Arrivée à la tête ronde
Avant d’arriver à Tête Ronde, sur la gauche, un sentier marqué par un anneau bleu
traverse une magnifique hêtraie sapinière où les blocs éboulitiques et les ravins humides
attireront le ptéridologue (spécialiste des fougères) à la recherche du rarissime Polystic
de Braun (Polystichum braunii), une fougère protégée au niveau national et que l’on
ne retrouve que dans les Pyrénées centrales. A défaut de Polystichum braunii, contentons-
nous d’observer le Polystic à aiguillons (Polystichum acuelatum), un cousin proche au limbe
coriace très luisant et persistant en hiver qui est bien représenté sur toute la première
moitié de notre randonnée sur sol frais et humide. Dans ces mêmes milieux, la circée
des Alpes (Circaea alpina) se fait toute discrète. Cette plante délicate qui fleurit en plein
été dans les sous bois humides les plus sombres se remarque facilement à ses feuilles
cordées et luisantes. Elle est cependant souvent confondue avec la circée intermédiaire
(Circaea x intermedia), un hybride entre la circée de Paris (Circaea lutetiana) et la circée
des Alpes qui est bien mieux représentée dans notre flore montagnarde.
Avant de rejoindre la Chaumière, au niveau d’un panneau, quelques dizaines de mètres
nous séparent de la lande sommitale. C’est sur cette lande que fut créé un jardin alpin
dès les années 1894 par deux membres de la section belfortaine du Club Alpin mais
manque de soin, les trois quarts des plantes avaient déjà disparues dès 1910. La renouée
bistorte (Polygonum bistorta), particulièrement décorative est ici si prolifique qu’elle rosit
des parcelles entières. Comme de nombreuses renouées, la plante est tortueuse avec
des tiges noueuses d’où l’étymologie grecque « polys » nombreux et « gonu », genou.
L’ adjectif «bistorta» qui en latin signifie «doublement tordu» s’applique au rhizome.
Les jeunes feuilles de cette renoué figurent parmi les meilleurs légumes sauvages.
Si la grande gentiane jaune (Gentiana lutea) se rencontre sur toute la crête vosgienne,
la région du Ballon d’Alsace abrite aussi quelques très rares stations de vérâtre blanc
(Veratrum album ou Veratrum lobelianum) PR qui lui ressemble beaucoup. La gentiane
jaune est bien connue pour ses propriétés apéritives et dépuratives. La plante est protégée
et la récolte qui se fait en automne n’est effectuée que par des personnes autorisées.
La racine, grosse et charnue qui peut atteindre 1 m de long demande un arrachage pénible
mais procure une excellente eau de vie et un apéritif renommé la Suze.
Le vérâtre, qui se différencie par des feuilles alternes et des fleurs blanchâtres,
a des racines très différentes. Très commune dans les Alpes et anciennement
appelée hellébore blanc, toute la plante est toxique et d’après les citations, très
utilisée dans le passé.
- Ma commère, il vous faut purger, avec quatre grains d’hellébore, LA FONTAINE.
- Y aurait-il assez d’hellébore pour une si étrange maladie ? VOLTAIRE.
- Elle a besoin de six grains d’hellébore ; Monsieur, son esprit est tourné, MOLIERE.
Nous atteignons enfin le sommet du Ballon d’Alsace avec une vue sur le Jura et la
Forêt Noire. Une borne didactique nous propose une origine celtique du mot Ballon qui
ne viendrait pas de la forme de nos montagnes vosgiennes en «Ballon» mais du Dieu
Bel. Le sommet du Ballon d’Alsace serait un ancien observatoire solaire du triangle
des Belchen, bien connu des Celtes qui occupaient les vallées vers 800 avant J-Ch.,
comme l’attestent de nombreuses toponymies régionales. Tous nos ancêtres alsaciens
ne connaissent le Grand Ballon que sous le nom de Belchen.
Après cet intermède, nous entamons un long mais agréable retour qui demande près
de 3 heures en prenant un sentier raide vers le col de Ronde Tête puis en suivant
la crête par le GR5 qui couvre
1500km, des Pays Bas jusqu’à
Nice. Il est toutefois possible de
revenir sur le lac d’Alfeld en coupant
par la cascade (chemin raide) et de
gagner ainsi une heure de marche.
En août, quelques landes sommitales
couvertes de callunes en fleurs sont
particulièrement photogéniques.
Il ne faut pas confondre la callune
(Calluna vulgaris) avec les bruyères
(Erica sp) qui ne poussent pas
en Alsace à l’état naturel. Seul
représentant du genre Calluna, ce
sous-arbrisseau tortueux est une
plante sociable et conquérante qui
forme de grands peuplements sur
les pentes vosgiennes et les allu-
vions, mais uniquement sur sol
siliceux.
Avant de rejoindre le col des
Charbonniers, nous quittons la crête
et en passant par Issenbach et le
joli vallon du Baerenbach, rejoi-
gnons la vallée pour revenir sur
nos pas, le long du lac de Sewen.
La
vérâtre blanc
(V
eratrum album)
L’herbe à éternuer (
Achillea ptarmica)
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