Les caricatures danoises peuvent être un hommage indirect à l

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atures danoises peuvent être un hommage indirect à l'islam ou un dommage salutaire un article de Pasca
Extrait du MPCT - Mouvement pour la Paix et contre le Terrorisme
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Libération
Les caricatures danoises
peuvent être un hommage
indirect à l'islam ou un
dommage salutaire un article
de Pascal Bruckner
Date de mise en ligne : lundi 13 mars 2006
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atures danoises peuvent être un hommage indirect à l'islam ou un dommage salutaire un article de Pasca
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Rebonds
Les caricatures danoises peuvent être un hommage indirect à l'islam ou un dommage salutaire.
Les deux blasphèmes Par Pascal BRUCKNER lundi 06 mars 2006
En apparence, les extrémistes ont gagné. De Djakarta à Téhéran, sans oublier Gaza, Beyrouth, Damas, des foules
furieuses, prêtes à tuer, ont exprimé leur colère, brisant les symboles de l'Occident honni, dans un mimétisme
comparable aux déferlements de masse des années 30. A Londres, des manifestants, voulant témoigner sans doute
de la tolérance de l'islam, brandissaient des pancartes qui proclamaient : « La liberté en enfer », « Préparez-vous au
vrai Holocauste », « Exterminez ceux qui se moquent de l'islam », « Europe, ton 11 septembre va venir ». A
Strasbourg, un Mohammed Latrèche réclamait l'union de tous les terroristes, intégristes, islamistes. A Bangkok, un
imam interviewé sur CNN réclamait la mise à mort du caricaturiste félon ou, à défaut, l'amputation de sa main
pécheresse, condition d'un possible pardon. Au Pakistan, une confrérie religieuse a proposé un million de dollars
plus une voiture à qui tuerait l'un des dessinateurs incriminés.
On aurait attendu de l'Europe un minimum de dignité, un beau geste : qu'elle rappelle ses ambassadeurs, suspende
provisoirement toute aide aux Palestiniens qui promettaient la mort à nos diplomates, qu'elle expulse les imams
factieux qui ont attisé la colère en propageant partout les dessins litigieux, qu'elle adresse un avertissement solennel
aux Etats qui ont autorisé le saccage des bâtiments officiels du Danemark et de Norvège. L'Europe a choisi de
s'incliner : les Danois, lâchés par tous, se sont embrouillés dans de pénibles excuses ; nos dirigeants ont joué les
Ponce Pilate ; les Eglises ont condamné le sacrilège ; des entreprises françaises dans les supermarchés du
Moyen-Orient ont mis des affichettes « Nous ne sommes pas danois », et Javier Solana, qu'on avait connu jadis plus
fringant face aux Serbes, s'est transformé auprès des gouvernements arabes en commis voyageur de l'expiation.
Partout la sainte alliance de la trouille, du goupillon et du croissant a fait merveille. Curieusement, hormis quelques
organes de presse chez nous, les seuls actes de courage sont venus du Maghreb, du Machrek ou d'Asie du
Sud-Est, de ces journalistes jordaniens, yéménites, malais, algériens, jetés en prison pour avoir osé publier dans leur
quotidien les douze caricatures du prophète, ou encore du professeur à l'université de Tunis Hamadi Redissi
avertissant : « Vous ne devez pas renoncer à la libre critique. Si vous cédez, ce sera fini. »
Dans ces meutes vociférantes, par ailleurs manipulées (on le sait maintenant, le scandale a été forgé de toutes
pièces), on sentait pourtant comme un vent de panique, un vacillement de terreur. La rage n'est que le symptôme
d'une évidence intolérable : même les tueurs veulent se présenter sous le masque de la vertu. Cette affaire est un
formidable révélateur. Car les caricatures en question, loin d'être médiocres, ont frappé juste. Il existe deux sortes de
blasphème : l'un est un hommage indirect à la foi qu'on prétend piétiner, l'autre un dommage salutaire. « Fouler aux
pieds la chimère divine » (Sade), insulter le nom de Dieu pendant l'acte amoureux, « prononcer des mots forts ou
sales dans l'ivresse du plaisir », représenter comme l'Autrichien Oskar Panizza, dans le Concile d'Amour (1894), le
pape et les cardinaux perdus dans l'orgie et la fornication, c'est encore s'incliner devant le culte qu'on vomit, même si
c'est au prix de sa liberté, de sa vie ou de sa santé mentale. La profanation est une reconnaissance négative comme
la messe noire n'est que l'envers satanique de la messe ordinaire. Il est une autre forme d'impiété qui suscite un
ébranlement salubre, soulève des questions dérangeantes.
La seule chose qu'on puisse reprocher à ces dessins, ça n'est pas leur mauvais goût, c'est hélas leur vérité, et qu'ils
sont moins des caricatures que des portraits très ressemblants d'un prophète qui fut aussi un chef de guerre
sanglant et tua sans scrupule au nom de la vraie foi. Dans leur brutalité, ces croquis insistent sur l'ambiguïté du
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message du Coran et posent un vrai problème : jusqu'à quel point a-t-on le droit d'instrumentaliser une confession
pour la mettre au service d'une politique de violence, de meurtre, d'extermination ? Si tous les musulmans ne sont
pas terroristes, une majorité de terroristes se réclament de l'islam, entachent la réputation de leurs coreligionnaires,
traînent leur religion dans la boue, le sang, les massacres : terrible confusion. Le « blasphème », en l'occurrence,
dans sa brutalité, oblige les croyants à dégager leur piété de la gangue impure du fanatisme et à réinterpréter les
écritures canoniques. Un tabou a sauté, l'offense n'a pas été inutile. Dieu bénisse le royaume du Danemark et
Charlie Hebdo !
S'offusquer de ces dessins en invoquant le respect des cultes n'a aucun sens : pour être respecté, il faut d'abord être
respectable. Pourquoi, en Europe, a-t-on le droit de critiquer le judéo-christianisme (c'est même devenu en France
un sport national), de se moquer du bouddhisme, voire de l'hindouisme, mais jamais de l'islam, sous peine d'être
accusé de racisme ? Pourquoi ces deux poids, deux mesures ? Pourquoi une religion et une seule échapperait-elle
au climat d'examen, de pluralisme, d'ironie, de sarcasme, d'anticléricalisme qui caractérise notre nation ? Le
christianisme n'avait rien de respectable quand, au nom de l'amour et du Christ-Roi, il pendait, brûlait, trucidait,
anéantissait les hérétiques, les sorcières, les païens, les Indiens, les mahométans. Il a fallu des siècles de combats,
y compris à l'intérieur des Eglises, et le concile de Vatican II pour qu'il se mette en conformité avec le message des
Evangiles et regagne ses lettres de noblesse. L'islam, pour retrouver sa grandeur perdue, doit être d'abord réformé,
purgé de ses versets douteux contre les juifs, les chrétiens, les infidèles, les homosexuels, il doit proscrire les
coutumes barbares de la lapidation, de la répudiation, de la polygamie. C'est un gigantesque chantier qui concerne
l'humanité entière : cela, de nombreux intellectuels et religieux musulmans éclairés le savent, le proclament. Mais
ces hommes et ces femmes de toutes professions, toutes nationalités, sont minoritaires : isolés, tracassés, voire
condamnés à mort comme l'écrivain bangladaise Taslima Nasreen ou la députée néerlandaise d'origine somalienne
Hayaan Hirsi Ali, ils ont besoin de notre aide comme avaient besoin de notre aide les dissidents d'Europe de l'Est au
temps de l'empire soviétique.
Il est urgent de former une grande chaîne d'assistance à tous les rebelles du monde arabo-musulman, modérés,
incroyants, libertins, athées, apostats, indifférents, schismatiques. L'Europe, si elle veut construire un islam laïque à
l'intérieur de ses frontières, devrait encourager ces voix divergentes, leur apporter ses talents, son soutien financier,
moral, politique. Il n'est pas de cause plus sacrée, plus grave et qui n'engage la concorde des générations futures.
Mais avec une inconscience suicidaire, notre continent s'agenouille devant les fous de Dieu et bâillonne ou ignore les
libres-penseurs. Combien de temps l'esprit de pénitence étouffera-t-il chez nous l'esprit de résistance ?
Pascla Bruvckner, Écrivain Dernier ouvrage paru : l'Amour du prochain (Grasset).
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