Actualités Effets du liraglutide en prévention cardiovasculaire chez des diabétiques de type 2 : résultats de l’étude LEADER Tiphaine Vidal-Trécan Hôpital Lariboisière, Service d’endocrinologie, diabétologie et nutrition, 2, rue Ambroise Paré, 75475 Paris Cedex 10, France [email protected] doi : 10.1684/stv.2016.0941 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. L es patients présentant un diabète de type 2 ont un risque de morbimortalité cardiovasculaire accru. La prise en charge de l’équilibre glycémique réduit les complications microangiopathiques (rétinopathie, néphropathie, etc.) mais les bénéfices en termes de macroangiopathie (cardiopathie ischémique, accident vasculaire cérébral [AVC], artériopathie oblitérante des membres inférieurs [AOMI], etc.) sont encore incertains. Certaines thérapeutiques hypoglycémiantes ont même montré des signaux d’alerte en termes d’insuffisance cardiaque. Depuis, les autorités de santé mondiales (Food and Drug Administration [FDA], European Medicines Agency [EMA]) recommandent donc pour la commercialisation de tous les nouveaux médicaments hypoglycémiants la réalisation d’études de sécurité cardiovasculaire. Le liraglutide (Victoza®) est un agoniste des récepteurs au GLP1 (Glucagon-like Peptide 1) de longue durée d’action qui a l’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans la prise en charge du diabète de type 2 dès le stade de la bithérapie (en association à la metformine ou aux sulfamides hypoglycémiants). Ce traitement appartient à la classe des incrétinomimétiques. Les analogues du GLP1 agissent à différents niveaux : ils favorisent la sécrétion d’insuline lors de l’absorption intestinale de glucose (effet incrétine), ralentissent la vidange gastrique et ont un effet satiétogène. Le liraglutide permet ainsi une réduction de l’hémoglobine glycquée de plus de 1 % (jusqu’à 2 %), une réduction pondérale d’environ 3 kg et une diminution modérée de la pression artérielle systolique. Le liraglutide est administré par voie injectable (sous cutanée) de manière quotidienne. L’étude LEADER est une étude multicentrique (410 sites, 32 pays), randomisée en double insu contre placebo dont l’objectif est d’évaluer le retentissement cardiovasculaire du liraglutide. Les patients ont été randomisés selon un ratio 1:1 (liraglutide 1,8 mg/j versus placebo injectable) avec une durée minimale de suivi de 42 mois. Les analyses ont été faites en intention de traiter. Les patients inclus étaient diabétiques de type 2 (HbA1c ≥ 7 %) en prévention cardiovasculaire secondaire (âgés de plus de 50 ans et présentant une cardiopathie ischémique, une maladie cérébrovasculaire, une artérite oblitérante des membres inférieurs ou une insuffisance cardiaque connue) ou à très haut risque cardiovasculaire (âgés de plus de 60 ans et présentant une insuffisance rénale chronique stade 3, une néphropathie dès le stade de la microalbuminurie ou une hypertrophie ventriculaire gauche [HVG]). Ont été exclus les diabétiques de type 1, les patients ayant eu un événement cardiovasculaire dans les 14 jours précédents la randomisation et ceux sous incrétinomimétiques ou insulines rapides. Le critère de jugement principal est classique (événements cardiovasculaires majeurs : mort d’origine cardiovasculaire, infarctus du myocarde non mortel et accident STV, vol. 28, no 5, septembre-octobre 2016 vasculaire cérébral non mortel). Les critères secondaires comportent un autre critère composite (comprenant en plus des éléments précédents la revascularisation coronaire, l’hospitalisation pour angor instable ou insuffisance cardiaque) et la mortalité toute cause. Comme il s’agit d’une étude de sécurité cardiovasculaire, les analyses statistiques ont d’abord été réalisées en « non-infériorité » puis en « supériorité ». Au total, 9 340 patients ont été randomisés de septembre 2010 à avril 2012 et suivis pendant une durée moyenne de 3,8 ans : 4 668 dans le bras liraglutide (dose médiane quotidienne reçue : 1,78 mg/j) versus 4 672 dans le bras placebo ; 97 % et 96,6 % des patients respectivement ont terminé l’étude. Il s’agit de patients à très haut risque cardiovasculaire : hommes en majorité (64 %), d’âge médian 64 ans, diabétiques depuis 12,7 ans en moyenne, mal contrôlés : HbA1c initiale 8,7 %, obèses (IMC 32,5 kg/m²), en prévention cardiovasculaire secondaire dans 82 % des cas, néphropathes dans 24 % des cas. Le critère de jugement principal est survenu moins souvent dans le bras liraglutide (608 patients [13,0 %]) que dans le groupe placebo (694 [14,9 %]) : soit un risque relatif de 0,87 ; IC95%, 0,78-0, 97 ; P = 0,01 en supériorité). Cet effet semble principalement lié à la réduction significative de la mortalité (8,2 % versus 9,6 %, RR 0,85 (0,74-0,97, p = 0,02) et en particulier de la mortalité cardiovasculaire (RR 0,78 ; IC95%, 0,66-0,93 ; 209 Actualités Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. P = 0,007). Par contre, il n’y a qu’une tendance non significative à la réduction des infarctus et AVC non mortels ainsi qu’une réduction non significative du nombre d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque dans le groupe liraglutide. Ceci est rassurant car c’était un signal intrigant des premières études de sécurité cardiovasculaire des inhibiteurs de DPPIV (dipeptidyl peptidase-4 – autres incrétinomimétiques [saxagliptine, étude SAVOR]). Cette réduction du risque d’événement cardiovasculaire semble apparaître après un an de traitement. Toutefois, il faut retenir des différences significatives entre les deux groupes en fin d’études : notamment une réduction de l’HbA1c plus importante dans le groupe liraglutide de -0,4 %, -0,450,34), une perte de poids plus importante dans le groupe liraglutide 2,3 kg (2,5-2,0), une diminution plus importante de la pression artérielle systolique dans le groupe liraglutide 1,2 mmHg (1,9-0,5) et une augmentation de la fréquence cardiaque de 3,0 battements par minute (2,5-3,4). De plus, il y a eu un recours plus important dans le groupe placebo aux traitements diurétiques. Au total, le nombre de patients à traiter pour prévenir un événement cardiovasculaire en trois ans serait de 66 pour le critère principal et de 98 pour la mortalité toute cause. Cette étude est la première à montrer un effet bénéfique cardiovasculaire pour cette classe thérapeutique. En effet, l’étude de sécurité cardiovasculaire ELIXA, comparant l’effet du lixisénatide (analogue du GLP1 de courte durée d’action et de structure différente du liraglutide) au placebo n’avait pas montré de bénéfice cardiovasculaire chez des patients diabétiques ayant présenté un 210 événement coronaire récent (moins de 30 jours), de même que les autres études impliquant des inhibiteurs de DPPIV (autres incrétinomimétiques). Toutefois, l’étude ELIXA était de plus courte durée (deux ans de suivi) et les patients étaient mieux équilibrés sur le plan glycémique à l’entrée dans l’étude. Aucune explication de cette différence n’a été proposée pour l’instant par les auteurs hormis une puissance statistique supérieure. On ne peut donc pas conclure pour l’instant à un effet « classe ». Cette étude est la deuxième à montrer un effet bénéfique cardiovasculaire des antidiabétiques. En effet, l’étude de sécurité cardiovasculaire EMPA-REG, comparant l’effet de l’empagliflozine (inhibiteur sélectif de SGLT2) au placebo a montré une réduction de 14 % du risque cardiovasculaire. Toutefois, les effets du liraglutide semblent moins importants cliniquement et surtout moins précoces (12 mois versus 3 mois) que ceux de l’empagliflozine. L’hypothèse physiopathologique des bénéfices cardiovasculaires du liraglutide, proposée par les auteurs, serait le ralentissement de la progression de la maladie vasculaire et non un effet hémodynamique. Les effets indésirables, les plus rapportés sont digestifs (nausées, vomissements, douleurs, abdominales et diarrhées) ce qui est classique avec cette classe thérapeutique. Il faut souligner aussi l’augmentation significative de la fréquence des lithiases vésiculaires (3,1 % versus 1,9 %, p < 0,001) ce qui est moins connu. Il y a eu moins d’hypoglycémies dans le groupe liraglutide que dans le bras placebo, mais les patients sous liraglutide ont reçu moins de traitement insulinosécréteurs STV, vol. 28, no 5, septembre-octobre 2016 et moins d’insulinothérapie ont été introduites au cours de l’étude. Il y a une tendance non significative à l’augmentation des cancers toutes causes confondues et en particulier pancréatique (13 cas confirmés histologiquement dans le groupe liraglutide versus 5 dans le bras placebo, p = 0,06). Il semblerait après analyse des causes de décès, qu’il faille imputer quatre décès supplémentaires par néoplasie pancréatique dans le bras placebo (soit 13 versus 9), ce qui tempère le signal. Il faut ajouter que le diabète en soi augmente le risque de développer un cancer du pancréas. Concernant la sécurité de ce médicament, il faudra surveiller en pharmacovigilance la survenue de cancers pancréatiques. En conclusion, on peut retenir que le liraglutide est dans une population à très haut risque cardiovasculaire, le deuxième traitement antidiabétique à montrer un bénéfice cardiovasculaire, relativement précoce, sans lien direct évident avec le contrôle glycémique, sans effets indésirables majeurs et s’accompagnant même d’une réduction pondérale. C’est donc un antidiabétique qui devrait satisfaire les exigences des diabétologues et des cardiologues ! Liens d’intérêts : l'auteur déclare n'avoir aucun lien d'intérêt en rapport avec cet article. Références 1. Marso SP. LEADER. N Engl J Med 2016 ; 375 : 311-22. 2. Pfeffer MA. ELIXA. N Engl J Med 2015 ; 373 : 2247-57. 3. Scirica BM. SAVOR-TIMI. N Engl J Med 2013 ; 369 : 1317-26. 4. Zinman B. EMPA-REG. Cardiovasc Diabetol 2014 ; 13 : 102. Actualités Stimulation du nerf vague au cours de l’insuffisance cardiaque Jean-Michel Juliard Hôpital Bichat, Service de cardiologie, Paris, France [email protected] Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. L’ insuffisance cardiaque est un problème majeur de santé publique qui s’accroît au même rythme que le vieillissement de la population. Malgré d’importants progrès pharmacologiques, ces patients ont une survie réduite et une altération majeure de la qualité de vie. Le développement de traitements non médicamenteux au cours des dernières années, notamment la resynchronisation par stimulation multisites, a contribué à une amélioration de la survie de ces patients. Le déséquilibre au sein du système nerveux autonome, entre l’activité sympathique (augmentée, à l’origine du bénéfice des béta-bloquants) et l’activité parasympathique (diminuée) a vu apparaître sur le marché plusieurs systèmes dédiés pour accroître la stimulation vagale. L’approche pharmacologique (effet modeste des inhibiteurs de l’enzyme de conversion) pour accroître l’activité du système parasympathique est restée décevante. Plusieurs systèmes mécaniques ont été développés pour accroître le tonus parasympathique comme les stimulations du barorécepteur, du nerf vague ou de la moelle épinière. L’étude INOVATE-HF est la première étude randomisée concernant l’effet de la stimulation du nerf vague en cas d’insuffisance cardiaque à fonction systolique altérée (fraction d'éjection du ventricule gauche – FE VG ⱕ 40%). Le système implanté consiste en une électrode de détection positionnée dans le ventricule droit reliée à une électrode de stimulation sur le nerf vague droit (petit brassard appliqué sur le nerf vague), reliée à un stimulateur (CardioFit system) [1] (figure 1). La figure 2 montre un exemple d’implantation du système chez un patient déjà porteur d’un pacemaker de resynchronisation. L’étude INOVATE-HF a été une étude randomisée (randomisation 3/2), internationale (85 centres) entre stimulation vagale plus traitement médical versus traitement médical. Les patients étaient symptomatiques (classe III NYHA) avec une FE altérée (ⱕ 40%) [2]. Le critère de jugement principal était le décès toutes causes ou la première poussée d’insuffisance cardiaque (nécessitant ou non une hospitalisation). L’essai a inclus 707 patients (271 dans le groupe témoin et 436 dans le groupe stimulation) avec un suivi moyen de 16 mois. Il n’y a pas eu de différence sur les taux d’événements, 132 dans le groupe stimulation versus 70 dans le groupe témoin (30,3 % versus 25,8 %, HR 1,14, IC95 % : 0,86-1,53, p = 0,37). Le taux annuel de mortalité a été de 9,3 % dans le groupe stimulation contre 7,1 % dans le groupe témoin (p = 0,19). La qualité de vie (évalué par la classification NYHA (New York Heart Association) et le test de marche 6 minutes) a été plus favorablement améliorée dans le Vagus nerve cuff electrode Standard intracardiac electrode CardioFit® stimulator Gauche : CardioFit Stimulator (Stimulateur CardioFit) ; droite : schéma d’implantation, Standard Intracardiac Electrode (électrode de détection intracardiaque) ; Vagus Nerve Cuff Electrode (électrode de stimulation du nerf vague sous la forme d’un petit brassard). Figure 1. Matériel de stimulation [1]. STV, vol. 28, no 5, septembre-octobre 2016 211 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Actualités Gauche : boîtier de stimulation du nerf vague ; droite : boîtier de stimulation pour resynchronisation. Figure 2. Radiographie pulmonaire d’un patient implanté. groupe stimulation. Pas de différence sur les paramètres de fonction ventriculaire gauche. La sécurité du système de stimulation vagale était satisfaisante sans effet indésirable grave. Au-delà d’un traitement médical optimal (dans chaque groupe, 93 % recevaient des béta-bloquants, 90 % des inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) ou antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II (ARA II), 60 % un anti-aldostérone et 75 % un diurétique), la stimulation vagale ne réduisait pas la mortalité ni les poussées d’insuffisance cardiaque. La qualité de vie était améliorée. Les effets délétères du tonus parasympathique dans la physiopathologie de l’insuffisance cardiaque ne sont pas clairement élucidés : rôle de la bradycardie, effet inotrope négatif médié via le récepteur muscarinique M2 ? Deux essais randomisés de petite taille ont été publiés récemment. L’essai NECTAR-HF (Neurocardiac Therapy for Heart Failure Study) ayant inclus 96 patients avec comme objectif un changement significatif 212 sur le volume télésystolique du VG, qui n’a pas été amélioré par la stimulation vagale [3]. Il y avait une amélioration de la qualité de vie. Par contre, au cours de l’essai ANTHEM-HF (60 patients randomisés), en utilisant la stimulation du nerf vague, soit droit soit gauche, il a été mis en évidence une amélioration significatif du remodelage ventriculaire [4]. Il existe encore des interrogations quant à l’efficacité de la stimulation vagale sur le pronostic de l’insuffisance cardiaque, ainsi que la sécurité du système à long terme. On peut regretter l’absence de shame procédure (afin de mieux apprécier l’effet placebo éventuel sur l’amélioration de la qualité de vie) mais laisser en place à long terme un système implantable inopérant pendant plusieurs années peut poser problème. D’autres questions restent en suspens : la stimulation vagale est-elle optimale, en durée, en intensité ? Faut-il considérer la mortalité toutes causes ou cardiovasculaire seulement compte tenu du fait que 30 % des décès ne STV, vol. 28, no 5, septembre-octobre 2016 sont pas d’origine cardiaque dans cette population ? Tous ces résultats ne sont pas très encourageants pour investir dans un grand essai multicentrique randomisé. Liens d’intérêts : l’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article. Références 1. Hauptman PJ, Schwartz PJ, Gold MR, et al. Rationale and study design of the Increase of Vagal Tone in Heart Failure study : INOVATE-HF. Am Heart J 2012 ; 163 : 954-62. 2. Gold MR, Van Veldhuisen DJ, Hauptman P, et al. Vagus nerve stimulation for the treatment of heart failure. The INOVATE-HF Trial. J Am Coll Cardiol 2016 ; 68 : 149-58. 3. Zannad F, De Ferrari GM, Tuinenburg AE, et al. Chronic vagal stimulation for the treatment of low ejection fraction heart failure : results of the neural cardiac therapy for heart failure (NECTAR-HF) randomized controlled trial. Eur Heart J 2015 ; 36 : 425-33. 4. Premchand RK, Sharma K, Mittal S, et al. Autonomic regulation therapy via left or right cervical vagus nerve stimulation in patients with chronic heart failure : results of the ANTHEMHF Trial. J Card Fail 2014 ; 20 : 808-16. Actualités Prévention secondaire précoce après un infarctus cérébral mineur ou un accident ischémique transitoire à haut risque de récidive : ticagrelor ou aspirine ? Benjamin Maïer, Guillaume Turc Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Centre hospitalier Sainte-Anne, Unité neurovasculaire, 1, rue Cabanis, 75674 Paris cedex 14, France INSERM UMR S894, Université Paris Descartes [email protected] L e risque de récidive ischémique est particulièrement élevé dans les 90 jours suivant un accident ischémique transitoire (AIT) ou un infarctus cérébral (IC). À ce jour, l’aspirine reste le traitement de prévention secondaire de référence après un AIT ou un IC, bien qu’elle soit associée à un risque persistant de récidive de 10 à 15 % à trois mois [1]. Récemment, de nouveaux antiagrégants plaquettaires ont vu le jour, dont le ticagrelor, qui inhibe directement le récepteur P2Y12 plaquettaire, par opposition au clopidogrel dont l’action sur ce récepteur est indirecte et donc davantage sujette à la variabilité interindividuelle. L’étude SOCRATES (Acute stroke or transient Ischaemic attack treated with aspirin or ticagrelor and patient outcomes), publiée en 2016 dans le New England Journal of Medicine, visait à comparer le ticagrelor à l’aspirine sur une période de 90 jours après un IC mineur ou un AIT à haut risque de récidive [2]. Cette étude internationale (674 sites pour 33 pays), randomisée en 1:1 via un serveur centralisé et conduite en double-aveugle, a été réalisée de janvier 2014 à octobre 2015. Elle a été financée par AstraZeneca™, qui produit le ticagrelor. Les analyses ont été réalisées par AstraZeneca™ sous la direction du comité exécutif de l’étude. Les patients pouvaient être inclus s’ils avaient au moins 40 ans et pouvaient être randomisés dans les 24 heures suivant l’apparition d’un IC mineur (défini par un score NIHSS ≤ 5) ou d’un AIT à haut risque de récidive (défini par un score ABCD2 ≥ 4 ou l’existence d’une sténose symptomatique extra ou intracrânienne). Les principaux critères d’exclusion étaient : l’existence d’un saignement intracrânien sur l’imagerie initiale ; une contre-indication au ticagrelor ou à l’aspirine ; la nécessité d’un autre antithrombotique ; la réalisation d’une thrombolyse ou d’une thrombectomie dans les 24 heures avant randomisation ; la prévision d’une intervention de revascularisation nécessitant l’arrêt du traitement de l’étude dans les sept premiers jours ; la suspicion d’une origine cardio-embolique à l’IC ou AIT ; la prescription d’un traitement inhibant fortement le CYP450 3A ou d’un anti-inflammatoire non stéroïdien pour plus de sept jours. Le traitement de l’étude était administré dans les 24 heures après la survenue de l’événement ischémique, les patients recevant une dose de charge au plus vite après randomisation. Les patients randomisés dans le bras ticagrelor recevaient ainsi le premier jour une dose de charge de 180 mg, puis 90 mg matin et soir à partir du lendemain, ainsi que le placebo de l’aspirine. Les patients randomisés dans le bras aspirine recevaient une dose de charge de 300 mg per os le premier jour, puis 100 mg par jour, ainsi que le placebo du ticagrelor. Le critère de jugement principal, composite, correspondait au délai entre la randomisation et la survenue d’un IC, d’une hémorragie STV, vol. 28, no 5, septembre-octobre 2016 intracrânienne, d’un infarctus du myocarde ou du décès. Le critère de jugement secondaire « clé » était le délai de survenue d’un IC. Les critères de sécurité étaient le délai de survenue d’une hémorragie majeure ; l’incidence de chacun des événements suivants : hémorragie intracrânienne, hémorragies fatales, effets indésirables graves. L’analyse principale était en intention de traiter. Un total de 13 199 patients ont été randomisés, dont 73 % présentaient un IC et 27 % un AIT. Parmi eux 6589 patients étaient randomisés dans le bras ticagrelor et 6 610 dans le bras aspirine. Les caractéristiques initiales des patients des deux bras étaient globalement comparables. La moyenne d’âge était de 66 ans, et 30 % des patients étaient asiatiques. Trente-deux pour cent des patients prenaient de l’aspirine avant l’inclusion. Le critère de jugement principal a pu être analysé pour 98 % des inclus. À 90 jours, le critère de jugement principal était survenu chez 442 (6,7 %) patients du bras ticagrelor et 497 (7,5 %) patients du groupe aspirine (HR = 0,89 ; IC95 % = [0,78-1,01] ; P = 0,07). Au vu du plan d’analyse hiérarchique décidé a priori, l’analyse des autres critères d’efficacité ne pouvait être considérée qu’exploratoire du fait de la négativité du critère de jugement principal. Il existait ainsi une diminution non significative du risque d’IC dans le bras ticagrelor (5,8 % contre 6,7 % : HR = 0,87 ; 213 Actualités Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. IC95 % = [0,87 ; 1,00]). Les analyses complémentaires ne montraient pas de modification significative de l’effet du traitement au sein des différents sous-groupes étudiés, notamment entre les patients asiatiques et non asiatiques. Concernant les données de sécurité, il n’y avait pas plus d’hémorragies majeures (0,5 % contre 0,6 %), intracrâniennes (0,2 % contre 0,3 %) ou fatales (0,1 % contre 0,1 %) dans le bras ticagrelor que dans le bras aspirine. Il y avait cependant davantage d’arrêts de traitement dans le bras ticagrelor que dans le bras aspirine (17,5 % contre 14,7 %), notamment en raison d’une dyspnée, effet indésirable connu du ticagrelor (6,2 % contre 1,4 %), ou d’un saignement mineur. Au total, le ticagrelor, débuté dans les 24 heures suivant une ischémie cérébrale non cardio-embolique, n’apparaît pas supérieur à l’aspirine pour prévenir la survenue d’un infarctus cérébral, myocardique ou 214 le décès dans les 90 jours. Cependant, bien qu’aucun test d’interaction ne soit significatif au sein des analyses de sous-groupes, celles-ci semblent suggérer que le ticagrelor pourrait être supérieur à l’aspirine dans deux cas de figure. Premièrement, chez les patients de moins de 75 ans, et deuxièmement, chez ceux déjà sous aspirine à l’admission, ces derniers ayant ainsi reçu une courte bithérapie antiplaquettaire du fait de la durée de l’action antiagrégante de l’aspirine. Ceci fait écho aux résultats de l’étude CHANCE, qui avait montré, au sein d’une population similaire (patients à haut risque de récidive du fait d’un événement très récent, mais à faible risque de saignement intracérébral du fait d’un AIT ou d’un IC mineur) une supériorité de la bithérapie aspirine – clopidogrel pendant une courte période (trois semaines), par rapport à l’aspirine seule [3]. Une étude SOCRATES 2 STV, vol. 28, no 5, septembre-octobre 2016 pourrait prochainement voir le jour, comparant cette fois la bithérapie ticagrelor – aspirine à l’aspirine seule, chez les IC mineurs et les AIT à très haut risque de récidive (ABCD2 ≥ 6). Liens d’intérêts : co-investigateur de l'étude SOCRATES. Références 1. Antithrombotic Trialists’ (ATT) Collaboration, Baigent C, Blackwell L, et al. Aspirin in the primary and secondary prevention of vascular disease : collaborative meta-analysis of individual participant data from randomised trials. Lancet 2009 ; 373 : 1849-60. 2. Johnston SC, Amarenco P, Albers AW, et al. Ticagrelor versus aspirin in acute stroke or transient ischemic attack. N Engl J Med 2016 ; 375 : 35-43. 3. Wang Y, Wang Y, Zhao X, et al. Clopidogrel with aspirin in acute minor stroke or transient ischemic attack. N Engl J Med 2013; 369: 11-19.