
CE QUI S’EST PASSE EN 2011
INTRODUCTION
Dans la vague d‟émeutes, de soulèvements qui ont frappé les pays arabes depuis décembre
2010, l‟Égypte est arrivée en deuxième position sur la scène, après la Tunisie, mais avec des
différences extraordinaires pas seulement à cause de la taille du pays et de son importance
géopolitique, pas seulement à cause du nombre de morts (864) et de blessés (environ 9 000), pas
seulement à cause d‟un arrière-plan économique et d‟un développement capitaliste différents mais
parce que les deux principaux acteurs du changement de régime n‟ont pas été les mêmes. En
Égypte, c‟est un compromis social entre l‟armée et les Frères musulmans, apparu rapidement
(mais pas au commencement du mouvement), qui a donné le tempo des événements.
Contrairement à la Tunisie, il n‟y a pas de syndicat comme l‟UGTT encore moins de
partis politiques capables de jouer un rôle. Et ce compromis fonctionne toujours, comme les
résultats du référendum sur les réformes constitutionnelles l‟ont prouvé en mars. Mais comme tout
compromis, chaque partie essaye de faire pencher le balancier en sa faveur au détriment de
l‟autre. Le 7 juillet, l‟Égypte refuse un prêt de 3 milliards de dollars du FMI, après l‟avoir
sollicité. En lieu et place, elle fait le choix d‟un prêt auprès des banques islamiques. C‟est une
claire victoire des Frères contre l‟armée, celle-ci étant en faveur d‟un prêt du FMI.
À l‟intérieur de cet espace réduit, le mouvement contre le régime de Moubarak et pour des
revendications démocratiques a essayé de se frayer un chemin mais, jusqu‟à maintenant, n‟a pas
été capable, tout en faisant beaucoup de tentatives, de dépasser les limites dont il souffre depuis le
début. Demeurant désespérément minoritaire, il n‟est pas capable de s‟adjoindre toutes les
couches de la société égyptienne y compris les plus pauvres des plus pauvres vivants dans les
bidonvilles du Caire sans parler des paysans pauvres représentant encore 40 % de la population.
Même dans les secteurs ouvriers du prolétariat égyptien, les exemples ne sont pas si
lumineux ou du moins pas tellement enthousiasmants sauf si l‟on reste au niveau superficiel des
« grèves », « mécontentement », « quelque chose se passe ». Evidemment le manque de données
précises et détaillées est un fardeau qui empêche de porter des jugements définitifs. Néanmoins, la
classe ouvrière tout en ayant été un poids parmi d‟autres qui a favorisé la chute de Moubarak, ne
s‟est pas manifestée par des grèves ou des agitations dans des secteurs importants comme les
usines dont l‟armée est propriétaire ou le secteur du tourisme industriel tandis que d‟autres
secteurs ont continué de s‟agiter.
L‟Égypte est importante sur la scène moyen-orientale pour des raisons tant géopolitiques
que religieuses. Les États-Unis, conscients de ce qui était arrivé en Tunisie, ont favorisé la
réforme par en haut et ont préféré voir les Frères musulmans participer à un compromis plutôt que
se figer dans une opposition, mais ils continuent d‟observer les évolutions de la situation, parce
que, dans le monde sunnite, Le Caire est en train de regagner la prééminence contre La Mecque et
l‟Arabie saoudite qui est toujours leur meilleur partenaire dans la région.
Ce qui est sûr, c‟est que dans tous les pays arabes et aussi en Égypte, les personnes ne
luttent pas pour le communisme (quoi qu‟on mette derrière ce mot, au minimum une société sans
classes) mais pour la démocratie. Et ce que l‟on doit expliquer c‟est ce que signifient la
démocratie et toutes les revendications démocratiques en regardant profondément ce qui se passe
dans ces pays même sous le parapluie d‟une armée toujours puissante. De ce constat, et comme
l‟acteur principal de la transformation vers le communisme est absent de la première ligne en tant
que tel, nous devons nous demander si la démocratie est « le fusil à l‟épaule du prolétariat » ou
« le piège capitaliste le plus efficace contre le prolétariat ». Peut-être un peu des deux.