Effets du liraglutide en prévention cardiovasculaire chez des

Actualités
STV, vol. 28, no 5, septembre-octobre 2016 209
doi : 10.1684/stv.2016.0941
Les patients présentant un diabète
de type 2 ont un risque de morbi-
mortalité cardiovasculaire accru.
La prise en charge de l’équilibre
glycémique réduit les complications
microangiopathiques (rétinopathie,
néphropathie, etc.) mais les bénéfi ces
en termes de macroangiopathie (car-
diopathie ischémique, accident vas-
culaire cérébral [AVC], artériopathie
oblitérante des membres inférieurs
[AOMI], etc.) sont encore incertains.
Certaines thérapeutiques hypogly-
cémiantes ont même montré des
signaux d’alerte en termes d’insuf-
sance cardiaque. Depuis, les auto-
rités de santé mondiales (Food and
Drug Administration [FDA], Euro-
pean Medicines Agency [EMA])
recommandent donc pour la
commercialisation de tous les
nouveaux médicaments hypogly-
cémiants la réalisation d’études de
sécurité cardiovasculaire.
Le liraglutide (Victoza®) est un
agoniste des récepteurs au GLP1
(Glucagon-like Peptide 1) de longue
durée d’action qui a l’autorisation de
mise sur le marché (AMM) dans la
prise en charge du diabète de type
2 dès le stade de la bithérapie (en
association à la metformine ou aux
sulfamides hypoglycémiants). Ce
traitement appartient à la classe des
incrétinomimétiques. Les analo-
gues du GLP1 agissent à différents
niveaux : ils favorisent la sécrétion
d’insuline lors de l’absorption intes-
tinale de glucose (effet incrétine),
ralentissent la vidange gastrique et
ont un effet satiétogène. Le liraglu-
tide permet ainsi une réduction de
l’hémoglobine glycquée de plus de
1 % (jusqu’à 2 %), une réduction
pondérale d’environ 3 kg et une
diminution modérée de la pression
artérielle systolique. Le liraglutide est
administré par voie injectable (sous
cutanée) de manière quotidienne.
L’étude LEADER est une étude
multicentrique (410 sites, 32 pays),
randomisée en double insu contre
placebo dont l’objectif est d’éva-
luer le retentissement cardiovascu-
laire du liraglutide. Les patients ont
été randomisés selon un ratio 1:1
(liraglutide 1,8 mg/j versus placebo
injectable) avec une durée minimale
de suivi de 42 mois. Les analyses ont
été faites en intention de traiter. Les
patients inclus étaient diabétiques de
type 2 (HbA1c 7 %) en prévention
cardiovasculaire secondaire (âgés de
plus de 50 ans et présentant une car-
diopathie ischémique, une maladie
cérébrovasculaire, une artérite obli-
térante des membres inférieurs ou
une insuffi sance cardiaque connue)
ou à très haut risque cardiovasculaire
(âgés de plus de 60 ans et présentant
une insuffi sance rénale chronique
stade 3, une néphropathie dès le stade
de la microalbuminurie ou une hyper-
trophie ventriculaire gauche [HVG]).
Ont été exclus les diabétiques de type
1, les patients ayant eu un événement
cardiovasculaire dans les 14 jours
précédents la randomisation et ceux
sous incrétinomimétiques ou insu-
lines rapides. Le critère de jugement
principal est classique (événements
cardiovasculaires majeurs : mort
d’origine cardiovasculaire, infarctus
du myocarde non mortel et accident
vasculaire cérébral non mortel). Les
critères secondaires comportent un
autre critère composite (comprenant
en plus des éléments précédents la
revascularisation coronaire, l’hos-
pitalisation pour angor instable ou
insuffi sance cardiaque) et la mortalité
toute cause. Comme il s’agit d’une
étude de sécurité cardiovasculaire, les
analyses statistiques ont d’abord été
réalisées en « non-infériorité » puis
en « supériorité ».
Au total, 9 340 patients ont été rando-
misés de septembre 2010 à avril 2012
et suivis pendant une durée moyenne
de 3,8 ans : 4 668 dans le bras liraglu-
tide (dose médiane quotidienne reçue :
1,78 mg/j) versus 4 672 dans le bras
placebo ; 97 % et 96,6 % des patients
respectivement ont terminé l’étude.
Il s’agit de patients à très haut risque
cardiovasculaire : hommes en majorité
(64 %), d’âge médian 64 ans, diabé-
tiques depuis 12,7 ans en moyenne,
mal contrôlés : HbA1c initiale 8,7 %,
obèses (IMC 32,5 kg/m²), en préven-
tion cardiovasculaire secondaire dans
82 % des cas, néphropathes dans 24 %
des cas.
Le critère de jugement principal
est survenu moins souvent dans
le bras liraglutide (608 patients
[13,0 %]) que dans le groupe pla-
cebo (694 [14,9 %]) : soit un risque
relatif de 0,87 ; IC95%, 0,78-0, 97 ;
P = 0,01 en supériorité). Cet effet
semble principalement lié à la ré-
duction signifi cative de la morta-
lité (8,2 % versus 9,6 %, RR 0,85
(0,74-0,97, p = 0,02) et en parti-
culier de la mortalité cardiovascu-
laire (RR 0,78 ; IC95%, 0,66-0,93 ;
Effets du liraglutide en prévention cardiovasculaire chez des diabétiques
de type 2 : résultats de l’étude LEADER
Tiphaine Vidal-Trécan
Hôpital Lariboisière, Service d’endocrinologie, diabétologie et nutrition, 2, rue Ambroise Paré, 75475 Paris Cedex 10, France
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210
P = 0,007). Par contre, il n’y a qu’une
tendance non signifi cative à la réduc-
tion des infarctus et AVC non mor-
tels ainsi qu’une réduction non signi-
cative du nombre d’hospitalisation
pour insuffi sance cardiaque dans le
groupe liraglutide. Ceci est rassurant
car c’était un signal intrigant des
premières études de sécurité cardio-
vasculaire des inhibiteurs de DPPIV
(dipeptidyl peptidase-4 – autres
incrétinomimétiques [saxagliptine,
étude SAVOR]). Cette réduction du
risque d’événement cardiovasculaire
semble apparaître après un an de
traitement.
Toutefois, il faut retenir des différences
signifi catives entre les deux groupes en
n d’études : notamment une réduc-
tion de l’HbA1c plus importante dans
le groupe liraglutide de -0,4 %, -0,45-
0,34), une perte de poids plus impor-
tante dans le groupe liraglutide 2,3 kg
(2,5-2,0), une diminution plus impor-
tante de la pression artérielle systolique
dans le groupe liraglutide 1,2 mmHg
(1,9-0,5) et une augmentation de la fré-
quence cardiaque de 3,0 battements par
minute (2,5-3,4). De plus, il y a eu un
recours plus important dans le groupe
placebo aux traitements diurétiques.
Au total, le nombre de patients à
traiter pour prévenir un événement
cardiovasculaire en trois ans serait
de 66 pour le critère principal et de
98 pour la mortalité toute cause.
Cette étude est la première à montrer
un effet bénéfi que cardiovasculaire
pour cette classe thérapeutique. En
effet, l’étude de sécurité cardiovas-
culaire ELIXA, comparant l’effet
du lixisénatide (analogue du GLP1
de courte durée d’action et de struc-
ture différente du liraglutide) au pla-
cebo n’avait pas montré de bénéfi ce
cardiovasculaire chez des patients
diabétiques ayant présenté un
événement coronaire récent (moins
de 30 jours), de même que les autres
études impliquant des inhibiteurs de
DPPIV (autres incrétinomimétiques).
Toutefois, l’étude ELIXA était de
plus courte durée (deux ans de suivi)
et les patients étaient mieux équili-
brés sur le plan glycémique à l’entrée
dans l’étude. Aucune explication de
cette différence n’a été proposée pour
l’instant par les auteurs hormis une
puissance statistique supérieure. On
ne peut donc pas conclure pour l’ins-
tant à un effet « classe ».
Cette étude est la deuxième à mon-
trer un effet bénéfi que cardiovascu-
laire des antidiabétiques. En effet,
l’étude de sécurité cardiovasculaire
EMPA-REG, comparant l’effet de
l’empaglifl ozine (inhibiteur sélectif
de SGLT2) au placebo a montré une
réduction de 14 % du risque cardio-
vasculaire. Toutefois, les effets du
liraglutide semblent moins impor-
tants cliniquement et surtout moins
précoces (12 mois versus 3 mois)
que ceux de l’empaglifl ozine.
L’hypothèse physiopathologique
des bénéfi ces cardiovasculaires du
liraglutide, proposée par les auteurs,
serait le ralentissement de la pro-
gression de la maladie vasculaire et
non un effet hémodynamique.
Les effets indésirables, les plus rap-
portés sont digestifs (nausées, vo-
missements, douleurs, abdominales
et diarrhées) ce qui est classique
avec cette classe thérapeutique. Il
faut souligner aussi l’augmentation
signifi cative de la fréquence des
lithiases vésiculaires (3,1 % versus
1,9 %, p < 0,001) ce qui est moins
connu. Il y a eu moins d’hypogly-
cémies dans le groupe liraglutide
que dans le bras placebo, mais les
patients sous liraglutide ont reçu
moins de traitement insulinosécréteurs
et moins d’insulinothérapie ont été
introduites au cours de l’étude. Il y
a une tendance non signifi cative à
l’augmentation des cancers toutes
causes confondues et en particu-
lier pancréatique (13 cas confi rmés
histologiquement dans le groupe
liraglutide versus 5 dans le bras pla-
cebo, p = 0,06). Il semblerait après
analyse des causes de décès, qu’il
faille imputer quatre décès supplé-
mentaires par néoplasie pancréa-
tique dans le bras placebo (soit 13
versus 9), ce qui tempère le signal.
Il faut ajouter que le diabète en soi
augmente le risque de développer un
cancer du pancréas. Concernant la
sécurité de ce médicament, il faudra
surveiller en pharmacovigilance la
survenue de cancers pancréatiques.
En conclusion, on peut retenir que le
liraglutide est dans une population à
très haut risque cardiovasculaire, le
deuxième traitement antidiabétique à
montrer un bénéfi ce cardiovasculaire,
relativement précoce, sans lien direct
évident avec le contrôle glycémique,
sans effets indésirables majeurs et
s’accompagnant même d’une réduction
pondérale. C’est donc un antidiabétique
qui devrait satisfaire les exigences des
diabétologues et des cardiologues !
Liens d’intérêts : l'auteur déclare
n'avoir aucun lien d'intérêt en rapport
avec cet article.
Références
1. Marso SP. LEADER. N Engl J Med
2016 ; 375 : 311-22.
2. Pfeffer MA. ELIXA. N Engl J Med 2015 ;
373 : 2247-57.
3. Scirica BM. SAVOR-TIMI. N Engl J Med
2013 ; 369 : 1317-26.
4. Zinman B. EMPA-REG. Cardiovasc
Diabetol 2014 ; 13 : 102.
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L’insuffi sance cardiaque est un
problème majeur de santé pu-
blique qui s’accroît au même
rythme que le vieillissement de la
population. Malgré d’importants pro-
grès pharmacologiques, ces patients
ont une survie réduite et une altération
majeure de la qualité de vie. Le déve-
loppement de traitements non médi-
camenteux au cours des dernières an-
nées, notamment la resynchronisation
par stimulation multisites, a contribué
à une amélioration de la survie de
ces patients. Le déséquilibre au sein
du système nerveux autonome, entre
l’activité sympathique (augmentée,
à l’origine du bénéfi ce des béta-blo-
quants) et l’activité parasympathique
(diminuée) a vu apparaître sur le
marché plusieurs systèmes dédiés
pour accroître la stimulation vagale.
L’approche pharmacologique (effet
modeste des inhibiteurs de l’enzyme
de conversion) pour accroître l’acti-
vité du système parasympathique
est restée décevante. Plusieurs sys-
tèmes mécaniques ont été dévelop-
pés pour accroître le tonus parasym-
pathique comme les stimulations du
barorécepteur, du nerf vague ou de la
moelle épinière.
L’étude INOVATE-HF est la première
étude randomisée concernant l’effet
de la stimulation du nerf vague en cas
d’insuffi sance cardiaque à fonction sys-
tolique altérée (fraction d'éjection du
ventricule gauche – FE VG 40%). Le
système implanté consiste en une élec-
trode de détection positionnée dans le
ventricule droit reliée à une électrode de
stimulation sur le nerf vague droit (petit
brassard appliqué sur le nerf vague),
reliée à un stimulateur (CardioFit
system) [1] ( gure 1). La gure 2 montre
un exemple d’implantation du système
chez un patient déjà porteur d’un
pacemaker de resynchronisation.
L’étude INOVATE-HF a été une
étude randomisée (randomisation
3/2), internationale (85 centres)
entre stimulation vagale plus trai-
tement médical versus traitement
médical. Les patients étaient sympto-
matiques (classe III NYHA) avec une
FE altérée ( 40%) [2]. Le critère
de jugement principal était le décès
toutes causes ou la première poussée
d’insuffi sance cardiaque (nécessitant
ou non une hospitalisation). L’essai
a inclus 707 patients (271 dans le
groupe témoin et 436 dans le groupe
stimulation) avec un suivi moyen
de 16 mois. Il n’y a pas eu de diffé-
rence sur les taux d’événements, 132
dans le groupe stimulation versus 70
dans le groupe témoin (30,3 % versus
25,8 %, HR 1,14, IC95 % : 0,86-1,53,
p = 0,37). Le taux annuel de mortalité
a été de 9,3 % dans le groupe stimu-
lation contre 7,1 % dans le groupe
témoin (p = 0,19). La qualité de vie
(évalué par la classifi cation NYHA
(New York Heart Association) et le
test de marche 6 minutes) a été plus
favorablement améliorée dans le
Actualités
Stimulation du nerf vague au cours de l’insuffi sance cardiaque
Jean-Michel Juliard
Hôpital Bichat, Service de cardiologie, Paris, France
Vagus nerve cuff electrode
CardioFit® stimulator
Standard intracardiac electrode
Gauche :
CardioFit Stimulator
(Stimulateur CardioFit) ; droite : schéma d’implantation,
Standard Intracardiac Electrode
(électrode de
détection intracardiaque) ;
Vagus Nerve Cuff Electrode
(électrode de stimulation du nerf vague sous la forme d’un petit brassard).
Figure 1. Matériel de stimulation [1].
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STV, vol. 28, no 5, septembre-octobre 2016
212
groupe stimulation. Pas de différence
sur les paramètres de fonction ven-
triculaire gauche. La sécurité du sys-
tème de stimulation vagale était satis-
faisante sans effet indésirable grave.
Au-delà d’un traitement médi-
cal optimal (dans chaque groupe,
93 % recevaient des béta-bloquants,
90 % des inhibiteurs de l'enzyme de
conversion (IEC) ou antagonistes
des récepteurs de l'angiotensine II
(ARA II), 60 % un anti-aldosté-
rone et 75 % un diurétique), la sti-
mulation vagale ne réduisait pas la
mortalité ni les poussées d’insuffi -
sance cardiaque. La qualité de vie
était améliorée. Les effets délétères
du tonus parasympathique dans la
physiopathologie de l’insuffi sance
cardiaque ne sont pas clairement
élucidés : rôle de la bradycardie,
effet inotrope négatif médié via le
récepteur muscarinique M2 ? Deux
essais randomisés de petite taille
ont été publiés récemment. L’essai
NECTAR-HF (Neurocardiac The-
rapy for Heart Failure Study) ayant
inclus 96 patients avec comme
objectif un changement signifi catif
sur le volume télésystolique du VG,
qui n’a pas été amélioré par la sti-
mulation vagale [3]. Il y avait une
amélioration de la qualité de vie.
Par contre, au cours de l’essai AN-
THEM-HF (60 patients randomi-
sés), en utilisant la stimulation du
nerf vague, soit droit soit gauche, il
a été mis en évidence une améliora-
tion signifi catif du remodelage ven-
triculaire [4]. Il existe encore des
interrogations quant à l’effi cacité de
la stimulation vagale sur le pronos-
tic de l’insuffi sance cardiaque, ainsi
que la sécurité du système à long
terme. On peut regretter l’absence
de shame procédure (afi n de mieux
apprécier l’effet placebo éventuel
sur l’amélioration de la qualité de
vie) mais laisser en place à long
terme un système implantable ino-
pérant pendant plusieurs années
peut poser problème. D’autres ques-
tions restent en suspens : la stimu-
lation vagale est-elle optimale, en
durée, en intensité ? Faut-il consi-
dérer la mortalité toutes causes ou
cardiovasculaire seulement compte
tenu du fait que 30 % des décès ne
sont pas d’origine cardiaque dans
cette population ? Tous ces résultats
ne sont pas très encourageants pour
investir dans un grand essai multi-
centrique randomisé.
Liens d’intérêts : l’auteur déclare
n’avoir aucun lien d’intérêt en
rapport avec l’article.
Références
1. Hauptman PJ, Schwartz PJ, Gold MR, et
al. Rationale and study design of the Increase
of Vagal Tone in Heart Failure study : INO-
VATE-HF. Am Heart J 2012 ; 163 : 954-62.
2. Gold MR, Van Veldhuisen DJ, Haupt-
man P, et al. Vagus nerve stimulation for the
treatment of heart failure. The INOVATE-HF
Trial. J Am Coll Cardiol 2016 ; 68 : 149-58.
3. Zannad F, De Ferrari GM, Tuinenburg AE,
et al. Chronic vagal stimulation for the treat-
ment of low ejection fraction heart failure :
results of the neural cardiac therapy for heart
failure (NECTAR-HF) randomized controlled
trial. Eur Heart J 2015 ; 36 : 425-33.
4. Premchand RK, Sharma K, Mittal S, et al.
Autonomic regulation therapy via left or right
cervical vagus nerve stimulation in patients with
chronic heart failure : results of the ANTHEM-
HF Trial. J Card Fail 2014 ; 20 : 808-16.
Actualités
Gauche : boîtier de stimulation du nerf vague ; droite : boîtier de stimulation
pour resynchronisation.
Figure 2. Radiographie pulmonaire d’un patient implanté.
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STV, vol. 28, no 5, septembre-octobre 2016 213
Le risque de récidive ischémique
est particulièrement élevé dans
les 90 jours suivant un acci-
dent ischémique transitoire (AIT)
ou un infarctus cérébral (IC). À ce
jour, l’aspirine reste le traitement de
prévention secondaire de référence
après un AIT ou un IC, bien qu’elle
soit associée à un risque persistant
de récidive de 10 à 15 % à trois
mois [1]. Récemment, de nouveaux
antiagrégants plaquettaires ont vu
le jour, dont le ticagrelor, qui inhibe
directement le récepteur P2Y12 pla-
quettaire, par opposition au clopido-
grel dont l’action sur ce récepteur est
indirecte et donc davantage sujette à
la variabilité interindividuelle.
L’étude SOCRATES (Acute stroke
or transient Ischaemic attack treated
with aspirin or ticagrelor and patient
outcomes), publiée en 2016 dans le
New England Journal of Medicine,
visait à comparer le ticagrelor à l’as-
pirine sur une période de 90 jours
après un IC mineur ou un AIT à haut
risque de récidive [2].
Cette étude internationale (674 sites
pour 33 pays), randomisée en 1:1 via
un serveur centralisé et conduite en
double-aveugle, a été réalisée de jan-
vier 2014 à octobre 2015. Elle a été
nancée par AstraZeneca™, qui pro-
duit le ticagrelor. Les analyses ont été
réalisées par AstraZeneca™ sous la di-
rection du comité exécutif de l’étude.
Les patients pouvaient être inclus
s’ils avaient au moins 40 ans et
pouvaient être randomisés dans
les 24 heures suivant l’apparition
d’un IC mineur (défi ni par un score
NIHSS 5) ou d’un AIT à haut
risque de récidive (défi ni par un score
ABCD2 4 ou l’existence d’une sté-
nose symptomatique extra ou intra-
crânienne). Les principaux critères
d’exclusion étaient : l’existence
d’un saignement intracrânien sur
l’imagerie initiale ; une contre-indi-
cation au ticagrelor ou à l’aspirine ;
la nécessité d’un autre antithrombo-
tique ; la réalisation d’une thrombo-
lyse ou d’une thrombectomie dans
les 24 heures avant randomisation ;
la prévision d’une intervention de
revascularisation nécessitant l’arrêt
du traitement de l’étude dans les sept
premiers jours ; la suspicion d’une
origine cardio-embolique à l’IC ou
AIT ; la prescription d’un traitement
inhibant fortement le CYP450 3A
ou d’un anti-infl ammatoire non sté-
roïdien pour plus de sept jours. Le
traitement de l’étude était administré
dans les 24 heures après la surve-
nue de l’événement ischémique, les
patients recevant une dose de charge
au plus vite après randomisation.
Les patients randomisés dans le bras
ticagrelor recevaient ainsi le premier
jour une dose de charge de 180 mg,
puis 90 mg matin et soir à partir du
lendemain, ainsi que le placebo de
l’aspirine. Les patients randomisés
dans le bras aspirine recevaient une
dose de charge de 300 mg per os le
premier jour, puis 100 mg par jour,
ainsi que le placebo du ticagrelor.
Le critère de jugement principal,
composite, correspondait au délai
entre la randomisation et la sur-
venue d’un IC, d’une hémorragie
intracrânienne, d’un infarctus du
myocarde ou du décès. Le critère
de jugement secondaire « clé »
était le délai de survenue d’un IC.
Les critères de sécurité étaient le
délai de survenue d’une hémorra-
gie majeure ; l’incidence de chacun
des événements suivants : hémor-
ragie intracrânienne, hémorragies
fatales, effets indésirables graves.
L’analyse principale était en inten-
tion de traiter.
Un total de 13 199 patients ont été
randomisés, dont 73 % présentaient
un IC et 27 % un AIT. Parmi eux
6589 patients étaient randomisés
dans le bras ticagrelor et 6 610 dans
le bras aspirine. Les caractéristiques
initiales des patients des deux bras
étaient globalement comparables.
La moyenne d’âge était de 66 ans, et
30 % des patients étaient asiatiques.
Trente-deux pour cent des patients
prenaient de l’aspirine avant l’inclu-
sion. Le critère de jugement princi-
pal a pu être analysé pour 98 % des
inclus.
À 90 jours, le critère de jugement prin-
cipal était survenu chez 442 (6,7 %)
patients du bras ticagrelor et 497
(7,5 %) patients du groupe aspirine
(HR = 0,89 ; IC95 % = [0,78-1,01] ;
P = 0,07). Au vu du plan d’analyse
hiérarchique décidé a priori, l’ana-
lyse des autres critères d’effi cacité
ne pouvait être considérée qu’explo-
ratoire du fait de la négativité du cri-
tère de jugement principal. Il existait
ainsi une diminution non signifi cative
du risque d’IC dans le bras ticagrelor
(5,8 % contre 6,7 % : HR = 0,87 ;
Actualités
Prévention secondaire précoce après un infarctus cérébral mineur ou un accident
ischémique transitoire à haut risque de récidive : ticagrelor ou aspirine ?
Benjamin Maïer, Guillaume Turc
Centre hospitalier Sainte-Anne, Unité neurovasculaire, 1, rue Cabanis, 75674 Paris cedex 14, France
INSERM UMR S894, Université Paris Descartes
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