Nom _____________________________ Groupe __________________ Date _________ Partenaire ________________________________________________________________ Laboratoire No 10 Expansion de l'univers Étude préliminaire Questions se rapportant au texte * La genèse du big bang + (La Recherche, avril 98). No 1 Sur quels piliers repose la cosmologie moderne ? _______________________________________________________________________ _______________________________________________________________________ No 2 Quel astronome suggérait, dès 1900, que notre Galaxie pourrait avoir des bras spiraux ? _______________________________________________________________________ No 3. Avant que Hubble ne débute ses recherches sur les nébuleuses spirales, il y avait deux hypothèses sur la nature physique de ce type de nébuleuses. Quelles étaient ces hypothèses ? ______________________________________________________________________ ______________________________________________________________________ No 4 Selon Herschell, quelle était la dimension de notre Galaxie ? ______________________________________________________________________ No 5 Qui fut le premier astronome à nous éloigner du centre de notre Galaxie ? ___________________________________________________________ No 6 Quelles classes d’étoiles utilisa Shapley comme indicateurs de distance ? ___________________________________________________________ ___________________________________________________________ No 7 Résumez le débat opposant Shapley à Curtis ___________________________________________________________ ___________________________________________________________ ___________________________________________________________ ___________________________________________________________ No 8 Quelles observations effectuées par Hubble montraient, hors de tout doute, que ces nébuleuses spirales observées sont en réalité des galaxies semblables à la nôtre ? ___________________________________________________________ ___________________________________________________________ ___________________________________________________________ No 9 Quelles sont les deux propriétés des galaxies que Hubble devait mesurer afin de prouver l’expansion de l’Univers ? _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ No 10 D’après l’auteur, précisez la valeur actuellement admise pour la constante de Hubble H0. _____________________________________________________________ No 11 Résumez la notion d’Univers stationnaire _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ No 12 Quel grand principe physique est violé par la théorie de l’Univers stationnaire ? _____________________________________________________________ No 13 Précisez les trois raisons principales du rejet de la théorie d’Univers stationnaire. _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ No 14 Sommes-nous justifiés d’attribuer à Hubble, et à lui seul, la découverte de l’expansion de l’Univers. Précisez votre réponse. _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ _____________________________________________________________ Virginia Trimble enseigne au département d'astronomie de l'université du Maryland et au département de physique de l'université de Californie. Elle vient d'achever un mandat à la présidence de la commission Galaxies de l'Union astronomique internationale. La genèse du big bang Texte traduit par Pierre Bancel. La cosmologie moderne repose sur deux piliers. Le premier est théorique: c'est la théorie de la relativité générale d'Einstein, publiée en 1916. Le second est observationnel: c'est la loi de Hubble, publiée en 1929, qui relie la distance d'une galaxie au décalage vers le rouge de son spectre. Mais on peut remonter plus loin. Dès l'année 1900, un astronome peu connu, Cornelius Easton, suggérait que notre Galaxie pourrait avoir des bras spiraux (1) (fig. 1). Depuis l'époque de William Herschel (1738-1822), le découvreur d'Uranus, de nombreuses nébuleuses spirales avaient été recensées, mais leur nature restait mystérieuse. S'agissait-il d'objets diffus ou seulement de halos produits par la lumière de multitudes d'étoiles? étaient-elles des galaxies distinctes ou de simples parties de la Voie lactée? En moins de quarante ans s'est imposé le concept d'un Univers en expansion En avril 1920, un vif débat oppose les américains Shapley et Curtis autour de la grande question cosmologique du début du siècle: les limites de l'Univers coïncident-elles avec celles de la Voie lactée? Hubble trancha trois ans plus tard en montrant l'existence de galaxies extérieures à la nôtre et découvrit le fameux décalage vers le rouge de leur spectre. C'était là une signature de l'expansion de l'Univers qui, à peu près à la même époque, était sortie toute seule des équations de la relativité générale, contre le gré même d'Einstein. Ce modèle d'expansion relativiste -- ou théorie du Big Bang -- fut largement admis longtemps avant de disposer des preuves observationnelles jugées aujourd'hui définitives. La première question sembla résolue en 1865, lorsque William Huggins appliqua la fente de son spectroscope à quelques-unes des nébuleuses les plus brillantes (dont aucune n'était spirale) et découvrit les raies d'émission discrètes qui sont la signature d'un gaz chaud et diffus. Ainsi, vers la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, il était acquis que toutes les nébuleuses étaient gazeuses et appartenaient à la Voie lactée. La deuxième question, celle de l'existence de galaxies indépendantes, est liée à la mesure des distances astronomiques, et en particulier des dimensions de la Voie lactée. Plus grande était notre Galaxie, plus il était difficile d'admettre qu'il pourrait en exister de semblables ailleurs. Là aussi, Herschel avait fait oeuvre de pionnier: il imagina une méthode pour estimer la distance des étoiles en faisant l'hypothèse qu'elles étaient toutes à peu près de la même luminosité absolue. Il obtint un schéma de la Voie lactée qui ressemblait à une sorte d'épaisse galette, avec le Soleil tout près de son centre. Selon Herschel, la Galaxie avait un rayon d'environ 3 000 parsecs (soit 9 800 années-lumière). Cette conception prévalut pendant un siècle et demi, bien que des dizaines de savants se soient penchés sur le problème en faisant appel à de meilleures méthodes de détermination des distances. Tous, il est vrai, commettaient la même erreur. Ils ne tenaient pas compte des effets de la poussière interstellaire qui, principalement concentrée dans le plan de notre Galaxie, altère le rayonnement émis par les astres lointains. Cette poussière fut découverte en 1930, mais son impact ne fut intégré au calibrage des distances cosmiques qu'à partir de 1952. Le premier à nous éloigner du centre de notre Galaxie fut Harlow Shapley, un jeune astronome travaillant à l'observatoire du mont Wilson pendant et juste après la Première Guerre mondiale. Shapley donnait en même temps à la Voie lactée de plus imposantes dimensions. Bien que lui aussi ait négligé les altérations dues à la poussière, il eut la chance de s'attacher à une classe d'objets, les amas globulaires, qui se trouvent assez éloignés du plan de la Galaxie pour que notre vision n'en soit presque pas modifiée. En se servant de certaines classes d'étoiles variables (RR Lyræ et variables céphéides) comme d'indicateurs de distance, Shapley distribua les amas globulaires de façon approximativement sphérique, autour d'un centre situé à environ 20 000 parsecs du Soleil en direction de la constellation du Sagittaire. Avec une Voie lactée de cette étendue, il était loin de penser qu'il puisse exister d'autres galaxies. Suite à ces travaux et à la demande de l'Académie des sciences des États-Unis, un débat eut lieu, en avril 1920, sur "l'échelle de l'Univers". Shapley y était opposé à un astronome plus âgé, Heber Doust Curtis. Chacun des participants présentait environ une douzaine de faits (concernant la luminosité de différents types d'étoiles, les rythmes des explosions stellaires, les vitesses de déplacement des étoiles, etc.) (2). Et chacun d'eux avait raison pour à peu près la moitié des arguments qu'il avançait (3). Le Soleil est effectivement éloigné du centre de la Galaxie, mais de seulement 8 500 parsecs, et celle-ci est plus vaste encore que Shapley ne l'imaginait. Mais ce n'est qu'une galaxie parmi tant d'autres, ainsi que l'affirmait Curtis. Shapley avait été induit en erreur sur ce point par des observations de mouvements dans les nébuleuses spirales: leur vitesse aurait excédé celle de la lumière si ces nébuleuses avaient été des galaxies indépendantes! En réalité, ces observations, dues à Adriaan Van Maanen, lui aussi de l'observatoire du mont Wilson, étaient erronées. Sans apparaître à l'époque comme un tournant décisif, les idées de Shapley sur la taille et la structure de la Voie lactée s'imposèrent cependant rapidement, en particulier dans les manuels qui ajoutèrent parfois une partie de la description de Curtis. En 1922, Friedmann élabora deux solutions des équations d'Einstein qui donnaient des univers devant se dilater ou se contracter C'est à peu près à la même époque que furent produits les travaux qui allaient renouveler les perspectives théoriques. Les équations d'Einstein sur la relativité générale décrivent comment la matière et la géométrie de l'espace-temps interagissent pour produire ce que nous ressentons comme la gravité. Leur complexité algébrique explique qu'il fallut du temps pour les résoudre et proposer des solutions donnant les structures possibles de l'Univers. Einstein découvrit, dès 1917, une solution qui correspondait à un univers statique. Willem De Sitter, un Néerlandais, en trouva une la même année, statique elle aussi, mais ne contenant pas de matière. En 1922, le Russe Alexandre Friedmann en élabora deux autres qui donnaient des univers de volume respectivement fini et infini, devant se dilater ou se contracter. En 1925, l'abbé belge Georges Lemaître formula indépendamment cette même solution, dans une notation un peu plus simple. Il démontra aussi, en 1927, que l'univers statique d'Einstein était nécessairement instable. Ainsi, si la relativité générale (ou d'autres théories de la gravitation semblables mais encore plus complexes) est exacte, seules les solutions de De Sitter, de Friedmann et de Lemaître sont possibles et l'Univers doit être soit vide, soit en expansion, soit en contraction. C'est la solution de De Sitter qui connut tout d'abord la plus grande diffusion et ses prédictions furent rapidement prises en compte pour l'observation des galaxies. Quand Edwin Powell Hubble entra en scène, la question de l'existence d'autres galaxies fut résolue aussi soudainement que définitivement. En 1925, Hubble annonça qu'il avait découvert dans plusieurs nébuleuses spirales des étoiles variables céphéides. L'estimation de leurs distances les plaçaient largement à l'extérieur de la Voie lactée, même dans la version de Shapley. Hubble publia assez lentement et prudemment ces résultats (4), mais la nature extragalactique des nébuleuses ne fit rapidement plus aucun doute. Shapley déclara lui même peu après que cette découverte avait "détruit son univers". Il faut dire que Hubble ne lui laissait qu'une marge de manoeuvre très étroite: il avait utilisé pour les céphéides les calibrations que Shapley avait lui-même établies pour ses travaux sur les amas globulaires. En 1928, Hubble succéda à Vesto Melvin Slipher à la présidence de la commission sur les nébuleuses de l'Union astronomique internationale, lors de sa troisième assemblée générale, à Rome. Les discussions sur l'univers de De Sitter qui se tinrent lors de cette réunion influencèrent fortement Hubble dans sa décision d'entreprendre l'examen des corrélations entre distance et décalage vers le rouge des nébuleuses (incidemment, Hubble avait toujours préféré parler de "nébuleuses"; "galaxies" était le terme de Shapley, qui l'emporta finalement). Cet examen nécessitait l'obtention des spectres de nombreuses galaxies. Or, même les galaxies les plus proches sont des objets plutôt discrets -seules quatre d'entre elles sont visibles à l'oeil nu. C'est pourquoi, bien que la spectroscopie astronomique soit une invention européenne, les trente premières années de recherche sur les spectres des galaxies furent essentiellement menées aux États-Unis où se trouvaient alors les plus grands télescopes. V. M. Slipher entama ces recherches en 1912, au foyer de la lunette Clark de 60 centimètres de diamètre, de l'observatoire Lowell. Il enregistra pendant quatorze heures sur plaque photographique le spectre de la nébuleuse d'Andromède (M31, la galaxie de grande taille la plus proche de nous) et put identifier différentes raies d'absorption. En mesurant leur longueur d'onde de façon précise, il montra que le système solaire et la nébuleuse d'Andromède se rapprochait l'un de l'autre à la vitesse de 300 kilomètres par seconde (ce qu'indiquait un décalage vers de plus courtes longueurs d'onde -- donc vers le bleu -- des caractéristiques spectrales). Slipher avait abordé l'étude des spirales en supposant qu'il s'agissait de nuages gazeux internes à la Voie lactée, susceptibles de fournir des renseignements sur la formation du système solaire. Mais en 1917, il avait accumulé assez de spectres (vingt-cinq au total) pour se convaincre du contraire. Les vitesses qu'il avait mesurées allaient de n 300 à + 1 100 km/s, avec vingt et une valeurs positives contre trois négatives. Quelques années plus tard, il obtint un décalage vers le rouge de 1 800 km/s, et conclut que son optique de 60 centimètres serait incapable d'observer des vitesses supérieures. Un autre grand spécialiste de spectres galactiques fut Milton Lasell Humason, qui travaillait avec les télescopes de 1,5 mètres et de 2,5 mètres de diamètre du mont Wilson. Sa collecte de données débuta en 1927 et il obtint lui aussi presque exclusivement des décalages vers le rouge. Il eut tôt fait de dépasser le double du record de Slipher, avec + 3 779 km/s obtenus au début de 1929, et + 7 800 km/s un peu plus tard la même année. Il passa la frontière des 15 000 km/s au milieu des années 30, grâce à un spectrographe amélioré placé au foyer du 2,5 mètre. À la différence de Hubble, Humason vécut assez longtemps pour utiliser de façon régulière le télescope de 5 mètres du mont Palomar. Il prit sa retraite en 1957, sur un record personnel de 60 000 km/s. A la suite de la première présentation publique des résultats de Slipher en 1915, une douzaine d'astronomes tentèrent d'expliquer les mouvements observés par une combinaison de mouvements du Soleil, de déplacements moyens des nébuleuses et d'un effet lié à la distance. Rétrospectivement, nous pouvons lire l'expansion de l'Univers dans certains de leurs diagrammes, mais la communauté scientifique n'y prêta guère attention, d'autant que les distances sur lesquelles reposaient leurs analyses étaient toutes très incertaines. Ici, la principale contribution de Hubble fut d'asseoir solidement l'échelle des distances extragalactiques. Celle qu'il établit était pourtant encore bien trop réduite. Il commença par le petit nombre de galaxies dans lesquelles il pouvait étudier des variables céphéides, s'en servant pour calibrer les étoiles individuelles les plus brillantes. Puis il prit comme étalon la luminosité des galaxies entières pour estimer la distance des systèmes plus éloignés. Ce qui le mena jusqu'à l'amas de galaxies de la Vierge, situé selon son échelle de distance à 2 millions de parsecs (la valeur actuelle est comprise entre 15 millions et 22 millions de parsecs). La genèse du big bang (2e partie) Figure 2. Le 17 janvier 1929, Hubble soumit aux Proceedings of the National Academy of Sciences son article intitulé "A Relation Between Distance and Radial Velocity Among Extra-Galactic Nebulae" ("Relation entre distance et vitesse radiale dans les nébuleuses extragalactiques" (5)). Il ne s'y sert pas des décalages élevés rapportés par Humason dans le même volume des Proceedings. Mais on a souvent suggéré que ces mesures avait "guidé son oeil" pour tracer la fameuse droite matérialisant sa relation (fig. 2). Cette droite avait une pente d'environ 500 km/s/Mpc, valeur qui changea peu au cours de la dizaine d'années qui suivit. Pourtant, la gamme des décalages vers le rouge explorés par Humason et discutés par Hubble s'élargit énormément. D'emblée, cette valeur de 500 km/s/Mpc parut troublante. S'il fallait interpréter la relation entre distance et décalage vers le rouge comme le signe de l'expansion de l'Univers, l'âge de ce dernier ne pouvait pas être très différent de l'inverse de cette pente, désormais connue comme constante de Hubble. Pour H0 = 500 km/s/Mpc, l'inverse est de 2 milliards d'années. Or, les mesures de l'âge des roches terrestres avaient été entamées dès le début du siècle et dans les années 30, les datations obtenues atteignaient et dépassaient même les 2 milliards d'années! Jusqu'au début des années 50, il restait possible pour un astronome sensé d'adhérer à la théorie d'un Univers stationnaire Hubble lui-même ne fut jamais totalement convaincu d'avoir découvert l'expansion de l'Univers. Il n'était pas vraiment attiré par la réflexion théorique, même s'il eut l'occasion de collaborer avec le physicien Richard Chase Tolman. Les deux hommes publièrent ensemble un article en 1935, où ils discutaient de la manière dont les observations pouvaient trancher la question de la réalité de l'expansion. Les doutes de Hubble étaient largement partagés par la communauté scientifique et en 1960, le modèle d'expansion relativiste ne s'était pas encore vraiment imposé dans la littérature. En fait, certains en doutent encore aujourd'hui et plusieurs solutions alternatives sont proposées. Par exemple celle de la "lumière fatiguée", selon laquelle un mécanisme produirait le décalage vers le rouge d'un rayon lumineux ayant parcouru de grandes distances, sans qu'intervienne aucun déplacement de la source, d'un observateur ni de l'espace parcouru. Autre possibilité, l'expansion aurait lieu dans un espace préexistant à partir d'un centre hypothétique (par contraste avec l'expansion relativiste de l'espace-temps luimême). Enfin, la théorie de l'Univers stationnaire, dans laquelle l'Univers est en expansion mais où la relativité générale n'est pas la bonne théorie de la gravitation, propose une création continue de matière, de telle sorte que ni la densité moyenne de l'Univers ni ses autres propriétés ne changent jamais (voir l'article de G. Burbidge, F. Hoyle et J. V. Narlikar dans ce numéro). Chacun de ces modèles fait des prédictions différentes à la fois de celles du modèle expansionniste relativiste et des observations. Par exemple, dans le cadre du modèle relativiste, la luminosité d'une galaxie lointaine diffère de celle d'une galaxie voisine d'un facteur (1 + z)n 4 (où z est le décalage vers le rouge). La théorie de la lumière fatiguée prédit un facteur (1 + z)n 1, et celle de l'expansion dans un espace préexistant, un facteur (1 + z)n 2. Ce que nous observons, et il s'agit là d'un résultat très récent, est (1 + z)n 4. Ensuite, seule l'hypothèse de l'expansion prévoit un Univers plus chaud à des décalages vers le rouge élevés, d'un facteur proportionnel à (1 + z). Et c'est bien ce que nous observons dans le spectre des galaxies les plus distantes (résultat qui date lui aussi des années 90). De plus, l'expansion prédit que des horloges éloignées de nous paraîtront tourner moins vite. En suivant l'évolution de la luminosité de plusieurs supernovæ situées à des décalages vers le rouge allant de 0,3 à 0,5, on a effectivement constaté qu'elles déclinaient plus lentement que des supernovæ plus proches. Enfin, si l'Univers a débuté par une sorte d'explosion en un centre il y a un temps fini, il devrait aussi avoir des limites. A moins que nous nous trouvions incroyablement près de son centre, nous devrions observer à la fois plus de galaxies et un rayonnement micrométrique de fond plus intense dans certaines directions que dans d'autres. Tel n'est pas le cas, et nous devons donc vivre, soit dans un Univers dépourvu de centre, conformément à la relativité générale, soit à une distance du centre de l'Univers inférieure au milliardième de son rayon! Les deux premières hypothèses, celle de la lumière fatiguée et celle d'un espace préexistant, sont donc exclues par les observations. Pourtant la communauté scientifique a très largement admis l'expansion relativiste longtemps avant de disposer de ces résultats. Ce n'est pas un fait sans précédent dans l'histoire des sciences. Le public informé avait admis l'héliocentrisme bien avant sa démonstration expérimentale, dans la première moitié du XIXe siècle. Jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale il restait néanmoins possible pour un astronome sensé d'adhérer à la théorie d'un Univers stationnaire, nous y reviendrons à propos des travaux de H. Bondi, T. Gold et F. Hoyle. Pour les partisans d'un Univers en expansion, une difficulté majeure était de réduire les incertitudes sur la valeur de la constante de Hubble. Ces incertitudes ne sont pas dues à des problèmes de mesure du décalage vers le rouge: si on peut distinguer des raies, on peut voir de combien elles diffèrent de celles obtenues en laboratoire. La difficulté tient aux distances. L'échelle de distance de Hubble incorporait deux graves erreurs, ainsi que quelques autres moins importantes, auxquelles on a progressivement remédié. La première erreur venait des distances estimées par Shapley pour ses variables céphéides. En ignorant l'absorption du rayonnement par les poussières, Shapley avait sous-estimé leur luminosité d'un facteur 4 par rapport à leur intensité réelle. Le problème était encore aggravé par l'existence d'une classe de céphéides plus rares, d'une luminosité proche de celle assignée par Shapley à la catégorie la plus courante. La seconde grande erreur de Hubble fut de penser que son premier échantillon, composé d'une douzaine de galaxies proches, incluait l'ensemble des luminosités que l'on pourrait trouver dans un échantillon plus large, et que la "luminosité moyenne d'une galaxie" ainsi établie fournirait un étalon fiable. Cette idée est forcément fausse pour n'importe quelle collection d'objets répartis autour d'une luminosité moyenne, cela pour deux raisons. D'abord, lorsque l'on regarde loin, les objets intrinsèquement les moins lumineux deviennent inobservables. On établira donc une moyenne qui sera en fait fondée sur la fraction la plus brillante de la distribution complète. C'est le fameux biais de Malmquist, du nom de l'astronome suédois qui identifia ce problème au cours des années 20. (Rassemblez trois cosmologistes, et vous en aurez au moins un pour penser qu'un des deux autres, au moins, n'a rien compris à ce biais...) Ensuite, un petit échantillon local n'incluera que les types de galaxies les plus communs. Seul un échantillon plus large peut prendre en compte les types de galaxies très brillantes, beaucoup plus rares. Et ces galaxies rares de forte luminosité, qui ne sont même pas représentées dans l'échantillon local, domineront au contraire dans les observations faites à de très grandes distances. C'est pourquoi la "galaxie moyenne" de l'échantillon local de Hubble avait une luminosité à peu près quatre fois plus faible que celle d'un groupe de galaxies plus lointaines et plus variées. Ce biais est appelé effet Scott, d'après l'astronome Elizabeth Scott, qui la première l'a décrit en détail en 1956. Le problème de l'estimation des distances devint incontournable à partir de l'entrée en service du télescope de 5 mètres du mont Palomar. D'après l'échelle de distances de Hubble (et de Shapley), cet appareil aurait dû permettre de voir de nombreuses variables du type des RR Lyræ dans la galaxie d'Andromède. Or, il se bornait à détecter les plus brillantes de cette population. C'est pourquoi Walter Baade annonça, lors de l'assemblée générale de l'Union astronomique internationale qui se tint à Rome en 1952, qu'Andromède (et par suite toutes les autres galaxies) était deux fois plus éloignée que ne l'avait pensé Hubble. La genèse du big bang (3e partie) George Gamow fut le premier chercheur à avoir réfléchi sérieusement à la question des débuts de l'Univers La valeur de H0 se trouvait alors réduite à environ 1 800 km/s/Mpc. La thèse de Baade fut immédiatement confirmée par les résultats qu'un astronome sud-africain présenta à cette même assemblée. A. David Thackeray rapporta ses observations de RR Lyræ de deux petites galaxies proches, le Grand et le Petit Nuage de Magellan. Les luminosités de ces étoiles variables indiquaient pour ces galaxies des distances exactement deux fois supérieures à celles admises à l'époque. La valeur de H0 fut abaissée à 180 km/s/ Mpc en 1956 par Nicholas Mayall et Allan Sandage qui, s'appuyant sur les travaux de Humason, concluaient que les luminosités de Hubble pour les étoiles individuelles et les galaxies moyennes étaient trop faibles. Deux ans plus tard, Sandage se rendit compte que certaines des étoiles brillantes de Hubble étaient en fait des amas d'étoiles et des nuages de gaz illuminés par ces amas, considérablement plus brillants que ne pourrait l'être aucune étoile simple. Ce qui signifiait que leurs galaxies hôtes étaient encore plus éloignées, d'un facteur compris entre 2 et 3. Selon Sandage, il fallait donc ramener la constante de Hubble à 75 km/s/Mpc, à un facteur 2 près (ce qui semble être la dernière estimation honnête d'une marge d'erreur à avoir été publiée). Depuis la fin des années 50, un grand nombre d'astronomes furent impliqués dans des mesures de distances conduisant à la réévaluation de la constante de Hubble. Il y eut une brève période d'optimisme vers 1960, tous les résultats étant alors à peu près cohérents avec une valeur de 100 km/s/Mpc, soit un âge de l'Univers de 10 milliards d'années (juste assez pour inclure les plus anciennes étoiles connues à l'époque!). Sandage poursuivit son entreprise de révision, parvenant à une valeur de H0 comprise entre 50 et 55 km/ s/Mpc (et à une échelle de temps de 20 milliards d'années), tandis que d'autres chercheurs continuaient à préférer des valeurs supérieures. Mon sentiment personnel est qu'une divergence réelle persiste aujourd'hui, bien que certains estiment que toutes les valeurs de H0 calculées de bonne foi sont cohérentes avec une valeur intermédiaire de quelque 73 (" 10) km/s/Mpc (voir l'article de G. Theureau dans ce numéro). Dès que l'expansion de l'Univers fut admise comme l'interprétation la plus probable de la loi de Hubble du décalage vers le rouge, de nombreux astronomes se rendirent compte que cela impliquait un Univers considérablement différent dans le passé. La littérature des années 30 et 40 contient de nombreuses allusions à un supposé état dense et chaotique de la matière, qui constituerait un contexte propice à la formation des étoiles (la plupart des étoiles paraissant alors avoir à peu près le même âge que l'Univers dans son ensemble). Cependant, une réflexion substantielle sur ce qui avait bien pu se passer il y a des milliards d'années restait l'exception. George Gamow, un physicien nucléaire formé en Russie mais ayant fait carrière aux ÉtatsUnis, est en général considéré comme le premier chercheur à avoir réfléchi sérieusement à cette question des débuts de l'Univers. Dès 1935, il s'est penché sur les réactions nucléaires susceptibles de s'être produites lorsque toute la matière était au moins aussi chaude et aussi dense que le centre des étoiles actuelles. Il poursuivit ces recherches après la Seconde Guerre mondiale, en collaboration avec Ralph Alpher et Robert Herman (6). Les trois hommes s'aperçurent que si l'Univers était initialement un fluide constitué uniquement de protons, il aurait fini sous forme d'hydrogène et d'hélium, dans une proportion d'environ un atome d'hélium pour huit atomes d'hydrogène. Ils étudièrent ensuite l'environnement thermique dans lequel devaient s'être produites les réactions nucléaires et conclurent que, après des milliards d'années d'expansion et de refroidissement, l'Univers devait être à une température d'environ 5 kelvins. Gamow lui-même ne prit pas sa propre prédiction suffisamment au sérieux pour entreprendre de chercher la signature radio d'une température de 5 kelvins. En 1949 ou 1950, il déclarait à un de ses étudiants qu'il ne connaissait aucun problème intéressant en spectroscopie micrométrique! Pourtant, les capteurs qui avaient été développés au cours de la Seconde Guerre mondiale (essentiellement associés au nom de Robert Dicke) auraient probablement permis dès cette époque de détecter le rayonnement de fond. Entre-temps, une équipe de trois astronomes britanniques avait décidé que l'expansion cosmique ne signifiait pas forcément un Univers différent dans le passé: c'est l'idée dite de l'Univers stationnaire (7). Elle fut avancée en 1948 par Hermann Bondi, Thomas Gold et Fred Hoyle (les deux premiers avaient fuit le nazisme de l'Europe continentale, et le troisième était un homme du Yorkshire). Ces trois hommes et leurs partisans ayant un exceptionnel talent d'orateurs et de vulgarisateurs, leur idée fut probablement plus populaire dans le grand public que dans la communauté des astronomes professionnels. Allan Sandage l'a exprimé dans une formule d'un chauvinisme exquis: "Je ne crois pas que la création continue ait jamais été prise au sérieux en Californie." Un Univers stationnaire a toujours été en expansion, et le restera éternellement (ce qui ôte toute possibilité de contradiction entre l'inverse de la constante de Hubble, c'est-àdire l'âge de l'Univers, et l'âge des étoiles les plus vieilles). Mais ni sa densité ni sa température ne décroissent car de la matière nouvelle surgit constamment, exactement dans la proportion nécessaire pour tout garder à l'identique. Naturellement, cette idée viole le principe de conservation de la masse et de l'énergie tel qu'on le conçoit d'ordinaire, mais à un niveau tel qu'on ne peut même pas espérer le détecter en laboratoire: c'est de l'ordre d'un atome d'hydrogène par siècle, pour un volume équivalent à celui de la tour Eiffel! Aux yeux de ses auteurs, cette théorie a le mérite de faire de la création un phénomène physique appréhendable, au lieu de la cantonner tout au début, là où personne ne peut étudier le processus. Une radiosource Les propositions du modèle d'Univers est caractérisée par une émission continue en radio. Elle peut être galactique (nébuleuses gazeuses, pulsars, etc.) ou extragalactique (radiogalaxies, quasars). stationnaire eurent une fécondité considérable: de nombreux astronomes se mirent en devoir de la réfuter et développèrent dans cette intention divers types d'observations dont nous nous servons toujours à l'heure actuelle (décompte des radiosources*, mesure des luminosités de surface des galaxies, etc.). Ces premiers tests, au sens où ils suggéraient que l'Univers avait été différent dans le passé, donnaient globalement la préférence aux modèles du Big Bang ou aux modèles évolutifs en général par rapport à celui d'un Univers stationnaire. Mais pas au point qu'une personne sensée soit absolument obligée de choisir. Le terme même de "Big Bang" fut inventé par Hoyle comme une insulte délibérée, avant d'être adopté par les tenants des univers évolutifs. Le rayonnement radio détecté par Penzias et Wilson étaitil celui prédit par Gamow quinze ans plus tôt? Entre 1955 et 1967, la très grande majorité de la communauté scientifique rejeta le modèle de Bondi, Gold et Hoyle, qui ne conserve aujourd'hui qu'une poignée de fidèles. Il y a trois principales raisons à ce rejet. La première -- qui fut la dernière à acquérir une force de conviction définitive - fut le décompte des radiosources et plus tard des quasars. Ce décompte fait apparaître une proportion beaucoup plus élevée de sources faibles que de sources brillantes. Ce qui peut s'interpréter des deux manières suivantes: soit il existait davantage de radiosources dans le passé (qui nous apparaissent faibles aujourd'hui en raison de leur éloignement), soit nous vivons dans une sorte de très improbable trou local, au milieu d'une population spécifique. Des mesures de décalage vers le rouge des radiosources et des quasars eurent raison de l'hypothèse dite "locale": les valeurs élevées obtenues attestaient de l'éloignement de ces sources faibles. Dès 1967, on pouvait dire avec certitude que les galaxies avaient été le théâtre de phénomènes violents plus souvent par le passé qu'actuellement. L'Univers a donc changé au cours du temps: il n'est pas dans un état stable. Une des contributions précoces et durables de l'astronome britannique Martin Rees à la science est d'avoir su en persuader son directeur de thèse Dennis Sciama (tous deux étaient à Cambridge). Ce qui fait de Sciama le seul défenseur convaincu de la création continue à avoir changé d'opinion. La deuxième raison fut l'identification de l'hélium comme une relique de l'Univers primitif. Gamow et ses collaborateurs l'avaient déjà prédit mais, dans les années 50, l'amélioration des analyses spectrales des étoiles et des galaxies confirma que la quasitotalité de ce que nous pouvons observer est composée de 75 % d'hydrogène et de 25 % d'hélium (en proportion des masses, la proportion en nombre d'atomes étant de 90 % et 10 %, respectivement). Naturellement, l'hélium est aussi un produit de réactions nucléaires internes aux étoiles. Mais, pour en produire la quantité que nous observons dans le laps de temps imparti à la création de matière par la théorie de l'Univers stationnaire, il faudrait des galaxies environ dix fois plus brillantes qu'elles ne sont en réalité. Ce fait fut annoncé à quelques rares occasions, puis tomba dans l'oubli à partir de 1960. La Recherche a publié C. Vilain, "Genèse d'une idée: l'expansion de l'Univers", février 1996. P. Thuillier, "Un cosmologiste habile: Edwin Hubble", avril 1986. (1) C. Easton, Astrophys. J., 12, 136, 1900. (2) H. D. Curtis, Bull. Natl. Research Council, 2, 171, 1921; H. Shapley, ibid., p. 194. (3) V. Trimble, Publi. Astronom. Society of the Pacific, 107, 1133, 1995 (discussion moderne des faits). (4) E.P. Hubble, Astrophys.J., 62, Troisièmement, Arno Penzias et Robert Wilson mesurèrent, en 1965, un rayonnement de fond dont l'origine était inconnue (8). Lorsqu'ils publièrent leur découverte, ils étaient déjà certains d'avoir vu autre chose qu'une poche locale de radiation: le rayonnement présentait fondamentalement la même intensité et le même spectre dans toutes les directions du ciel. En fait, les modèles du Big Bang avaient prédit l'existence de ce type de rayonnement bien avant qu'il ne soit découvert. Et il serait impossible de l'expliquer dans le cadre d'un Univers stationnaire. La quantité totale d'énergie du rayonnement micrométrique de fond n'est pas gigantesque, et pourrait être produite par les étoiles et les galaxies. Mais pour que ce rayonnement présente un spectre de corps noir et soit quasiment à la même température partout dans l'Univers, il doit avoir interagi avec de la matière très dense et thermiquement homogène. Ce qui est aisé à réaliser dans l'Univers primitif, mais complètement impossible dans tout autre cas de figure. George Gamow lui-même n'était peutêtre pas tout à fait convaincu: le rayonnement découvert par Penzias et Wilson était-il vraiment celui qu'il avait prédit? Au début de 1967, il posa textuellement la question 409, 1925. (5) E. P. Hubble, Proc. Natl. Acad. Sci. USA, 15, 168, 1929. (6) R. A. Alpher, H. A. Bethe (in abstentia), G. Gamow, Phys. Rev., 73, 803, 1948 (c'est un article célèbre: le premier consacré au thème des origines de l'Univers). R. A. Alpher, R. Herman, Phys. Rev., 75, 1092, 1949. (7) H. Bondi, T. Gold, Month. Not. Roy. Astronom. Society, 108, 252, 1948; F. Hoyle, ibid., p. 372. (8) A. Penzias, R. E. Wilson, Astrophys. J., 142, 240, 1965. 1967, il posa textuellement la question suivante au cours d'une conférence: "Bon, j'ai perdu une pièce de cinq francs, et vous en avez trouvé une. Qui peut dire si c'est la même?" Mais cette pièce trouvée par Penzias et Wilson n'était pas quelconque. Frappée au coin de la loi de rayonnement d'un corps noir à 5 kelvins, ce ne pouvait être que celle perdue par George Gamow deux décennies plus tôt. Il est bien triste que celui-ci soit mort l'année suivante, avant d'avoir pu s'en persuader. Vers 1965, à un ou deux ans près, presque toute la communauté des astronomes s'était ralliée à un modèle d'Univers décrit par une des solutions des équations de la relativité générale et qui serait passé par un stade chaud et dense (le Big Bang) il y a 10 à 20 milliards d'années. On pouvait désormais s'intéresser aux divers sujets traités dans les autres articles du présent numéro, comme la distribution des galaxies dans l'espace, la nature de la matière sombre ou encore les hypothétiques événements antérieurs au stade initial chaud et dense. Pour en savoir plus M. J. Crowe, Modern theories of the Universe from Herschel to Hubble, Dover Publications, 1994. H. Kraghe, Cosmology and controversy: the historical development of two theories of the Universe, Princeton University Press, 1996. G. E. Christianson, E. Hubble: Mariner of the Universe, Farrar, Strauss, 1995. A. Friedmann, G. Lemaître, Essais de cosmologie, précédé de L'invention du Big Bang par J. P. Luminet, Seuil, 1997.