différent sur les vues de Berkeley concernant les matières qui, au 18e siècle, sont jugées
avoir un rapport intime avec l‟esthétique – matières qui relèvent de l‟anthropologie
philosophique, de la philosophie morale, mais, aussi bien, de la théorie de la
connaissance. Éclairage différent en ce qu‟il permet d‟approcher la pensée de Berkeley à
rebours, partant de la périphérie (esthétique et morale) pour avancer vers le centre
(théorie de la connaissance), mais suivant en cela le projet même de Berkeley, pour qui la
théorie de la connaissance n‟avait pour but que de réformer les mœurs – ce que montre
mieux que tout autre texte l‟Alciphron lui-même.
D‟une telle entreprise, on ne fera cependant ici que poser un certain nombre de
jalons en prenant pour point d‟ancrage le troisième dialogue de l‟Alciphron, bien sûr,
mais en faisant appel à un certain nombre d‟autres passages du texte qui communiquent
avec ce dialogue tantôt par des renvois explicites, tantôt par l‟évocation de thèmes qui y
jouent un rôle central ou qui en complètent le propos en discutant de ce qu‟on s‟attendrait
à y trouver sans que, pourtant, il y soit. La trajectoire que je propose d‟adopter ici fait en
partie écho à celle qu‟utilise Euphranor pour forcer Alciphron à entrer dans ses vues,
trajectoire qui fait l‟objet des sections 3 à 10 du dialogue. Je laisserai donc de côté les
conséquences fortement antithétiques que tireront de cet échange les plus dogmatiques
personnages de Criton et Lysiclès, qui ne sont pas toujours exempts d‟une mauvaise foi
qui tranche avec l‟apparente sincérité qu‟Alciphron et Euphranor semblent généralement
consacrer à la recherche de la vérité.
dans : Pierre Francastel (dir.), Utopie et institutions au XVIIIe siècle. Le pragmatisme des Lumières,
Paris/La Haye, Mouton & co. (Coll. « Colloques et Congrès »), 1963, p. 331-357 ; Jérome Stolnitz,
« “Beauty” : Some Stages in the History of an Idea », Journal of the History of Ideas, vol. XXII, 1961, no.
2, p. 185-204.