4 THÉÂTRE
NOVEMBRE 2016 / N°248
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errasse
a
errasse NOVEMBRE 2016 / N°248 THÉÂTRE 5
SIGNALÉTIQUE
Chers amis, seules sont annotées par le sigle défini ci-contre
les pièces auxquelles nous avons assisté. Mais pour que votre panorama du mois soit
plus complet, nous ajoutons aussi des chroniques, portraits, entretiens, articles sur des
manifestations que nous n’avons pas encore vues mais qui nous paraissent intéressantes.
CRITIQUE
theatredelaville-paris.com 01 42 74 22 77
LE THÉÂTRE DE LA VILLE
ÀL’ESPACE
PIERRE CARDIN
1, AVENUE GABRIEL PARIS 8
OUVERTURE LE 25/11
DEUX WEEKENDS
THÉÂTREIDANSEIMUSIQUEI
CIRQUEIATELIERS PARTICIPATIFS
26 ARTISTES RÉUNIS
Akram Khan, Fabrice Melquiot,
Ambra Senatore, Loïc Touzé,
Laurene Durantel, Jordi Galí,
Yann Frisch, Darragh McLoughlin,
Saeid Shanbehzadeh, Stereoptik...
À DÉCOUVRIR
EN FAMILLE
LES 25/27 NOVEMBRE
&2/4 DÉCEMBRE 2016
SAISON 16-17
LE THÉÂTRE
DANS LA VILLE
© ANN VERONICA JANSSENS, 2011
Avec
David Ayala, Geofrey Carey, Éric Caruso,
Chistiane Cohendy, Anne Comte,
Valérie Crouzet, Simon Delétang, Sava Lolov,
Philippe Magnan, Mickaël Pinelli
Texte français Jean-Michel Déprats
Scénographie et costumes Graciela Galán
Lumière Franck Thévenon
Son Jean-Louis Imbert
Maquillage et coifure Cécile Kretschmar
Assistante à la mise en scène Louise Vignaud
TABLEAU
D’UNE
EXÉCUTION
De HOWARD BARKER
Mise en scène CLAUDIA STAVISKY
CRÉATION
04 72 77 40 00 | www.celestins-lyon.org
CORRIDA - Illustration : François Roca.
Licences : 127841 / 127842 / 127843
ENTRETIEN
théâtre nAtionAl De lA colline
D’APrèS JOHN MAXWELL COETZEE / meS
DISGRÂCE
Disgrâce
Disgrâce ?
Jean-Pierre Baro : C’est un Afrikaner, un
homme blanc qui vit dans l’Afrique du Sud pos-
tapartheid. Je dis qu’il est blanc, mais je tiens
à préciser que l’une des forces de l’écriture de
Coetzee est de ne jamais révéler explicitement
la couleur de peau de ses personnages. David
Lurie enseigne la poésie romantique à l’uni-
versité du Cap. Ce quinquagénaire est un jour
accusé de harcèlement sexuel par l’une de ses
étudiantes. Et une fois de plus, comme pour la
couleur de peau des personnages, ici, rien n’est
clair. On ne sait pas vraiment s’il s’agit d’une
agression ou si la jeune femme était consen-
tante. C’est d’ailleurs ce qui est passionnant
pour un metteur en scène. Dans
Disgrâce
, on
est toujours à un endroit de trouble et de non-
dit : il faut montrer sans montrer totalement.
Suite à cette accusation, ce professeur quitte
J.-P. B. : Oui, chez sa fille qui est lesbienne.
Elle tient une exploitation agricole, à la cam-
pagne. On devine qu’ils ont eu des relations
compliquées. David Lurie ne comprend pas
ce qu’elle est, se demande s’il a manqué
quelque chose dans son éducation.
Dis-
grâce
nous montre le monde à travers son
regard. Mais parfois, on n’a pas du tout envie
de regarder le monde à travers lui. Car c’est
quelqu’un de complètement aveugle, qui ne
voit pas que son environnement a changé.
Quelqu’un qui, pendant des années, a mené
une vie tout à fait normale alors que des gens
étaient spoliés par le système de l’apartheid.
David Lurie ne s’intéresse pas à ce qui se
passe autour de lui. Il s’en tient à ses propres
intérêts.
J.-P. B. : Oui, des hommes noirs entrent chez
eux, violent sa fille et la brûlent au visage.
Disgrâce
, c’est la chute, la descente aux
enfers de David Lurie. Une fois de plus, le
roman ne nous dit pas que ces violeurs sont
Noirs, mais on le devine, car sa fille refuse de
porter plainte. Elle dit que si son agression
est le prix à payer pour assumer les crimes
de ses pères, elle est prête à le payer. Coet-
zee explore un rapport profond à l’homme, à
la violence faite aux femmes, aux relations
de pouvoir… Il fait une différence entre les
termes de responsabilité et de culpabilité –
chose qui m’intéresse beaucoup, notamment
par rapport aux événements que nous vivons
en France depuis deux ans.
-
lèle entre Disgrâce et la situation dans notre
pays ?
J.-P. B. : Non. Je n’ai pas eu envie de décon-
textualiser le roman pour parler de la France.
Je crois que les échos se font tout seuls. On
comprend souvent mieux sa vie en passant
par l’écart que constitue l’autre. Pour moi,
l’Afrique du Sud est l’épicentre du colonia-
lisme européen des
e,
e et
e siècles.
À travers cette création, j’ai cherché à trou-
bler les gens. Et à me troubler moi-même.
Coetzee nous pose des questions tellement
extrêmes, qu’il crée en nous un choc de la
pensée.
Manuel Piolat Soleymat
, 15 rue Malte-
Brun, 75020 Paris. Petit théâtre. Du 3 novembre
au 3 décembre 2016. Du mercredi au samedi à
20h, le mardi à 19h, le dimanche à 16h.
Tél. 01 44 62 52 52. www.colline.fr
Également au du 7 au
9 décembre 2016 ; à la Scène nationale de
Lons-le-Saunier le 17 janvier 2017 ; au Centre
le 2 février ;
à la le 7 février ;
au le 9 février au.
Réagissez sur www.journal-laterrasse.fr
Le metteur en scène Jean-Pierre Baro.
“COETZEE NOUS POSE
DES QUESTIONS
TELLEMENT EXTRÊMES,
Jean-Pierre Baro
© D. R. © Emilie Arfeuil
ENTRETIEN PHILIPPE TORRETON
théâtre leS GémeAuX
De / meS DOMINIQUE PITOISET
Cyrano de Bergerac
La Résistible Ascension d’Arturo Ui
Dominique Pitoiset, pour aller de Cyrano de
Bergerac à La Résistible Ascension d’Arturo
Ui ?
Philippe Torreton : Il y avait, d’abord, une
envie commune et évidente de retravailler
ensemble, cela en retrouvant le maximum
d’artistes qui composaient l’équipe de
Cyrano
.
Et puis, il y eu le désir d’interroger ensemble
la politique. Dans un premier temps, Domi-
nique m’a proposé de créer un spectacle sur
Jean-Paul Sartre, en se servant de certains
de ses textes comme de matériaux.
Ph. T. : Disons que je la trouvais passionnante
d’un point de vue intellectuel, mais que j’avais
un doute quant à la force théâtrale d’un tel
projet. Et alors que nous travaillions sur cette
idée, nous n’arrêtions pas de parler de ce qui
se passait en France et en Europe – dans cette
Europe qui ressemble de moins en moins à une
utopie de peuples rassemblés pour cesser de se
faire la guerre mais qui se tourne, au contraire,
de plus en plus vers les nationalismes. Un jour,
je me suis dit qu’il y avait une pièce qui parle
formidablement de tout ça, c’est
La Résistible
Ascension d’Arturo Ui
. Dominique a tout de suite
été conquis par cette idée.
Brecht ?
Ph. T. : Nous la situons aujourd’hui. Nous nous
sommes très vite aperçus que si l’on joue les
années 1930, le nazisme, un personnage
d’Arturo Ui excité, nerveux, en bref si l’on est
dans la caricature d’un Hitler excessif et gro-
tesque, la pièce a moins de pertinence. Et à
l’inverse, si l’on prend tout ce que dit Arturo
Ui de façon normale, comme si ce personnage
pouvait avoir raison, le sens politique de la
pièce est beaucoup plus fort. Depuis pas mal
de temps, on s’habitue à entendre des choses
épouvantables dites par des gens – femmes
et hommes politiques de tous pays – sur
un ton d’évidence. Finalement, on se rend
compte qu’on n’a absolument rien compris à
ce qui s’est passé il y a 80 ans. Car ce n’est
jamais en flattant la pire portion de la popula-
tion qu’on la jugule. Au contraire, on lui donne
ses lettres de noblesse.
« aplanissant »
les propos d’Arturo Ui, certains spectateurs
Ph. T. : Notre but n’est pas de penser à leur
place, mais de faire appel à leur sens critique.
Nous avons vraiment envie de laisser les gens
se débrouiller avec ce qu’ils entendent. Sans
grossir le trait. Sans leur indiquer une direc-
tion à suivre. En fuyant, comme je l’ai dit, toute
approche hitlérienne du personnage d’Arturo Ui.
Bien sûr, dans les années 1940, Brecht voulait
montrer à ses contemporains que l’on aurait pu
éviter la montée du nazisme. Il passe donc par la
caricature, il fait des nazis des êtres médiocres,
des petits gangsters de Chicago qui cherchent
à avoir le monopole sur le commerce du chou.
“IL FAUT REPRÉSENTER
LE FASCISME COMME
IL SE MONTRE
PhiliPPe TorreTon
Mais aujourd’hui, l’époque a changé. Ces gens-
là se donnent un bon profil. Ils affichent des airs
de respectabilité, s’expriment à travers des dis-
cours apaisés. Je crois qu’il faut représenter le
fascisme comme il se montre aujourd’hui : vêtu
de beaux costumes.
Ph. T. : On sort
Arturo Ui
de l’univers de
Chicago et des cageots de choux-fleurs.
On n’est plus à l’échelle d’une ville, mais
d’un pays. Il n’y a plus de maire, mais un
président. Et l’on parle du commerce de
façon générale, en essayant d’être le plus
clair possible sur les processus de cor-
ruption et de manipulation financière qui
sont à l’œuvre. Car si on ne comprend pas
ça, on ne comprend pas l’ascension d’Hit-
ler. La corruption, c’est la faiblesse des
gouvernants qui laissent la possibilité au
fascisme d’arriver au pouvoir. Ce texte écrit
en 1941 a une vertu peut-être encore plus
aiguë aujourd’hui, dans cette France qui,
15 ans après le choc immense qu’a été la
présence de Jean-Marie Le Pen au second
tour de l’élection présidentielle de 2002, se
retrouve dans une situation où tout le monde
considère comme acquis que sa fille passe,
elle aussi, le premier tour des prochaines
élections présidentielles.
, 49 av. Georges-Clemenceau,
92330 Sceaux. Du 10 au 27 novembre 2016.
Du mardi au samedi à 20h45, le dimanche à 17h.
Durée de la représentation : 2h30.
Tél. 01 46 61 36 67. www.lesgemeaux.com
Également du 2 au 6 novembre 2016 à la Scène
nationale d’Annecy ; du 1er au 3 décembre au
Quimper ; du 7 au 10 décembre au
; du 13 au
15 décembre à la Scène nationale de Chalon-
sur-Saône ; les 5 et 6 janvier 2017 à la Maison
de la Culture d’Amiens ; les 10 et 11 janvier à la
Scène nationale de Valenciennes ; le 14 janvier
au ; du 17 au 21 janvier au
;
du 25 au 27 janvier à la Scène nationale de Sète
et du Bassin de Thau ; du 31 janvier au 4 février
au ; du 7 au 11 février
au ; du 15 au
17 février à Étienne ; du 24
au 26 février au ; les 2 et
3 mars à la Scène nationale de Perpignan ; du 7
au 11 mars à la ; du 14 au
16 mars à la ;
du 21 au 24 mars à la Scène nationale de La
Rochelle ; du 29 au 31 mars à la Scène nationale
de Brest ; les 26 et 27 avril à la Scène nationale
de Saint Brieuc.
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