Effets du liraglutide en prévention cardiovasculaire chez des

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Effets du liraglutide en prévention cardiovasculaire chez des diabétiques
de type 2 : résultats de l’étude LEADER
Tiphaine Vidal-Trécan
Hôpital Lariboisière, Service d’endocrinologie, diabétologie et nutrition, 2, rue Ambroise Paré, 75475 Paris Cedex 10, France
[email protected]
doi : 10.1684/stv.2016.0941
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L
es patients présentant un diabète
de type 2 ont un risque de morbimortalité cardiovasculaire accru.
La prise en charge de l’équilibre
glycémique réduit les complications
microangiopathiques (rétinopathie,
néphropathie, etc.) mais les bénéfices
en termes de macroangiopathie (cardiopathie ischémique, accident vasculaire cérébral [AVC], artériopathie
oblitérante des membres inférieurs
[AOMI], etc.) sont encore incertains.
Certaines thérapeutiques hypoglycémiantes ont même montré des
signaux d’alerte en termes d’insuffisance cardiaque. Depuis, les autorités de santé mondiales (Food and
Drug Administration [FDA], European Medicines Agency [EMA])
recommandent donc pour la
commercialisation de tous les
nouveaux médicaments hypoglycémiants la réalisation d’études de
sécurité cardiovasculaire.
Le liraglutide (Victoza®) est un
agoniste des récepteurs au GLP1
(Glucagon-like Peptide 1) de longue
durée d’action qui a l’autorisation de
mise sur le marché (AMM) dans la
prise en charge du diabète de type
2 dès le stade de la bithérapie (en
association à la metformine ou aux
sulfamides hypoglycémiants). Ce
traitement appartient à la classe des
incrétinomimétiques. Les analogues du GLP1 agissent à différents
niveaux : ils favorisent la sécrétion
d’insuline lors de l’absorption intestinale de glucose (effet incrétine),
ralentissent la vidange gastrique et
ont un effet satiétogène. Le liraglutide permet ainsi une réduction de
l’hémoglobine glycquée de plus de
1 % (jusqu’à 2 %), une réduction
pondérale d’environ 3 kg et une
diminution modérée de la pression
artérielle systolique. Le liraglutide est
administré par voie injectable (sous
cutanée) de manière quotidienne.
L’étude LEADER est une étude
multicentrique (410 sites, 32 pays),
randomisée en double insu contre
placebo dont l’objectif est d’évaluer le retentissement cardiovasculaire du liraglutide. Les patients ont
été randomisés selon un ratio 1:1
(liraglutide 1,8 mg/j versus placebo
injectable) avec une durée minimale
de suivi de 42 mois. Les analyses ont
été faites en intention de traiter. Les
patients inclus étaient diabétiques de
type 2 (HbA1c ≥ 7 %) en prévention
cardiovasculaire secondaire (âgés de
plus de 50 ans et présentant une cardiopathie ischémique, une maladie
cérébrovasculaire, une artérite oblitérante des membres inférieurs ou
une insuffisance cardiaque connue)
ou à très haut risque cardiovasculaire
(âgés de plus de 60 ans et présentant
une insuffisance rénale chronique
stade 3, une néphropathie dès le stade
de la microalbuminurie ou une hypertrophie ventriculaire gauche [HVG]).
Ont été exclus les diabétiques de type
1, les patients ayant eu un événement
cardiovasculaire dans les 14 jours
précédents la randomisation et ceux
sous incrétinomimétiques ou insulines rapides. Le critère de jugement
principal est classique (événements
cardiovasculaires majeurs : mort
d’origine cardiovasculaire, infarctus
du myocarde non mortel et accident
STV, vol. 28, no 5, septembre-octobre 2016
vasculaire cérébral non mortel). Les
critères secondaires comportent un
autre critère composite (comprenant
en plus des éléments précédents la
revascularisation coronaire, l’hospitalisation pour angor instable ou
insuffisance cardiaque) et la mortalité
toute cause. Comme il s’agit d’une
étude de sécurité cardiovasculaire, les
analyses statistiques ont d’abord été
réalisées en « non-infériorité » puis
en « supériorité ».
Au total, 9 340 patients ont été randomisés de septembre 2010 à avril 2012
et suivis pendant une durée moyenne
de 3,8 ans : 4 668 dans le bras liraglutide (dose médiane quotidienne reçue :
1,78 mg/j) versus 4 672 dans le bras
placebo ; 97 % et 96,6 % des patients
respectivement ont terminé l’étude.
Il s’agit de patients à très haut risque
cardiovasculaire : hommes en majorité
(64 %), d’âge médian 64 ans, diabétiques depuis 12,7 ans en moyenne,
mal contrôlés : HbA1c initiale 8,7 %,
obèses (IMC 32,5 kg/m²), en prévention cardiovasculaire secondaire dans
82 % des cas, néphropathes dans 24 %
des cas.
Le critère de jugement principal
est survenu moins souvent dans
le bras liraglutide (608 patients
[13,0 %]) que dans le groupe placebo (694 [14,9 %]) : soit un risque
relatif de 0,87 ; IC95%, 0,78-0, 97 ;
P = 0,01 en supériorité). Cet effet
semble principalement lié à la réduction significative de la mortalité (8,2 % versus 9,6 %, RR 0,85
(0,74-0,97, p = 0,02) et en particulier de la mortalité cardiovasculaire (RR 0,78 ; IC95%, 0,66-0,93 ;
209
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P = 0,007). Par contre, il n’y a qu’une
tendance non significative à la réduction des infarctus et AVC non mortels ainsi qu’une réduction non significative du nombre d’hospitalisation
pour insuffisance cardiaque dans le
groupe liraglutide. Ceci est rassurant
car c’était un signal intrigant des
premières études de sécurité cardiovasculaire des inhibiteurs de DPPIV
(dipeptidyl peptidase-4 – autres
incrétinomimétiques [saxagliptine,
étude SAVOR]). Cette réduction du
risque d’événement cardiovasculaire
semble apparaître après un an de
traitement.
Toutefois, il faut retenir des différences
significatives entre les deux groupes en
fin d’études : notamment une réduction de l’HbA1c plus importante dans
le groupe liraglutide de -0,4 %, -0,450,34), une perte de poids plus importante dans le groupe liraglutide 2,3 kg
(2,5-2,0), une diminution plus importante de la pression artérielle systolique
dans le groupe liraglutide 1,2 mmHg
(1,9-0,5) et une augmentation de la fréquence cardiaque de 3,0 battements par
minute (2,5-3,4). De plus, il y a eu un
recours plus important dans le groupe
placebo aux traitements diurétiques.
Au total, le nombre de patients à
traiter pour prévenir un événement
cardiovasculaire en trois ans serait
de 66 pour le critère principal et de
98 pour la mortalité toute cause.
Cette étude est la première à montrer
un effet bénéfique cardiovasculaire
pour cette classe thérapeutique. En
effet, l’étude de sécurité cardiovasculaire ELIXA, comparant l’effet
du lixisénatide (analogue du GLP1
de courte durée d’action et de structure différente du liraglutide) au placebo n’avait pas montré de bénéfice
cardiovasculaire chez des patients
diabétiques ayant présenté un
210
événement coronaire récent (moins
de 30 jours), de même que les autres
études impliquant des inhibiteurs de
DPPIV (autres incrétinomimétiques).
Toutefois, l’étude ELIXA était de
plus courte durée (deux ans de suivi)
et les patients étaient mieux équilibrés sur le plan glycémique à l’entrée
dans l’étude. Aucune explication de
cette différence n’a été proposée pour
l’instant par les auteurs hormis une
puissance statistique supérieure. On
ne peut donc pas conclure pour l’instant à un effet « classe ».
Cette étude est la deuxième à montrer un effet bénéfique cardiovasculaire des antidiabétiques. En effet,
l’étude de sécurité cardiovasculaire
EMPA-REG, comparant l’effet de
l’empagliflozine (inhibiteur sélectif
de SGLT2) au placebo a montré une
réduction de 14 % du risque cardiovasculaire. Toutefois, les effets du
liraglutide semblent moins importants cliniquement et surtout moins
précoces (12 mois versus 3 mois)
que ceux de l’empagliflozine.
L’hypothèse
physiopathologique
des bénéfices cardiovasculaires du
liraglutide, proposée par les auteurs,
serait le ralentissement de la progression de la maladie vasculaire et
non un effet hémodynamique.
Les effets indésirables, les plus rapportés sont digestifs (nausées, vomissements, douleurs, abdominales
et diarrhées) ce qui est classique
avec cette classe thérapeutique. Il
faut souligner aussi l’augmentation
significative de la fréquence des
lithiases vésiculaires (3,1 % versus
1,9 %, p < 0,001) ce qui est moins
connu. Il y a eu moins d’hypoglycémies dans le groupe liraglutide
que dans le bras placebo, mais les
patients sous liraglutide ont reçu
moins de traitement insulinosécréteurs
STV, vol. 28, no 5, septembre-octobre 2016
et moins d’insulinothérapie ont été
introduites au cours de l’étude. Il y
a une tendance non significative à
l’augmentation des cancers toutes
causes confondues et en particulier pancréatique (13 cas confirmés
histologiquement dans le groupe
liraglutide versus 5 dans le bras placebo, p = 0,06). Il semblerait après
analyse des causes de décès, qu’il
faille imputer quatre décès supplémentaires par néoplasie pancréatique dans le bras placebo (soit 13
versus 9), ce qui tempère le signal.
Il faut ajouter que le diabète en soi
augmente le risque de développer un
cancer du pancréas. Concernant la
sécurité de ce médicament, il faudra
surveiller en pharmacovigilance la
survenue de cancers pancréatiques.
En conclusion, on peut retenir que le
liraglutide est dans une population à
très haut risque cardiovasculaire, le
deuxième traitement antidiabétique à
montrer un bénéfice cardiovasculaire,
relativement précoce, sans lien direct
évident avec le contrôle glycémique,
sans effets indésirables majeurs et
s’accompagnant même d’une réduction
pondérale. C’est donc un antidiabétique
qui devrait satisfaire les exigences des
diabétologues et des cardiologues !
Liens d’intérêts : l'auteur déclare
n'avoir aucun lien d'intérêt en rapport
avec cet article.
Références
1. Marso SP. LEADER. N Engl J Med
2016 ; 375 : 311-22.
2. Pfeffer MA. ELIXA. N Engl J Med 2015 ;
373 : 2247-57.
3. Scirica BM. SAVOR-TIMI. N Engl J Med
2013 ; 369 : 1317-26.
4. Zinman B. EMPA-REG. Cardiovasc
Diabetol 2014 ; 13 : 102.
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Stimulation du nerf vague au cours de l’insuffisance cardiaque
Jean-Michel Juliard
Hôpital Bichat, Service de cardiologie, Paris, France
[email protected]
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L’
insuffisance cardiaque est un
problème majeur de santé publique qui s’accroît au même
rythme que le vieillissement de la
population. Malgré d’importants progrès pharmacologiques, ces patients
ont une survie réduite et une altération
majeure de la qualité de vie. Le développement de traitements non médicamenteux au cours des dernières années, notamment la resynchronisation
par stimulation multisites, a contribué
à une amélioration de la survie de
ces patients. Le déséquilibre au sein
du système nerveux autonome, entre
l’activité sympathique (augmentée,
à l’origine du bénéfice des béta-bloquants) et l’activité parasympathique
(diminuée) a vu apparaître sur le
marché plusieurs systèmes dédiés
pour accroître la stimulation vagale.
L’approche pharmacologique (effet
modeste des inhibiteurs de l’enzyme
de conversion) pour accroître l’activité du système parasympathique
est restée décevante. Plusieurs systèmes mécaniques ont été développés pour accroître le tonus parasympathique comme les stimulations du
barorécepteur, du nerf vague ou de la
moelle épinière.
L’étude INOVATE-HF est la première
étude randomisée concernant l’effet
de la stimulation du nerf vague en cas
d’insuffisance cardiaque à fonction systolique altérée (fraction d'éjection du
ventricule gauche – FE VG ⱕ 40%). Le
système implanté consiste en une électrode de détection positionnée dans le
ventricule droit reliée à une électrode de
stimulation sur le nerf vague droit (petit
brassard appliqué sur le nerf vague),
reliée à un stimulateur (CardioFit
system) [1] (figure 1). La figure 2 montre
un exemple d’implantation du système
chez un patient déjà porteur d’un
pacemaker de resynchronisation.
L’étude INOVATE-HF a été une
étude randomisée (randomisation
3/2), internationale (85 centres)
entre stimulation vagale plus traitement médical versus traitement
médical. Les patients étaient symptomatiques (classe III NYHA) avec une
FE altérée (ⱕ 40%) [2]. Le critère
de jugement principal était le décès
toutes causes ou la première poussée
d’insuffisance cardiaque (nécessitant
ou non une hospitalisation). L’essai
a inclus 707 patients (271 dans le
groupe témoin et 436 dans le groupe
stimulation) avec un suivi moyen
de 16 mois. Il n’y a pas eu de différence sur les taux d’événements, 132
dans le groupe stimulation versus 70
dans le groupe témoin (30,3 % versus
25,8 %, HR 1,14, IC95 % : 0,86-1,53,
p = 0,37). Le taux annuel de mortalité
a été de 9,3 % dans le groupe stimulation contre 7,1 % dans le groupe
témoin (p = 0,19). La qualité de vie
(évalué par la classification NYHA
(New York Heart Association) et le
test de marche 6 minutes) a été plus
favorablement améliorée dans le
Vagus nerve cuff electrode
Standard intracardiac electrode
CardioFit® stimulator
Gauche : CardioFit Stimulator (Stimulateur CardioFit) ; droite : schéma d’implantation, Standard Intracardiac Electrode (électrode de
détection intracardiaque) ; Vagus Nerve Cuff Electrode (électrode de stimulation du nerf vague sous la forme d’un petit brassard).
Figure 1. Matériel de stimulation [1].
STV, vol. 28, no 5, septembre-octobre 2016
211
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Gauche : boîtier de stimulation du nerf vague ; droite : boîtier de stimulation
pour resynchronisation.
Figure 2. Radiographie pulmonaire d’un patient implanté.
groupe stimulation. Pas de différence
sur les paramètres de fonction ventriculaire gauche. La sécurité du système de stimulation vagale était satisfaisante sans effet indésirable grave.
Au-delà d’un traitement médical optimal (dans chaque groupe,
93 % recevaient des béta-bloquants,
90 % des inhibiteurs de l'enzyme de
conversion (IEC) ou antagonistes
des récepteurs de l'angiotensine II
(ARA II), 60 % un anti-aldostérone et 75 % un diurétique), la stimulation vagale ne réduisait pas la
mortalité ni les poussées d’insuffisance cardiaque. La qualité de vie
était améliorée. Les effets délétères
du tonus parasympathique dans la
physiopathologie de l’insuffisance
cardiaque ne sont pas clairement
élucidés : rôle de la bradycardie,
effet inotrope négatif médié via le
récepteur muscarinique M2 ? Deux
essais randomisés de petite taille
ont été publiés récemment. L’essai
NECTAR-HF (Neurocardiac Therapy for Heart Failure Study) ayant
inclus 96 patients avec comme
objectif un changement significatif
212
sur le volume télésystolique du VG,
qui n’a pas été amélioré par la stimulation vagale [3]. Il y avait une
amélioration de la qualité de vie.
Par contre, au cours de l’essai ANTHEM-HF (60 patients randomisés), en utilisant la stimulation du
nerf vague, soit droit soit gauche, il
a été mis en évidence une amélioration significatif du remodelage ventriculaire [4]. Il existe encore des
interrogations quant à l’efficacité de
la stimulation vagale sur le pronostic de l’insuffisance cardiaque, ainsi
que la sécurité du système à long
terme. On peut regretter l’absence
de shame procédure (afin de mieux
apprécier l’effet placebo éventuel
sur l’amélioration de la qualité de
vie) mais laisser en place à long
terme un système implantable inopérant pendant plusieurs années
peut poser problème. D’autres questions restent en suspens : la stimulation vagale est-elle optimale, en
durée, en intensité ? Faut-il considérer la mortalité toutes causes ou
cardiovasculaire seulement compte
tenu du fait que 30 % des décès ne
STV, vol. 28, no 5, septembre-octobre 2016
sont pas d’origine cardiaque dans
cette population ? Tous ces résultats
ne sont pas très encourageants pour
investir dans un grand essai multicentrique randomisé.
Liens d’intérêts : l’auteur déclare
n’avoir aucun lien d’intérêt en
rapport avec l’article.
Références
1. Hauptman PJ, Schwartz PJ, Gold MR, et
al. Rationale and study design of the Increase
of Vagal Tone in Heart Failure study : INOVATE-HF. Am Heart J 2012 ; 163 : 954-62.
2. Gold MR, Van Veldhuisen DJ, Hauptman P, et al. Vagus nerve stimulation for the
treatment of heart failure. The INOVATE-HF
Trial. J Am Coll Cardiol 2016 ; 68 : 149-58.
3. Zannad F, De Ferrari GM, Tuinenburg AE,
et al. Chronic vagal stimulation for the treatment of low ejection fraction heart failure :
results of the neural cardiac therapy for heart
failure (NECTAR-HF) randomized controlled
trial. Eur Heart J 2015 ; 36 : 425-33.
4. Premchand RK, Sharma K, Mittal S, et al.
Autonomic regulation therapy via left or right
cervical vagus nerve stimulation in patients with
chronic heart failure : results of the ANTHEMHF Trial. J Card Fail 2014 ; 20 : 808-16.
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Prévention secondaire précoce après un infarctus cérébral mineur ou un accident
ischémique transitoire à haut risque de récidive : ticagrelor ou aspirine ?
Benjamin Maïer, Guillaume Turc
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Centre hospitalier Sainte-Anne, Unité neurovasculaire, 1, rue Cabanis, 75674 Paris cedex 14, France
INSERM UMR S894, Université Paris Descartes
[email protected]
L
e risque de récidive ischémique
est particulièrement élevé dans
les 90 jours suivant un accident ischémique transitoire (AIT)
ou un infarctus cérébral (IC). À ce
jour, l’aspirine reste le traitement de
prévention secondaire de référence
après un AIT ou un IC, bien qu’elle
soit associée à un risque persistant
de récidive de 10 à 15 % à trois
mois [1]. Récemment, de nouveaux
antiagrégants plaquettaires ont vu
le jour, dont le ticagrelor, qui inhibe
directement le récepteur P2Y12 plaquettaire, par opposition au clopidogrel dont l’action sur ce récepteur est
indirecte et donc davantage sujette à
la variabilité interindividuelle.
L’étude SOCRATES (Acute stroke
or transient Ischaemic attack treated
with aspirin or ticagrelor and patient
outcomes), publiée en 2016 dans le
New England Journal of Medicine,
visait à comparer le ticagrelor à l’aspirine sur une période de 90 jours
après un IC mineur ou un AIT à haut
risque de récidive [2].
Cette étude internationale (674 sites
pour 33 pays), randomisée en 1:1 via
un serveur centralisé et conduite en
double-aveugle, a été réalisée de janvier 2014 à octobre 2015. Elle a été
financée par AstraZeneca™, qui produit le ticagrelor. Les analyses ont été
réalisées par AstraZeneca™ sous la direction du comité exécutif de l’étude.
Les patients pouvaient être inclus
s’ils avaient au moins 40 ans et
pouvaient être randomisés dans
les 24 heures suivant l’apparition
d’un IC mineur (défini par un score
NIHSS ≤ 5) ou d’un AIT à haut
risque de récidive (défini par un score
ABCD2 ≥ 4 ou l’existence d’une sténose symptomatique extra ou intracrânienne). Les principaux critères
d’exclusion étaient : l’existence
d’un saignement intracrânien sur
l’imagerie initiale ; une contre-indication au ticagrelor ou à l’aspirine ;
la nécessité d’un autre antithrombotique ; la réalisation d’une thrombolyse ou d’une thrombectomie dans
les 24 heures avant randomisation ;
la prévision d’une intervention de
revascularisation nécessitant l’arrêt
du traitement de l’étude dans les sept
premiers jours ; la suspicion d’une
origine cardio-embolique à l’IC ou
AIT ; la prescription d’un traitement
inhibant fortement le CYP450 3A
ou d’un anti-inflammatoire non stéroïdien pour plus de sept jours. Le
traitement de l’étude était administré
dans les 24 heures après la survenue de l’événement ischémique, les
patients recevant une dose de charge
au plus vite après randomisation.
Les patients randomisés dans le bras
ticagrelor recevaient ainsi le premier
jour une dose de charge de 180 mg,
puis 90 mg matin et soir à partir du
lendemain, ainsi que le placebo de
l’aspirine. Les patients randomisés
dans le bras aspirine recevaient une
dose de charge de 300 mg per os le
premier jour, puis 100 mg par jour,
ainsi que le placebo du ticagrelor.
Le critère de jugement principal,
composite, correspondait au délai
entre la randomisation et la survenue d’un IC, d’une hémorragie
STV, vol. 28, no 5, septembre-octobre 2016
intracrânienne, d’un infarctus du
myocarde ou du décès. Le critère
de jugement secondaire « clé »
était le délai de survenue d’un IC.
Les critères de sécurité étaient le
délai de survenue d’une hémorragie majeure ; l’incidence de chacun
des événements suivants : hémorragie intracrânienne, hémorragies
fatales, effets indésirables graves.
L’analyse principale était en intention de traiter.
Un total de 13 199 patients ont été
randomisés, dont 73 % présentaient
un IC et 27 % un AIT. Parmi eux
6589 patients étaient randomisés
dans le bras ticagrelor et 6 610 dans
le bras aspirine. Les caractéristiques
initiales des patients des deux bras
étaient globalement comparables.
La moyenne d’âge était de 66 ans, et
30 % des patients étaient asiatiques.
Trente-deux pour cent des patients
prenaient de l’aspirine avant l’inclusion. Le critère de jugement principal a pu être analysé pour 98 % des
inclus.
À 90 jours, le critère de jugement principal était survenu chez 442 (6,7 %)
patients du bras ticagrelor et 497
(7,5 %) patients du groupe aspirine
(HR = 0,89 ; IC95 % = [0,78-1,01] ;
P = 0,07). Au vu du plan d’analyse
hiérarchique décidé a priori, l’analyse des autres critères d’efficacité
ne pouvait être considérée qu’exploratoire du fait de la négativité du critère de jugement principal. Il existait
ainsi une diminution non significative
du risque d’IC dans le bras ticagrelor
(5,8 % contre 6,7 % : HR = 0,87 ;
213
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IC95 % = [0,87 ; 1,00]). Les analyses complémentaires ne montraient
pas de modification significative de
l’effet du traitement au sein des différents sous-groupes étudiés, notamment entre les patients asiatiques
et non asiatiques. Concernant les
données de sécurité, il n’y avait pas
plus d’hémorragies majeures (0,5 %
contre 0,6 %), intracrâniennes (0,2 %
contre 0,3 %) ou fatales (0,1 % contre
0,1 %) dans le bras ticagrelor que
dans le bras aspirine. Il y avait cependant davantage d’arrêts de traitement
dans le bras ticagrelor que dans le
bras aspirine (17,5 % contre 14,7 %),
notamment en raison d’une dyspnée,
effet indésirable connu du ticagrelor
(6,2 % contre 1,4 %), ou d’un saignement mineur.
Au total, le ticagrelor, débuté dans
les 24 heures suivant une ischémie
cérébrale non cardio-embolique,
n’apparaît pas supérieur à l’aspirine pour prévenir la survenue d’un
infarctus cérébral, myocardique ou
214
le décès dans les 90 jours. Cependant, bien qu’aucun test d’interaction ne soit significatif au sein des
analyses de sous-groupes, celles-ci
semblent suggérer que le ticagrelor
pourrait être supérieur à l’aspirine
dans deux cas de figure. Premièrement, chez les patients de moins
de 75 ans, et deuxièmement, chez
ceux déjà sous aspirine à l’admission, ces derniers ayant ainsi reçu
une courte bithérapie antiplaquettaire du fait de la durée de l’action
antiagrégante de l’aspirine. Ceci
fait écho aux résultats de l’étude
CHANCE, qui avait montré, au
sein d’une population similaire
(patients à haut risque de récidive
du fait d’un événement très récent,
mais à faible risque de saignement
intracérébral du fait d’un AIT ou
d’un IC mineur) une supériorité de
la bithérapie aspirine – clopidogrel
pendant une courte période (trois
semaines), par rapport à l’aspirine
seule [3]. Une étude SOCRATES 2
STV, vol. 28, no 5, septembre-octobre 2016
pourrait prochainement voir le
jour, comparant cette fois la bithérapie ticagrelor – aspirine à l’aspirine seule, chez les IC mineurs et
les AIT à très haut risque de récidive (ABCD2 ≥ 6).
Liens d’intérêts : co-investigateur
de l'étude SOCRATES.
Références
1. Antithrombotic Trialists’ (ATT) Collaboration, Baigent C, Blackwell L, et al. Aspirin
in the primary and secondary prevention of
vascular disease : collaborative meta-analysis of individual participant data from randomised trials. Lancet 2009 ; 373 : 1849-60.
2. Johnston SC, Amarenco P, Albers AW,
et al. Ticagrelor versus aspirin in acute stroke
or transient ischemic attack. N Engl J Med
2016 ; 375 : 35-43.
3. Wang Y, Wang Y, Zhao X, et al. Clopidogrel with aspirin in acute minor stroke or
transient ischemic attack. N Engl J Med 2013;
369: 11-19.
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