3Interview | Bertrand Piccard
Cela va leur amener le respect et la tolérance envers les autres,
favoriser leur intégration dans des milieux différents, exercer
leur flexibilité. Si l’école pouvait incarner cela, les enfants
seraient encore plus ouverts et prêts à affronter le monde
d’aujourd’hui, qui est un monde difficile.»
En termes de compétences, quelles sont les compétences
psychosociales dont un enfant a besoin pour faire face à ce
monde difficile ?
«Je pense que la principale compétence qui lui permette de
devenir un adulte qui a du succès, c’est l’ouverture d’esprit;
arrêter de penser que l’on a toujours raison. Souvent ce sont les
autres qui ont raison. Et s’il comprend cela, je pense que l’enfant
va pouvoir développer cette créativité qui lui permettra d’être
libre dans sa vie, libre de tout penser et de tout envisager au
lieu d’être prisonnier de sa culture, de sa religion, de son
parti politique ou de son éducation.»
Ce que vous nous décrivez à l’instant est assez loin du début
de l’interview: technologies, énergies, tour du monde, etc.
Quel lien entre technologies et valeurs humaines ?
«Le lien c’est qu’aujourd’hui des solutions existent pour lutter
contre le changement climatique et pour produire de l’énergie
propre, pour économiser l’énergie et les ressources naturelles
de notre planète. Elles sont là, mais elles ne sont pas appli-
quées à cause de nos habitudes, de nos certitudes, de tout
Dès le mois de mars, la progression de l’avion pourra être
suivie sur le site du projet: www.solarimpulse.com. Les
pilotes, André Borschberg et Bertrand Piccard, à tour de
rôle aux commandes, vous invitent à dialoguer en direct
avec eux. Intéressé-e ? Alors inscrivez votre classe auprès
d’éducation21 et vous serez informé-e-s en détail des
dates et des horaires des rencontres .
ventuno@education21.ch
Réservez votre tour du monde !
le poids de notre conditionnement et de notre éducation. Si
l’on veut évoluer correctement, il faut ajouter les compé-
tences psychosociales aux technologies. Solar Impulse
n’est pas seulement un avion propulsé à l’énergie solaire. C’est
un encouragement à penser de façon plus libre, pour pouvoir
créer de nouvelles applications et une nouvelle manière de vivre
mieux. Sinon, cela restera simplement un record du monde et ce
n’est pas ce que l’on veut.»
Dans la critique des approches technologiques, on parle
souvent de décroissance. Qu’en pensez-vous ?
«Je pense que l’on peut avoir beaucoup d’opinions philoso-
phiques, mais que pour qu’elles deviennent une réalité, il faut
des solutions concrètes tenant compte de la nature humaine.
Si vous demandez à quelqu’un d’avoir moins de confort,
moins de mobilité, moins de richesse, moins de croissance,
vous allez le décourager et le dégoûter. Il n’est pas dans la
nature humaine d’avoir moins, mais d’avoir mieux. Ce qu’il
faut éviter, c’est de toujours vouloir plus. Personnellement, je
pense que ce qu’il faut protéger, c’est l’humanité. La nature,
elle, va très bien se débrouiller toute seule. C’est l’être humain
et notre société qui sont en train de se suicider avec des
énergies sales et chères, qui polluent, modifient le climat et
génèrent des guerres. On a des solutions technologiques qui
permettent en même temps de protéger l’environnement et
de créer des emplois, de la richesse et de faire fonctionner
des entreprises, d’avoir une croissance qui est durable et
responsable. Si l’on va dans cette direction, on va motiver
beaucoup plus de gens qu’en leur disant qu’il faut renoncer
à ce qu’ils ont et qu’il faut décroître.»
«Apprendre le doute, le point d’interrogation,
les mystères de la vie, apprendre à se débarras-
ser des habitudes et des certitudes qui nous em-
pêchent d’être innovants dans notre vie.»