L’histoire est riche de peuples colonisateurs : Perses, Mongols, Chinois,
Aztèques, Incas, Ottomans […] et plus près de nous, naturellement la France qui a contrôlé
l’Algérie pendant 130 ans, les Portugais qui sont restés maîtres de l’Angola pendant 400
ans… Sans oublier les Arabes, qui ont colonisé l’Espagne pendant quelque 700 ans… Ce
qui explique sans doute d’ailleurs qu’une des revendications d’Al Qaeda est de récupérer
«Al-Andalus », territoire mythique de la péninsule ibérique.
L’universitaire Bernard Lugan, qui intervient notamment à l’IHEDN, au CHEM et
au CID, dans Pour en finir avec la colonisation (Éditions du Rocher 2006), démontre que,
paradoxalement, eu égard aux discours tenus ces dernières décennies, la colonisation fut
une des grandes idées de gauche. Ainsi Jules Ferry, grand défenseur des Droits de
l’Homme, s’exprimant à la tribune de l’Assemblée, en juillet 1885 : « Je répète qu’il y a pour
les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de
civiliser les races inférieures ». La colonisation reposait sur les idéaux universalistes de
1789. La France aurait donc mis la main sur plusieurs pays en déficit démocratique pour
faire partager ses idéaux. Ce qui n’est pas sans rappeler les croisades lors desquelles les
dirigeants catholiques voulurent (r) amener dans le droit chemin ceux qui n’y étaient pas ou
plus (Cathares…). Certes, mais pas seulement. Nous y reviendrons un peu plus loin.
Il faut néanmoins noter que le « colonisateur » a, peu à peu, bémolisé sa position.
Ainsi, par exemple, le plan Constantine, lancé en octobre 1958 par le général de Gaulle, était
un vaste plan permettant un développement massif de l’Algérie alors française. La métropole
devant investir en quelques années 668 milliards de francs de l’époque (soit, en francs
constants, plus de 62 milliards de francs ou encore 6,5 milliards d’euros).
Mais, comme je le répète au risque de lasser, comment nous Occidentaux, qui ne
représentons que quelques centaines de millions de personnes sur une population mondiale
de plusieurs milliards, pouvons-nous avoir l’outrecuidance d’avoir la Vérité ?
La colonisation : des motivations économiques ?
« Tout ce qu’on a dit ou écrit […] est vrai ou l’a été, localement,
fugitivement. Les généralisations sont fausses sans exception ». Pierre Messmer,
ancien ministre du général de Gaulle, à propos de la colonisation.
Nous noterons que le débat d’historiens a été relancé suite à la sortie du film
Indigènes. Ainsi, Daniel Lefeuvre, professeur d’histoire à l’université Paris VIII, auteur de
Pour en finir avec la repentance coloniale (Éditions Flammarion, 2006), explique que le
colonialisme français n’a pas forcément enrichi notre pays en raison des investissements
massifs que nous y avons réalisés (routes, écoles, hôpitaux…) et des tombereaux d’argent
que nous y avons déversés.
Que ce soit le philosophe Pascal Bruckner, dans La tyrannie de la pénitence :
Essai sur le masochisme en Occident (Éditions Grasset 2006), Gérard Chaliand, Yves
Lacoste… ou l’économiste Daniel Cohen, nombreux sont les experts qui, mettant à bas le
politiquement correct, s’attachent aux faits pour démontrer que les puissances coloniales se
sont développées moins vite que les puissances non coloniales.
Mais ce constat d’investissement à perte a été fait bien des années après la fin de
la colonisation. Et les hommes politiques de l’époque n’avaient pas conscience de ces
réalités économiques, préférant un résultat immédiat en termes d’accès aux matières
premières et d’emplacements stratégiques.
Plus concrètement, dans la grande majorité des cas, il s’agissait surtout de faire
main basse sur les ressources du pays cible (minerais, produits agricoles, pétrole…) et
d’étendre ses zones d’influence.
La conférence de Berlin de 1885 est fréquemment décrite comme la source du
partage de l’Afrique entre les puissances coloniales. Une autre analyse est toutefois possible
: en garantissant la libre circulation des hommes et des denrées en Afrique, au sud du
Sahara et en soumettant toute implantation territoriale à des conditions strictes, ne visait-elle
pas la neutralisation des conflits potentiels ?
Et, surtout, parce que si toutes les civilisations (perse, mongole, chinoise,
aztèque, inca, ottomane…) ont été colonisatrices, seul l’Occident s’est amendé.
L’esclavage?
L’Occident n’a fait que prendre le relais des Arabes et des Africains, mais
l’Occident est le seul à avoir engendré l’abolitionnisme et à y avoir mis fin. Le 16 pluviôse An
II (4 février 1794), la Convention vote en effet l’abolition de l’esclavage dans les colonies