troubles digestifs: constipation ou diarrhée, qui s’associent à une dysurie ainsi qu’à un épistaxis et une splénomégalie. Après une semaine il survient une somnolence, une prostration voire une obnubilation avec le classique tuphos net le jour mais cédant la nuit à de l’insomnie ou une agitation. Le tuphos peut prendre plusieurs aspects cliniques. Il se manifeste par un coma et parfois s’associe à des manifestations psychiatriques. Il est caractérisé par une faiblesse musculaire et un abattement extrême, une prostration. La stupeur se caractérise par un arrêt de l’activité volontaire physique et intellectuelle correspondant à un engourdissement des facultés cognitives s’associant à une indifférence totale. 2. La première crise délirante La première crise délirante est survenue à la suite de l’agression d’Olivier de Clisson, un proche du roi, par Pierre de Craon. Le roi avait alors décidé de partir immédiatement à la poursuite de ce dernier en Bretagne où il s’était réfugié. Du 1er au 5 août 1392, alors qu’il se trouvait au Mans, le roi aurait présenté les premiers signes de «démence par des propos insensés et indignes de la majesté royale» (10)(49)d’après le religieux de Saint-Denis témoin de la scène. De son côté Froissart à souligné le fait qu’il ne mangeait plus régulièrement et qu’il était pensif. (38)(53) En se rendant du Mans vers la Bretagne, le roi a présenté sa première crise documentée qui a été abondamment décrite par plusieurs auteurs. Elle aurait duré de 3 jours à plusieurs mois. Ce qui ressort des différents témoignages, c’est que la crise 15 était accompagnée d’une agitation intense avec une hétéro-agressivité et un délire de persécution. Le mécanisme du délire était à la fois interprétatif et hallucinatoire d’après la description faites par le Religieux de Saint Denis(49). Toujours d’après cette description le roi a semblé avoir été victime d’une confusion mentale. Il n’était plus capable de reconnaître tout son entourage.(49)Le religieux de Saint-Denis qui a donc assisté à la scène en a fait une description tout à fait précise : « Il sortit de la ville armé de pied en cap, à la tête des troupes. Mais à peine était-il arrivé jusqu’à la léproserie, qu’un misérable, couvert de haillons, vint à sa rencontre et lui causa une vive frayeur. Malgré les efforts qu’on fit pour éloigner cet homme par les menaces et la terreur, il suivit le roi pendant près d’une demi-heure, en lui criant d’une voix terrible : « Ne va pas plus loin, noble roi car on te trahit !» L’imagination du roi, déjà troublée, lui fit ajouter foi à ces paroles, et un nouvel incident acheva d’égarer ses esprits. Un des hommes d’armes qui chevauchait à ses côtés, se trouvant trop pressé par la foule, laissa tomber à terre son épée. Au bruit du fer, le roi fut saisi tout à coup d’un accès de fureur ; dans son égarement, il tira son épée du Foureau, et tua cet homme. En même temps il donna un coup d’éperon à son cheval, et pendant près d’une heure entière il fut emporté de côté et d’autre avec une extrême rapidité, en criant : « on veut me livrer à mes ennemis ! » et en frappant ses amis aussi bien que les premiers venus. Tout le monde fuyait devant lui comme devant la foudre. Pendant cet accès de fureur, le roi tua quatre hommes ; entre autre un fameux chevalier de Polignac, qui était bâtard. Il aurait causé de plus grands malheurs encor, si son épée ne fût brisée. Alors on l’entoura, on l’attacha sur un chariot et on le ramena au Mans, pour lui faire prendre un peu de repos. Ses forces était tellement épuisées, qu’il restât deux jours sans connaissance et privé de l’usage de ses membres. Bientôt son état empira ; le corps commença à se refroidir ; la poitrine seule conservait encore un reste de chaleur et de vie, qu’on distinguait à peine aux légers battements de son cœur. » (49) 16 D’autres descriptions de cet épisode comme celle de Monstrelet ont rapporté que le duc d’Orléans, le frère du roi, aurait été considéré comme menaçant par le roi et qu’il aurait été blessé au cours de cet incident.(53) 3. Les autres crises délirantes Les crises, au nombre de 43 selon Brachet, se sont répétées dans les années qui ont suivi. Elles auraient duré pendant des périodes variant de 3 à 9 mois. Plusieurs de ces crises étaient caractérisées par une agitation et par une violence. Le roi qui sentait l’arrivée de ses crises, demandait alors qu’on lui prît son couteau afin de le protéger en raison de l’auto agressivité qu’il redoutait. Pendant ses crises, le roi perdait l’aptitude à reconnaître une partie des personnes de son entourage y compris sa femme. Il avait parfois des idées de transformation corporelle: Charles VI s’imaginait être un être de verre, fragile, prêt à se briser. Charles VI présentait parfois une dépersonnalisation en Georges.(13)(53) Ce personnage Georges était un chevalier. Son blason était un lion traversé par une épée. Le roi ne reconnaissait plus ses proches et s’épuisait dans de folles courses à l’intérieur de son château. Pour le protéger d’une défenestration du fait de sa douleur morale parfois intense, on posait des barreaux à ses fenêtres. Charles VI se croyait également agressé : « Il criait comme s’il eut été piqué de mille pointes de feu et craignait de se briser en tombant ». (53) Il portait atteinte à sa femme ce qui a conduit son entourage à lui donner une concubine en 1405, Odette de Champdivers, dont il a eu un enfant.(2)(28) L’incurie dans laquelle il se retrouvait pendant d’autres crises constituait un vrai problème pour son entourage comme lors de la crise de 1405 au cours de laquelle il est apparu couvert de vermine et de poux. Un stratagème subtil rapporté par le Religieux de Saint-Denis a été imaginé alors pour l’amener à se laver. Des serviteurs déguisés se sont rendus dans sa chambre en pleine nuit pour l’obliger à se laver. (49) (13) 17 4. Les périodes inter critiques Entre les crises pendant des périodes de 3 à 6 mois le roi retrouvait ses capacités physiques et alla jusqu’à participer aux combats contre les Anglais en 1415 à Rouen. Il a continué à avoir des enfants longtemps après les premières manifestations de sa maladie. Son successeur est conçu au cours d’une période de crise, ce qui a fait sérieusement douter de sa légitimité, dès sa naissance, notamment par ses rivaux dynastiques. Cette accusation a été sous-jacente au traité de Troyes.(28) Entre ses crises même s’il recouvrait alors une grande partie de ses capacités intellectuelles, sa capacité d’attention restait quand même limitée.(2)(18) Le roi présentait des troubles du sommeil même entre ses crises. (2) Son comportement a été marqué par une indifférence dont la conséquence a été la survenue d’actes politiques absurdes tels qu’une indifférence aux décès de plusieurs de ses proches lors de l’incident du bal des ardents où il a lui-même failli périre brûlé, le pardon aisément accordé aux assassins de son frère Louis d’Orléans ou le traité de Troyes. On voit qu’entre les crises, Charles VI pouvait surtout maintenir les apparences en conservant un comportement obéissant au respect du protocole, il recevait des ambassades, il rencontrait publiquement d’autres rois comme le roi Henri V d’Angleterre qu’il a accompagné dans Paris. En raison de son indifférence, le roi a de moins en moins pu s’opposer à ce que des choses contraires à sa volonté se réalisent en son absence. Son indifférence et sa facilité à octroyer son pardon ont contribué à discrédité sa volonté. En 1407, il avait demandé que ce soit son fils qui assure la Régence tranchant pour un temps dans la lutte pour le pouvoir. En effet, lors de ses absences, le Conseil défaisait ce que le roi avait ordonné de faire lors de ses incapacités en nommant par exemple à cette occasion, la reine Régente. L’indifférence de Charles VI s’est accrue en fin de règne. Il ne semblait pas alors choqué, peiné ou engagé ni par la guerre civile qui déchirait Armagnacs et Bourguignons ni par le terrible traité de Troyes. Son trouble ne l’empêchait néanmoins pas de chasser et de garder une apparence adaptée, jusqu’à la fin de ses jours entre ses crises.(35) 18 5. Les antécédents familiaux du roi a) La consanguinité Deux questions se sont posées à propos de Charles VI. La consanguinité de la famille régnante est-elle suffisante pour expliquer la survenue de troubles psychiques? Existe-t-il des pathologies mentales à caractère héréditaire dans la dynastie royale ? La consanguinité de Charles VI est une réalité. En effet un roi ne pouvait se marier qu’avec une princesse de rang équivalent et en période de conflit international les opportunités des partis étaient plus que limitées. Ce fait a pu expliquer que certains monarques aient plusieurs enfants atteints de malformation. Les boiteries des enfants Louis XI constituent un exemple souvent cité. (2) La consanguinité a été mesurée par Brachet grâce à un indicateur appelé l’implexe de consanguinité. Il s’agit de compter le nombre d’ancêtres d’une personne sur un certain nombre de générations (par exemple pour 5 générations: 2+4+8+16+32 = 62 ancêtres.). L’implexe est le rapport entre le nombre d’ancêtres distincts et le nombre d’ancêtres total. Plus il est élevé, moins la consanguinité est forte. Pour Charles VI, il est de 55 /62 et peut être considéré comme peu important. (13) b) Les pathologies familiales La mère de Charles VI, Jeanne de Bourbon, aurait fait un épisode délirant aigu d’une durée de moins d’un an à l’âge de 35 ans. Elle « perdi son bon sens et bon memore[…]par un caraut ( un sort ou un empoisonnement) » (13)(10) Son oncle maternel, Louis de Bourbon serait lui mort de ce que l’on appelait à cette époque la mélancolie. A ces deux antécédents intéressants on peut ajouter que le frère de Charles VI, Louis le chef du parti des Armagnacs, à l’origine de l’un des 2 partis responsables de la guerre civile qui a ravagé la France en cette période, est décrit comme étant hyperactif, doué d’une vivacité intellectuelle, d’un langage étonnant ainsi que d’un goût extravagant pour les fêtes et les femmes. (2) 19 Parmi la faible descendance de Charles VI il a été rapporté que son petit fils Henri VI roi d’Angleterre a été victime d’une crise aiguë de « démence ». Il est le fils de Catherine et de Henri V d’Angleterre dont le mariage était une condition du désastreux traité de Troyes. Ainsi la folie de Charles VI qui a durablement déstabilisé la France, a été pour les Anglais qui en ont profité, une arme à double tranchant. Elle a failli entraîner de sérieux troubles chez les monarques britaniques. Une étude du caractère héréditaire de l’affection psychiatrique de Charles VI ne peut être faite chez les descendants du fils de Charles VI car celui-ci a été conçu lors d’une période de crise au cours desquelles le roi ne reconnaissait pas sa femme et était reclus à Saint-Paul.(10) L’illégitimité de Charles VII a largement été évoquée dès cette époque. On peut donc considérer qu’il s’agit en quelque sorte d’un possible et discret changement de dynastie pour des raisons médicales. (28)(2) Charles VII aurait présenté une démence sénile et serait mort d’un phlegmon buccal en s’imaginant empoisonné par son fils.(10) 6. Les causes des troubles psychiques évoquées à l’époque et les conséquences politiques La maladie psychique du roi n’a pas entraîné certes de remise en question de sa royauté mais fait chercher une cause à ce qui est vécu comme une punition divine. La justification des actes du roi, a conduit à un regain de religiosité. Il a été édicté des décrets pour interdire les jeux d’argent, la prostitution, le blasphème. Les derniers juifs ont été expulsés définitivement de France en 1494. Le roi a même consacré une de ses filles Marie à la vie monastique dès l’age de 4 ans. Cet acte motivé par la maladie du roi a été politiquement important car il a privé la royauté d’une possible alliance de l’importance de celle de son autre fille Catherine lors du traité de Troyes. (2) 7. Causes possibles des troubles psychiques 20 L’hypothèse de l’intoxication chronique par un poison ne peut être retenue pour la simple raison que des goûteurs auraient été atteints et qu’il aurait été retrouvé d’autres signes physiques comme une ataxie, une dysarthrie, ou une mydriase. L’hypothèse métabolique principale est la porphyrie qui est responsable notamment des troubles psychiques non spécifiques. Elle ne peut pas être retenue car elle a un caractère héréditaire autosomique dominant et n’est pas retrouvée dans l’ascendance ni la nombreuse descendance. Pendant ses périodes d’agitation on peut trouver des éléments en faveur d’une phase maniaque comme une exaltation lorsqu’il se prend pour un preux chevalier, mais il ne présente pas alors de mégalomanie, tachypsychie, ludisme, tachyphagie ou d’euphorie. (28) Les crises s’accompagnaient souvent de douleurs morales, de ralentissement, de stupeur, de sentiment de culpabilité, mais pas de pessimisme particulier ni d’émoussement affectif (Charles VI a quand même eu 12 enfants dont certains en période de crise, et une maîtresse). Il semble que, quelle que soit la nature de sa pathologie délirante et dissociative, que celle-ci ait un caractère thymique. Charles VI a présenté des symptômes paranoïaques lors de sa première crise.(28) Certains auteurs ont retenu le diagnostic de psychose maniaco-dépressive comme Kersauze en 1987 ou Dauchy en 1994.(53)(28) D’autres comme Degiorgis(30) concluent à une schizophrénie. Degiorgis classe sur l’échelle du DSMIII les atteintes de Charles VI : -Axe I : 295-IX (schizophrénie désorganisée) puis 295-2X (schizophrénie catatonique) et enfin 295-6X à la fin de sa vie (schizophrénie résiduelle). -Axe II : aucune cotes de 301…..00 à 301.89 n’a pu être retenue. -Axe III : comprend l’épisode de typhus . 21 -Axe IV : non étudié du fait de la difficulté à apprécier des stress psychosociaux. -Axe V : l’adaptation va de 1 à 7 selon le moment considéré. (30) De nombreux charlatans essayèrent de venir en aide au roi moyennant finance, ils abusèrent même les pairs du royaume par des moyens thérapeutiques qui font sourire aujourd’hui.(44)(2)(38) III. LES CONSEQUENCES POLITIQUES DES TROUBLES PSYCHIQUE DE CHARLES VI. 1. La situation de la France au moment du règne de Charles VI pendant la guerre de cent-ans La situation économique du royaume était difficile malgré l’important recul territorial anglais en raison de la peste noire qui sévissait encore épisodiquement. La peste avait emporté le tiers de la population lors de son premier passage. De plus, la guerre civile entraînait des dommages supérieurs à ceux d’une simple occupation étrangère. En l’absence de levée officielle par le roi d’impôt pour financer la guerre contre les Anglais, les féodaux qui trouvaient habituellement d’importants revenus financiers dans la redistribution de cet impôt n’avaient pas les finances suffisantes pour entretenir leur armées qui se payaient et vivaient sur le pays même entre deux batailles. Les « écorcheurs » dévastaient le royaume en l’absence de pouvoir central fort. La bataille d’Azincourt a contribué à accélérer la déliquescence du pays et a fini par aboutir à la pire période de trouble retenue dans la mémoire collective nationale. (35) 2. La bataille d’Azincourt 22 A la veille de la bataille d’Azincourt l’armée française est nombreuse à répondre à l’ost royal, elle a un bon moral. Elle comprenait à sa tête Charles VI, malgré ses troubles psychiatriques. Cependant à Rouen au cours d’un Grand Conseil Jean de Berry, l’oncle du roi et pair du royaume, a fait en sorte que le roi soit écarté de la bataille en souvenir de la bataille de Crécy qui a eu lieu 60 ans plus tôt pendant laquelle le duc de Berry notamment avait été fait prisonnier des dizaine années. En cette année de lutte à mort entre Bourguignons et Armagnacs, choisir un chef d’armée était particulièrement difficile. La vacance du pouvoir royal a eu des effets redoutables en cette période de l’histoire où les allégeances personnelles avaient préséance sur les devoirs de l’individu envers une nation ou un pays, des notions aux contours encore bien floues. Le duc de Berry était beaucoup trop âgé pour mener la bataille. Le duc de Guyenne avait été retenu par son oncle, tandis que le duc de Bourgogne est resté le chef naturel ; toutefois les Armagnacs, avec l’appui du duc de Berry, l’ont empêché de s’approcher de Paris, du roi et de l’armée, de peur qu’il ne capture le roi et le pouvoir. Le duc de Berry craignait que cette nouvelle mainmise sur le roi ne déséquilibra définitivement les prébendes du pouvoir, avec le risque de raviver la guerre civile en bouleversant l’équilibre des forces. Seule une troupe du duc de Bourgogne, sans son autorisation, a participé au combat en arrivant en dernière minute sur le lieu de combat.(35)(2) Au cours de la bataille d’Azincourt, les troupes françaises avec 20 000 soldats français sont en surnombre par rapport aux 7000Anglais. Le plan de bataille du Maréchal Boucicaut qui a été retrouvé dans les archives anglaises était cohérent. A priori les Français avaient un ordre de bataille. Celui-ci n’a pu être réalisé du fait du nombre trop important de soldats présents à la semonce royale les empêchant de manœuvrer avec discipline et efficacité du fait de l’exiguïté du champ de bataille.(77) En l’absence du roi et du Dauphin, le commandement était divisé et affaibli au lieu d’être déterminé derrière une stratégie. Il était exercé par un conseil dominé par les duc d’Orléans, de Bourbon, et d’Alençon: de jeunes princes de respectivement 24, 30 23 et 33 ans, inexpérimentés au combat et manquant totalement de charisme. Les chevaliers de langue d’Oïl auraient bien obéi aux Ducs de Berry ou de Bretagne, mais les jeunes princes ne pouvaient canaliser la fougue de l’ost royal.(35)(77) Dans une étroite plaine de 1 km de large, choisie par les Anglais, l’armée française a été disposé en trois « batailles ». En première ligne il y avait ceux qui dans l’ordre avaient le plus de droit à combattre pour le roi, c’est à dire la noblesse, à cheval pour respecter son rang, avec sur sa gauche l’élite de la cavalerie reconnue pour être la meilleure du monde qui devait surgir et mettre en déroute les archers anglais. La lenteur décisionnelle de l’armée française avait permis à ceux-ci d’installer des pieux plantés qui ont brisé les assauts de cavalerie français, mettant ainsi les nobles cavaliers à la portée des archers anglais. (35) (77) Toute la nuit précédant la bataille les Français avaient marché dans la pluie et la boue à la recherche des Anglais, qui avaient eu le temps de dormir. En fin de matinée, après la pluie, les Français ne voyant pas d’offensive anglaise ont décidé d’attaquer. Ils ont alors eu le soleil dans les yeux. (35) (77) La cavalerie française a butté sur les premières lignes anglaise retranchée et s’est désorganisée sous les volées de flèches de l’archerie anglaise. Ne pouvant manœuvrer elle a constitué un obstacle pour les archers français qui n’ont pu la soutenir. Seul le roi en personne aurait eu l’autorité de contenir l’impétuosité de la cavalerie française afin d’opter pour une stratégie moins traditionnelle et moins coûteuse. (77)(35) Le duc de Brabant, frère du duc de Bourgogne, est arrivé avec ses troupes malgré l’interdiction de son frère, lorsque la deuxième ligne française a été enfoncée. Prévenu trop tard de la bataille, il n’a pu changer son cours, et est mort lui aussi au combat avec nombre de ses hommes.(77) 24 Illustration n°2 : La Bataille d’Azincourt 1 Illustration n°3 : La Bataille d’Azincourt 2 25 3. Les conséquences des troubles psychiques de Charles VI pour la France a) Sur son personnel politique A l’issue de la bataille d’Azincourt, une infime minorité des grands seigneurs a échappé au massacre. Ils ont été faits prisonniers comme le duc Charles d’Orléans, le neveu du roi Charles VI et chef du parti Armagnac qui a passé 25 ans en captivité en Angleterre, Jean de Bourbon et le futur connétable Arthur de Bretagne. Les pertes humaines sont de 1 600 hommes pour les Anglais et de 10 000 hommes chez les Français. (2)(34) 600 chevaliers et barons ont perdu la vie lors de cette énorme défaite, 5 Ducs, 12 comtes et de nombreux grands seigneurs. Sur les 1400 membres de la haute société parisienne faisant parti de la cour du roi, 1/3 ont été tués. A cela s’ajoute des pertes particulièrement importantes parmi la noblesse de pays d’Oïl. Les familles sont éteintes, ruinées par des rançons et décimées par la mort de chefs de famille ou de leur héritier. Ce sont les régions les plus fidèles au roi et où il prélevait habituellement ses serviteurs qui ont payé le plus lourd tribut. L’ossature militaire et l’administration du Domaine Royal ont alors été décomposées. Les fondements les plus solides de l’état étaient gravement atteints. Il faudra chercher dans le centre et le sud de nouveaux hommes. L’incapacité du roi à nommer de manière assurée des fonctionnaires et même l’absence de candidat, ajoutées aux éliminations politiques inhérentes à chaque changement de pouvoir entre Armagnacs et Bourguignons, ont contribué à priver le pouvoir de serviteur. La vacuité du pouvoir connaît un accroissement brutal.(35)(2) b) Sur sa politique intérieure puis extérieure Du parti des Orléans alors dominant ne subsistaient que ses représentants dans le Sud de la France: les Armagnacs. Leurs troupes faisaient alors front face aux Espagnols. Les Armagnacs seront à leur tour décimés lors d’une révolte parisienne en 1418 appelant Jean sans Peur, le duc de Bourgogne. C’est alors l’anarchie par le vide.(2)(35) 26 Les sources de légitimité se sont ralliées aux forces en présence : le Dauphin s’est lié aux Armagnacs survivants; la reine, sans pouvoir réel, est récupérée par le parti bourguignon qui lui a fait quitter Paris pour Troyes, suite à l’insurrection parisienne. Le Dauphin a dû se réfugier dans le Berry.(2)(35) Les absences du roi ont continué à exercer leurs effets dévastateurs. En effet, il était le seul détenteur du droit de prélever des impôts pour financer la guerre, de nommer des hommes à des postes clés et ainsi de structurer l’état. Les princes, en révolte, ne possédaient pas ces droits et de ce fait ils ont eu des ressources insuffisantes pour financer décisivement une guerre civile ou contre les Anglais. Ils ont toujours été en manque d’argent pour lutter contre leurs rivaux ou les Anglais. Pendant les absences du roi, les deux partis ont essayé de s’accaparer le maximum d’argent et de pouvoir. Ils ont lutté entre eux, appauvrissant ainsi le pays qui avait démontré sa capacité à chasser l’envahisseur avec le roi précédent. Ce sont les gains de dizaines d’années de guerre patiente qui ont été perdus pour la France. Le roi a bien tenté lors de ses périodes de lucidité d’organiser le pouvoir pour gérer ses futures absences, mais le temps long de celles-ci donnait une impunité aux fauteurs de trouble et réduisait l’influence du roi qui lui-même a perdu peu à peu ses capacités à gouverner par une sorte d’indifférence. Il y eu une multiplication d’« écorcheurs », c’est à dire de bandes armées de soldats d’occasion entre deux engagements ou simplement de brigands qui écument le pays. Ils ont été pour la France une plaie aussi importante que les épidémies de pestes ou les luttes intestines. Ils étaient le résultat du vide politique et du désordre public. (2)(35) Henri V, le roi d’Angleterre, a profité au début de sa victoire d’Azincourt pour pratiquer une « chevauchée ». Puis, devant les faiblesses politiques françaises, il a obtenu l’alliance de l’Empereur Sigismond d’Allemagne. C’est alors qu’il s’est lancé dans la reconquête de la Normandie, il a même repris, après 6 mois de siège en 1419, Rouen, la deuxième ville du royaume avec 25 000 habitants qui commandait le commerce de la capitale Paris. Pendant son siège, Jean sans Peur qui était à Paris n’a 27 absolument rien fait pour aider Rouen. Il a été assassiné lors d’une entrevue avec le Dauphin en septembre 1419, soit 12 ans après l’assassinat du duc Louis d’Orléans, qui était alors vengé.(2)(35) c) Le traité de Troyes Après cet assassinat, Philippe de Bourgogne a été obligé de se détourner du Dauphin et de s’accorder avec les Anglais entraînant la Reine et Charles VI dans le traité de Troyes. Ce traité a été le plus humiliant que la France ait jusqu’alors connu. Charles VI a délégitimé son fils du fait du parricide de Montereau (le meurtre du duc d’Orléans son oncle) et a été contraint de céder sa couronne aux Lancastre en adoptant le roi d’Angleterre comme fils et lui mariant sa fille Catherine pour sceller cette alliance. La France était ainsi livrée en viager à l’Angleterre. En échange de son entremise le duc de Bourgogne recevait une terre d’une valeur de 20 000 livres ainsi qu’une levée du siège de Paris. Les deux rois entraient en grande pompe dans un Paris fatigué. Dans les campagnes, les champs abandonnés laissaient les forêts s’étendrent plus que depuis plusieurs siècles. Las, le Parlement, les Etats et l’Université de Paris approuvèrent le traité inique qui devait rattacher le royaume de France à la couronne Anglaise. (2)(35) De cette sordide union est né un fils qui est mort deux mois avant Charles VI, ce qui a évité de renforcer la légitimité des Lancastre sur la couronne française. Si la maladie de Charles VI a presque démantelé le royaume de France, la mortalité infantile lui a évité de s’aliéner à la couronne anglaise. (2)(35) A la mort de Charles VI, en octobre 1421, son corps a été accompagné par la foule à Saint-Denis et enterré par un prince anglais en l’absence de tout prince français. Sous l’apparence des rites accoutumés rapporte Enguerrand de Monstrelet, Henri V a été proclamé roi de France et d’Angleterre : « Et lors le roi d’arme Berry, accompagné par plusieurs hérauts, cria dessus la fosse :D,ieu veuille avoir pitié et merci de l’âme du très haut et excellant prince Charles, roi de France, sixième du nom, notre naturel et souverain seigneur. Et derechef après ce, le dessus dit roi d’arme cria :D,ieu donne bonne vie à Henri, roi de France et d’Angleterre notre souverain seigneur. » 28 On note l’absence de naturel dans la désignation d’Henri V et de la formule habituelle « Le roi est mort, vive le roi ! » (77) Seul le peuple a continué d’aimer et de respecter ouvertement son roi malgré l’adversité, les luttes pour le pouvoir et ses incapacités. Il symbolisait les malheurs du pays que lui aussi endure. Peu de temps après, en août 1422, meurt Henri V qui est également enterré à Saint Denis comme tout bon roi de France, mais son corps évitera de traverser Paris pour échapper à la vindicte publique d’une ville hostile. (2)et (35) d) La persistance de légitimité royal La maladie du roi a révélé la faiblesse des structures de l’état où le roi tirait sa légitimité de Dieu. Son corps politique ne pouvait être mis en cause par aucun des deux partis qui s’arrachaient les prébendes du pouvoir. Kantorowicz (52) a ramené Plowden un juriste anglais qui a établi en termes clairs dès 1562 la distinction entre la personne physique et morale qu’est le roi et qu’aucune institution, même le Conseil, ne pouvait remplacer. « Le roi a en lui deux corps ,c’est à dire un corps naturel et un corps politique. Son corps naturel, considéré en lui-même, est un corps mortel, sujet à toutes les infirmités qui proviennent naturellement ou par accident, à l’imbécillité de l’enfance ou du grand âge et de tous les autres défauts qui échoient aux corps naturels des gens ordinaires. Mais son corps politique, qui ne peut être touché, qui consiste en la police et le gouvernement, fait pour la direction du peuple et la gestion du bien public, ce corps est entièrement exempt de l’état enfantin ou sénile et des autres défauts et faiblesses auxquels le corps naturel est soumis; pour cette raison, ce que le roi fait par son corps politique ne peut être invalidé ou suspendu par aucune incapacité de son corps. ». Le roi est tout de même resté populaire et a continué à personnifier la France malgré tous ces déboires. Le peuple de Paris, qui a massacré les Armagnacs en 1418, acclamait encore le roi. Quand le duc de Bourgogne a fait assassiner son oncle mais a respecté le légitimité du roi, il a conservé la sienne qui lui était liée mais lorsqu’il s’est accordé avec les Anglais qui eux voulaient remplacer le roi en abusant de sa maladie, il a perdu sa légitimité, ce qui causera sa perte. L’attachement au roi a permis de dépasser cette période et peu à peu Charles VII, le 29 fils de Charles VI, a reconquis le royaume de France et la couronne. Cette reconquête a permis pour la première fois au sentiment national de s’exprimer en tant que tel. Il l’a emporté sur le lien de suzeraineté féodale personnel, et a permis à la France de dépasser cette épreuve, après plusieurs dizaines d’années de lutte. (77) La folie de Charles VI a prolongé de 50 ans la guerre de Cent Ans et a causé des souffrances dont le souvenir fait encore partie de la mémoire collective nationale. Calmette pouvait déclarer que la : « folie du roi est un cataclysme historique. La chute de la France de Charles VI est la conséquence directe de l’accident tragique de la forêt du Mans. » (18) 30 Illustration n°4 : Henri V roi d’Angleterre 31 Arbre n°2. Arbre généalogique de François 1er Charles V Charles VI Louis d' Orléans Charles VII Charles d' Orléans Louis XI Anne de France Jeanne de France Charles VIII Anne de Bretagne Louis d' Orléans Louis XII Jean d' Angoulême Charles d' Angoulême Louise de Savoie 1er mariage Claude François 1er Marguerite 32 B. FRANCOIS 1er Illustration n°5 : François 1er I. SA VIE 1. Son enfance François est né à Angoulême en 1494, il est le fils de Charles d’Angoulême et de Louise de Savoie. François n’a hérité de la couronne royale que grâce à un concours de circonstances particulièrement favorable, dû aux conditions déplorables de la médecine de l’époque responsable d’un taux de mortalité important. Charles VIII est mort sans héritier d’un traumatisme crânien, suite à un choc contre le linteau d’une porte. Louis XII, son successeur avait été marié de force à une femme bossue, boiteuse et légèrement débile dont il n’avait pas eu d’enfant. Il s’est remarié avec la duchesse Anne de Bretagne, veuve du roi précédent. (50)(82). 33 François a été élevé sous la surveillance de sa mère dans un premier temps puis de Louis XII. Il a été entouré dès son jeune âge de jeunes princes : Chabot, Montmorency, Montchenu, Fleurange et Robert de Lamarck et Brion qui l’ont soutenu durant tout son règne (50) 2. La mort précipitée de Louis XII A la fin de sa vie, Louis XII, malade, conscient de sa fin proche et ayant perdu sa femme Anne de Bretagne, avait organisé sa succession en arrangeant le mariage de sa fille Claude avec François d’Angoulême, l’héritier du trône. Louis XII défait par les Anglais, s’était marié avec la sœur de Henri VIII d’Angleterre, Marie Tudor, pendant trois mois. (81) Arlette Jouhanna a livré une explication de son décès du au fait « que la jeune beauté blonde auprès de laquelle il accomplit assidûment son devoir conjugal » et « que son organisme prématurément vieilli a fini par s’épuiser. Sensualité d’arrière-saison peut être, mais surtout un effort ultime et désespéré pour obtenir une progéniture mâle ». (51) La goutte et les excès de Louis XII ont conduit François Ier au trône contribuant de ce fait à changer le destin du pays. 3. Le règne de François 1er Dès son avènement au début de l’année 1515, François 1er a renvoyé Marie Tudor en Angleterre avec son nouveau mari le scandaleux Suffolk, pour s’accorder avec les Anglais. Il a contribué à faire soulever les Flandres, la Lorraine et le Palatinat contre Charles Quint ce qui lui a permis d’avoir les coudées franches pour s’attaquer à Milan. Le général Trivulce accompagné de l’artillerie a traversé les alpes par surprise. Le Pape Léon X n’a pas pu, malgré sa Sainte Ligue empêcher les Français d’atteindre Milan. Il s’agissait alors d’une brillante et riche cité protégée par une très importante armée suisse. La bataille de Marignan, le 13 septembre 1515, a donné une glorieuse victoire à François 1er. Après 30 charges, la bataille indécise s’est arrêtée pour une nuit et le lendemain, les Suisses ont fui, laissant sur le terrain 17000 morts plus les 34 blessés. Ne poursuivant pas les Suisses, François est entré en triomphe dans Milan où il a paradé avec 24.000 fantassins et 1.800 gens d’armes en ordre. (46) (50) Le Pape a donc été contraint de traiter en terrain neutre à Bologne. François 1er a accepté les annates du Pape en France tandis que celui-ci a accordé le Concordat pour la France et a donné au roi la possibilité de nommer les archevêques, les évêques, abbés et prieurs, renforçant le pouvoir royal et ses revenus. En outre, la France a reçu 400000 ducats qui correspondaient à 3 ans de dîme sous prétexte de préparation de croisade, un poste de cardinal pour le frère de Bonnivet et une croix de 15000 ducats du cardinal Sforza qui avait lutté contre la France.(46) (50). Au cours de la campagne d’Italie de François 1er et à la faveur du Concordat de 1516, le jeune et fougueux François 1er a non seulement remporté une grande victoire militaire mais il a ramené en France la Renaissance et une marge de liberté vis à vis du pouvoir religieux.(93) En 1519, à la mort de Maximilien, François 1er a entrepris de se faire élire Empereur d’Allemagne. Malgré les énormes pots-de-vin Français, il en a été empêché par un sursaut national allemand qui a contribué à faire élire Charles de Habsbourg. L’Empereur s’est déclaré contre le protestantisme après une rencontre avec Luther à la Diète. L’Empereur a choisi l’opposition aux princes protestants et non la relative tolérance de François 1er.(74) En 1520 à grand renforts de luxe et d’honneur, François a essayé en vain de s’allier à Henri VIII d’Angleterre au camp du drap d’or (50) A la recherche de capitaux pour financer un affrontement avec l’Empereur, François a imposé des impôts importants à la riche province de Bourgogne et il a capté l’héritage du Duc de Bourbon, le plus puissant et dernier grand féodal. (46)(50) 4. La bataille de Pavie 35 En Italie, le Pape Léon X avec Prosper Colonna a chassé les Français qui ne payaient plus leurs mercenaires suisses de Milan en 1524. L’armée impériale avec le duc de Bourbon à sa tête, a pénétré en Provence. Les Français ont pratiqué la dure politique de la terre brûlée. La contre-attaque française partit de Marseille un temps assiégée et a été jusqu’à Milan, qui dévastée par la peste a perdu 30 à 40 000 habitants et ne valait plus la peine d’être prise, d’autant plus que la peste faisait peur aux soldats. Les Français, sûr de leur force, ont décidé d’assiéger la seule place forte des Impériaux: Pavie. Pendant ce temps les Impériaux trop pauvres pour payer aussi longtemps une armée attendaient à Lodi de se renforcer. Ils ont attaqué 1’année suivante avec des troupes fraîches alors que les Français ont commis l’erreur d’envoyer une armée prendre Naples. François 1er légèrement blessé, a été fait prisonnier et a été envoyé en détention en Espagne. Après ce retournement inattendu de la situation, l’Empereur Charles Quint était brutalement en position de force. (46)(50) Après la capture de François 1er, les Turcs alliés de la France, ont pris la Hongrie à la bataille de Mohacs en 1526 et ont assiégé Vienne détournant ainsi Charles Quint de la France. Les Turcs alliés de François 1er ont même hiberné à Toulon lors du siège de Nice quelques années plus tard. La poussée turque a été pressante sur l’Empire des Habsbourg pendant plusieurs siècles.(75) Le 3 août 1529 la paix des Dames qui clôtura le second affrontement entre François1er et Charles Quint a été signée à la suite decuisante défaite de François Ier en Italie. En 1536 la France et l’Empire Turc ont signé les Capitulations qui réglaient pour des siècles les statuts des Français en Turquie et des Turcs en France prouvant ainsi l’avantage des négociations avec les Turcs sur la guerre à outrance et légitimant ainsi la politique d’alliance de François Ier . (75)(50) En 1538, alors que les Turcs avançaient en Europe et menaçaient même l’Italie, François 1er a obtenu la promesse de l’Empereur, pour son deuxième fils, d’accéder à la possession de Milan.(75) (46) ( 50) 36 Illustration n°6 : La Bataille de Pavie 37 II. LA PATHOBIOGRAPHIE DE FRANÇOIS 1ER 1. L’apostume royal François 1er a déjà fait dès l’âge de 18 ans un épisode d’urétrite qui pourrait correspondre une blennorragie et que Rabelais nous a appris :« Le 7 septembre 1512, Louise de Savoie, sa mère, nous relate que « François eut mal en la part de secrète nature durant deux jours. » On connaît de nombreuses aventures à ce roi à la galanterie proverbiale. Après des débuts cuisants déjà évoqués, il a pris des mesures. Brantôme nous rappelle les inclinaisons de François 1er et ces mesures « Le roi François aima fort aussi et trop ; caressant, jeune et libre sans différence, il embrassait qui l’un, qui l’autre, comme de ce temps tel n’estoit pas galand qui ne fust putassier par tout indifféremment; et luy, après s’estre vu eschaudé et mal mené de ce mal, avisa que s’il continuoit cet amour vagabond, qu’il seroit encore pris, et comme sage du passé, avisa à faire l’amour bien galamment; dont pour cet institua sa belle cour fréquentée de si belles et honnestes princesses, grandes dames et damoiselles, dont ne fist faute, que pour se garantir de vilains maux, et ne souiller son corps plus des ordures passées, s’accommoda et s’appropria d’un amour point sallaud mais gentil, net et pur.».(14) C’est en septembre 1538, que François 1er a présenté pour la première fois de manière documentée un abcès anal. Le roi a écrit à son ambassadeur à Londres « Je vous avise que j’ai été bien fort tourmenté d’un rhume qui m’est tombé sur les génitoires et vous assure que la maladie m’en a été tant douloureuse qu’il n’est pas croyable…. » Du Bellay a dénommé ce mal un « apostume » et Varillas: « une ulcère aux parties que la pudeur défend de nommer »(97). 2. Les causes possibles de l’abcès anal 38 Les troubles présentés par François Ier ont été mis sur le compte de la syphilis désignée sous le nom de « mal de Naples » ou de « mal des Espagnols ». Cette affection a sévi en Europe après le retour des premiers conquistadors. On ne retrouve pas de trace de syphilis congénitale chez Claude de France, la reine, ni chez les sept enfants qu’il ont eu ensemble. Contrairement à la rumeur ce n’est pas une syphilis mais probablement une tuberculose osseuse avec une atteinte cutanée qui a emporté Claude comme la mère de celle-ci.(16) Il existe toutefois des doutes sur une possible infection de François Ier. L’histoire impliquant la contagion de François 1er n’a été seulement rapportée qu’en 1601, par un médecin d’Uzerche, Loys de Guyon. Ce roi galant élégant, magnifique et fougueux aimant les sports, la chasse et les femmes, s’était épris de la jolie femme de l’avocat parisien Ferron dite la « belle Ferronière » qui s’était refusée au roi. Les courtisans ont fait savoir au mari de celle-ci, tenu en courant de l’affaire, de la gravité d’esquiver la fougue royale. Le mari en désespoir de cause est allé de bordel en bordel attraper la syphilis qu’il a transmise à sa femme qui à son tour a contaminé le roi. L’histoire dit que le mari outragé échappa à la mort contrairement au roi licencieux. (46) Aucune des maîtresses du roi connue n’est morte de syphilis. On n’a pas trouvé de syphilides visibles notamment au niveau du visage de François Ier. (16) Les adénopathies syphilitiques ne se fistulisent pas, ce qui est contre le diagnostic de syphilis. Il semble que François 1er ait plutôt présenté une tuberculose comme le suggère la chronicité des atteintes, une atteinte pulmonaire avec d’importantes adhérences pleurales associée à un foie et rate normaux. L’atteinte digestive peut être due à des tubercules sur-infectées. La disparition totale de l’uretère droit est très en faveur d’une tuberculose de même que l’unilatéralité de l’atteinte urinaire et l’ulcère du col vésical.(16) 39 Le roi est allé en tout cas à La Rochelle acheter à des corsaires du bois de Gayac provenant du Brésil qui était l’un des traitements de la syphilis mais aussi de la tuberculose à cette époque.(16) 3. Descriptions des abcès suivants En juillet 1545 Saint-Mauris, l’ambassadeur d’Espagne, a décrit le triste état de François 1er : « Le roi de France a une veine rompue et pourrie dessous les parties basses, par où les médecins désespèrent de sa longue vie ….disant être celle de laquelle dépend la vie de l’homme et que, si elle se rompt, qu’elle suffoquera.» Ensuite dans une lettre à Charles Quint il a décrit un syndrome fébrile traînant dû à l’abcès anal nécessitant plusieurs cautérisations. En janvier 1547 le roi est de nouveau atteint du même mal et a dû encore être incisé, ce qui a libéré « une grande infection dont il eut grand soulagement ». Il a continué à voyager et à avoir des rendez-vous galants malgré des fièvres nocturnes quotidiennes.(46) III. L’IMPACT HISTORIQUE DES TROUBLES ANAUX DE FRANCOIS 1ER 1. Un abcès sinusien a contribué à accélérer la fin de la captivité de François 1er Au cours de sa captivité en Espagne, la politique française a été immobilisée et la régence était assurée par la mère du roi. Quand François Ier est tombé gravement malade, l’Empereur n’a pas encore réussi à lui arracher un traité. Ce dernier savait que sa mort était susceptible de le priver de tout moyen de pression et de monnaie d’échange. Marguerite, la sœur aimante du roi, était accourue en Espagne et avait 40 obtenu de rester de longs jours à son chevet. Alors qu’on pensait que son état était désespéré brutalement il y a eu une évacuation de pus de l’abcès sinusien. Le roi a rapidement récupéré et a même échafaudé des plans de fuite avec Marguerite, en profitant de sa présence. Cette tentative qui aurait été possible grâce à cet abcès a échoué à la suite d’une trahison. L’abcès aurait pu faire économiser à la France au moins 2 millions de pièces d’or et une dure captivité pour les deux grands enfants du roi, en tout cas il a catalysé les négociations qui ont alors abouti rapidement. Grâce à cette infection, François a pu revenir avec honneur en France, et espérer lever des impôts exceptionnels pour couvrir son rachat en profitant de l’émotion suscitée par sa grave maladie en prison. Mieux valait un roi vivant et libre qu’un roi malade bassement abandonné chez l’ennemi!(46)(50)(74) Les deux fils aînés de François ont remplacé François Ier en prison et la France a dû payer une rançon très importante et s’est même engagée à donner la Bourgogne à l’Empereur. Libre, François 1er n’a jamais donné la Bourgogne et il a poursuivi l’alliance avec les Turcs débutée à la défaite de Pavie.(46)(50)(74) 2. Un brutal changement d’alliance Michelet a décrit l’importance de cet abcès dans le règne de François premier : « telles sont les phases bizarres du gouvernement personnel. Le règne de Louis XIV se partage en deux parts: avant la fistule, après la fistule. Avant, Colbert et les conquêtes ; après, Mme Scarron et les défaites, la proscription de 500000 Français. François premier varie de même : avant l’abcès, après l’abcès. Avant l’alliance des Turcs, etc …après, l’élévation des guises et le massacre des Vaudois, par lesquels finira son règne. » (74) Pendant la maladie du roi, le connétable de Montmorency a pris les rênes du pouvoir et a appliqué une politique de réconciliation avec l’Empereur qui a abouti à la trêve 41 de Nice le 18 juin 1538. La maladie du roi a culminé en septembre 1538. La trêve a clos une guerre de deux ans sans avantage déterminant. Michelet pensait que cette politique avait été organisée autour du parti du Dauphin et dirigée contre le roi. Pendant l’année 1539, Montmorency fut la vrai « providence »(74) de Charles-Quint. Après la fistule, Montmorency a débuté immédiatement une politique favorable à l’Empire. Michelet a ramèné que « tous nos ambassadeurs reçurent en même temps un nouveau mot d’ordre, fort surprenant (ils n’y pouvaient y croire): de travailler partout pour l’empereur. Ordre d’agir pour lui au près du Turc, de lui ménager une trêve. Ordre d’engager l’Allemagne à s’unir contre Soliman. Défense au protégé du roi, au duc de Wurtemberg, d’agir contre les évêchés catholiques, et notification à la diète que le roi s’unissait à l’empereur pour rétablir la religion. ».(74) C’était un renversement d’alliance complet, François 1er s’est fait dicter sa politique par son entourage. Il n’avait plus le ressort d’imprimer une ligne politique propre. 3. Le début des persécutions des protestants à grande échelle Les Guises, qui dirigeaient le parti catholique ultra, ont commencé à prendre de plus en plus d’importance eux aussi. Dès la fin 1538, après l’entrevue entre roi et l’Empereur à Nice et la première fistule, on a commencé à brûler des protestants un peu partout : à Toulouse, Agen, Annonay, Rouen et Blois. En 1540 un arrêt du parlement d’Aix est pris contre des villages hébergeant une colonie vaudoise. Guillaume du Bellay a difficilement réussi à arracher au roi des lettres de grâce l’année suivante. A la mort du roi, Jean du Bellay évêque de Paris et frère de Guillaume a dû fuir à Rome. L’affaiblissement du roi était la porte ouverte aux intérêts personnels et partisans.(74)(46) Le roi était blessé dans sa chair par cet abcès anal, qui a continué pendant le début de l’année 1540. Pour sceller la paix avec Charles Quint, François lui a accordé de traverser la France afin de reprendre en main la ville de Gand qui s’était révoltée contre l’impôt impérial. Charles Quint a traversé la France du sud au nord avec tous les honneurs dus à son rang. Il a rencontré la cour et a bien vu que François 1er ne 42 pouvait plus chasser qu’en litière. Milan et la maladie ont aveuglé le jugement de François 1er. Charles Quint a renchéri sur ses propositions concernant Milan afin d’obtenir une paix de François 1er. Il a alors promis pour le deuxième fils de François, Milan et la main de sa fille. Peu de temps après, se voyant abusé, François Ier a renvoyé Montmorency acteur du hasardeux rapprochement franco-allemand. (46)(50)(74) Depuis l’abcès le roi ne gouvernait plus que par éclipse, il n’assistait plus au Conseil. Le pouvoir absolu, à la condition d’être exercé était le dernier rempart face à la guerre de religion qui se préparait. Désormais le parti des Guise prenait de plus en plus d’importance. Chaque affaiblissement du pouvoir royal était la porte ouverte à leur mainmise sur les charges nobiliaires et ecclésiastiques, donc sur le roi et à terme la guerre civile contre les réformés.(74) Sur le plan international, l’affaiblissement de François 1er l’a empêché de prendre une place sur l’Adriatique qu’un brigand a voulu lui vendre afin de lui permettre de se venger de l’assassinat de son ambassadeur. Le roi a perdu sa clairvoyance de 1524, quand il a envoyé sa bague à Soliman le soir de sa défaite de Pavie pour se lier à lui contre les Allemands avec succès. (74) Remis un instant, le roi a humilié Montmorency au mariage de la fille de sa sœur Marguerite dès 11 ans avec le Duc de Clèves, un ennemi de Charles Quint et par là il a condamné cette politique de soutien aveugle à l’Empereur.(74) Si en France les factions se déchiraient le pouvoir, les impériaux dirigés par Ferdinand, le frère de Charles Quint, sont défaits par les Turcs, et l’Empereur luimême est battu en tentant de conquérir Alger après en fin 1541. Les Allemands devant ces échecs et le danger ont réagi en s’unissant, catholiques et protestants. Ils se sont également accordés avec les Anglais. Les Français, eux, étaient de nouveaux alliés aux Turcs. (46)(51) Cela fut la quatrième guerre entre François Ier et Charles Quint qui a débuté en 1542 43 4. La déroute militaire de la France En 1544, la France est envahie par l’Empereur à l’est et les Anglais à l’ouest. Malgré l’inutile et sanglante victoire Française de Cérisoles dans les Alpes Italiennes le 14 avril 1544, l’Empereur progressait en France. Le Dauphin à la tête des troupes est pris en tenaille entre les Allemands et les Anglais. La Champagne est dévastée. Les impériaux ont pris les magasins de l’armée française à Saint-Dizier, ils sont même arrivés à Crépy-en-Valois à 13 lieues de Paris.(65.) Un accès de goutte et le manque de ressource financière ont arrêté Charles Quint. Les Anglais eux ont enlevé le port de Boulogne qui contrôlait le Pas-de-Calais et ont pris en tenaille les restes de l’armée française en déroute. Au traité de Crépy-en-Valois du 18 septembre 1544, le roi a abandonné la Savoie pourtant de langue française à l’Empereur.(74) (50) Ce sera un Napoléon III encore fringant qui ramènera la Savoie à la France définitivement alors que ses problèmes de lithiase urinaire lui feront perdre l’Alsace et la Moselle ! Le traité a permis à Charles Quint d’adopter de force le cadet du roi et de lui offrir Milan, semant la discorde entre les deux enfants qui subsistaient à François 1er. L’Empereur fut dégagé de son offre par le décès suspect du fils cadet du roi, qui arrangea également le Dauphin. Le fils aîné de François 1er qui était considéré comme très capable même s’il était taciturne après ses années de prison en Espagne, était déjà décédé d’une pleurésie semble-t-il tuberculeuse peut-être attrapée dans les geôles Espagnoles.(50)(46) Après cette défaite magistrale, le désordre a continué à régner. Au début de l’année 1545, on a arraché au roi, semble-t-il sans qu’il y ait pris garde, l’autorisation de massacrer les vaudois. (74) En 1546 c’est la communauté de Meaux, un des foyers réformés modérés et protégés par Marguerite de Navarre, qui est dispersée de force. La ressemblance avec les persécutions des protestants après la fistule anale de Louis 44 XIV est saisissante. A cette occasion d’ailleurs, les vaudois seront à nouveau massacrés à grande échelle et sans ménagement. (70) 5. La mort de François 1er Le 20 mars 1547 les chirurgiens incisent l’abcès périnéal du roi, « duquel ils retrouvent tel pourriture que les médecins désespèrent de la curation…. » .Le roi a fait des accès fébriles rapportés par Saint-Mauris. Le roi est décédé le 1er avril 1547. Une autopsie est réalisée comme chez tous les rois de France. Le médecin Jean-Cosne de Haltazachius en a consigné le rapport « L’abdomen une fois ouvert, l’épiploon s’est montré rompu jusqu’au pubis et à l’estomac de sorte que les intestins apparaissaient à nu. Mais à l’endroit où elle offrait un aspect noirâtre et corrompu. Le duodénum était putréfié et purulent ; l’enveloppe intérieure de l’estomac offrait au regard une rougeur mêlée à la couleur noire, et contenait un liquide noir….L’œsophage atteint d’ulcères rejetait un pus rougeâtre….Le poumon putréfié adhérait en sa partie droite aux côtes jusqu’à l’épine dorsale si fortement qu’il ne put en être séparé ; là où l’incision fut pratiquée, un liquide corrompu s’écoula. Le cœur , le foie, la rate et le rein gauche étaient sans lésions….Le rein droit suintait en son extrémité, l’uretère qui en sortait avait disparu, et avait complètement souillé d’ordures toutes les parties contiguës…Dans le col de la vessie, un large ulcère plein de pus abondant…Sous le pubis, toutes les parties droites étaient purulentes et la substance même en était gangreneuse…le scrotum, la verge et toutes les parties entourant les testicules avaient contracté le même mal. » (16) Après une longue infection locale, François Ier est décédé d’une pyélonéphrite par voie ascendante ayant entraîné une insuffisance rénale et une septicémie. Il est vraisemblable que l’abcès dont il souffrait depuis plusieurs années se soit perforé et compliqué d’hémorragie digestive. 45 6. Conclusion La libération de l’exil espagnol de François Ier en 1526 est directement liée à un abcès sinusien. L’abcès anal de 1538 a marqué un tournant politique avec l’abandon de l’alliance turque pour celle avec Charles Quint et en définitif l’isolement politique international de la France dépendante de l’Allemagne. Cela a abouti à une invasion dévastatrice de la France et au désastreux traité de Crépy-en-Valois. En France, la faiblesse du pouvoir politique a fait le lit des intérêts partisans parfois liés à des intérêts étrangers comme ceux de l’Espagne. Le tableau des guerres de religion était alors planté. 46 C. LOUIS XIV : DE L’INFLUENCE DE LA SANTE DU ROI SUR LES CHOIX POLITIQUES DE LOUIS XIV Henri IV 1589-1610 Louis XIII 1610-1645 Philippe d' Orléans Gaston d' Orléans Louis XIV 1643-1715 La Grande Demoiselle Grand Dauphin Arbre n°3. Arbre généalogique de Louis XIV 47 Illustration n°7 : Louis XIV I. LOUIS XIV : SA VIE Fils tardif de Louis XIII et d’Anne d’Autriche, Louis XIV est né à Saint-Germain le 5 septembre 1638 et a été nommé roi à l’âge 5 ans, à la mort de son père en mai 1643. Il a été proclamé majeur en 1651, mais il a co-exercé le pouvoir avec Mazarin jusqu’en 1661. Après la mort de Mazarin qui avait occupé une place importante dans sa formation de roi comme dans le cœur de sa mère, Louis XIV a pris les rênes du pouvoir à l’âge de 22 ans. Louis XIV est apparu comme un roi attaché à son autorité et à sa gloire. Au début de son règne il était pieux, et assistait assidûment à la messe tous les matins (11) 1. La politique intérieure de Louis XIV Lorsque Louis XIV a commencé son gouvernement personnel, il a repris les proches de Mazarin. Louis XIV avait conscience de son rôle et entendait l’exercer sans aliénation. Il était roi de droit divin et il a su assujettir ses sujets. La noblesse l’a été 48 par la vie de cour, la dépendance à ses grâces, à ses pensions et par l’attribution de charges et de dotes pour les filles à marier. Le clergé lui a été soumis grâce au droit régalien disputé avec Rome. Dans l’administration le roi essayait, dans la mesure de ses moyens financiers, de remplacer les officiers vénaux moins fidèles et plus intéressés par des commis afin d’augmenter la loyauté de l’administration.(70) 2. La politique extérieure de Louis XIV Au début du règne, les guerres avec l’Empire Germanique ont été conclues par l’avantageux traité de Westphalie en 1648 qui a été obtenu grâce à la brillante victoire de Rocroi en 1643. Ce traité a accordé à Louis XIV les droits impériaux sur toute l’Alsace sauf sur Strasbourg et Mulhouse qui sont demeurées des villes libres d’Empire. La Suède luthérienne, alliée de la France, a reçu un droit de regard sur la Diète de Ratisbonne et les affaires allemandes. Après ces succès français, Louis XIV a obtenu le Roussillon, la Cerdagne, l’Artois avec quelques places fortes dans le Nord en Flandres, dans l’Hainaut et en Lorraine. La guerre de Dévolution de 1667-1668 a permis à la France d’obtenir après le traité d’Aix-la-Chapelle, la Flandre méridionale. La guerre de Hollande de 1672-1678 s’est conclue par la paix de Nimègue qui a accordé la Franche-Comté à la France. La guerre contre la Ligue de Augsbourg de 1688-1697 s’est conclue par le traité de Ryswick qui a confirmé les gains français précédents. La guerre de succession d’Espagne de 1701 à 1713 s’est conclue par le traité d’Utrecht sans avantage et a laissé la France ruinée.(11) (70) II. LES PATHOLOGIES DU ROI LOUIS XIV Grâce au Journal de la Santé du Roi qui a été rédigé par les trois principaux médecins du roi Vallot, d’Aquin et Fagon, nous disposons d’une source d’information intéressante pour l’Histoire de la médecine.(96) 49 1. La santé du roi avant la révocation de l’édit de Nantes Le médecin du roi était à cette époque d’Aquin, le neveu de Vallot qui avait été le précédent premier médecin du roi. Jusqu’en 1682 louis XIV a été rarement malade, il a été victime à l’âge de 9 ans d’une petite vérole, il a émis un ascaris à l’âge de 22ans. Une gonorrhée, dont les médecins ont caché le caractère sexuellement transmissible, indigne à l’époque, a marqué à l’âge de 17 ans le début de sa tumultueuse vie amoureuse. A 20 ans une scarlatine maligne gravissime a failli lui être fatale. Il a présenté à l’âge de 24 ans une rougeole compliquée d’une otite. Au cours de sa jeunesse il a été fréquemment sujet à des vertiges et des pertes de connaissance. (96) 2. La goutte : une maladie chronique qui fait changer le roi Pour Michelet le tournant du règne de Louis XIV et en particulier son changement de politique ont eu lieu en 1682, ce qui correspond à la survenue de ses premiers problèmes de santé. Jusqu’à cette date, la guerre avait toujours eu lieu sur le territoire de ses adversaires qui était largement ravagé, mais à partir du moment où le roi a été atteint dans sa propre chair, il semble qu’il ait cherché à porter son effort de poursuite de Gloire sur son propre territoire, métaphore de son corps. (74) 1682 a marqué l’entrée du roi dans «le mal aristocratique » avec une crise de goutte au pied du 3 mars 1682 au 20 mars 1682 qui a récidivé le 9 mai 1682 pendant une semaine. (96)(82) La goutte a été la première pathologie chronique et inguérissable à toucher le roi. Elle a contribué à le diminuer physiquement progressivement et régulièrement. Considérée par certains comme une affection touchant les classes supérieures de la 50 société, la goutte était également appréhendée comme un signe extérieur d’une vie de débauche par des auteurs comme La Fontaine (16). Cette affection constituait une raison supplémentaire pour le roi de montrer un comportement hautement chrétien. D’Aquin a décrit les crises du roi dans le Journal de la Santé du Roi : « Sa majesté jouit d’une très bonne santé jusqu’au 3em de mars (à Saint-Germain) qu’elle se plaignit à son lever d’une douleur au pied gauche. Elle occupait le coude-pied, avec un peu de tumeur et de rougeur. Le roi ne laissa pas se botter et d’aller à la chasse mais ce ne fut pas impunément car à son retour, il avait grand peine à marcher. En se couchant, la rougeur me parut plus étendue et toute érysipélateuse, la tumeur plus grande et occupant toute la cheville extérieurement. Il ne fut pas difficile de baptiser ce mal à un homme dont le père et le grand-père avaient été goutteux. Le roi, sur mon conseil, se contenta de bassiner 2 fois seulement cette partie avec de l’eau tiède, marcha peu et se donna du repos durant quelques jours et le vingtième du mois, la rougeur et la tumeur étaient disparues, il se trouva guéri et se portait très bien. »(96) « Mais le 9e du mois de mai, la douleur revint au même pied et le roi, qui contre mon avis voulut faire l’expérience de bassiner cette partie d’esprit de vin dans le commencement de la fluxion, s’en trouva très mal et la rougeur augmenta considérablement, aussi il s’en abstint et dans le 14em du mois, le mal cessa. puis le roi reçut huit purges successives. » (96) a) La goutte : une pathologie à caractère héréditaire Le roi a été victime comme ses ancêtres de la goutte. De son coté maternel, CharlesQuint a fini complètement grabataire. Du coté paternel de Louis XIV, Henri IV son grand-père a été goutteux jusqu’à la fin de sa vie, tandis que les Médicis, auxquels Henri IV s’était allié en épousant la fille de Catherine de Médicis, comptaient de nombreux ascendants frappés de la goutte. Laurent le Magnifique, l’aïeul de Catherine de Médicis ou Pierre le Vieux ont été les plus célèbres goutteux de la famille Médicis.(16)(83) 51 b) La goutte et ses traitements de l’époque Le traitement de la goutte que l’on a retrouvé dans le traité de pharmacopée de Charras édité en 1691 fait plutôt sourire aujourd’hui: « fiente de cigogne et celle de paon ou le sperme de grenouille, le sel de crapaud, les cloportes et vers de terre». (23) Ces éléments étaient des diaphorétiques par la potasse qu' ils étaient sensés contenir. On connaissait la colchicine pour le traitement de la goutte mais elle était considérée comme un poison par Sydenham en 1683(33). Ce qui était le cas lorsque cette substance était prise en excès. D’Aquin a semblé n’avoir heureusement pas utilisé tous ces traitements. En 1683 le roi âgé de 45 ans a présenté des anthrax, une luxation du coude de résolution positive et des «tumeurs indolentes suppuratives ».(96) D’Aquin a rapporté à l’occasion d’une crise modérée de goutte que le roi avait déjà fait trois épisodes semblables. Le traitement a été des plus simples et la pathologie mise sur le compte des morts récentes de la Reine, de Colbert et de la luxation du coude du roi. En outre le roi a fait une chute de cheval, deux clous à l’aisselle gauche et une otite pendant cette même année 1683. 3. La fistule naso-palatine Le début de la si difficile année 1685 a été marqué par une atteinte buccale fâcheuse, gênante et probablement très douloureuse même si ce dernier point n’a pas été mentionné par le Premier Médecin d’Aquin. Lors d’une extraction d’une dent du maxillaire supérieur, le roi a été victime d’un arrachement osseux mettant en communication la cavité buccale et les sinus laissant ainsi passer des aliments de la bouche au nez. La macération et la putréfaction des aliments et des chaires dégageaient des odeurs insupportables qui gênaient le roi, déjà sujet à des vomissements. Les chirurgiens Dubois et Félix, en concertation avec d’Aquin, ont décidé de réaliser une cautérisation de la plaie. Le 10 janvier 1685, Dubois a appliqué à 14 reprises le «bouton de feu » et a réitéré le 1er février à trois reprises. Le roi émettait des odeurs nauséabondes depuis ses fosses nasales de manière décroissante 52 jusqu’à la guérison définitive en fin d’année. Les médecins était impuissants devant ce phénomène. Le roi a donc été incommodé par sa maladie encore de nombreux mois. D’Aquin a avoué qu’aucun traitement n’était connu pour cette gêne que certains même avaient estimé mortelle.(96) Le souci pour la survie du roi a été encore une source de motivation pour la recherche de Salut par celui-ci et son entourage fort inquiets. En cette année 1685 le roi a refait une crise de goutte du pied gauche le 28 octobre 1685. Elle a été particulièrement douloureuse et l’a particulièrement handicapé (96) 4. La fistule anale. a) Une évolution traînante et invalidante La fistule anale a contribué à affaiblir Louis XIV pendant environ une année. Dès le 15 janvier le roi s’est plaint d’une tumeur entre les testicule et l’anus. (29) En février 1686 le roi est resté alité plusieurs jours et a été constamment sous traitement. Le 19 février l’abcès s’est ouvert et le 20 l’orifice de l’ouverture a été agrandi de manière chirurgicale afin de favoriser l’écoulement de pus. Le lendemain il a été victime d’une crise de goutte. Le 23 les médecins ont réouvert l’abcès. En mars un écoulement s’est fait par une fistule communicante entre l’abcès et le rectum. D’après les examens du 16 mai, il s’agissait d’un trajet fistuleux d’une longueur de 4 travers de doigt s’abouchant dans le rectum à une distance de 3 travers de doigt de l’orifice anal. Après l’injection de baume vert « le roi ressentit une douleur fort piquante et une envie continuelle et irritation d’aller à la selle.». En fin mai, le roi a présenté de nouveau une surinfection de sa fistule. (96) La récidive de phénomènes probablement infectieux locaux a déterminé une nouvelle intervention dont le but a été de mettre à plat l’abcès et le trajet fistuleux. Pour des raisons politiques devant l’inquiétude générale les incisions successives de février et mars 1686 ont été tenues secrètes d’après le Marquis de Sourches. 53 Le roi a été obligé d’interrompre la plupart des fêtes et des mondanités de la cour. En effet son abcès suintant l’obligeait à changer plusieurs fois par jour de vêtements.(29) b) La préparation et l’intervention Une cure à Barèges avait été proposée par certains courtisans mais les curistes souffrant de la même affection n’avaient pas été guéris de leurs abcès. L’esprit scientifique expérimental était en rupture avec l’obscurantisme avec pour corollaire les persécutions qui eurent lieu simultanément. C’est la "Grande Opération ". Elle a été réalisée par le chirurgien Félix qui avait pu s’entraîner sur des sujets atteints de la même affection dans l’Hôtel particulier de Louvois transformé à cette occasion en clinique expérimentale. Félix s’était préparé de manière moderne, il avait repris une par une les diverses techniques connues : la compression, la cautérisation, la ligature par fils et excision. Il avait mis au point pour l’occasion son propre instrument: un bistouri dont la lame était protégée par un manchon en argent pendant son introduction. Félix a réalisé avec succès cette intervention le 18 novembre 1686 dans le salon de l’œil de bœuf à Versailles. L’après-midi le roi présida le Conseil. Le 8 et 9 décembre 1686 d’autres incisions furent nécessaires. Les dernières douleurs du roi ont été du 11 décembre, la Marquise de Sévigné a écrit à ce propos: « Le Roi a souffert aujourd’hui sept heures durant comme s’il avait été sur la roue, et je crains bien que ses douleurs ne recommencent demain.» Ce ne fut que le 23 décembre que la guérison fut définitive. (89)(31) 5. Une crise de paludisme Sur ce le roi a été victime d’un accès palustre au cours du mois d’août 1687. C’était une affection fréquente à Versailles. Par la suite, il a été victime d’autres crises qui ont cédé après un traitement par la quinquina. Son utilisation par le roi, qui avait fait racheter son secret de fabrication en 1679 a permis la diffusion rapide de ce traitement en France. (99) 54 III. LES CONSEQUENCES DES PATHOLOGIES DE LOUIS XIV Illustration n°8 : Madame de Maintenon 1. La religiosité accrue de Louis XIV Après la mort de la reine, le roi s’est rapproché de celle qui avait été sa maîtresse depuis quelques années Madame de Maintenon. Il s’est marié morganatiquement avec elle probablement en 1684.(70). Mme de Maintenon a probablement utilisé les maladies du roi telle que la goutte reconnue comme liée à une vie débauchée, la fistule anale et naso-sinusienne pour le remettre dans le droit chemin de la religion. Saint Simon a expliqué l’importance qu’a prise Mme de Maintenon auprès du roi. Ainsi le roi qui aurait pu être affaibli par sa maladie s’était révélé encore plus sourcilleux de ses prérogatives et a démontré sa puissance en laissant du champ à la surenchère des courtisans. Depuis 1682, Louis XIV s’était installé définitivement dans son grandiose palais inachevé de Versailles, loin des réalités parisiennes, Colbert puis Le Tellier étaient morts, et les décisions étaient prises « dans le particulier » sous la forte influence de Mme de Maintenon par des « arrêts pris en commandement » (70). « La révocation, a bien des égards, fut un drame de la communication[…].A force de s’isoler pour mieux concentrer ses forces, la monarchie s’est progressivement coupée du pays. » (79) 55 Le roi était décidé, dès 1682, d’après la correspondance de Mme de Maintenon à la perte des protestants.(66) Il n’avait pas vu les conséquences, que celle-ci a pu avoir sur la France, se profiler à sa suite. 2. La soumission de l’église lors des premières crises de goutte du roi Au moment des premières crises de goutte en mars 1682 Louis XIV a réuni le clergé à Paris afin de proclamer le gallicanisme contre le Pape Innocent XI par la Déclaration Des Quatre Articles le 19 mars 1682 qui soumettait au roi le clergé. Le roi a profité de ses souffrances physiques afin de faire proclamer cette difficile Déclaration. Le Pape l’accepta. L’assemblée du clergé a d’abord résisté puis le Parlement a enfin enregistré la Déclaration en mai alors que le roi faisait une troublante nouvelle crise de goutte. A sa guérison le roi a suggéré la dispersion de l’assemblée en mai 1682, celle-ci après avoir combattu l’autorité de Rome a mis sur le compte du roi et non plus seulement sur celui de la religion, la lutte contre les protestants en produisant un Avertissement Pastoral aux réformés. Ceux-ci étaient dorénavant non seulement considérés comme hérétiques vis-à-vis du Pape mais également schismatiques vis-à-vis du roi. Leur erreur était appelée : « maladie », « ne refusez plus les remèdes qui vous peuvent rendre la santé » leur était-il demandé. Le parallèle avec la goutte dont le roi a guéri semble simple. Les réformés n’étaient plus seulement séparés, mais des adversaires : « Dieu ne nous demandera plus compte de vos âmes. ». L’Avertissement contenait une licence de meurtre, la tolérance n’était plus à l’ordre du jour. (40) En fait une analyse montre qu’au début de son règne, le roi a fait la distinction entre ses intérêts politiques comme ceux du royaume et les exigences de groupes de pression qui se revendiquaient au nom de la religion. Par exemple poursuivant la politique de Louis XIII, le roi avait décidé d’être opposé au parti dévot qui le poussait 56 à s’allier à l’Espagne catholique contre les réformés. Louis XIV a jugé que l’intérêt du pays était d’être allié aux princes protestants allemands plutôt qu’à l’Espagne. Il n’a pas hésité à occuper des terres du Pape en Avignon en 1689, après son excommunication, lors de l’affaire des ambassades. Le roi, à la suite de ses maladies, en se rapprochant de Mme de Maintenon, a changé. Il s’est rapproché de la religion au point de faire changer le comportement des courtisans, qui était bien obligés de s’adapter. Après le démon de la quarantaine, le roi s’est assagi dans sa conduite amoureuse alors que la princesse palatine avait pu déclarer « tout lui est bon » (79) à propos de ses conquêtes. Le roi, qui s’attachait tant officiellement à paraître souverain, se laissait simplement et fréquemment influencer par la Marquise de Maintenon au contact de laquelle il agissait en bon père de famille attentif à ses enfants, sous son influence il s’était même rapproché de la reine et a pu commencer à vouloir « faire pénitence sur le dos des Huguenots ». (85) 3. Destruction du système d’alliances lors de sa fistule nasosinusienne et sa fistule anale L’année 1685 a été jalonnée d’erreurs stratégiques. Louis XIV a fait pénétrer ses troupes dans le Palatinat qu’elles ont dévasté. Cette invasion par les armées françaises a suscité la Ligue d’Augsbourg qui a déclaré la guerre à Louis XIV. (70) Le roi a fait preuve de moins de lucidité que jamais entraînant un gâchis de sa politique d’alliances si patiemment établie avec des princes allemands notamment protestants. L’altération de son état de santé avec la fistule naso-sinusienne accrue par la goutte peut être mise en cause dans ces erreurs directement ou indirectement du fait des changements stratégiques entraînés. (74) 57 4. La révocation de l’édit de Nantes au cours d’une crise de goutte a) L’Edit de Nantes Cet Edit promulgué par le roi Henri IV en avril 1598 avait établi des règles de tolérance de la religion protestante en France et clôturait difficilement les Guerres de Religion. C’était un code de tolérance qui a régi l’exercice du culte protestant en France. Destiné à sceller la paix civile, il a perduré 87 ans.(8)Il a accordé aux Protestants la liberté de conscience mais en a limité l’exercice. Celui-ci fut interdit à Paris, siège de la cour, ainsi que dans de nombreuses villes comme les villes épiscopales. b) La révocation. Le préambule de la révocation de l’Edit déclarait «considérant que la plus grande partie de ses sujets de la r.p.r. ont embrassé la religion catholique le roi annule en conséquence l’édit de Nantes. ».(Religion Présumé Réformée) La maladie a été pour le nouveau roi qu’a essayé d’être Louis XIV, le moment d’effectuer des actes de piété. Mme de Maintenon a souvent répété dans ses Mémoires que les petits faits des Grands ont beaucoup d’échos. Elle a certainement dû pousser le roi à quelques bonnes actions pour permettre le Salut royal et montrer l’exemple à ses enfants. Pour certains auteurs la révocation peut être considérée comme un acte de piété de Louis XIV. A peine remis de sa fistule naso-sinusienne Louis XIV a conclu l’année 1685 par l’Edit de Fontainebleau du 18 octobre 1685 qui a révoqué l’Edit de Nantes. Il a fait une importante crise de goutte 10 jours plus tard. (96) Cet événement remarquable n’a pas pu passer inaperçu car à la cour le moindre geste du roi était analysé, amplifié et utilisé. La juxtaposition des deux événements a été utilisée. Le roi, a personnifié le pays, en souffrant comme lui des persécutions qui étaient comme une saignée géante. Le roi s’est fermé aux suppliques des protestants derrière sa souffrance, et a pu se positionner en victime et non en persécuteur aux yeux du peuple. 58 c) Le durcissement des persécutions anti-protestante sest contemporain de l’abcès anal. Le début de l’année 1686 a été marqué par une autre pathologie douloureuse et traînante : un abcès anal qui a été médicalement suivi depuis le 15 janvier 1686. Dès ce mois de janvier un des Edit, les plus cruels a demandé d’enlever les enfants protestants pour les placer dans des couvents ou dans d’autres communautés religieuses et seulement en l’absence de places chez des membres de la famille catholique. La répression s’est durcie, les convertis étaient surveillés, les plaintes concernant les excès des troupes n’ont pas entamé la détermination du pouvoir. (37) (12). d) L’émigration clandestine après la révocation Les protestants ont été quelques deux cent à trois cent milles a quitter la France dans des conditions difficiles, soit par la mer pour ceux vivant près des côtes quand les contrôles n’étaient pas encore trop stricts avant la révocation soit par la terre pour ceux qui vivaient près des frontières de l’est. Parfois ce sont alors des villages entiers qui ont fui vers ce que l’on a appelé les refuges qui constituaient les villes de Genève et Francfort. Elles ont formé de véritables plaques tournantes recueillant les réfugiés qui y trouvaient réconfort et assistance matérielle avant des départs plus lointains et mieux organisés. (40) 5. Les conséquences stratégiques catastrophiques de la révocation Les émigrés ont contribué à diffuser une propagande contre Louis XIV exploitant au maximum les persécutions pour motiver et unir les opposants politiques de l’hégémonie de Louis XIV.(40) Les princes allemands, jusqu’à présent alliés de la France, se sont retournés contre elle. Le Brandebourg a organisé son administration, son armée, son industrie et a peuplé sa nouvelle capitale Berlin avec l’arrivée massive d’immigrés. En Angleterre, 59 l’arrivée de milliers de réfugiés a permis aux Britanniques de coloniser et d’industrialiser l’Irlande, et de former une brillante armée en majorité française qui a écrasé à Drogheda la dernière révolte irlandaise soutenue par Louis XIV. Les Anglais se sont alors consacré à leur expansion coloniale qui a commencé par la guerre de Ligue d’Augsbourg qu’ils ont appelée : « La guerre contre le commerce français » (43)(11)(12) Peu de temps auparavant la France avait presque détruit les Provinces-Unies. Elles n’avaient été sauvées des armées de Louis XIV uniquement par l’inondation volontaire des polders et la météorologie. La politique de persécution contre les protestants français a uni les Hollandais autour de Guillaume d’Orange qui n’est arrivé qu’à ce moment à être nommé Stathouder.(11) Les Hohenzollern et les Habsbourg se sont joints au traité de Augsbourg en 1686, puis sont venus les Espagnols attaqués par Louis XIV en Belgique et aux Luxembourg malgré la paix de Ratisbonne en 1684. Les Anglais se sont même alliés pour une fois avec les Hollandais autour du champion protestant Guillaume d’Orange, fait roi d’Angleterre. L’Europe est unie contre la France, les partisans de la guerre l’ont emporté chez les adversaires de la France.(85) C’est toute l’Europe catholique comme protestante que Louis XIV avait réuni contre lui. (15) Le coût de cette guerre avait encore représenté une grande part des dettes de la France sous Louis XIV et ainsi la politique des deux années pendant lesquelles Louis XIV a été ébranlé par son état de santé a même fait le lit de la révolution.(79) 6. La maladie a rendu Louis XIV populaire et l’a renforcé avant la guerre de la Ligue de Augsbourg La fistule anale, la grande opération et les souffrances du roi lui ont rendu l’affection du peuple et un visage humain. Après les terribles contraintes qu’il avait fait subir aux protestants, sa souffrance a fait oublier celle des protestants. Le peuple a participé 60 nombreux aux Te Deum, Action de Grâce et fêtes publiques célébrés en son honneur. Le 30 janvier 1687, la foule était immense sur le parvis de l' Hôtel de Ville et dans les rues de Paris pour acclamer son roi qui avait tant souffert (85)(99). Cette intervention a permis de renforcer l’unité du pays autour du monarque avant les difficiles épreuves de la guerre contre la Ligue d’Augsbourg. 7. La goutte et les fistules ont déterminé des choix de société en France D’un point de vue moral Louis XIV a fait le choix archaïque d’une politique basée sur l’absolutisme. La valeur des conversions obtenues sous la contrainte a été remise en cause par plusieurs contemporains célèbres comme Saint–Simon. C’était une dictature entravant la liberté d’initiative de pensée et d’entreprise qui a abouti pendant le siècle suivant à une crispation de la noblesse autour de ses droits féodaux en opposition à la liberté individuelle et à l’ascension sociale de la bourgeoisie. Par exemple le corps des officiers est resté réservé à la noblesse. La liberté a été le motif de l’émigration en Amérique de nombreuses minorités aux futurs Etats-Unis tels les huguenots en Pennsylvanie. (71) Quel paradoxe! Sans vouloir faire de politique fiction, accepter une différence religieuse ne serait-ce qu’à l’extérieur de la France aurait permis de renforcer la présence française en Amérique du Nord et de changer l’histoire de ce continent. L’esprit de liberté individuelle américain a fasciné les esprits des Lumières. Avant la Révolution de 1789, un des grands mouvements pré-révolutionnaires français s’était appelé les Américains. L’absence de liberté individuelle reprise par les héritiers du modèle de Louis XIV ainsi que les dettes accumulées par Louis XIV après 1685 du fait de ses guerres contre l’Europe ont fait le lit de la Révolution.(71) 8. Quelques avancées dues aux pathologies royales 61 L’utilisation de la quinquina a été largement répandue en France pour lutter contre le paludisme. Le traitement royal a assuré la publicité de cette nouvelle thérapeutique. (99) Il n’y a pas eu que des conséquences négatives aux pathologies royales. La chirurgie a beaucoup profité de la Grande Opération. Par snobisme la noblesse est accourue auprès des chirurgiens pour ressembler au roi sous toute ses coutures. La mode est parfois douloureuse. Les chirurgiens ont enfin été reconnus en 1691, à part entière grâce à la séparation entre les chirurgiens qui durent porter la robe longue et les barbier-perruquiers eux la courte. Grâce au soutien du roi, le collège Saint Côme a été construit dans la rue de l’Ecole de Médecine en 1694 avec un amphithéâtre dédié à l’enseignement de la chirurgie. Puis en 1699 les décrets organisant l’exercice et le corps des chirurgiens sont sortis sous le titre des « Statuts des Maîtres en l’art et Science des Chirurgiens de Paris ». (99) Pour paraphraser l’aphorisme des Mémoires de Mme de Maintenon : « Les petits faits des grands ont souvent beaucoup d’effets ». 9. Conclusion Fagon, le premier archiatre de Louis XIV à la suite de d’Aquin, a déclaré à juste titre: « Chaque fois que mon client éternue, le sort de la France est en jeu. » 62 Arbre n°4. Napoléon Ier et III : Généalogie légitime et illégitime simplifiée Charles BONAPARTE (1746-1785) Joseph (1768-1844) Marie-Louise d' Autriche (1791-1847) Létizia RAMOLINO (1750-1836) 1764 Lucien (1775-1840) 1810 1796 Joséphine Tascher de la Pagerie (1764-1815) Auguste Flahaut De la Billarderie (1785-1870) Pauline (1780-1825) Caroline (1782-1839) Jérôme (1784-1860) 1779 Hortense De Beauharnais (1783-1837) Charles Duc de Morny (1811-1865) ! Elisa (1777-1826) 1802 NAPOLEON Charles (1802-1807) Louis (1778-1846) NAPOLEON Louis (1804-1831) ? Louis Comte de Castelvecchio (1826-1869) Eléonore Vergeot (1820-1886) 1853 ! Eugénie Marie De Montijo (1826-1920) Ascendants, collatéraux et descendants en lignée légitime Ascendants, descendants adultérine collatéraux et en lignée Eugène Comte D’Orx (1843-1910) Louis Comte de Labenne (1845-1882) Eugène Louis Napoléon Prince impérial (1856-1879) 63 D. LES BATAILLES PERDUES PAR NAPOLEON 1ER EN RAISON DE SES PROBLEMES DE SANTE Illustration n°9 : Napoléon 1er Napoléon Bonaparte a marqué l’Histoire de France en se faisant sacrer Empereur par le Pape tout en récupérant l’héritage de la Révolution Française. Il a fasciné son époque tant par sa virtuosité militaire et politique que par l’importance des bouleversements qu’il a entraînés sur le continent européen. Quelques pages ne sauraient analyser toute son œuvre encore aujourd’hui empreinte de passion. Stendhal, en écrivant : « D’ici à cinquante ans, il faudra refaire l’histoire de Napoléon tous les ans … » nous incite à explorer ce personnage célèbre qui a dirigé pendant plus de quinze années notre pays et à découvrir ses souffrances physiques méconnues qui ont changé indirectement le destin du monde. I. SA VIE 64 1. L’enfance Napoléon Bonaparte est né le 15 août 1869 à Ajaccio dans une Corse française depuis une année. Il est le fils de Maria Létitizia Ramolino et de Charles Marie Bonaparte un militant paoliste indépendantiste. Il est le deuxième enfant d’une fratrie de 13 enfants dont 8 ont survécu.(68) Après une enfance miséreuse, son père lui a obtenu une bourse pour étudier à l’école militaire de Brienne qu’il a intégrée après un apprentissage de la langue française à l’école d’Autun. Il est resté jusqu’à ses 15 ans à Brienne où il s’est illustré par son caractère indépendant et volontaire. (17)(39) Il est entré à 15 ans soit avec un an d’avance à l’Ecole Militaire royale de Paris. A 16 ans il a été nommé sous-lieutenant d’artillerie et envoyé à Valence. De 17 à 18 ans et demi il est allé en congé en Corse pour régler la succession de son père mort en 1785. Après son retour au régiment, il a travaillé comme un forçat ne dormant que 5 à 6 heures par nuit et ne mangeant qu’une fois par jour(3)(39). Deux mois après la révolution à 20 ans, il est reparti en convalescence en Corse à la suite de troubles rattachés à un probable paludisme.(65) Il y a été hospitalisé du 5 au 30 août 1790 pour une dermatose. (5 )(45) Après son séjour en Corse de septembre 1789 à janvier 1791, il est retourné à Auxonne en février 1791 avec son frère. (5)(45)(68) De nouveau en octobre 1791 Napoléon est retourné en Corse il y est nommé lieutenant-colonel d’un bataillon de volontaire mais son attitude étant désavouée, il a préféré revenir à Paris où il a été nommé capitaine par Louis XVI in extremis lors de la dernière vague de nomination avant l’arrestation de celui-ci en début 1792.. (95) 2. Les premières campagnes A 24 ans après sa nomination au grade de commandant d’artillerie il a participé à la prise de Toulon pendant laquelle il s’est fait remarquer pour ses talents de meneur d’homme, sa bravoure et sa stratégie.(95) 65 Napoléon est devenu à l’âge de 25 ans nommé général de brigade. En disgrâce momentanée après la chute de Robespierre, il a découvert l’amour et fait connaissance avec Joséphine de Beauharnais une jeune et aventureuse courtisane récemment veuve. Elle l’a aidé à se faire nommer général en chef des armées d’Italie en 1796 grâce à ses bons rapports avec Barras. (95) Napoléon l’a épousé quelques jours avant son départ pour la campagne d’Italie, il y a combattu contre une armée sardo-Autrichienne de 70 000 hommes alors qu’il n’en avait que 36 000. Il a vaincu brillamment les Autrichiens au pont de Lodi. (83) La force tactique de Napoléon reposait sur une importante mobilité des troupes articulées en corps d’armées coordonnés mais parfois séparées. Par la suite Napoléon a écrasé les 70 000 Autrichiens pourtant bien supérieurs en nombre qui étaient arrivés pour défendre leur place forte de Mantoue où étaient encerclés 20 000 des leurs. Au cours de cette bataille est survenu une affection qui a failli changer son déroulement. Atteint d’une terrible migraine Napoléon s’était mis au calme dans une demeure une journée avec quelques hommes mais il s’y est fait surprendre par un détachement ennemi, il n’avait eu le temps que de remettre une botte, et il a été contraint de demander un cessez le feu sous prétexte de négociation. (55) Une deuxième armée autrichienne envoyée au secours de Mantoue a également été écrasée. Les Autrichiens se sont alors avoués vaincus(83). La popularité comme la valeur militaire de Napoléon sont sorties grandies de cette guerre. (95) 3. La campagne d’Egypte arrêtée par une épidémie de peste La campagne d’Egypte a débuté en 1798. Après la brillante prise de Malte, Napoléon est arrivé avec 38000 hommes en Egypte, qui était un pays peu connu situé sur la stratégique route des Indes chère aux Anglais. A son arrivée Napoléon a souffert d’une toux chronique qui peu à peu s’est estompé en Egypte L’Empereur a fasciné son adversaire Ali Pacha qui a décidé après le départ de Napoléon de moderniser son armée et son pays sur le modèle français. Napoléon a écrasé les Mamelouks à la bataille des Pyramides puis en février 1799 il est parti d’Egypte réaliser la campagne 66 de Syrie. Le siège de Jaffa a été marqué par une effrayante épidémie de peste qui a tué 3 % du corps expéditionnaire français. La victoire s’est terminé par le massacre des prisonniers turcs. A la suite de l’échec de la conquête de la citadelle de St Jean d’Acre, Napoléon a été contraint de rentrer précipitamment en France le 9 octobre 1799 (83) 4. La montée au pouvoir : le Directoire Avec l’aide décisive de son frère Lucien alors Président du Conseil (54), Napoléon est parvenu à être nommé Premier Consul en décembre 1799 par des députés effrayés et manipulés. Par la suite Napoléon Bonaparte a écarté du pouvoir Sieyès associé au coup d' état. Napoléon a fait entériner sa nomination par un plébiscite à bulletin non secret et motivé. Il s’est alors exclamé : « La révolution est terminée ! ».(83) Au cours de la 2ème campagne d’Italie qui a eu lieu en 1800, Napoléon a été décrit comme ictérique (19) à la grande victoire de Marengo au cours de laquelle il a été blessé à la jambe gauche superficiellement A cet ictère s’est associée curieusement une erreur stratégique de Napoléon, la même qu’à Waterloo, qui aurait pu lui coûter une défaite malgré l’héroïsme des troupes françaises. Le général Desaix que Napoléon avait envoyé vers Gênes pour essayer d’établir le contact avec les Autrichiens était revenu à temps en se dirigeant vers la bataille à marche forcée au son de la canonnade. Le traité de Lunéville a affirmé la présence française en Italie et à l’ouest du Rhin. Après la grande victoire de Marengo, Napoléon a signé le traité de paix d’Amiens avec l’Angleterre après celui signé en octobre 1801 avec la Russie. (95)(83) Le 2 août 1802, Napoléon est devenu consul à vie grâce à un deuxième plébiscite. Dès 1802 l’Empereur a imposé un blocus continental contre l’Angleterre. (95) En 1803, l’Angleterre a déclaré la guerre à la France. Napoléon a préparé pendant 2 ans à Boulogne un important débarquement en Angleterre qui n’a pas abouti en 67 raison de la maîtrise anglaise des mers. La flotte de Napoléon a même été détruite par Nelson en octobre 1805 à la bataille de Trafalgar. Après avoir promulgué le Code Civil en mars 1804, Napoléon a été proclamé Empereur en mai 1804. Il a été couronné des mains du Pape à Notre-Dame de Paris le 2 décembre 1804.(95) L’Empereur qui n’a pu envahir l’Angleterre s’est retourné contre la troisième coalition formée grâce aux subsides anglais par l’Autriche et la Russie. Napoléon est reparti rapidement en Allemagne où il a contraint les Autrichiens encerclés dans Ulm à se rendre, puis se dirigeant vers l’Autriche, le 5 décembre 1805 il a détruit les troupes austro-russes dirigées par le Tsar Alexandre en personne à Austerlitz. L’Autriche soumise, il a détaché alors l’Italie et l’Allemagne de l’Autriche, puis il a donné le royaume de Sicile à son frère Joseph et le royaume batave à son frère Louis. (83)(95) 5. L’entrée en guerre de la Prusse La Prusse s’est lancée contre la France au cours de la 4ème coalition aux cotés de la Russie, de l’Angleterre et de la Suède. La victorieuse campagne de Prusse a commencé par une victoire de Lannes qui a mis en déroute une armée prussienne entière. Napoléon l’a rejoint et a écrasé à Iéna l’armée prussienne. Pendant ce temps Davout, en infériorité numérique, a écrasé après de durs combats la plus grande partie de l’armée prussienne. Napoléon a pu vaincre difficilement les Russes à Eylau puis nettement à Friedland le 14 juin 1807. L’armée de l’Empire a été pour la première fois composée en majorité de non-Français. Le Tsar a abandonné la lutte et a rencontré Napoléon à Tilsit. Ensemble ils se sont mis d’accord sur le sort de la Prusse et le Tsar s’est associé au blocus continental contre l’Angleterre. (83)(95) Napoléon est intervenu en Espagne et au Portugal en 1807 avec une armée comptant jusqu’à 300 000 hommes qui a été confrontée à une guérilla soutenue par les Anglais 68 .(95) Le Pape Pie VII a tenté de résister à l’Empereur en l’excommuniant, Napoléon l’a privé de ses terres puis de sa liberté. Les Autrichiens sont à nouveau vaincus à Ratisbonne puis à Eckmühl. Le traité de Schönbrunn a diminué encore l’Empire Autrichien et Napoléon a obtenu la fille de l’Empereur d’Autriche pour épouse. (5)(95) En 1811, Napoléon a montré les premiers signes de faiblesse et de lassitude. Il a fait à l’automne un malaise avec de violentes coliques. En fait après son remariage, petit à petit, malgré tous ses efforts il a commencé à montrer des signes de fatigue. (5) 6. La fin de l’Empire Napoléon a réalisé en 1812 l’éprouvante campagne et retraite de Russie au cours de laquelle il a souffert d’hémorroïde, de dysurie et de trachéite. Il est retourné précipitamment à Paris après une tentative de coup d’état militaire contre lui. Il est revenu avec moins de vigueur, de l’embonpoint et de fréquentes périodes d’apathie de plus en plus longues.(5) En 1813 il a tenté de vaincre les Prussiens et les Russes avant qu’ils ne soient rejoints par les Autrichiens mais il n’y est pas parvenu. Malgré la victoire de Dresde, la défaite de Leipzig a sonné l’heure de la retraite pour les Français en deçà du Rhin. Napoléon a dû abandonner 100 000 hommes dans diverses garnisons à l’est du Rhin.(95) La campagne de France de 1814 a été brillante mais les troupes peu nombreuses peu aguerries et peu encadrées n’ont pas pu résister devant des ennemis bien plus nombreux. Après la prise de Paris il a tenté de se suicider, puis s’est finalement rendu et a été exilé sur l’île d’Elbe. Privé de ressource il en revint pour une campagne de 3 mois qui s’est terminée par la défaite de Waterloo. (95) 69 II. LA SANTE DE L’EMPEREUR Napoléon Bonaparte mesurait 1m.68 (3)(67) et avait un tour de tête de 55,5cm. (67) Il a été très maigre jusqu’au Consulat avec un teint ictérique pendant sa jeunesse puis pâle après sa prise de poids lors du Consulat. Il était souvent constipé, souffrait fréquemment de migraine, vomissait lors d’émotions, de colères ou simplement spontanément. L’Empereur ne dormait que 4 heures par nuit, travaillait énormément parfois 18 heures successives par jour, sans s’arrêter.(39) Il était d’une bonne condition physique pouvant faire 80 kilomètres à cheval par jour. Son pouls était physiologiquement lent à moins de 60 par minute à l’instar des grands sportifs.(17) On a retrouvé ses propres plaintes somatiques dans la correspondance de Napoléon avec Joséphine de Beauharnais lors de la première campagne d’Italie : une toux chronique, une sensation d’oppression thoracique, des migraines parfois épouvantables, des hémorroïdes, une dysurie, des «spasmes d’estomac », et un ictère.(45) 1. Les colères de Napoléon Au cours de son séjour à l’école militaire de Brienne, on a déjà pu apprécier la force du tempérament qui habitait le jeune Napoléon. Des anecdotes l’ont présenté avec de violentes manifestations psychosomatiques lors de contrariétés ou d’atteintes à son honneur. Ce sont des crises de vomissements violents qui ont poussé ses maîtres à limiter leurs habituelles brimades (17) (39) (55) 2. Un eczéma prurigineux chronique de Napoléon et un dartre La présence de dermatose a déjà été notée dans son dossier médical hospitalier en Corse où il avait été hospitalisé en août 1790. Il y a bénéficié d’un traitement par du petit lait nitré à la tisane de chicorée et de patience et à l’onguent citrin.(95) Il 70 s’agissait bien du traitement alors donné en cas de gale. Il s’était attribué après la prise de Toulon une blessure de guerre cutanée : une «gale rentrée» qui n’était en fait qu’un très probable eczéma prurigineux qui l’a poursuivi toute sa vie. Il se traitait par des bains chauds et par des vésicatoires que lui appliquait Corvisart et qui l’ont soulagé. (45). Après la bataille de Wagram contre les Autrichiens en juillet 1809, il a été contraint de s’aliter fébrile et encombré. Il a présenté à la partie supérieure et postérieure de son cou une éruption qui a inquiété le médecin autrichien Franck appelé à son chevet. Napoléon qui a entrevu le pire a fait demandé Corvisart qui est venu jusqu’à Schönbrunn pour le rassurer. Finalement il semble que ce n’était qu’un dartre ou un furoncle. L’affection a cédé au bout de quelques jours. (39) 3. Une crise de paludisme En garnison à l’âge de 19 ans il a présenté un accès de paludisme qui lui a appris les risques inhérents aux endroits humides et chauds. Il a retenu cette leçon par la suite pour toutes ses campagnes au cours desquelles il a toujours évité de positionner des troupes près de zones potentiellement impaludées.(45) Napoléon a écrit à sa mère que depuis sa crise de paludisme il ne dormait plus que 5 heures par nuit et n’a pas semblé s’en plaindre. La possibilité de peu dormir qu’il a attribuée au paludisme lui a été longtemps bénéfique.(3) Napoléon était connu pour sa facilité d’endormissement en toutes circonstances qui lui a souvent permis d’être en pleine possession de ses moyens en des moments critiques. 4. Les migraines Napoléon a présenté une céphalée pendant la première campagne d’Italie qui a failli lui être fatale. 71 5. Les hémorroïdes de Napoléon Ses hémorroïdes l’ont considérablement gêné notamment pendant la première campagne d’Italie puis lors de la campagne de Saxe et de la défaite de Waterloo. Elles étaient associées à une constipation chronique qui le touchait depuis au moins l’année 1797.(39) 6. La dysurie Napoléon a souffert de dysurie les deux jours précédents la bataille de la Moskova et ce jusqu’à son séjour dans Moscou ou a persisté un important sédiment dans ses urines. D’après le docteur Mestivier, un médecin français vivant à Moscou, Napoléon a été dysurique pendant toute la campagne de Russie, il : « ne pouvait pisser que goutte à goutte, avec douleur, et son urine était boueuse et sédimentaire ».(45)(17) L’autopsie de Napoléon faite à Sainte-Hélène a permis de découvrir une vessie de lutte contenant des graviers et quelques calculs d’après Antommarchi ce qui a confirmé l’existence de coliques vésicales itératives.(1) 7. L’ictère de l’Empereur Napoléon était déjà ictérique lors de sa première campagne d’Italie. Certains ont soupçonné une possible hémoglobinopathie S de type hétérozygote du fait du teint de Napoléon. Barquéro a essayé dans sa thèse d’expliquer la longue convalescence en Corse de Napoléon après sa crise de paludisme, par une possible marque de faiblesse vis à vis du plasmodium falciparum. (5) Cela n’est pas possible car ce séjour a été utilisé à d’importantes activités politiques et militaires, comme l’a montré Tulard. (95) L’ictère de l’Empereur était-il consécutif a une hémolyse chronique liée à une drépanocytose ? 72 8. Les douleurs abdominales de Napoléon Illustration n°10 : Napoléon Bonaparte 73 Dès 1802 Bourrienne, son ancien camarade d’école et proche collaborateur, a signalé de violentes crises douloureuses apparemment du coté droit et de l’épigastre,(20) d’autre part Napoléon a été décrit comme ayant le teint « jaune sombre » par un Anglais de passage à Paris à la même époque. On a pu rétrospectivement évoquer une colique hépatique (39), de simples douleurs digestives liées à la tachyphagie de Napoléon ou à la manifestation d’une pathologie ulcéreuse. Corvisart a conseillé à Napoléon de manger moins vite, moins brûlant, d’avoir un exercice physique quotidien et de consommer moins de pâtisserie. (45) En tout cas sa « douleur » abdominale ne l’empêchait pas de chasser.(60) Ce n’est qu’en 1803 que l’on a pu observer les premières iconographies représentant Napoléon avec sa main reposant dans son gilet(69). Cette attitude était déjà largement utilisée avant lui et ne semble pas lui être propre, Davout la pratiquait déjà en 1799 en Egypte. A contrario à Sainte-Hélène, Napoléon a été souvent représenté les mains dans les poches. Cette attitude a été la source de nombreuses hypothèses sur l’existence et l’ancienneté d’une atteinte digestive de Napoléon. Des douleurs digestives se sont aussi manifestées pendant la campagne d’Allemagne 1807, à Waterloo en 1815 et à Sainte-Hélène. Madellin a rapporté qu’en 1811 « comme il souffrait cruellement de l’estomac, ses traits restaient après les crises fort souvent et fort longtemps tirés ». (65) Pendant les Cent-Jours, il a également souffert de l’abdomen : « Il tenait ses mains jointes par devant et par derrière…Il paraissait souffrir de quelque douleur interne. » rapporte son page.(6) La lésion qui a causé le décès de Napoléon à Sainte-Hélène a été une perforation gastrique circulaire bouchée par le lobe gauche du foie selon les rapports du médecin Antommarchi.(1) 9. Une hémoptysie 74 En juillet 1803, il a présenté une légère hémoptysie qui lui a fait consulter Corvisart qui a diagnostiqué un début de congestion pulmonaire. Il s’agissait en fait probablement des séquelles d’un point de coté tussigène décrit en 1799, à rapprocher des adhérences séquellaires pleurales gauches retrouvées plus tard à son autopsie. Il a été traité par des vésicatoires et par de judicieux conseils hygiéno-diététiques prescrits par Corvisart qui devint alors le médecin attitré de Napoléon. La toux chronique de l’Empereur a duré de la campagne d’Italie à celle d’Egypte. Il a été maigre maladif et passait pour un phtisique (45) Il s’est senti mieux qu’après 1800. L’atteinte pulmonaire était-elle l’expression d’une tuberculose ? 10. Une conjonctivite virale Napoléon a attrapé après Austerlitz une banale conjonctivite virale.(60) 11. Les blessures de guerre de l’Empereur Il a été plusieurs fois blessé par exemple à la prise de Toulon, d’un coup d’esponton au genou gauche dont il en a conservé une profonde cicatrice retrouvée après sa mort lors de son autopsie. Il a eu 19 chevaux tués sous lui, sur les champs de bataille. (45) Il a eu un accident de chasse et s’y est blessé l’annulaire gauche. Il a également eu un accident en conduisant une calèche au cours duquel il a perdu connaissance 8 à 10 secondes.(55) Toutes ses blessures ou accidents n’influèrent pas sur sa politique et ses batailles. Parfois ses soldats ont dû l’empêcher de s’exposer de peur de le perdre . III. L’INFLUENCE DES MALADIES DE NAPOLEON SUR L’HISTOIRE DE FRANCE 75 1. Des migraines dangereuses Il s’est souvent plaint de « fluxion de la tête », en fait de probables crises de migraine. D’abord en 1795 à Milan puis à Mantoue en août 1795 il a été obligé d’interrompre le siège de la ville. Malgré sa victoire il a failli être capturé alors qu’il s’était mis au calme à l’écart de la bataille dans une villa. Un détachement autrichien a pris possession de la maison l’obligeant à se sauver vêtu d’une seule botte. (55) On réalise ainsi l’importance d’être en pleine possession de ses moyens physiques au moment d’une bataille où l’on est toujours concentré sur la stratégie avec un ennemi proche parfois en surnombre, le tout sur des terres étrangères où les moindres problèmes de santé sont des obstacles à une performance d’importance vitale et où les moindres faits ont des portées politiques personnelles et nationales décisives. Avec Napoléon prisonnier pour une migraine, la suite de la campagne d’Italie aurait été bien différente. Il était dans une position difficile, en infériorité numérique. Il avait eu du mal à convaincre le Directoire de la qualité de sa stratégie. Bonaparte vaincu n’aurait pas fait payer des prélèvements aux états vaincus et il n’aurait pas réorganisé la carte politique de l’Italie jusqu’à fonder une République transalpine. En cas d’échec sa responsabilité aurait sans aucun doute été mise en cause et sa carrière compromise. La perte du prestige de la victoire aurait pu affecter dangereusement son avenir militaire et politique. Carnot avait eu l’intention de lui substituer Kellermann et de soutenir les troupes d’Allemagne par l’apport de celles d’Italie, contrairement à la ligne stratégique défendue par Napoléon auprès du Directoire. (95) Si la migraine de Napoléon s’était poursuivie, il n’aurait pas eu la force d’attaquer sur deux fronts les Autrichiens ce qui a permis d’assurer la victoire en prenant à revers les Autrichiens une fois la victoire acquise en Italie. Malgré une migraine Bonaparte a vaincu les Autrichiens et est devenu l’homme de la paix. Le peuple l’a acclamé et le Directoire a avalisé ses débordements politico-financiers. (83)(95) 76 2. La peste a vaincu l’expédition d’Orient Lors du siège de Saint Jean d’Acre, la peste a touché les hommes des troupes Françaises. Napoléon l’a caché le plus longtemps possible aux soldats puis a organisé efficacement des règles d’hygiène qui ont limité son extension alors que l’épidémiologie de la peste était encore mal connue. Le médecin Desgenettes a expliqué la psychologie des hommes de troupe : « quoique habitués à braver journellement la mort dans les combat, ne l’attendent pas d’ordinaire dans leurs lits avec plus d’indifférence que les autres » Napoléon s’est fait remarqué en visitant les pestiférés à l’instar des rois thaumaturges d’antan. Cela a contribué à renforcer sa renommée et a contre-balancer les accusations d’euthanasie à l’encontre des soldats intransportables qui ont été lancées contre lui.(5) Au cours du siège de Jaffa devant le général Berthier, Desgenettes et Napoléon se sont affrontés au sujet de l’attitude à adopter vis à vis des soldats souffrant de peste. Napoléon a lancé : « A votre place, je terminerais à la fois les souffrances de nos pestiférés et je ferais cesser les dangers dont ils nous menacent en leur donnant de l’opium. » Napoléon a ajouté qu’atteint, il aurait demandé le même sort. Desgenettes a répondu: « mon devoir à moi est de conserver . » Napoléon a rétorqué que son but était de conserver l’armée et que « je ne cherche pas à vaincre vos répugnances…..mais je trouverai des personnes qui apprécieront mieux mes instructions. » (47) (68) Le lendemain de ce triste épisode, il a levé le siège et est retourné vers Jaffa puis en Egypte. Personnellement il a évité la peste qui a sévi parmi ses troupes en Egypte. Le but mirifique de la conquête de l’Asie a été abandonné à la suite des problèmes sanitaires: 10% des troupes sont mortes de maladie quand Napoléon a quitté en secret ses troupes avec quelques proches. Napoléon qui n’a pu assurer définitivement la victoire du fait de la maîtrise des mers des Anglais qui le coupaient de ses bases mais aussi de la peste a décidé de quitter ses troupes avant leur défaite et leur massacre. 77 Napoléon a été décrit dans le journal Le Surveillant du 18 octobre 1799 : « Napoléon est presque le seul officier de notre armée en Egypte qui n’ait pas été malade. Ainsi avec une complexion en apparence assez faible, il est extraordinaire au physique comme au moral.» (95). La propagande reconnaissait déjà la nécessité d’avoir un homme d’état en bonne santé et a défendu celle de Bonaparte qui a pu se lancer avec Seyes à l’assaut du Directoire après l’épreuve d’Egypte qui a démontré que ses succès d’Italie n’étaient pas un coup du hasard. 3. La bataille de Ratisbonne aurait pu être évitée ou facilitée Napoléon était indisposé après la victoire d’Eckmühl le 23 avril 1809 sur les Autrichiens et l’Empereur a avoué ne pas avoir eu la présence d’esprit suffisante pour les poursuivre jusqu’à Ratisbonne. Le lendemain, Napoléon a été contraint de disputer la bataille de Ratisbonne pour l’emporter. Il y a été blessé au pied par une balle perdue démontrant les risques inutiles qu’il a encouru dans cette bataille évitable, sans compter les milliers de morts inutiles. 4. La ménopause précoce de Joséphine contraint Napoléon à un mariage malheureux La ménopause précoce de sa femme Joséphine, malgré des cures à Plombières, a contraint Napoléon à divorcer et à rechercher une nouvelle épouse issue de la dynastie des Habsbourg. Lui même a plus tard considéré son remariage de convenance comme une erreur politique. Napoléon 1er a ainsi été privé d’un successeur fidèle à son héritage l’ayant connu et ayant été préparé à lui succéder. Le fils de Napoléon, le prince de Reichstadt a constitué une impasse dynastique pour la famille Bonaparte. Ce dernier était en Autriche-Hongrie soigneusement écarté de la vie politique afin d’empêcher toute restauration durable de l’Empire. (95) 78 5. La catastrophe de Russie en 1812 évitable sans la trachéite, la dysurie et l’œdème présentés par Napoléon à son arrivée à Moscou a) La campagne de Russie Napoléon avait imposé aux Russes par la force le blocus continental contre l’Angleterre. Celui-ci a gravement nuit à l’économie russe qui échangeait du blé ukrainien et du chanvre contre des produits manufacturés anglais. D’autre part la guerre en Europe a empêché les armées russes de poursuivre leur expansion dans le Caucase et en Asie Centrale. Depuis 1811, malgré une rencontre entre le Tsar et Napoléon, la Russie, financée par l’Angleterre, a réarmé mais n’a toujours pas attaqué Napoléon. (96) De nouveau la France a été l’agresseur face à la Russie et s’est heurtée à une nation réunie dont la culture religieuse et politique était opposée à la Révolution. Napoléon a présenté 600 000 hommes dont 400 000 hommes en première ligne, 150 000 chevaux, 25 000 chariots et 1 millier de canons c’est à dire 365 000 français et des alliés de toutes nationalités. Les Russes avaient 400 000 hommes sur le papier et 100 000 miliciens volontaires, une artillerie excellente mais mal commandée. L’armée russe par ailleurs avait amélioré sa manœuvrabilité grâce à une organisation en corps d’armée et était très motivée. La Russie avait fait la paix avec les Turcs et s’était alliée avec la Suède de Bernadotte pour se concentrer contre Napoléon Ier.(83) b) Les opérations Les armées françaises et alliées ont passé le Niémen le 22 juin 1814 et ont atteint à marche forcée Vilna sans confrontation majeure avec les Russes le 26 juin. Les Russes ont pratiqué une retraite organisée et une politique sans pitié de terre brûlée, tout en refusant l’affrontement. Les Français tentaient d’encercler les Russes sans avoir le temps de prendre des réserves. A Vilna les Français sont restés un mois, ils ont tenté de négocier avec les Russes et de rassembler les traînards. Déjà 1/3 des 79 hommes manquaient. Puis la course folle a repris. A Vitebsk et à Smolensk les Russes ont réussi à s’échapper sans combat.(83) Murat comme l' expérimenté général comte de Narbonne Lara (57 ans) ont supplié Napoléon de s’arrêter mais celui ci voulait une victoire totale et a cru ou espéré que le Tsar se battrait pour Moscou. Le Tsar a enfin accepté de combattre devant Moscou sans s’y enfermer toutefois et a placé à la tête de son état major un vieux général russe expérimenté, Koutousov, qui avait déjà affronté Napoléon.. c) Napoléon est diminué physiquement par une trachéite fébrile et une crise de dysurie pour la bataille de la Moskova. Napoléon a été malade au cours de la bataille de la Moskova. L’enjeu était énorme : un échec pour les Français loin de leurs bases aurait été dramatique, de même qu’une destruction par les Français de l’armée russe aurait privée le Tsar des moyens militaires d’un siège et l’aurait forcé à négocier. Les Français assaillis sans cesse n’étaient plus que 103 000 fantassins dont 30 000 cavaliers et les Russes 103 800 fantassins et cavaliers avec 7 000 cosaques et 10 000 partisans. La bataille a eu lieu le 7 Septembre 1812. Une trachéite fébrile a épuisé Napoléon depuis la nuit qui a précédé la bataille. La veille de la bataille l’Empereur, contrairement à son habitude, avait dormi de manière hachée.(88) D’après Constant, Napoléon était malade avec une forte fièvre et n’a repéré que sommairement le terrain la veille des combats comme le matin même. (26)(60). Les Russes avaient eu le temps de fortifier les hauteurs de Borodino la veille des combats. Diminué, Napoléon a commis l’inhabituelle erreur de ne pas avoir fait prendre ses hauteurs avant le combat. Le jour de la bataille, un syndrome fébrile associé à «un rhume» ont affaibli Napoléon d’après le général de Ségur. Il ne s’était pas montré partout aux avant postes pour haranguer ses troupes, contrairement à son habitude. Il considérait 80 pourtant le moral des troupes au plus haut point. (60)(88) D’autres sources le disent atteint d’une crise de dysurie depuis la veille (20,43,58,72). D’après Constant il a seulement fait une crise de dysurie et n’a débuté sa trachéite que le lendemain de la bataille.(26) Il n’est arrivé que difficilement à se tenir à cheval pendant la bataille. P.Hillemand a affirmé que les incidents urinaires à répétition « ont empêché Napoléon de profiter à fond de sa victoire de Borodino et contribuèrent largement à sauver l’armée russe ».(48) d) Napoléon est malade au cours de la bataille de Borodino. Contrairement aux avis de Ney et Davout qui avaient reconnu le terrain, et qui proposaient un « une manœuvre par les arrières », Napoléon a suivi un plan classique décidé la veille et il a passé la journée de la bataille victime de la fièvre.(59)(60) Napoléon a attaqué de front simplement alors qu’il courrait depuis 2 mois et demi pour accrocher les Russes. Les Français ont difficilement pris les redoutes de Borodino au centre du dispositif russe enfin en milieu d’après midi. Profitant d’une hésitation de Napoléon, les Russes ont contre-attaqué vigoureusement avec la cavalerie cosaque d’Ouvarov. Ney a déclaré au plus fort de la bataille : « que fait l’Empereur derrière l’armée[…]Puisqu’il ne fait plus la guerre par lui même qu’il retourne aux Tuileries et nous laisse être généraux pour lui. ». Le Comte de Ségur a trouvé lui que l’Empereur a traîné à donner les ordres attendus. Napoléon avait dans le passé souvent joué de toutes ses troupes pour arracher un succès devant des adversaires eux prudents cherchant à préserver leur réserves comme les Autrichiens dont par exemple l’excellente cavalerie hongroise n’a que peu combattu. Ce jour, alors qu’il pouvait détruire l’armée russe en enfonçant le front central russe qui cédait, il a décidé de ne pas employer les 30 000 hommes de la Garde Impériale. La bataille était certes gagnée, la voie vers Moscou presque libre. Après la bataille contrairement à son habitude il n’a pas visité le champ de bataille mais a été dormir quelques heures avant de le faire le lendemain matin (27) Napoléon a disparu quelques jours le 11 et 12 septembre selon Caulaincourt ne recevant que les Maréchaux tant il était accablé par son infection (88)(21). Le Comte de Ségur a 81 conclu sur la santé de Napoléon: « après avoir préservé Koutousov d’une ruine totale à Borodino, elle lui donna le temps de rallier son armée, et de les dérober à notre poursuite. » (88) Cela n’a été que le 12 septembre que Napoléon a été en état de reprendre la route vers Moscou. Au cours de la bataille, l’armée française a perdu 30 000 à 35 000 hommes et les Russes 50 000, si les Français sont restés maître du terrain, les Russes ont reculé dans un ordre impressionnant en enterrant leurs morts et en emportant leurs blessés et leur matériel. (95) Le succès incomplet a rendu la bataille inutile. Il faut se rendre compte que les hommes perdus ne se renouvelaient plus aussi bien qu’au début du règne quand on estimait alors que perdre 15 000 ou 20 000 hommes était déjà cher payé pour une victoire (83)(95). L’Empereur a perdu 43 généraux tués ou blessés lors de la bataille. Son armée a commencé à manquer d’officier, en effet dans l’armée française on a perdu plus d’officier au combat que dans toutes les autres armées. Ils combattaient en tête de leurs troupes dont ils étaient souvent issus et qui étaient ainsi les plus déterminées de cette époque. (83) (95) e) La retraite de Russie a tardé du fait des troubles urinaires de Napoléon. Le 14 septembre 1812 les armées napoléoniennes sont entrées dans un Moscou abandonné par ses habitants sans même évacuer les stocks prévus pour le siège. Des incendies volontaires en détruirent une grande partie privant ainsi les Français de réserve. Napoléon est resté un mois à attendre une réponse du Tsar réfugié à SaintPétersbourg, à ses demandes de négociations. Il a attribué plusieurs fois à cette durée excessive la source de son échec.(27) Napoléon a continué d’être dysurique « avec des sédiments remplissant le tiers du vase » plusieurs jours. Il était atteint d’une infection urinaire sur obstacle. (39)(45) Napoléon a souffert aussi d’œdème à Moscou aux jambes en position debout. Le général Lejeune a affirmé : « Nous ignorions que Napoléon fût souffrant et que cet état de malaise le mettait dans l’incapacité d’agir dans les grandes affaires qui se déroulaient sous nos yeux.».(60) Lorsque Napoléon a décidé la retraite découragé d’attendre une réponse du Tsar qu’il a presque imploré le 19 octobre1812, il était trop tard. (12) 82 f) La retraite de Russie Koutousov a réussi par la bataille de Maloïarloslavets à dissuader Napoléon de passer par le sud dans une région riche. (44) La retraite a alors commencé. Elle est passée par des régions déjà dévastées à l’allée et des chemins boueux. Les Français ont été continuellement assaillis par les cosaques et les miliciens. Les soldats sont d’abord morts de faim, puis de froid, du typhus et de dysenterie. Ils ont perdu leurs chevaux insuffisamment nourris et non ferrés à glace, épuisés à traîner les canons dans la boue ou sur la glace. Ils ont été obligés d’abandonner tous leur chariots. Le passage de la Bérézina a été désastreux et Napoléon a eu besoin de toutes ses ressources pour ne pas perdre tout ce qui lui restait. En effet les renforts russes de Moldavie avaient fait la jonction avec Koutousov. Les ponts avaient été coupés ou était aux mains des Russes. Après une habile diversion, Napoléon a réussi grâce au pontonniers d’Eblé à traverser la Bérézina. 35.000 hommes sont passés, 50.000 sont tombés aux mains des Russes. Napoléon s’est précipité avec quelques hommes à Paris en laissant ses troupes aller à Vilna car Napoléon a compris qu’il devrait en 1813 affronter les Russes et même les Prussiens qui s’était insurgés. En tout, seuls 100.000 hommes ont subsisté de l’armée des plus de 600.000 hommes qui avaient passé le Niémen, dont les troupes de Mac Donald qui n’avaient pas combattu.(44)(95) (12) 6. L’Europe contre Napoléon Au début de l’année 1813 Napoléon a regroupé 400.000 hommes afin d’affronter les Russes, alliés aux Prussiens. Napoléon a attaqué le plus tôt possible pour devancer le regroupement et l’instruction des troupes adverses. Il a battu les Prussiens à Lützen le 2 mai puis est entré dans Dresde et a battu les Russes à Bautzen. Après un court mais trompeur armistice, les Autrichiens se sont joints aux alliés et une terrible bataille a eu lieu devant Dresde les 26 et 27 août 1813. (83)(95) 83 a) Un syndrome fébrile prive Napoléon de sa suprématie en Europe malgré sa victoire de Dresde Cela a été un succès pour Napoléon. Les ennemis ont perdu 30.000 hommes et d’importantes quantités de matériel. Ces victoires ont fait espérer aux Français un abandon des Autrichiens signifiant un rapport de force plus favorable(69). Ménéval a rapporté que l’Empereur qui avait passé toute la journée à cheval était déjà à la poursuite de ses ennemis quand il a été atteint d’« une indisposition passagère mais violente, occasionnée peut-être par l’abondance de pluie dont il avait été inondé….des vomissements répétés firent craindre qu’il n’eut été empoisonné. L’on dut précipitamment ramener à Dresde l’Empereur dans une prostration absolue de ses forces et de ses facultés. L’armée alliée était alors dans une telle confusion qu’au dire des ennemis eux mêmes, si elle eût été vigoureusement poursuivie, elle était infailliblement détruite. Ce fatal accident la sauva et l’espoir de conquérir la paix s’évanouit ! ». (81)D’après Constant l’Empereur a été malade toute la nuit suivant la bataille et ne s’est occupé des affaires courantes que le lendemain matin. Napoléon aurait lui accusé une intoxication alimentaire due à un gigot à l’ail(9) ou était en fait plutôt malade du fait du mauvais temps des jours précédents. (39,67,68) Au lendemain de cet épisode, Napoléon a décidé de se tourner vers Berlin aider Ney mais ses généraux peu confiants après l’insuffisant succès de Dresde ont préféré Leipzig où se concentraient ses adversaires, Napoléon convalescent est indécis pour une rare fois. Il les a finalement suivis, ce qu’il regrettera amèrement(26). Le 26 août, l’armée de Mac Donald a été détruite par Blücher. Le corps de Vandamme qui aurait dû couper la route aux Autrichiens de Schwarzenberg qui s’échappaient a été détruit à Külm le 29 août et surtout Berlin a vu les Prussiens battre Ney le 6 septembre 1813, annulant ainsi la victoire de Dresde (95). L’espoir a quitté le camp Français. b) L’heure de la retraite. Les Russes, Prussiens et Autrichiens se sont regroupés à Leipzig. C’est la bataille des Nations : 190.000 Français ont combattu 335.000 alliés. Les Français ont cédé et sont abandonnés par les Badois et les Saxons pendant la bataille et 50.000 Français sont restés bloqués dans Leipzig par l’explosion prématurée du dernier pont de la ville. 84 Napoléon revint en France avec 110.000 hommes seulement, 90.000 étaient restés bloqués dans des places fortes à l’est du Rhin et ont cruellement manqué pendant la campagne de France de l’année 1814.(95)(83) c) La campagne de France En début 1814, les Hollandais se sont révoltés, suivis par la Westphalie qui également a abandonné l’Empereur, même Murat s’est éloigné. Napoléon a alors appelé les Maries-louises et toutes les réserves comme les réformés des classes précédentes. Avec ces hommes peu expérimentés, manquant d’encadrement, l’Empereur a remporté de beaux succès mais ses ennemis étaient déterminés à sa perte et bien plus nombreux que lui. La France a été envahie de plus par le sud à partir de l’Espagne, ce qui a privé Napoléon de 100.000 hommes. L’aventure espagnole a coûté bien cher en définitif. Jouant le tout pour le tout Napoléon a découvert Paris pour couper les arrières des envahisseurs quand ceux-ci prirent la ville peu défendue par les faibles troupes de Marmont. Les maréchaux et généraux français ont alors amené l’Empereur à la raison. Il a abdiqué le 6 mars 1814 à Fontainebleau. Il a été exilé sur l’île d’Elbe, dont la souveraineté lui est donnée, avec 700 volontaires de la Vieille Garde.(27)(95) 7. Les 100 jours et la défaite de Waterloo causées par un Napoléon diminué par une crise hémorroïdaire et une dysurie. Napoléon a débarqué le 1er mars 1815 à Golfe Juan et est arrivé à Paris, en passant par les Alpes et Grenoble le 20 mars 1815. Les alliés étaient encore divisés sur le sort de l’Europe. Napoléon a voulu profiter de leur discorde et du mécontentement causé par la restauration après 25 ans de révolution. La principale armée de Napoléon n’a regroupé que 123.000 hommes alors que les alliés se sont mis d’accord pour rassembler au moins 700.000 hommes. Napoléon a décidé d’attaquer avant la concentration des armées ennemies bien supérieures en nombre. Napoléon a donc attaqué brillamment en Belgique le 14 juin 1815 mais ses officiers, moins capables, qu’à l’accoutumée lui ont fait perdre une grande partie du bénéfice de la surprise, et le général de Bourmont, passé à l’ennemi, a dévoilé le point où l’Empereur devait 85 attaquer et pourtant l’Empereur a failli réussir dès le premier jour à tromper ses adversaires pour les séparer.(59) Napoléon est apparu à ceux qui ne l’avaient pas vu depuis un an comme ayant pris de l’embonpoint, avec un invincible besoin de sommeil. Pendant le même temps d’autres personnes l’ont vu débordant d’activité. Des témoignages ont affirmé qu’il était atteint de dysurie à plusieurs reprises en avril et mai 1815 (17) Cela a renforcé les témoignages concernant ces crises de dysurie pendant le bataille de Waterloo. a) La bataille de Waterloo. La bataille a duré du 16 au 18 juin 1815 et s’est déroulée près de Fleurus le haut-lieu de mémoire des guerres révolutionnaires. Les Anglais et leurs divers alliés dirigés par Wellington qui a déjà vaincu des armées françaises en Espagne étaient 96.000. Les Prussiens commandés par Blücher étaient 124.000. En l’absence de Berthier, Napoléon était gêné par son état-major lent et médiocre ainsi que par des communications étonnamment mal établies. 8.000 à 30.000 hommes étaient en Vendée pour vaincre une nouvelle révolte de chouans le 20 juin, leur absence a été déterminante. (95) La veille de la bataille, le 15 juin 1815 Napoléon a été décrit par Montréal, un capitaine de grenadier : « Je le vois assis sur une chaise, la tête lourdement appuyée sur ses mains vissées au dossier, dormant lourdement. Je compris qu’il était usé, malade, trop vieux pour commander.» Cela en dit long sur le moral des troupes à l’aube d’affronter les Prussiens et les Anglais, puis restaient à venir les Russes, les Autrichiens avec des renforts allemands et suédois. Le 16 juin 1815 Ney a attendu l’ordre du lendemain après midi de Napoléon afin de prendre un carrefour stratégique offrant aux Anglais le temps de s’y retrancher. L’incurie de l’état major a fait faire des aller-retour inutiles aux troupes de Drouet. Napoléon n’a pas réussi à détecter ces cafouillages ni à y remédier. (95)Toujours le 16, à la suite d’une crise de panique au sein de son armée Napoléon a dû en personne rétablir l’ordre. Il est obligé de donner la Garde pour enfoncer les Prussiens dont le 86 centre a enfin cédé, et qui reculaient en ordre. Blücher qui avait chargé avec sa cavalerie a été renversé sous son cheval et avait même perdu le contact avec son étatmajor. Napoléon, malade et sans état-major valable, a envoyé le 17 juin soit avec un jour de retard, Grouchy poursuivre les Prussiens. L’Empereur était « physiquement et mentalement exténué » selon Rothenberg. Il n’a pas engagé une « manœuvre par les arrières » à ce moment crucial pour détruire les prussiens dont les pertes ont été importantes, et qui étaient encore isolés des Anglais. En fait l’Empereur a quitté le champ de bataille à ce moment .(59) Les hémorroïdes comme « le remède héroïque » de celles-ci ont pu expliquer sa difficulté à se déplacer et sa disparition du champ de bataille le 16 juin. (20)(39). Le remède était constitué d’eau bouillante additionnée d’extrait de saturne (sous acétate de plomb) appliquée avec des linges propres. (17) La crise hémorroïdaire s’est accompagnée d’après certaines sources d’une crise de dysurie, une autre atteinte ancienne de l’Empereur. La difficulté de marcher de Napoléon le 17, a fait évoquer un prolapsus hémorroïdaire.(5) Le matin du 17 l’ordre d’attaquer les Anglais, encore seuls, a mis trois heures à arriver à Ney. De plus cet ordre était incomplet ainsi Ney a attaqué trop tard et a trouvé des Anglais regroupés depuis très peu de temps, ce qui a déterminé son échec dans ce combat qui aurait dû permettre à Napoléon de vaincre ses ennemis séparément selon son plan. (83) La présence diminuée de l’Empereur s’est exprimée dans l’incurie de son état-major. Le 17 au soir avant la bataille de Waterloo, Napoléon a circulé en voiture. Contrairement à son habitude il n’a pas pu semble-t-il faire un repérage à cheval qui soit approfondi. (67) b) Le 18 juin 1815 De nouveau le 18 juin le jour de Waterloo, Napoléon était intensément algique, Jérôme Bonaparte a rapporté plus tard que Napoléon a dû en pleine bataille s’écarter et appliquer le traitement héroïque prescrit par Larrey. 87 Le 18 juin 1815, 74.000 Français ont attaqué 67.000 Anglais solidement retranchés. Napoléon a prévu une attaque de diversion puis un assaut central après une intense préparation d’artillerie. La bataille a débuté tard probablement du fait de l’état de santé de Napoléon et du sol boueux, empêchant le placement de la batterie d’artillerie Les forces anglaises et prussiennes ont alors commencé leur jonction. Napoléon, du fait de son état, a donné la direction des opérations à Ney qui a déjà les jours précédents comme en 1813 montré ses limites à diriger. L’absence de Napoléon a été décisive pour Ney, qui comme plusieurs autres maréchaux, a prouvé ses limites dans un commandements indépendant. Peu de maréchaux ou généraux ont su montrer un esprit d’initiative tant ils avaient l’habitude d’être commandé :« la discipline » était la règle et l’initiative personnelle n’était pas recherchée même à la tête de l’armée.(34)(95)(83) La Prusse venait de se moderniser en créant la Kriegsakademie (école de guerre) et des états-majors collégiaux. Napoléon, lui, prenait avis chez ses subordonnés mais décidait seul. En son absence le système ne fonctionnait plus.(83) Les Français se sont lancés à l’assaut des Anglais à Hougoumont sans succès. Puis à 14 heures après une préparation d’artillerie, l’infanterie française est partie à l’assaut des deux centres anglais de Wellington. Si les Français ont fini par reculer devant la charge de la cavalerie anglaise, celle-ci fut à son tour décimée par les lanciers français. Mais depuis 13 heures les troupes prussiennes arrivaient par l’ouest et Grouchy avec des ordres insuffisants ne les a pas arrêtées. Napoléon a imputé la responsabilité de Grouchy dans la défaite du 18 juin, cependant il avait omis de le faire chercher. Ainsi a disparu la dernière chance de vaincre des ennemis encore séparés. Les Prussiens en nombre croissant s’approchaient lentement des Français. Napoléon a cherché encore à surprendre et à diviser les Anglais qui attendaient le regroupement complet avec les Prussiens. Napoléon a lancé toutes ses forces pour percer les lignes anglaises à 15 heures. Ney abusé a lancé trop tôt sa cavalerie. Ce n’est qu’à 18 heures que Ney a pris les positions anglaises. Napoléon a dû simultanément engager sa Jeune Garde pour contenir les Prussiens de plus en plus 88 pressant sur sa droite et n’a pu pas ainsi profiter de l’avancée de Ney quand il a fait donner la Garde et toutes ses réserves à Ney dont les troupes étaient harassées. La Garde a fini par reculer et cela a été la débandade. Seuls deux bataillons de Grenadier de la Garde ont pu conserver un ordre pour couvrir la retraite. La bataille de Waterloo était perdue. (34) (95) Un Napoléon, lucide, plus présent sur le terrain, aurait certainement évité une telle défaite en rattrapant les erreurs de transmission de son état-major. Une bonne gestion de cet affrontement ne lui aurait pas donné la victoire complète sur des ennemis décidés et en net surnombre mais permis de négocier pour gagner du temps afin que l’armée de l’ouest, disponible quelques jours plus tard le rejoigne accompagnée par les troupes en formation, encore en casernement. (83) La stratégie de Napoléon a été bouleversée par son incapacité à gérer sa faiblesse physique pendant ce moment décisif. Son plan : battre ses ennemis séparément, aurait pu réussir. Napoléon aurait ainsi eu le temps d’avoir les coudées franches vis à vis du Congrès qui lui avait refusé jusque là les moyens demandés.(95) Il est probable qu’une partie de la gène de l’Empereur, à savoir des hémorroïdes certainement consécutifs à une constipation, ait pu être due au stress énorme de la situation pour cet homme habitué à la réussite. La gestion du stress fait éminemment partie de la stratégie militaire et de l’art de la guerre. 8. Conclusion Après sa défaite, sa lassitude en grande partie liée à son état de santé a retiré à Napoléon toute combativité. On l’a vu soutenu par les cotés ne pouvant se tenir à cheval lors de sa dernière retraite. Une défaite touche le moral mais sur un état affaibli ses effets sont terribles. Il n’a plus la force de s’assurer une sortie de la scène avec plus de liberté mais moins de gloire que celle du martyr qu’il s’est attaché à 89 devenir à Sainte-Hélène. Une partie de l’échec du plus grand conquérant de l’histoire française peut s’expliquer par ses faiblesses humaines. 90 E. NAPOLEON III : SES PROBLEMES URINAIRES SONT A L’ORIGINE DE LA CHUTE DU SECOND EMPIRE I. NAPOLEON III : L’HOMME 1. Sa famille Louis Napoléon Bonaparte est le fils de Louis Bonaparte un frère de Napoléon Ier, éphémère roi de Hollande, et de Hortense de Beauharnais, la fille du premier mariage de l’Impératrice Eugénie. (96) Sur le plan des antécédents médicaux, Louis Bonaparte a été victime en Italie de maladies vénériennes (syphilis ?) à l’âge de 19 ans qui lui ont miné sa santé et sa carrière. Il passait une bonne partie de son temps à se soigner en cure. Il souffrait d’après Corvisart d’un sentiment de persécution ainsi qu’« une espèce de dessèchement déjà très sensible des 2 mains qui s’étend visiblement à une partie des avants-bras. ».(94)(86) Le futur Empereur, Louis Napoléon, est né en 1808 à Paris. Son premier frère aîné a été emporté par une maladie infectieuse dès l’enfance. Le jeune Louis Napoléon a connu l’Empereur au cours de ses jeunes années, notamment à l’occasion des CentsJours qui l’ont marqué. Contrairement à son cousin le prince de Reichstadt, il a été éduqué par sa mère dans le souvenir, la fidélité et la nostalgie de l’Empire.(73) 2. Sa jeunesse Sous la restauration le jeune prince a été interdit de séjour en France. Il a trouvé asile dans le reculé canton de Thurgovie. (95) 91 Il a participé aux mouvements d’insurrections de 1830 pour l’indépendance et l’unité de l’Italie en Romagne (un des états du Pape) avec son frère Louis. Il y a rencontré le futur Docteur Conneau, le fils d’un diplomate français du Ier Empire, avec lequel il s’est lié pour la vie. Pendant cet épisode le frère de Napoléon III, Napoléon-Louis est décédé d’une rougeole qui a également rudement affecté le futur Empereur. L’année suivante, le duc de Reichstadt, l’héritier légitime et fils de Napoléon Ier est décédé lui aussi prématurément à l’âge de 32 ans d’une congestion cérébrale faisant ainsi de Louis Napoléon l’héritier de la famille Bonaparte. Ainsi ce furent des maladies infectieuses qui ont emporté les deux frères aînés de Louis-Napoléon et le duc de Reichstadt, mettant ainsi Napoléon III sur la voie du trône. (42) Le futur Empereur, à l’instar d’un roi de l’ancien régime comme Charles VI ou Louis XVI, a dû sa place de prétendant au trône et sa couronne au fait d’avoir échappé à des maladies infectieuses plus dévastatrices que des guerres, encore à cette période. Cela a soulevé la question suivante si l’un des frères aînés avait survécu ou si le duc de Reichstadt était mort plus âgé, quel aurait été le destin de la France ? Un prince comme le Duc de Reichstadt, encore plus germanisé que le futur Napoléon III aurait-il pu être accepté par les Français? Si tel était le cas, quelles influences et complicités y aurait-il pu avoir entre la France et l’Empire autrichien? Les nostalgiques de l’Empire avaient beaucoup espéré de l’Aiglon. Avait-t-il réellement eu, comme le disent certains une attention politique aiguisée vers la France ? Il est en tout cas décédé trop tôt pour s’exprimer pleinement. 3. La montée au pouvoir Louis Napoléon a manifesté une agitation qui a réveillé les nostalgiques de l’Empire déçus par la restauration tout en ne se reconnaissant pas d’autre part dans un régime républicain. Il a tenté un premier coup de force militaire à Strasbourg en 1836 qui a échoué rapidement et l’a contraint momentanément à l’exil en Amérique. Après le décès de sa mère en 1837, sa situation matérielle s’est améliorée grâce à son héritage. Il s’est alors installé en Angleterre et y a publié « Des Idées Napoléoniennes ». Lors 92 du retour des cendres en France en 1840, il a tenté un retour mais a échoué à nouveau lamentablement. Il a été alors interné à perpétuité dans l’humide forteresse de Ham. Il a eu au cours de cette réclusion deux fils d’Eléonore Vergeot, une jeune fille du lieu. Ils seront faits Comtes sous le Second Empire. (91) En 1846, grâce à son fidèle ami le Docteur Conneau il s’est échappé de Ham, et il est passé en Belgique, puis en Angleterre (91). L’année 1848 s’est accompagnée de révoltes populaires dans toute l’Europe. La France a été la première à se révolter en février 1848 et bientôt un vent révolutionnaire a bouleversé l’Allemagne, l’Empire autrichien et l’Italie. L’Italie cherchait à s’unifier, les états allemands cherchaient des régimes libéraux pendant que les peuples de l’Empire autrichien cherchaient à libérer leur nation.(41) Une insurrection populaire a instauré en France, en 1848 la Deuxième République. En décembre 1848, Louis Napoléon qui a réuni derrière lui les conservateurs monarchistes, en partie la droite catholique et le vote populaire par le prestige de son nom est élu président pour 4 ans au suffrage universel. En 1851 à l’approche du terme de son mandat, il a pris le pouvoir par un coup d’état qu’a avalisé un plébiscite en 1852. Il s’est marié l’année suivante avec Eugénie de Montijo y Guzman, la fille d’un général espagnol qui avait servi Napoléon 1er. (41)(42) 4. Son règne a) La politique intérieure Pendant les premières années du règne, l’essor économique a assuré une tranquillité politique au régime. Le Second-Empire a appliqué une politique de grands travaux, a développé les chemins de fer, le télégraphe, le crédit et a ouvert la France au commerce international par le développement du libre-échange. Ainsi l’industrie s’est modernisée. Haussmann a transformé la capitale. (41) 93 b) La politique extérieure Napoléon a cherché à faire sortir la France de son isolement politique. Il s’est fait le défenseur des indépendances nationales. Il a recherché des frontières naturelles pour la France et s’est occupé personnellement des affaires étrangères pendant tout son règne. Il a poursuivi une politique d’alliance internationale de premier plan et a profité des événements plus qu’il ne les a provoqués.(41)(42) Napoléon a participé à la guerre de Crimée en 1854. La France s’y est associée avec l’Angleterre puis même les Sardes pour soutenir les Turcs contre les Russes qui essayaient de libérer les populations slaves du sud-est de l’Europe pour leur proprecompte et ainsi de se s’approcher des mers chaudes. De mars 1854 à décembre 1855, la guerre a fait rage en Crimée. Les Russes ont fini par abandonner Sébastopol et céder. Les pertes ont été importantes, environ 110.000 morts pour chaque camp dont 80% par maladie: le typhus et la dysenterie. (41)(42)(90) La scène politique européenne de la deuxième moitié du XIXème siècle a été marquée par des luttes d’influences intenses sur des questions nationales et religieuses.(41)(90) En 1860, la France est intervenue au Liban pour protéger les chrétiens des druzes. La France a habilement réussi à se positionner comme protectrice des chrétiens d’Orient. Un des grands projets de Napoléon III en Orient était le percement du canal de Suez qui s’est achevé en 1869 après dix années de travaux. En Extrême-Orient, la présence française s’est installée dans la péninsule indochinoise au Cambodge et en Cochinchine. En Océanie la France a pris possession de la NouvelleCalédonie.(41)(90) c) L’unité italienne. Napoléon a longuement hésité avant d’intervenir en Italie pour libérer ce pays de la présence autrichienne. Après les entretiens de Plombières avec Cavour le 2 juillet 1858, Napoléon s’est engagé et a combattu les Autrichiens en 1859 à Magenta puis il a délivré Milan. Après la bataille de Solferino, il a signé un accord d’armistice avec 94 les Autrichiens. Napoléon III a essayé dans le même temps de protéger le Pape. Ce jeu contradictoire l’a froissé avec les Italiens qui n’ont pas accepté cette limite qu’a fixé Napoléon III dans leur unité nationale.(41) L‘indépendance et l’unité italienne ont ainsi été le fruit de la diplomatie des thermes de l’Empereur.(22) L’Italie s’est unifiée au nord des Etats de l’Eglise autour du Piémont puis elle a annexé le royaume des Deux Siciles au sud de Rome en 1860. La France a reçu en échange de ses bons soins Nice et la Savoie en 1861 après un référendum local. La France en empêchant l’annexion de Rome par le nouvel état italien a préservé son équilibre intérieur mais s’est privée d’un allié pour la guerre de 1870. L’unité italienne s’est complétée après la défaite de 1870, ainsi la perte du pouvoir temporel du Pape a été une conséquence directe de la chute de Napoléon III et donc de ses problèmes urinaires.(41) d) Les premières réformes libérales En 1860, Napoléon a entrepris des réformes autorisant une vie politique. Il a accordé le droit d’adresse et le droit de vote du budget au parlement. La réforme politique n’a été en fait qu’une demi-réforme qui a dérangé les conservateurs mais a été insuffisante pour les républicains et les libéraux. Seule une profonde réforme désirée par l’Empereur pouvait donner une légitimité populaire au régime. L’Empire restait suspendu au rôle de Napoléon III. Ses échecs ne trouveraient d’autre fusible que le régime tout entier lui même. (41)(42)(90) e) Les prémices de la guerre. En Prusse, Guillaume Ier est devenu roi en 1861, il a pris comme chancelier Otto von Bismarck-Schoenhausen qui avait la poigne et la détermination suffisante pour mener un véritable course à la guerre justifiée par l’unification allemande. Bismarck a d’abord écrasé l’opposition parlementaire prussienne. La France a réagi insuffisamment en se dotant de l’excellent fusil Chassepot, son artillerie est restée en retard, quand à ses troupes, elles étaient occupées en outre mer et ne se préparaient pas du tout à une guerre moderne. (41)(90) 95 En 1863, Napoléon III fidèle à son oncle a soutenu la révolte polonaise contre le Tsar, ce qui lui valut une inimitié tenace du Tsar et l’a privé inutilement, vue l’issue évidente de la révolte, d’un allié supplémentaire après l’Italie face à l’effort de guerre prussien. Cette même année Napoléon a souffert de sa première lithiase.(41) (90)(86) La guerre entre la France et la Prusse semblait déjà inéluctable. Sur le plan intérieur l’état de santé de l’Empereur rendait la situation de plus en plus fragile alors que des danger s’amoncelaient à l’horizon. Dans ce contexte Napoléon a décidé de libéraliser le Second Empire contre l’avis de ses ministres et de l’Impératrice. (41)(86)(90) II. LES ELEMENTS PATHOBIOGRAPHIQUES DE NAPOLEON DE NAPOLEON III. 1. Avant l’accession au pouvoir Nous allons reprendre ce que nous savons de la patho-biographie de l’Empereur Louis Napoléon a été victime à l’âge de 24 ans d’une rougeole lors de son engagement en Italie contre les Autrichiens en même temps que son frère qui en est décédé. Il s’est alors soigné par la pose de sangsue à la gorge. Après s’être enfui d’Italie, il a trouvé refuge cette même année en Angleterre où il a présenté une jaunisse accompagnée d’une éruption qu’il a soignées par une cure de trois mois à Tumbridgewells. Il a séjourné de nouveau en Angleterre de fin 1838 à début 1839 et en a profité pour se rendre en cure à Leamington Spa.(86) (90) Lors de son emprisonnement dans la forteresse de Ham, Louis Napoléon a souffert de l’humidité car les appartements dans lesquelles il a logé étaient construits sur un canal destiné à inonder les fossés de la forteresse. l’Empereur a attribué à cette humidité son habitude de surchauffer toute sa vie ses appartements à la grande gêne de ses invités(19)et les douleurs « rhumatismales » dont il a souffert dès 1841. Il était déjà trouvé « pâle » comme l’a remarqué le registre d’écrou à son incarcération et le 96 témoignage de l’américain Wikoff en 1845. (19)(86) On peut penser qu’il était anémique dès cette période. Il souffrait en effet d’hémorroïdes comme son oncle Napoléon Ier. Le futur Empereur qui a connu une longue période d’inactivité et d’ennui a pris du poids. Sa sédentarité et une alimentation riche en purine ont dû favoriser ses problèmes de goutte ainsi que ses calculs urinaires. (19) Après son évasion de Ham en 1846, il a été traité à Londres de « dilatation de la pupille » par la pose de sangsue ! (19)(86) Napoléon affectionnait particulièrement les cures thermales. En 1846 après son évasion de Ham il a été en cure à Bath en Angleterre. En France il a fréquenté Plombières puis Vichy. Il a fait aménager ces stations thermales et a contribué à leur succès mondain.(19)(42) 2. Le service de santé impérial Napoléon III en montant au pouvoir a établi un service médical complet, calqué sur celui du Premier Empire et organisé par Fould. Il comprenait un Premier Médecin : Conneau ; un Médecin Ordinaire ; quatre Médecins et trois Chirurgiens Ordinaires ; six Médecins et Chirurgiens Consultants à titre honorifique et huit Médecins et Chirurgiens présents par « quartier » assurant à tout heure une permanence médicale. Le service médical comportait également un médecin accoucheur puis un Médecin Ordinaire du Prince Impérial. On retrouvait Corvisart, le neveu du médecin de Napoléon Ier, Médecin Ordinaire adjoint au Premier Médecin pendant tout l’Empire et Dubois, l’accoucheur de l’Impératrice Eugénie qui n’était autre que le fils de celui de l’Impératrice Marie Louise.(86) 3. La santé de l’Empereur pendant le règne 97 Depuis le début de son règne, Napoléon III a semblé atteint de problèmes vésicaux. Maupas le ministre de la Police en était au courant dès 1853. « L’Empereur est toujours dans un état de maladie et de souffrance…la vessie paraît être l’organe particulièrement atteint.»(86) Les problèmes urinaires gêneront souvent et de plus en plus l’Empereur au cours du règne. Il a semblé au début que c’était une dysurie liée à une rétention sur de simples adhérences post-blennorragiques. Conneau avait déjà été contraint avant la colique néphrétique de 1863 de sonder l’Empereur pour lever des adhérences.(86) En 1856, l’Empereur a avoué à sa femme être : « très souffrant et que les réactifs qui d’habitude calment ses douleurs n’ont pas fait que les irriter. ». Il a inauguré ses cures annuelles estivales par une première cure à Plombières. Il y est retourné tous les ans jusqu’en 1859 pendant les mois de juillet et d’août. Ces cures étaient le prétexte à des rencontres politiques parfois cruciales. La cure de 1858 a été diplomatiquement riche et a permis des entretiens avec Cavour qui ont mis au point l’intervention française en Italie. Après la campagne d’Italie, l’Empereur a souffert en 1859 d’hémorroïdes et d’anémie. Ces deux phénomènes ont été une cause généralement négligée de l’arrêt des hostilités en Italie, l’Empereur a dirigé les troupes et sa présence aux combats était indispensable. La gestion des problèmes politiques inhérents au conflit requérait une énergie intense dont ses douleurs urinaires l’ont privé en fin de combat. On a pu mesurer sa gène à la durée de la cure qui a suivie. Il est allé à Eaux-Bonnes pour se reposer dès son retour d’Italie. A partir de 1860, ce fut à Vichy qu’il partait en cure chaque été pour soigner son état « arthritique », ou en tout cas désigné comme tel par la propagande.(90) Un courrier du docteur Conneau en 1861 a affirmé que Napoléon III « souffre d’hémorroïdes douloureuses et d’une irritation inquiétante de la peau ». Quant à Napoléon lui même, il s’inquiétait des douleurs d’origine inconnue qu’il éprouvait aux jambes.(86)(42) 4. Une première colique néphrétique 98 En 1863 il a fait une première crise de colique néphrétique. Selon Conneau elle a été cachée à l’Impératrice sur décision de Napoléon III. Conneau lui a alors conseillé un régime, du repos, de s’abstenir de galante compagnie et de boire de l’eau de Contrexéville.(42) 5. Une première rétention urinaire Il a été sondé en 1864 à Vichy par le docteur Guillon pour une rétention urinaire sur obstruction vésicale, le sondage a été suivi de fièvres aiguës et de troubles digestifs qui pourraient bien être des bactériémies aiguës. Cela a été la première manifestation de son calcul vésical à peu près établie. A partir de ce moment la santé de l’Empereur a décliné rapidement. Il a fait deux syncopes à Biarritz le 07 octobre 1864 après une nuit galante puis une nouvelle chez sa maîtresse à Paris la même année. L’Impératrice s’est déplacée chez celle-ci pour l’accuser d’un cinglant : « Vous tuez l’Empereur ! » (42) Les deux années suivantes ont été difficiles du point de vue de sa santé comme du point de vue politique. Il a annulé ses représentations officielles en janvier et mars 1865. L’Empereur a utilisé dès lors une canne pour se déplacer. Une crise douloureuse aiguë a débuté en plein spectacle à l’Opéra le 6 mars 1865, le lendemain il n’a pas assisté pour la première fois au Conseil malgré toute sa bonne volonté de cacher ses faiblesses à l’opinion. Le mois de mai, un voyage en Algérie a été organisé pour tenter d’améliorer sa santé. Avant son départ il a rédigé pour la première fois un testament ce qui démontre son inquiétude. (42)(90) 6. La première pyélocystite En inspectant des troupes au camp de Chalons en août 1865, Napoléon III a fait une crise abdominale très douloureuse accompagnée d’une hématurie et d’une pyélocystite, il a cru sa mort arrivée. Larrey, le médecin chef des armées, qui l’a 99 examiné a fait le diagnostic de calcul vésical mais l’Empereur a demandé le secret et refusa le cathétérisme prescrit. Larrey a rapporté dans ses souvenirs : « En vain, je suppliai l’Empereur de faire procéder aussi tôt que possible à cet examen. Il ne voulut pas en entendre parler, il me demanda même de garder le silence le plus absolu : personne ne doit savoir ce qui vient de m’arriver. Je vous demande votre parole d’honneur de ne révéler à personne, même pas à l’Impératrice, ce que vous avez constaté ». Il a refait un épisode semblable peu de temps après en Suisse.(86) 7. Les crises de pyélonéphrites aiguës à répétition sur calcul vésical L’année 1866 a été politiquement riche avec la guerre austro-prussienne. Napoléon III n’avait jamais été aussi mal. Metternich, le diplomate autrichien, qui a rencontré le 7 juillet 1866 l’Empereur affirma que « depuis que je connais l’Empereur, je ne l’ai jamais vu dans un tel état de prostration complète ». Oncken a rapporté « il ne peut plus marcher, plus dormir et à peine manger… » (41) Canrobert qui a vu Napoléon III à la fin du mois de juillet a affirmé : « c’est à peine s’il peut se lever de son fauteuil et ses traits tirés traduisent à la fois l’angoisse et la douleur morale.» A Vichy le 29 juillet 1866, puis le 2 août Napoléon III est sondé par Guillon pour une rétention complète. Le 8 août de nouveau il est sondé. Chaque sondage est accompagné d’importantes douleurs et d’épisodes fébriles très probablement liés à des bactériémies fréquentes dans ses gestes. D’après Guillon, l’Empereur souffrait également toujours d’hémorroïdes et à ce moment d’une prostatite chronique. Guillon a réexaminé l’Empereur à Biarritz en fin d’année et a diagnostiqué à Napoléon III des hémorroïdes ainsi qu’une prostatite aiguë. Napoléon III a encore refusé toute exploration instrumentale. Le caractère purulent des urines se poursuivra depuis cette période jusqu’à la guerre de 1870 d’après le rapport de Germain Sée.(86) En 1867 la pyélocystite a persisté puis s’est calmée lentement. Le souverain se maquillait pour ses apparitions en public afin de masquer son abattement et sa pâleur.(42)(86) 100 L’année 1868 a été une année de répit. Au mois d’août 1869 l’Empereur a été de nouveau en obstruction et a nécessité d’être sondé. Il a souffert d’infection et émis du pus de manière importante, constamment jusqu’à l’année 1871. L’Empereur temporisait toujours malgré les crises fréquentes et refusait une salutaire exploration.(86) Cette pyélocystite chronique l’a empêché de préparer la guerre ou d’influer sur sa survenue. 8. La Grande Consultation Napoléon III a fait une crise fébrile et douloureuse chez sa cousine la princesse Mathilde le 14 mai 1870, celle-ci inquiète, réussit à le convaincre de consulter le professeur Germain Sée qui avait acquis la considération de la princesse. Le 1er juillet 1870, à la veille de la guerre avec la Prusse, une grande consultation a eu lieu pour étudier les problèmes urinaires de l’Empereur. (86) Ont assisté à cette consultation providentielle le professeur Germain Sée, les docteurs Conneau, Corvisart, Nélaton, Ricord et Fauvel. Sée et Ricord étaient pour le diagnostic de calcul. Le chirurgien Nélaton après deux échecs retentissants a craint l’opération. Il venait de perdre Troplong, le président du Sénat, et le Maréchal Niel en 1869 lors d’une lithotritie. Conneau, Corvisart et Fauvel n’ont diagnostiqué qu’une cystite probablement pour éviter un sondage qu’ils ont redouté fatal.(41)(42) Voici le procès-verbal de la consultation fait par Germain Sée et non signé par les autres médecins présents. C’est un document unique pour notre connaissance. « Depuis 5 ans, il y a eu 4 hématuries, à la suite de celle de 1867, les urines sont restées pendant un an mucopurulentes, puis elles se sont éclaircies; et, depuis le mois d’août 1869, où il y a eu des accidents aigus et graves dans les organes urinaires, les urines ont constamment contenu une certaine quantité de pus, évaluée au minimum à 1/40 et pendant la période aiguë à ¼ ou à1/2 de la totalité des urines. 101 Très souvent aussi il y a eu de la dysurie, de la lenteur très marquée pour uriner le matin; d’autres fois des interruptions du jet de liquide, et par moments il y a eu des difficultés telles qu’il a fallu recourir à la sonde; c’est ce qui est arrivé à Vichy, il y a 3 ans, et au mois d’août 1869. Il est à noter aussi que, depuis ce temps, l’équitation et les secousses de la voiture réveillent souvent des douleurs dans les reins ou dans le bas-ventre, ou au fondement. Or une maladie caractérisée par ces trois phénomènes :1°)hématuries répétées; 2°)urines purulents depuis trois ans, avec des alternatives plus ou moins marquées; 3°) dysurie fréquente, caractérisée par le spasme ou par l’inertie de la vessie, ne peut être rapportée qu’à une pyélocystite calculeuse. S’il n’y avait eu que les urines purulentes, on aurait pu songer à un simple catarrhe. Si on avait pas eu à tenir compte de ce qui s’était passé avant le mois d’août 1869, on aurait pu penser à un abcès périvésical ouvert dans l’urètre. Mais les hématuries antérieures, mais la persistance de la purulence des urines depuis un an, le retour fréquent de la dysurie et l’augmentation des douleurs par les secousses doivent faire songer à une cystite d’origine calculeuse, que le calcul soit placé et enchatonné dans la vessie ou qu’il ait eu son siège primitif dans la vessie. Il y a d’ailleurs, de temps à autres, un excès d’acide urique et d’ urates dans les urines. C’est pourquoi nous considérons comme nécessaire le cathétérisme de la vessie à titre d’exploration, et nous pensons que le moment est opportun, par cela même qu’il n’y a actuellement aucun phénomène aigu. Si en effet, la dysurie ou la purulence, ou les douleurs augmentaient ou reparaissaient, on aurait à craindre de provoquer par l’exploration une inflammation aiguë. »(86) Ce rapport est le seul document médical qui montre l’état de l’Empereur la veille de la guerre de 1870 et comme le dit Nélaton au déclenchement de la guerre : « quant à 102 supposer la guerre, c’est inadmissible, l’empereur est malade, il lui serait impossible de monter à cheval, il y a eu consultation c’est sérieux ». Sée aussi était horrifié à l’idée de la participation de l’Empereur à une guerre: «c’est abominable de mettre un homme dans un état pareil à la tête d’une armée.» (42)(86) Pendant la bataille l’Empereur a été incapable de lire des dépêches ou de prendre des décisions. Il a été relevé du commandement des troupes, puis s’est traîné à la suite des armées, il n’a même pas réagi au rétablissement de la République.(41)(42) La crise de pyélocystite n’est passé que l’année 1871 en Angleterre, l’Empereur a alors recommencé à se déplacer et recevoir. L’année suivante est à nouveau marquée par la pyélocystite. Napoléon III fera plusieurs crises douloureuses à partir du mois d’août 1872.(42)(90). 9. L’intervention chirurgicale fatale Les médecins de Napoléon III ont maintenant tous reconnu l’existence du calcul. Ce furent les meilleurs médecins anglais de ce temps qui se sont occupés de l’Empereur. Thomson était le modernisateur de la lithotritie en Angleterre, il avait été formé en France par Civiale et avec l’aide de Guyon, en avait amélioré la technique grâce à d’importantes séries opératoires. La prostate de taille normale a été insensible à l’examen du chirurgien Thomson en 1872 et n’était pas la cause de l’obstruction qui expliquerait la dysurie mais c’était bien un calcul vésical. Sir James Paget était d’accord avec le diagnostic d’une lithiase vésicale, il a appuyé lui aussi la nécessité d’une lithotritie. Il venait d’en réussir une sur le roi Léopold 1er de Belgique, ce qui lui avait assuré une forte renommée. La voie sanglante était déjà considérée à cette époque comme plus dangereuse que la lithotritie. La veille de l’intervention Napoléon III a pris du chloral pour se relaxer. Le jour de l’opération il a été anesthésié avec du chloroforme par le grand anesthésiste de la Reine Victoria Joseph Clover, qui utilisait déjà des concentrations fixes d’anesthésiques. Le chirurgien Thomson a opéré le 2 janvier 1873. C’est un calcul de la taille d’une châtaigne qui est 103 retrouvé. Il est brisé ce jour même en deux. Le 6 puis le 7 janvier on a essayé de retirer de nouveaux débris de la vessie mais une bonne moitié est restée, laissant le malade en obstruction. La dernière intervention du 7 janvier est arrêtée prématurément devant les bactériémies qui ont secoué le fragile patient. D’après le témoignage de la petite fille de Thomson à William Smith, ce chirurgien estimait la situation de Napoléon comme désespérée avant même l’intervention. L’Empereur est décédé le 9 janvier avant un énième sondage visant à retirer ce qui était resté de débris.(90)(86). L’autopsie a confirmé la présence de calculs et a décrit des reins atrophiques. La moitié du calcul initial était toujours présente. Elle mesurait 3.17cm sur 3.32cm et était de nature urique avec des couches périphériques de phosphate. La nature du calcul a confirmé l’erreur que constituaient les diurèses alcalines réalisées depuis la première crise de colique néphrétique en 1863. L’Empereur a souffert avec certitude d’une insuffisance rénale qui à elle seule rendait périlleuse toute intervention.(92) III. LES CONSEQUENCE POUR LA France DES PATHOLOGIES URINAIRES DE NAPOLEON III. 1. Le premier écueil de l’Empire : l’inutile et trop longue expédition mexicaine Profitant des troubles intérieurs des Etats-Unis en 1861. Napoléon III a fait intervenir la France au Mexique dans une expédition aventureuse et chimérique visant à établir un régime catholique fort face aux Etats-Unis, en prétextant une crise financière mexicaine Les troupes françaises ont pris la forteresse de Puebla et proclamé un empire, offert au frère de l’Empereur d’Autriche-Hongrie Maximilien en 1864. Le général Bazaine a été au début victorieux en 1864 et 1865, puis les forces de Juarez résistèrent plus 104 sérieusement. La fin de la guerre de sécession aux États-Unis a rendu la tâche plus difficile d’autant que Maximilien menait une politique libérale utopiste puisque c’était le parti catholique qui avait appelé la France à intervenir. En ces années de pyélocystite, et donc de fréquents éloignements du pouvoir pour Napoléon III, Bazaine a dû en plus de la longueur des lignes de communication avec la France affronter l’indécision et les absences du chef d’état. Ces dernières ont laissé Maximilien faire ses erreurs politiques qui étaient la marque de la mauvaise préparation et du mauvais suivi politique de l’expédition. Bazaine a été par la suite accusé de négocier avec le rebelle Diaz à son propre compte et de lorgner sur une couronne. En 1866 Napoléon décida d’abandonner Maximilien à son propre sort avec une armée locale après deux années d’erreur politique de celui-ci. Les dernières troupes françaises ont été de retour en 1867 soit peu de temps avant l’exécution de Maximilien. C’était la fin de : « la grande idée de l’Empire» destinée à rapprocher l’opinion catholique française du pouvoir. Sur le terrain elle avait trop duré et s’était avérée une erreur à l’instar des campagnes de Napoléon Ier en Espagne. Elle a désorganisé l’armée et coûté l’énorme somme de 336 millions de francs. Cet échec a encouragé l’opposition républicaine. (41)(42)(91) 2. La crise des duchés s’est réglée sans la France L’affaire des duchés a éclaté en 1864 entre la Prusse et le Danemark. Les deux pays ont revendiqué des droits sur ces petits états. Le Danemark contrairement aux traités internationaux a voulu récupérer le Schleswig unilatéralement. L’armée prussienne a facilement repris les duchés en avril 1864. La Prusse et l’Autriche ont négocié à Schönbrunn pendant l’été 1865 sur leur devenir, alors que l’Empereur français souffrant d’obstruction urinaire était sondé pendant une cure à Vichy. Le 7 octobre 1864 l’Empereur a fait deux syncopes qui ont inquiété son entourage, simultanément la Paix de Vienne est signée. Elle a remis les deux duchés aux deux négociateurs alliés et non à la Diète. La France absente n’a pu jouer les garde-fous devant cet acte 105 qui a exclu de la scène politique la Diète, la seule institution apte à protéger légitimement les petits états Allemands.(41) Dans un deuxième temps Bismarck refusa de remettre les duchés au duc d’Augustenbourg tel que la convention de Londres de 1822 l’avait prévu. L’Empereur d’Autriche rencontra le roi de Prusse à Gastein en août 1865. Ils se sont accordés : l’Autriche administrera le Holstein et la Prusse le Schleswig et Lauenbourg. Pendant ce même mois d’août, Napoléon III a fait une crise de pyélocystite qui a expliqué son absence en personne aux négociations entre les Autrichiens et les Prussiens. De plus Napoléon III avait une partie importante de ses moyens militaires au Mexique et était à ce moment hors d’état d’assumer militairement une crise politique.(41) La Prusse a excité dans cette guerre du Schleswig-Holstein le patriotisme allemand et a rendu la Diète inutile. Bismarck après avoir pris un avantage dans l’affaire des duchés a voulu évincer l’Autriche d’Allemagne. (41) En octobre 1865, à Biarritz des négociations ont eu lieu entre Bismarck et Napoléon III concernant la position de la France entre les deux pôles forts allemands. La France avait entre ses mains le destin de l’unité allemande et donc le sien également. Or, Napoléon III était à peine remis. En cette année il était déjà peu valide. Il a commencé à se servir d’une canne pour marcher. En janvier et mars son état lui a interdit tout déplacement, il a raté le conseil du 7 mars 1866 malgré toute sa bonne volonté de cacher à l’opinion ses faiblesses. En mai, il a rédigé même son testament avant un voyage en Algérie. En août il était comme nous l’avons déjà indiqué au plus mal.(86) Bismarck, ancien ambassadeur en France avant 1862, avait certainement pu apprécier la faiblesse physique de Napoléon III lors de leurs contacts diplomatiques à Biarritz en 1865 et en tenir compte pour l’avenir. On a pu constater que Bismarck semblait réaliser ses coups de force diplomatiques pendant les périodes d’éclipses de Napoléon. Les Français ont laissé les Prussiens s’allier avec l’Italie contre l’Autriche- 106 Hongrie en échange de la Vénétie encore autrichienne pour l’Italie et cela sans aucune contre-partie pour la France. Bismarck, devant le refus de la Diète allemande de le soutenir contre l’Autriche, a dissous la Diète le 14 juin 1866 et a lancé un appel à la nation allemande.(41)(42)(91) 3. La victoire prussienne sur l’Autriche-Hongrie est favorisée par la maladie de Napoléon III La guerre a été courte contrairement à l’appréciation de Napoléon III. Si les Autrichiens étaient vainqueurs des Italiens à Custozza le 24 juin 1866 et sur mer à Lissa, les Prussiens eux ont écrasé rapidement les principautés allemandes alliées des Autrichiens, puis les Autrichiens à Sadowa le 3 juillet 1866. Le 18 juillet les Prussiens étaient à Nikolsburg aux portes de Vienne. Les Autrichiens ont eu à concentrer leurs forces sur deux fronts, alors que les Français n’ont même pas garni leurs frontières afin d’immobiliser des forces prussiennes et de limiter leurs victoires. Au lendemain de la défaite autrichienne, la France a gardé son rôle d’intermédiaire et a hésité sur la conduite à tenir. Le diplomate Drouyn de Lhuys voulait une médiation armée en démontrant l’absence de risque militaire réel, l’armée prussienne étant en Bohème. Le ministre de l’intérieur pensait que ce geste entraînerait une réaction nationaliste allemande inutile. (41) Napoléon était lui dans une mauvaise posture personnelle. Il était très affaibli et incapable de mener une négociation. Il était atteint d’une prostatite, d’hémorroïdes puis d’une obstruction urinaire complète nécessitant plusieurs sondages fin juillet et début août. A la nouvelle de Sadowa, Napoléon III s’est décidé pour une mobilisation mais il est retombé dans une « prostration » et a laissé aller sa diplomatie vers une simple médiation amicale. Le délégué français aux négociations De Benedetti n’avait pas de consigne solide et a laissé faire Bismarck à sa guise dans une affaire qui a engagé l’équilibre de l’Europe et le destin de la France. Le piteux état de l’Empereur lui a interdit d’être crédible en mobilisant des troupes. La conduite des négociations a été inexistante, l’Autriche a été obligée après Sadowa de quitter l’Allemagne laissant 107 libre court aux ambitions prussiennes. La Prusse a annexé 4 états Allemands et a formé une confédération des Etats du Nord de l’Allemagne sous son influence directe. La France n’a toujours pas demandé une contrepartie précise. La Prusse a alors atteint 35 millions d’habitants ce qui était la taille démographique de la France. (41) (42) (91) La diplomatie française par sa faiblesse a facilité le coup de force prussien tout en s’y opposant diplomatiquement sans avantage. Le 26 juillet 1866 les préliminaires sont signés et la paix est conclue le 23 août 1866 comme par hasard aux moments où l’Empereur a été de nouveau en obstruction et a dû être sondé. (41) L’expansion prussienne après Sadowa, à laquelle la France ne pouvait plus rien, « fragilise les institutions » de l’aveu de Darimon. Napoléon III, malade puis en obstruction pendant la crise, la Prusse n’a plus rencontré d’obstacle pour se défaire de l’Autriche. L’opinion française était fortement déçue par l’absence de compensation et de garantie territoriale devant la poussée nationaliste allemande. La maladie de l’Empereur était mise en cause et le régime encore fortement autocratique tout entier a été fragilisé devant la mauvaise gestion de la crise. Eugénie pouvait déclarer: « C’est le début de la fin.» 4. Des rumeurs médicales, des crises boursières et des libéralisations dues aux faiblesses de l’Empereur Halevi a caractérisé l’année 1866 par sa « confusion politique ».(41) La gestion des informations concernant l’état de santé de l’Empereur a laissé à désirer. Si les informations étaient censurées en France, celles paraissant à l’étranger était dénoncées, des rumeurs ont couru et créé une importante crise boursière en octobre 1866 qui démontrait ouvertement la fragilité du régime suspendu à la personne de l’Empereur. (41)(91) 108 Après les crises boursières et politiques de 1866, l’Empereur a dû débuter une nouvelle étape de libéralisation en début 1867 pour renforcer la base populaire de son régime. Un nouveau sondage de Napoléon III pour une crise de dysurie en 1869 a entraîné de nouveau crise de confiance boursière, l’Empereur a été encore obligé de libéraliser plus son régime, ce qui a abouti au référendum de 1870 dont le franc succès a paru sauver le régime. (41)(91) 5. L’absence de contreparties pour la France dans le règlement de la crise entre l’Empire austro-hongrois et la Prusse Après la paix d’août de 1866 entre la Prusse et l’Empire austro-hongrois, la France a encore essayé d’obtenir des compensations. De promesses, en fin de non recevoir, la France n’a pas reçu le moindre « pourboire » comme disait Bismarck et l’opinion allemande tout entière s’est échauffée contre elle du fait de son opposition à l’unification allemande L’habile négociateur français Drouyn de Lhuys a même été obligé de démissionner grâce à une manœuvre diplomatique prussienne qui a abusé l’opinion publique française. Les incapacités physiques de l’Empereur expliquaient l’apathie des autorités françaises et l’absence de clairvoyance, qui ont laissé la Prusse s’armer depuis 1862, pendant qu’elle-même perdait ses hommes, son argent et son temps au Mexique. Napoléon malade ne trouvait pas les ressources de trancher entre les différentes options, ce qui a discrédité la position française comme son pouvoir jusque dans ses fondements autocratiques.(41) L’opinion publique française voyait poindre le danger du nationalisme allemand qui utilisait la force comme seul argument de négociation. La conduite infructueuse et dangereuse des affaires étrangères a fragilisé dangereusement le pouvoir en France. En fait Napoléon III était malade et n’a pas trouvé la force de mener personnellement les négociations ni d’envisager sérieusement un affrontement vu son état personnel. 109 Dès 1862, Napoléon III avait avoué lorgner sérieusement sur la Belgique mais n’ayant pas su se donner les moyens de contrer la force de la Prusse, son absence diplomatique n’a pu remplacer la faiblesse militaire. Les diplomates français ont demandé dans un premier temps des parties du sud de l’Allemagne puis seulement le Luxembourg, les frontières de 1814 ainsi qu’une option sur la Belgique puis ils ont même abandonné l’idée belge. Par les manœuvres de Bismarck ils ont ensuite abandonné également leurs prétentions sur le Luxembourg et n’ont obtenu que sa démilitarisation. Les états du sud de l’Allemagne se sont même liés avec la Prusse. Napoléon III ne put que constater son échec diplomatique en ne recevant finalement rien. La dernière occasion historique d’unir la France avec la Belgique est passée du fait de l’indisponibilité de Napoléon III. L’opinion française était échauffée contre l’Allemagne. Même l’option de supporter l’unité allemande autour de la Prusse qui aurait pu permettre d’avoir une opinion allemande favorable à la mainmise de la France en Belgique n’a pas été adoptée par la diplomatie française. Le contraste avec les brillantes combinaisons de Napoléon III en début de règne est flagrant. (41)(91) Napoléon III n’a pas cherché à utiliser les animosités entre dans les pays rhénans, le sud de l’Allemagne catholique et le rustre royaume de Prusse protestant. Après ses aveux de faiblesse, la France s’est encore opposée à l’unité allemande. La guerre était inévitable. On a voté d’importants crédits militaires et demandé au maréchal Niel de diriger l’effort de défense. Ce général, funeste coïncidence, est mort lors d’une opération réalisée par Nélaton le chirurgien de l’Empereur, destinée à le traiter de la même affection qui atteignait Napoléon III. Nélaton a cassé un mors de son lithotriteur l’obligeant à intervenir, son patient n’a pas survécu à l’opération. (86) Niel est remplacé par un incapable(41). On touche là un point de fragilité du régime : ses cadres étaient vieillissants et fragilisés par les pathologies en tous genres. Toutes les cartes étaient jouées. Nélaton a pu à juste titre craindre d’opérer l’Empereur. Pouvait-on jouer une vie et un Empire pour se libérer d’un mal empêchant de régner correctement ? Y-a-t-il des limites médicales pour exercer une fonction politique? Ce 110 sont de grandes questions où se mêlent les intérêts personnels, politiques, idéologiques et la raison d’état 6. La défaite de 1870 a) La déclaration de guerre Contrairement à l’armée prussienne, la Française était démoralisée et n’était pas prête. Au moins, l’Empire a tenté de se moderniser un peu tard en se libéralisant. Un plébiscite a confirmé le succès de cette politique en avril 1870 et donné l’aspect d’une unité politique renforcée autour de l’Empereur. Les républicains comme les conservateurs étaient extrêmement dépités après ce vote, cependant les réformes libérales étaient trop tardives pour changer le cadre de la guerre que la Prusse préparait depuis 7 ans.(41)(42) La rivalité franco-prussienne éclata à propos de la candidature d’un Hohenzollern, cousin du roi de Prusse, au trône d’Espagne que soutenait Bismarck. Après un recul diplomatique prussien c’est un message diplomatique français qui est considéré par Bismarck comme offensant, le Conseil du 15 juillet à Paris a alors déclenché la guerre. b) La bataille d’ Alsace Le 4 août 1870, les armées prussiennes sont entrées en Alsace et ont surpris l’armée de Mac-Mahon qui a dû l’évacuer, laissant Strasbourg encerclé qui tombera le 28 septembre 1870, après avoir été bombardée. c) La bataille de Lorraine Les Français ont attaqué symboliquement le 2 août 1870 sur ce front, Napoléon III qui a pris la direction des opérations militaires, en digne descendant de Napoléon 1er, était déjà épuisé avant l’avancée sur Sarrebruck. Le général Lebrun l’a décrit souffrant atrocement et pourtant il dirigeait l’armée française. Quand deux armées allemandes entrèrent alors en Lorraine après une victoire à Wissembourg, l’Empereur 111 a alors confié l’armée à Bazaine. Celui-ci ne s’entendait pas avec Frossard et l’a laissé sans secours se faire battre à Forbach. A l’annonce de cette défaite le gouvernement est tombé et l’Impératrice régente a formé un gouvernement de guerre qui a donné à Bazaine le commandement de l’armée en lui ordonnant de rejoindre Verdun. Le 14 août Napoléon III est parti rejoindre Mac Mahon au camp de Chalons. Malgré les ordres, Bazaine s’est enfermé volontairement avec la meilleure armée française de 120 000 hommes dans Metz le 18 août 1870, devant la menace d’une armée ennemie bien inférieure en nombre. Il sera jugé et condamné pour cela après la guerre. Sur place Napoléon III n’avait plus le pouvoir ni l’influence nécessaires du fait de son état pour influencer la stratégie de ses chefs d’armée. (34)(41)(42) d) La perte de l’armée de la Meuse Pendant ce temps Mac-Mahon a regroupé une armée dans le camp de Chalons et a dû se passer de Bazaine pour défendre Paris. Contrairement à la volonté affaiblie et délégitimée de l’Empereur et suivant l’avis de l’Impératrice, cette armée de la Meuse a tenté de libérer Metz plutôt que de reculer pour protéger Paris et s’est retrouvée malheureusement enfermée à Sedan avec l’Empereur. L’artillerie allemande pilonnait inlassablement les troupes de Mac Mahon coincées dans une cuvette, avec peu d’artillerie et bientôt plus de munition.(34) (41) L’Empereur a souffert atrocement pendant ces jours, il a à peine pu marcher pour faire à pied le dernier kilomètre vers la Sous-préfecture de Sedan. Son valet l’a décrit dans Sedan : « que de fois je l’ai entendu pousser de sourds gémissements. Il m’appelait, s’excusant de me faire relever. Il disait seulement: je souffre beaucoup et l’on voyait de grosses gouttes de sueur perler sur son front. ». Il souffrait depuis plus d’un an d’une pyélocystite chronique avec une obstruction urinaire subintrante sur un calcul vésical et probablement d’une insuffisance rénale. (86) Le 28 août devant l’ampleur du désastre, un soldat a essayé d’abattre l’Empereur. Au cours de l’affrontement héroïque et désespéré de Bazeilles le 1er septembre, Mac Mahon est blessé. Deux officiers se sont alors déchirés par ordre et contre ordre pour le commandement devant un Empereur qui n’était que l’ombre de lui-même et a 112 laissé faire, les Prussiens ont profité de ce temps et de ces cafouillages pour achever l’encerclement des Français. Le lendemain l’Empereur a fini par faire cesser le combat et s’est rendu à titre individuel. Avec lui toute une armée est faite prisonnière.(34) L’Empire est renversé pacifiquement par une révolution le 4 septembre à Paris, un gouvernement provisoire a pris le pouvoir. Ce gouvernement a essayé de négocier tout en continuant la lutte. Strasbourg est tombée le 28 septembre. Paris est assiégée. Metz s’est rendue car Bazaine ne reconnaissait pas la République et n’ayant prêté serment qu’à l’Empereur il ne se sentait pas concerné par le nouveau gouvernement. La meilleure armée a ainsi disparu sans combattre. Malgré Gambetta qui a organisé la résistance de Paris et des armées de province, la France capitula. (41) L’Empire allemand autour de la Prusse a été proclamé dans la Galerie des Glaces à Versailles. Bismarck a voulu le retour de l’Alsace, terre de l’ancien Empire Germanique, au sein du nouvel Empire pour cimenter son unité nationale. Les fondements de la guerre de 14-18 et de la deuxième guerre mondiale qui en est la conséquence directe sont posées. La mauvaise gestion de l’unification allemande et d’une rivalité nationale par un Empereur fatigué et malade ont été à l’origine non seulement d’une défaite humiliante et de la perte de 3 départements mais aussi de conflits qui ont fait plusieurs dizaines de millions de mort. La présence physique de Napoléon lors des phases critiques de l’unification aurait pu lui donner une chance d’utiliser son talent diplomatique à cet instant de l’histoire européenne. Après tout, l’unification allemande a été conforme à l’idéal de libération des nationalités poursuivi par Napoléon III dans le reste de l’Europe. 7. Le décès de Napoléon III renforce l’installation de la République en France 113 L’Empereur déchu s’est réfugié en Angleterre avec une importante suite dont les docteurs Conneau et Corvisart. Il se tenait au courant des évènements en France et gardait des contacts étroits avec son cousin le Prince Napoléon, son ancien premier ministre Emile Ollivier et Rouher.(86) L’Assemblée Nationale est élue le 8 février 1871 dans des circonstances difficiles, sa majorité est royaliste et bonapartiste mais non républicaine. Elle a confié à Thiers de libérer le territoire des troupes d’occupation et de relever le pays. Après l’écrasement de la Commune, la République était bien incertaine. Les monarchistes ne trouvaient pas de candidat accepté par tous et laissaient le champ libre à Napoléon III qui a eu là une réelle opportunité politique de refaire surface.(41) En Angleterre des complots s’ourdissaient autour de l’ancien Empereur qui comptait de nombreux partisans au sein de l’armée française et dans le pays qu’il avait gouverné pendant une vingtaine d’années. L’amélioration de l’état de santé de Napoléon était une condition sine qua none pour son retour. En 1871, Napoléon III a séjourné dans les stations balnéaires de Torquay et de Bath. L’année suivante, cruciale pour l’avenir politique de la France, son état s’est à nouveau dégradé. Il était de nouveau dysurique constamment depuis août 1872 alors que l’opportunité d’une restauration passait lentement. Thiers malgré son âgé de 73 ans a habilement dirigé la France pendant ce temps, Thiers a semblé se résigner en fin 1872 à accepter un régime républicain, le 13 novembre 1872, il a déclaré publiquement: « la République existe ». Il était temps pour Napoléon III d’agir avant que les monarchistes ne se mettent d’accord sur la candidature du Comte de Paris, ce qui s’est fait l’été 73. Un problème de drapeau fera échouer ce projet.(41) Après la mort de l’Empereur le parti bonapartiste encore important à l’Assemblée Nationale est contraint d’adhérer au projet des partis royalistes car le fils de Napoléon III était trop jeune pour revendiquer le pouvoir. Ainsi les problèmes urinaires de Napoléon ont même empêché une restauration de l’Empire 114 8. Conclusion La santé chancelante de Napoléon III a été l’une des raisons essentielles du tournant de son régime après 1860. Ses problèmes urinaires ont été une des causes de la prolongation inutile de l’expédition mexicaine et surtout de l’absence de clairvoyance dans la gestion des affaires aux moments critiques de l’unification allemande autour de la Prusse. Napoléon III malade n’est pas parvenu à influer sur la guerre de 18701871 qui a amené la République en France et crée les conditions de deux guerres mondiales. 115 CONCLUSION Notre étude souligne l’importance qu’ont pu avoir des troubles médicaux ponctuels sur le cours de l’histoire de France. Cela permet de prendre conscience de l’importance d’un trouble jugé banal dans la cascade des évènements qui contribuent à un moment historique ce qui est souvent ignoré ou mal compris. Napoléon Bonaparte a repris à ce propos à Sainte-Hélène un de ses contemporains Friedrich von Schiller(1759-1805) qui a écrit que : « la destinée d’un pays dépend parfois d’un jour. L’Histoire justifie cette assertion, mais montre aussi qu’il faut généralement beaucoup d’années pour préparer ce jour. » La destinée de la France a été modifiée par les troubles psychiques de Charles VI que les institutions ne savaient gérer, tant le pouvoir de l’époque reposait sur un homme. Cela a eu pour conséquence un réveil identitaire français. François Ier à la suite de son abcès, a été écarté du pouvoir ce qui a entraîné des changements politiques désastreux puisque cela a conduit à la perte de la Savoie après une invasion de la France. L’apostume de François Ier constitue un facteur important de la victoire de Charles Quint. La maladie de Louis XIV a grandement contribué à le rendre dévot et intolérant et a plongé ainsi le royaume dans des guerres inutiles qui ont ruiné la France. Il a laissé à sa mort un modèle d’absolutisme qui a contribué à provoquer la Révolution. Napoléon a échoué dans sa gigantesque entreprise de conquête de l’Europe au nom de la liberté en partie pour des problèmes de santé notamment à la bataille de La Moskova, de Leipzig ou de Waterloo. Son échec a amené la restauration d’un pouvoir royal Napoléon III miné par des troubles urinaires n’a pu éviter l’unification allemande et a largement contribué au désastre de 1870. Un certain nombre de chefs d’état à des postes à responsabilité ont souffert de maladies dont on mesure seulement aujourd’hui les conséquences. La conférence de Yalta est l’exemple souvent repris par les historiens. Les chefs d’état souvent d’âge respectable de nos jours, sont sujets comme tout un chacun, aux maladies et les faits récents ont montré qu’ils pouvaient encore de nos jours le cacher aux opinions 116 publiques. Ces faits ont amené un certain nombre de personnes à s’interroger sur les droits du président de la République qui dispose d’après la Constitution de pouvoir discrétionnaire étendu en cas de guerre en particulier. On conçoit aisément dans ses conditions l’importance du rôle du ou des médecins amenés à prendre en charge un chef d’état. Cela a conduit à se poser la question de la responsabilité du médecin dans la survenue d’événements historiques. 117 BIBLIOGRAPHIE (1) Antommarchi Francesco. Les derniers moments de Napoléon ?. Anvers:St-Jacques,1938:135. (2) Autrand François. Charles VI. Paris:Fayard,1992:647. (3) Arthur-Lévy. Napoléon intime. Paris:Nelson,1892:543. (4) Bainville Jacques. Napoléon Ier. Paris:Fayard,1999:610. (5) Barquero Fernando. Maladies et mort de Napoléon Ier. 205f. Th.: Méd.:Lyon1:1987:168. (6) Barral, Edgar de (Comte).Souvenirs de guerre et de captivité d’un page de Napoléon(1812-1815). Paris:Emile-Paul frères, :272. (7) Bavoux E.. 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La maladie psychique de Charles VI a prolongé la Guerre de Cent Ans, a déclenché une terrible guerre civile et a offert le royaume de France à la couronne anglaise lors du traité de Troyes. Un apostume anal a éloigné François Ier du pouvoir, limitant la tolérance des réformés et bouleversant les alliances politiques de la France ce qui a abouti à l’invasion de la France. Après sa première crise de goutte et lors de ses fistules anale et nasosinusienne, Louis XIV a modifié ses alliances internationales aboutissant à son isolement et à des guerres ruineuses. Napoléon 1er a échoué en Egypte principalement à cause d’une épidémie de peste. La désastreuse campagne de Russie et les défaites de Leipzig et de Waterloo sont en partie dues à des raisons de santé. Napoléon III, souffrant horriblement de troubles urinaires, a été incapable de gérer l' unification allemande et son armée face aux Prussiens lors du désastre de 1870. 997 caractères. MOTS-CLES : - Histoire de France - Pathologie chefs d’état ADRESSE DE L’U.F.R. : 8, Rue du Général SARRAIL 94010 CRETEIL CEDEX