Vaccin de la grippe A(H1N1)v et grossesse Isabelle Lacroix, Christine Damase-Michel, Jean-Louis Montastruc Durant la campagne nationale de vaccination contre la grippe A (H1N1)v, débutée le 20 octobre 2009 en France, un programme organisé et coordonné par l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSaPS) a été mis en place, avec la participation de l’ensemble des Centres Régionaux de Pharmacovigilance (CRPVs) et des firmes Pharmaceutiques commercialisant les vaccins, pour assurer la sécurité d’emploi des vaccins grippaux A (H1N1)v. Le Centre Midi-Pyrénées de Pharmacovigilance a été chargé, en collaboration étroite avec l’AFSSaPS, du suivi des effets indésirables des vaccins antigrippe A (H1N1)v (PANDEMRIX°, PANENZA°, CELVAPAN°, FOCETRIA°, HUMENZA°). Nous rapportons les résultats du suivi des effets indésirables du vaccin chez les femmes enceintes. Nous avons analysé tous les cas d’effets indésirables enregistrés dans la Banque Nationale de Pharmacovigilance entre le 21 Octobre 2009 et le 28 Mars 2010 et discutons les résultats de ce suivi intensif des effets indésirables du vaccin de la grippe A (H1N1)v chez les femmes enceintes. Grippe et grossesse On observe chez les femmes enceintes une majoration des complications et des hospitalisations liées à la grippe saisonnière par rapport à la population générale. La grossesse semble constituer un terrain prédisposant aux complications pour la grippe A (H1N1)v. Le risque maternel est plus élevé au cours des 2ème et 3ème trimestres. Aux Etats-Unis, entre Avril et Décembre 2009, 66% des femmes enceintes infectées ont été hospitalisées. Le taux d’hospitalisation est plus élevé chez les femmes enceintes qu’en population générale. La grossesse semble également apparaître comme un facteur de risque de décès : 30 des 788 femmes enceintes infectées sont décédées des suites de la grippe. Recommandations officielles Compte-tenu de ces risques, les recommandations officielles Françaises et Internationales ont été de vacciner les femmes enceintes à partir du deuxième trimestre de grossesse avec un vaccin sans adjuvant. En France le vaccin PANENZA° était recommandé chez les femmes enceintes. Néanmoins, il n’existe aucune donnée concernant l’exposition à ce vaccin antigrippe A (H1N1)v chez la femme enceinte. Vaccins antigrippe saisonnière et grossesse Les données concernant le vaccin contre la grippe saisonnière sont relativement nombreuses (plus de 4000 femmes enceintes suivies) et rassurantes. Une étude clinique comparative en double aveugle n’a pas retrouvé de différence significative concernant les issues de grossesse entre 172 femmes enceintes vaccinées contre la grippe et des témoins. Une étude prospective a comparé 189 femmes enceintes vaccinées à 517 témoins (femmes enceintes non vaccinées) et n’a pas montré de différence entre les 2 groupes pour le taux de malformations, les complications maternelles, périnatales ou néonatales. Une étude rétrospective comparant 225 femmes enceintes vaccinées à plus de 6931 témoins n’a pas observé non plus d’augmentation des complications au cours de la grossesse ou néonatales. Les enfants ont été suivis jusqu’à 6 mois dans cette étude. Une autre étude rétrospective a comparé 3719 femmes enceintes vaccinées à 45 866 témoins et n’a pas retrouvé d’augmentation du risque de complications après vaccination. Enfin, différentes études rétrospectives non comparatives ont été publiées et rapportent des données rassurantes. Vaccin antigrippe A(H1N1) et grossesse Nous avons analysé tous les cas d’effets indésirables enregistrés dans la Banque Nationale de Pharmacovigilance entre le 21 Octobre 2009 et le 28 Mars 2010. Un total de 30 cas d’effets indésirables graves chez la femme enceinte a été notifié aux Centres Régionaux de Pharmacovigilance et à l’AFSSAPS dont 13 cas de mort intra-utérine (MIU), 12 fausses couches spontanées (FCS) et 5 autres divers. Les MIU sont survenues en moyenne à 30 ± 6 semaines d’aménorrhée. Le délai d’apparition des MIU après la vaccination est en moyenne de 7,9 ± 7,5 jours (avec des extrêmes allant de 1 à 23 jours). Dans 3 cas, nous disposons des résultats de l’autopsie : un examen anatomopathologique normal, un cas de canal artériel difficilement perméable, un cas avec de nombreuses squames dans les alvéoles pulmonaires laissant supposer une souffrance fœtale chronique. Pour 6 cas, des facteurs de risque de MIU ont été identifiés (striction du cordon ombilical, prééclampsie, syndrome transfuseur-transfusé, môle hydatiforme, infection à EBV et streptocoque D). Les FCS sont survenues en moyenne à 13,3 ± 6,1 semaines d’aménorrhée avec des extrêmes allant de 4 à 21. Le délai d’apparition des FCS après la vaccination est en moyenne de 17,2 ± 16,0 jours avec des extrêmes allant de 1 à 56. Dans 3 cas, un examen anatomopathologique a été pratiqué et s’est révélé normal. Dans 2 cas, des étiologies non médicamenteuses ont été évoquées (circulaire serrée du cordon ombilical, infection par les virus HHV8 chez une patiente HIV +). Les 5 autres cas correspondent à 1 mort néonatale, 1 tachycardie fœtale, 1 cas de contractions utérines et de troubles du rythme cardiaque fœtal, 1 détresse respiratoire et 1 anamnios avec retard de croissance intra-utérin. En population générale, la prévalence des MIU est d’environ 3 pour 1000 grossesses, celle des FCS d’environ 10%. Le nombre de cas notifiés de MIU et FCS reste donc faible par rapport au nombre de cas attendus. Ainsi, nous n’avons pas pu mettre en évidence, à ce jour, de signal concernant d’éventuels effets indésirables « graves » ou encore « inattendus » de la vaccination contre la grippe A(H1N1)v chez la femme enceinte. Les études épidémiologiques en cours permettront de préciser la fréquence des différents évènements (FCS, MIU,…) chez les femmes enceintes vaccinées.