Dimension culturelle et processus de résilience: quel lien? Exemple de cas victime d'une catastrophe naturelle au sud algérien (ville de Ghardaïa) Auteur : Ghania Boufermel/Azieze Université, sétif2 – Algérie [email protected] Mots clés : Résilience, dimension culturelle, inondations de Ghardaïa, culture mozabite. Résumé de la communication : Ralph Linton a souligné que l’une des acquisitions scientifiques les plus importantes des temps modernes est la reconnaissance du fait de la culture …En tant que lieu des représentations individuelles et collectives ; la culture sert d’étayage au psychique et présente un facteur de protection essentiel, elle aide la personne à gérer ses expériences terrifiantes et lui permet ainsi de surmonter les traumatismes. Etre exposé à un traumatisme est une chose commune chez tous les individus, mais la différence se manifeste dans les types de réactions liés à un contexte de causalité où les interprétations sont recherchées et le sens- lien est suscité. La pertinence de cette double perspective ne s’avère importante que si on réalise que les expériences traumatiques résultent d’une complémentarité au niveau individuel, mais aussi au niveau socioculturel. Cette contribution veut interroger le caractère d'intégralité de certaines dynamiques du processus résilient dans ses liens avec les éléments culturels composites d'une même société, car la spécificité qui caractérise la population mozabite (Azzaba) pousse à penser le rapport entre cette culture mozabite et ses facultés à souffler sur les braises de la résilience et procurer ainsi « le sens « et « le lien » (Cyrulnik, 2003) chez les victimes des inondations de la ville de Ghardaïa 2008. Nous présenterons ici, les résultats d’une étude psychosociologique qui a été faite sur un groupe de 50 cas victimes de ces inondations et nous tenterons à démontrer comment les dimensions de la culture mozabite contribuent à l’enclenchement du processus de résilience, ainsi que la manière dont ce processus a été exprimé à travers des codes culturels locaux y compris sa manifestation la plus symbolique. Introduction : La vie humaine ne cesse d’être affronter à un ensemble de menaces orientées vers l’environnement de vie de l’individu qui le rend exposé à ce que la psychologie désigne par névrose traumatique. Une névrose qui résulte de l’exposition d’un individu à une expérience traumatisante caractérisée par un événement qui fait circonstance d’une façon inattendue, souvent intense dans sa gravité, hors du commun, dépassant le domaine des expériences 1 habituelles et qui prend le sens d’une rencontre avec la mort. Par ailleurs, cet événement peut surprendre le sujet de façon isolée, mais il peut également surprendre plusieurs personnes ou voir une communauté entière telle que les catastrophes naturelles. Ces événements dévastateurs poussent les sujets et les populations victimes à développer des stratégies pour faire face dans l’immédiat. Ils s’émergent dans un processus de résilience qui se met en place. L’étude des réactions des sujets confrontés à l’adversité montre la diversité des réponses adaptatives et indique que cette question ne peut rester circonscrite à une approche centrée sur la vulnérabilité et l’inadaptation. La singularité comportementale des sujets et la variété de leur développement psychique, comme de leur devenir social, attestent de cette complexité. Cette variabilité interindividuelle, invite à sortir d’un modèle de compréhension centré sur les efforts psychopathologiques pour prendre en compte également les ressources et les facteurs de protection des sujets et de leurs environnement : il s’agit du modèle de résilience lié à la façon par laquelle l'individu représente l'expérience traumatisante qui se fait à travers les processus cognitifs et affectifs acquis et construis à partir des connaissances, des croyances et des traditions que le contexte culturel lui a offert en tant " que développement accumulatif et patrimoine vivant dans la mémoire"(Ziada.M , 1998). Le développement des recherches actuelles met en considération la contribution positive de la culture en tant que canalisateur de résilience dans les thérapies des traumas et les secteurs de prévention des catastrophes naturelles, tout en soulignant la pertinence par rapport aux questions du développement durable et l'adaptation au changement climatique. (UNESCO, mars 2015). L'événement traumatique pousse le sujet victime à communiquer avec un autre monde non apparent, le monde culturel favorisé (Nathan .T, 2006). A l'instar de cette réalité, les symptômes post- traumatiques peuvent -être surmontés, car le sujet donne une dimension culturelle à son trauma. Une dimension qui aura un sens au sein d'un environnement qui lui procure les sentiments d’acceptation, de sécurité et de protection. (Jacques. P, 2001). La composante psychologique de l’individu est certes tributaire des propriétés culturelles que le sujet tient de son milieu d’appartenance (ou de référence) et des contacts noués avec les autres, mais son impact apparaît sur le plan psychologique, émotionnel et comportemental et plus particulièrement sur ce que lui offre son entourage Dans cette optique, la culture ne se résume pas en un facteur de protection seulement, elle sert d'étayage pour plusieurs paramètres impliquant les dimensions individuelles et sociales qui tissent une constellation d'interactions à partir des codes culturels locaux. (Hawkins.J, 2006). La résilience décrite et popularisée par Boris Cyrulnik, serait un phénomène psychologique consistant pour un individu affecté d'un traumatisme à apprendre acte .Elle peut-être définie comme la capacité d'une personne ou d'un groupe à bien se développer, à continuer à se projeter dans l'avenir en présence d'événements déstabilisants. Ces compétences comportementales de l'individu qui sont attribuées notamment dans ce contexte à des 2 aptitudes sociales appropriées seront favorisées et animées par la culture si elle en a la capacité. De ce fait, les capacités individuelles latentes ne peuvent apparaître et se développer qu'en fonction des modèles du soutien social et des liens qui se tissent entre individu /environnement. La place de la culture dans les études sur le psycho- trauma a pris une importance croissante aux cous de ces dernières années notamment la relation entre ces deux entités - résilience et culture. Nous tenterons à travers cette étude à démonter le caractère d'intégralité de certaines dynamiques du processus résilient dans ses liens avec les éléments culturels composites d'une même société. Les approches théorico-cliniques (Ting Toomy, 1999) qui permettent de penser le modèle de la résilience- culture mettent à contribution des analyses du processus impliquant les couches internes et profondes afin de détecter les composantes de ce bagage culturel (croyances, valeurs, normes, représentations ...). Ces éléments flottent à l'extérieur en présence de conditions difficiles et d'événements sévères et terrifiants. La spécificité qui caractérise la population mozabite (l’Azzaba) et le contexte social de la ville de Ghardaïa poussent à penser le rapport entre cette culture mozabite et ses facultés à souffler sur les braises de la résilience et procurer ainsi « le sens « et « le lien » (Cyrulnik ,2003) chez les victimes des inondations de 2008, qui ont provoqué un sinistre d'une ampleur sans précédent au sud , plus de 47 morts et 89 blessés et des dégâts matériels très étendus . Cette situation de catastrophe avait un impact sur les capacités adaptatives, individuelles et sociales. La catastrophe marquait profondément le site dans sa configuration physique : rues ensablés, complètement envahies par des tonnes de gravats, véhicules totalement désarticulés, etc. Cette effraction massive à la fois de l’environnement et des personnes " si elle est source de stress, elle offre aussi, potentiellement du moins, des occasions de repenser nos vies, plus précisément, l'ordre de nos valeurs." (Denis.H, 2002). C'est dans cette perspective que s'inscrit notre recherche qui tente à démontrer la contribution positive de la culture mozabite à l’enclenchement du processus de résilience chez les victimes des inondations de la ville de Ghardaïa, ainsi que la manière dont ce processus a été exprimé à travers des codes culturels locaux y compris sa manifestation la plus symbolique. En s'appuyant sur trois dimensions qui s'avèrent trés pertinentes dans la structuration de toute culture soit, la religion, soutien social, moyeux et traditions sociales (Martin & al , 2005), nous nous sommes intéressés dans notre problématique à savoir l'impact de cette culture mozabite sur le processus de résilience chez les sujets victimes d'une telle catastrophe naturelle aussi traumatisante. Dans ces formes d'adversité lesquelles, les affects et les interactions personnels laissent beaucoup de place à l'expression des savoir- faire et des savoir-être. Comment cette résilience s'opert-elle ? Comment agissent ces dimensions culturelles sur la dynamique résiliente chez ces individus? Quelles sont les usages sociaux possibles de ces éléments préventifs ? Nous cherchons à répondre à ces questions en nous servant des outils de " la clinique psycho traumatique ", du concept de résilience et des dimensions culturelles. Pour cela, nous présenterons d'abord un descriptif de la population mozabite (ville de Ghardaïa) afin de permettre la compréhension du contexte dans lequel nous 3 analysons la place des caractéristiques culturelles dans le processus de résilience. Dans un deuxième temps, nous exposerons et nous discuterons à la lumière des résultats obtenus de notre étude, l'influence qu'exercent les dimensions culturelles sur l'enclenchement du processus de la résilience chez les victimes des inondations du 7 octobre 2008 à Ghardaïa au sud algérien. 1. La résilience face au psycho traumatisme Le champ d'exploration des événements de vie traumatiques nous a montré combien ces derniers pèsent sur le devenir de chacun, et souvent en provoquant des pathologies dépressives, traumatiques et des conduites inadaptées. Mais les spécialistes de la résilience souhaitent attirer notre attention sur les personnes qui, malgré ces vécus lourds, ont appris à faire face à ces adversités avec d'autres réponses que les manifestations pathologiques (Rutter, 1998; Cyrulnik, 2003). La résilience entre mythe et réalité , se trouverait chez Fischer (1994) dans le fait, que le traumatisme qui aura un devenir tragique et catastrophique, peut devenir un nouveau début pour l'individu s'il sera bien orienté... une ouverture vers soi, et plus particulièrement vers une partie de soi que la personne n'a pas connue et que le trauma fait naître subitement . La résilience ne peut donc se mesurer qu'en réponse à ces situations perçues comme " à risque «. Patterson & al (1994) décrivent la résilience comme " l'habileté de fonctionner de façon adaptée et de devenir compétent lorsque des événements de vie stressants se présentent ". Cela signifie que le processus de résilience se met en place lors de la confrontation à une situation adverse et à cette condition. D'autres définitions insistent sur la nécessité de prendre en compte trois dimensions pour qu'il y'ait résilience (Cyrulnik, 1999). Ainsi, la résilience individuelle correspondrait à la fois à la " capacité d'une personne à pouvoir faire face " à une situation délétère, alliée à a " capacité de continuer à se développer " et également " à augmenter ses compétences " à partir de la situation adverse. Dans cette définition, l'aspect comportemental est apparent et donc elle se fonde essentiellement sur les compétences comportementales. Rutter (1985a, 1996b), considère que la résilience réside plus dans l'appartenance d'une personne à un contexte social et relationnel sur lequel elle prend appui, plutôt que dans ses caractéristiques individuelles en tant que telles. Le processus de résilience fait référence aux facteurs de protection qui mettent en valeur les capacités du sujet résilient de trouver ses ressources internes et des potentiels externes comprenant les liens intersubjectifs et le contexte social et culturel. Parmi les modèles mis à jour par les chercheurs facilitant la résilience, nous trouvons deux dimensions : - Dimension horizontale représentée par le modèle de la Casita, qui s'intéresse aux besoins fondamentaux du corps et se prolonge vers l'émotionnel et le spirituel. - Dimension verticale qui met en valeur l'apport de l'environnement : il s'agit de prendre en compte l'impact relationnel et structurel de la famille dans le développement de la résilience 4 individuelle qui sera soutenue par une résilience dite communautaire ou collective ; une sorte de membranes protectrices, superposées l'une contre l’autre. (Delage, 2003). 2. Approche de la résilience par le concept de culture Ralph Linton a souligné que l’une des acquisitions scientifiques les plus importantes des temps modernes est la reconnaissance du fait de la culture …En tant que lieu des représentations individuelles et collectives ; la culture sert d’étayage au psychique et présente un facteur de protection essentiel, elle aide la personne à gérer ses expériences terrifiantes et lui permet ainsi de surmonter les traumatismes. Un certain nombre de recherches s'intéressent à décrire les facteurs de protection que la culture favorise à l’individu. Parmi les facteurs culturels corrélés à la résilience, Martin et al (2005), ont retenu quatres éléments qui seraient présents, à des degrés divers, dans le fonctionnement résilient. Ce sont : la religion et le partage des mêmes valeurs, les rituels familiaux et sociaux, le soutien social et les traditions. 1. La religion, issu du latin ré-ligare, qui signifie refaire le lien ... est la plus forte composante de la résilience : elle joue le rôle d'une force fondamentale pour dépasser le deuil. Le sens religieux donné aux événements, les mots et les expressions qui servent d'étayage dynamisent la résilience et contribuent à la sortie de cet état de confusion et de dysfonctionnement qui entourent le sujet traumatisé. (Manciaux, 2003) 2. Le soutien social, protège l’individu, il élimine les premières sources de la situation stressante en renforçant chez lui, l'auto-estime et le sentiment de sa propre efficacité. Cyrulnik (1999). La qualité de l'entourage et du soutien était un facteur de protection face aux facteurs de risques que sont les événements traumatiques. 3. Les traditions sociales, le partage des rites et des traditions, encourage et favorise le développent de la résilience. Les manifestations culturelles au sein du groupe poussent à changer les premières sources de stress. 3. Ghardaïa : vallée du M'Zab Les Mozabites, en berbère (Ait Mzab) ou (Tumzabin), en arabe algérien : Bni -Mzab, " Fils du Mzab ", sont un groupe ethnique vivant principalement dans la région du Mzab en Algérie et les grandes villes algériennes, la plupart suivent le rite ibadite et parlent une variante mozabite du tamazight et l’arabe. Les Mozabites habitent cinq villes, dont Ghardaïa située dans la vallée du M'zab, au nord du Sahara, où ils se sont réfugiés après la terrible destruction de Tahert la Rustumide. Pendant le XVIIIe siècle, le rôle de la région comme carrefour commercial caravanier de l'Afrique saharienne s'est affirmé. La présence de Mozabites installés dans les villes du Nord du Maghreb telles que Tunis et Alger confirme leurs capacités commerciales. Ghardaïa présente la forme d'une ellipse : un point culminant la mosquée. La mosquée, apparaît bien comme le centre autour duquel s'est engendrée la cité. Les villes du M'zab, 5 comme la vie mozabite, ont deux " foyer" bien distincts : la mosquée et le marché. La mosquée, foyer de la vie religieuse a repoussé le marché, foyer de la vie économique et de l'activité profane. Les formes du soutien social prennent de l'ampleur chez les Mozabites : la célébration des mariages se fait selon un rite unique au Monde. La coutume veut que les mariages se fassent en groupe. Une journée de l'année est proclamée pour cette célébration. Elle regroupe tous les hommes dans le Ksar de Berriane et un des membres de l’Azzaba prêche devant toutes les communautés. Après la dernière prière d'El aicha, plusieurs activités traditionnelles et culturelles sont présentes, la musique, le théâtre, la poésie, les chants religieux, etc. Le lendemain, chaque marié est accompagné à son nouveau domicile. Pendant toute cette cérémonie, les hommes sont habillés de la même façon et on y trouve les différentes souches de la société du riche au simple citoyen. Sur le plan moral, rejetant la justification par la foi sans les œuvres, les Mozabites se montrent très attachés aux prescriptions de la Loi et à l'exercice des vertus positives. La communauté est seul juge des fautes de ses membres, hommes ou femmes, dont elle contrôle et sanctionne éventuellement tous les actes publics et privés par la tebria, sorte d'excommunication qui peut atteindre tout fidèle ; elle exclut de la prière le coupable, le met hors de la vie publique, le contraignant à s'expatrier jusqu'au moment où l'expiation lui sera permise. (Ageron.C.R, 2015). Le puritanisme imposé par la collectivité a pu s'atténuer, mais le principe interventionniste s'est maintenu jusqu'à nos jours. À la décharge de ce système, certains ont fait valoir les nécessités de la survie du groupe : l'obligation pour les émigrés de revenir périodiquement assurait la continuation des familles et remettait les émigrés dans l'atmosphère du pays natal. C'est une société, où la charité est un devoir strict, n'ait point de miséreux : ils sont toujours pris en charge par un groupe ou par un quartier de la cité. Il s'agit d'un système de soutien social qui motive et encourage la capacité d'affrontement positif chez les individus en cas de stress. Blane et Ganellen (1998), insistent sur l'importance de ce soutien comme sources psychologiques et sociales de prévention face aux conséquences des situations stressantes. 4. Démarche méthodologique : Notre démarche méthodologique s'appuie d'emblée sur les données du terrain. Elle repose sur la méthode descriptive analytique qui tente à déterminer la corrélation probable entre la résilience et les trois dimensions culturelles choisies ainsi que le poids de chacune de ces dimensions. La raison principale qui justifie ce choix est l'absence quasi totale de recherches portant sur l'influence des compétences culturelles sur la dynamique de résilience.La prise en compte de ce qu'entraîne une catastrophe naturelle, comme tous les événements traumatiques, avait déjà été étudiée par Murphy (1986) lors d'une recherche menée sur les trois années qui suivent un désastre naturel. Une autre direction a été suivie par Laave et Ben-Ari (2003) qui se demandent si des personnes appartenant à des cultures différentes vivent de la même manière les tracas. En comparant deux populations, des juifs et des arabes vivant à Israël, Lavee et Ben-Ari constatent des ressemblances et des différences qui pourraient être aussi bien contextuelles que culturelles. 6 En effet, les travaux dominants sur l'impact de la culture dans le psycho trauma présentent les différences ethniques comme des facteurs de résilience. La variable culturelle et l'influence de l'appartenance culturelle d'une même société sur le processus de résilience lors d'une catastrophe naturelle restent très peu étudiées dans le monde arabe et plus particulièrement en Algérie. Les travaux qui étudient les rapports entre la culture et la résilience se centrent sur l'influence des variations liées à la culture sur les manifestations des stress post-traumatiques à l'instar des travaux d’Alejandro Portes (2000)), sur les aspects d’acculturation, ceux de Jordan Ionesco (2008) et de Manciaux (2003) sur les facteurs de protection. Il existe en outre de nombreux travaux sur la notion de résilience et sur la dimension protectrice de la culture, quelques uns ont servi d'éclairage dans nos analyses. Mais il n'en reste pas moins que l'étude de certaines dynamiques du processus de résilience dans ses liens avec des éléments culturels au sein d'une même société soit absent dans le champ des recherches psychobiologiques et psycho- traumatiques. 1. Procédure : Il s'agit d'une étude psychosociale, menée en Mai 2009 (environ sept mois après la catastrophe) et comporte trois évaluations quantitatives par questionnaire. 2. Population L'étude a duré trois mois. Elle a été réalisée sur une population de 50 victimes qui ont accepté de participer. Il s'agit de 33 hommes et 17 femmes de 19 à 62 ans, dont 63% sont en couple. La majorité des sujets sont actifs (69%). Sur cette population nous avons appliqué les trois évaluations visant à déterminer la pertinence de certaines variables. Les réponses recueillies ont fait l'objet d'une comparaison. Cette dernière n'a révélé de visibles différences : ainsi, ces résultats permettent de vérifier que la participation à l'étude n'est influencée ni par les caractéristique sociodémographiques ou les stratégies de coping déployés face à l'adversité. 3. Dispositif de recueil de données Nous nous sommes appuyés sur trois instruments de mesure pour la collecte d'information : l'un consiste à l'évaluation des troubles post-traumatiques chez un groupe de victimes des inondations (QSPT). Le deuxième consiste à déterminer les caractéristiques des sujets. Le dernier dispositif concerne un recueil de données à base d'un questionnaire établi permettant de mesurer les hypothèses de la recherche .Nous avons fait une analyse des résultats en nous référant au cadre de la psychopathologie sociale. a. Test de stress post -traumatique : Il a été conçu comme un instrument d'évaluation des SPT. Il est réalisé sur la base des critères du DSM-IV-TR, à 35 items (Davidson, 1987). Utilisé pour définir l'échantillon de l’enquête, le principe de valeur de ce questionnaire est de réaliser des scores faibles comme critère du développement de la résilience chez les sujets. Présenter de faibles prévalences de l'état de SPT laisse penser à un processus résilient. b. Questionnaire pour l'évaluation de la contribution de la dimension culturelle dans la mise en place du processus résilient : nous avons construit un questionnaire permettant de recueillir des informations auprès de notre échantillon, et 46 items conçus pour mesurer chacune des trois dimensions qu'elles soient : soutien social coutumes et tradition et la 7 religion d'une autre part. Nous avons tenté à travers les items élaborés de s'inscrira bien dans l'esprit des recherches sur la résilience ou l'aspect "sens" et "lien" soit présent. c.Questionnaire général : nous avons élaboré ce questionnaire pour la prise en compte des caractéristiques sociodémographiques des sujets, les conséquences psychosociales (pertes de travail, des biens ...) et les séquelles traumatiques (physiques ou psychiques évaluées par des expertises). 4- Principaux résultats Nous présenterons dans ce contexte les résultats de l'étude qui viennent questionner les postulats théoriques sur la culture et la résilience chez les victimes des inondations du sud algérien. Plus précisément nous concentrons cette présentation sur la comparaison du poids de chacune des dimensions culturelles dans le contexte culturel mozabite en relation avec le processus de résilience chez les victimes. 1-Dimension culturelle et résilience a. Religion Sept mois après la catastrophe, les sujets présentent des scores faibles en ESPT. Ils développent des stratégies de résilience ou la foi et les croyances religieuses musulmanes apparaissent très significatives avec 93.05% soit une moyenne arithmétique de 2.91. Ainsi la valeur du coefficient de corrélation de Pearson entre scores du TSPT les items de la dimension - religion est de 0.288 au seuil de 0.0226. b.Soutien social Le soutien social avait son rôle attendu chez les sujets comme facteur de protection face aux facteurs de risque qui sont les événements traumatiques (inondations), du fait que les résultats nous révèlent que 73.20% ( Moyenne de 2.63) de la population avaient bénéficié de l'apport de l'entourage et de la présence de l'autre.la valeur du coefficient de corrélation de Pearson entre scores du TSPT les items de la dimension - soutien social est de 0.276 au seuil de 0.0226 . c.Traditions sociales Concernant la contribution des moeux et traditions partagés par la famille et le groupe dans la dynamique de résilience chez les sujets de notre étude, les scores sont significatifs (51.01%, M=2.21) la valeur du coefficient de corrélation de Pearson entre scores du TSPT les items de la dimension - moeux et traditions sociales est de 0.248 au seuil de 0.0226. 2. Trois dimensions en relief Une autre direction a été suivie dans cette étude, en se demandant sur la pertinence des trois dimensions culturelles pour permettre l'évaluation de chacune au sein du contexte culturel Mozabite. Les résultats font ressortir une significativité importante quant degré de contribution de chacune dans la dynamique de résilience chez les sujets victimes des inondations avec une valeur du k2 sous degré de liberté équivalent à n-2 au seuil 0.05 : - Dimension religieuse - soutien social -Dimension religieuse - moyeux et traditions sociales -Soutien social - moeux et traditions sociales 5. Discussion La taille restreinte de la population nous a peut-être empêchés de procéder à des analyses multi variées pour la compréhension du processus de résilience au sein d'un contexte culturel 8 Mozabite très enrichi. Cependant, les résultats de cette étude, comme celle de la représentativité restent comparables à ceux relevés dans d'autres études sur la résilience dans ses liens avec la culture lors d'une catastrophe naturelle. (Duchet et al, 1991). 1- Caractéristiques sociodémographiques Si certaines études révèlent des différences significatives liées aux caractéristiques sociodémographiques pour la prévalence ou non des troubles post-traumatiques chez les sujets exposés à des catastrophes (North et al ,1999), la présente étude montre au contraire, que l'influence de ces paramètres n'est pas significative. La relation réversible entre les troubles post-traumatiques et la dimension culturelle composée de la religion, le soutien social et les traditions au M'zab est constatée à travers les résultats, qui indiquent que ces trois éléments sont ressentis positivement par les deux sexes, quelque soient leurs âge et leurs situation familiale (Moyenne plus de 100 chez tous les groupes). En effet, ces constatations nous mettent devant deux vérités : la première s'exprime par l'attachement précoce à la religion en tant source de descriptions et d'explications de la souffrance humaine (Bracken et al, 1995) et la qualité des relations de soutien social qui règnent dans cette région. La deuxième vérité décrit le vécu collectif du traumatisme qui met en ouvre un processus de résilience collective présent dans la communauté Mozabite .Il s’agit, en fait d'un modèle de résilience qui reflète la capacité d'un régime social à la création et non seulement à la résistance (Lopez et al, 2002). Enfin, la catégorie socioprofessionnelle est cohérente avec les travaux de la psycho dynamique du travail qui montre que les catégories favorisées donnent du sens à leur travail. Ils réalisent le sentiment de la reconnaissance sociale et de l'acceptation au sein d'une communauté ou la charité et la solidarité sont un devoir strict. Cela, pousse à dire qu'en sus des différenciations psychosociales connues entre cadres et "non-cadres", on ne peut évoquer à Ghardaïa, l'idée que les professions les moins valorisées rencontrent plus de difficultés à donner sens à leur existence, du moment où la structure sociale des Mozabites est fondée sur la cohésion. 2. Un processus de résilience en œuvre Si certaines études ont mis en évidence, chez des personnes appartenant à des cultures nonoccidentales, de faibles prévalences de SPT (Friedman et Marzella, 1998). Dans notre recherche, nous constatons après sept mois, l'absence des troubles post-traumatiques chez les victimes des inondations de 2008 au sud algérien. Après le deuil, une occasion de rebondissement pour ces sujets dont les scores étaient très faibles en (ESPT) : on est là au cœur du mécanisme de résilience. Ce résultat rejoint les recherche américaines qui justifient la résilience en l'absence du trouble de stress post- traumatique après l'exposition à des catastrophes naturelles. Ceci s'explique donc par la présence de facteurs de protection individuels, familiaux et environnementaux qui dynamisent ce processus de résilience et qui sont présents dans le contexte cultuel de la communauté Mozabite. Par ailleurs, cette hypothèse est révélée par un taux de 74.35% des sujets qui attestent la contribution positive de la culture Mozabite dans le renforcement de leurs ajustements positifs ; ce qui confirmerait à nouveau l'effet du bagage culturel (religion, soutien social et traditions) sur les capacités des personnes à dire oui à la vie, là ou la vie lui dit non. ( Gianfrancesco, 1999). Ces données soulignent l'importance de la religion (93.05%) dans sa continuité, pour le psychisme confronté au traumatisme. Ce pendant ce constat confirme aussi le rôle et 9 l'importance de l'environnement et des liens sociaux (73.20%) à long terme, alors que les traditions sont significativement faibles en comparaison avec les deux autres dimensions. Ces constatations rejoignent les travaux d’Ionesco (2008) qui mettent en valeur l'importance des croyances religieuses. Ainsi, les Mozabites s'en tiennent au seul Coran qui, représente la Parole de Dieu. Ils l'enseignent donc avec une passion exclusive, les prières et la « récitation » coranique est la Prière par excellence. L'austérité de cette foi et l'exaltation de la divinité expliquent peut-être cette force de faire face en cas de catastrophes. On doit voir plus qu'un symbole dans le fait que les villes du Mzab sont construites autour d'une unique mosquée et que le minaret qui les domine est appelé le gardien de la cité : la société mozabite vit dans une atmosphère religieuse, et la pureté de la foi et de la morale est considérée comme la sauvegarde de la communauté. En dépit des différences ethniques, La religion est le facteur de protection numéro un. L'étude de Johnson sur des familles résilientes d'origine Afro-Américaine met le point également sur l'impact de la religion comme un mécanisme sacré enraciné. Le plan de la ville laisse entrevoir la structure de la société mozabite " la culture mozabite est caractérisée par l'intégration extrêmement forte de la famille étendue "Achira", élément simple et irrésistible , clé de la voûte de l'édifice social qui aide ses membres à s’ identifier et à faire émerger leur capacités et les compétences qu'ils possèdent en matière de relations d'éducation et de participation à la vie communautaire et les aides à les mettre en œuvre dans les situations de catastrophes. Ce style d'attachement serait favorable à la construction de la résilience et le développement d'un certain nombre de capacités qui reposent sur des compétences interprétatives et symboliques (contrôle de soi, la tolérance à la frustration ...). C'est ainsi que Fonagy (2001) précise que l'environnement relationnel précoce contribue avant tout à faire acquérir à l'individu un système de traitement de l'information générateur des mécanismes interprétatifs interrelationnels( MII). Les traditions et les coutumes, peuvent être mises en parallèle avec les données précédentes. Du fait, qu'il ne faut pas négliger l'impact de ces ressources pour absorber l'idée de l'événement traumatisant tels que les regroupements sociaux, les réunions des femmes et des hommes. En effet, la symbolique de certaines traditions Mozabites ( Imsorene, Anfache ...) et les cérémonies collectives sont un prolongement de la pratique religieuse musulmane qui sacralise la charité et la solidarité sociale .Vatz Larousse a montré que les rites aident à dépasser les traumatismes. La culture Mozabite trouve le fondement de sa cohésion dans la richesse de ses traditions historiques légendaires et doctrinales du à la précision harmonieuse des jeux des groupes à 'l'intérieur des différentes communautés, dans le fonctionnement ingénieux des " ittifaquât «, consignées par écrit et fertiles en pur prudence (Ravérau.A ,2003). Un ordre de gestion assuré par l’Azzaba , conseil des sages responsable de toutes les décisions des citoyens selon des règles. Enfin dans une doctrine souple et rigide à la fois, qui définit un style de vie parfaitement originale en Afrique du sud. Donc, la société Mozabite par la force de sa structuration sociale qui repose sur l'attachement à la religion, à la famille et aux traditions favorise la naissance d'un sentiment de sécurité 10 interne, qui serait lié d'une part des expériences d'attachement (Bowlby, 1968) mais également au sentiment d'appartenance à un réseau social et relationnel. En effet, le sentiment d'appartenir à une famille, d'être inscrit dans affiliation ou une "achira" qui le soutienne, apporte de la sécurité et favorise la résilience Ces données ont le mérite de souligner l'importance de ressources procurées par la culture musulmane, qui auraient un rôle protecteur, à court moyen et long terme, pour le psychisme confronté à l’effraction. Ce constat confirme la réflexion de Summerfield, quand il insiste sur le fait, généralement admis, que chaque culture a ses propres cadres pour concevoir la santé mentale ainsi que les normes pour la recherche d'aide en temps de crise. Conclusion En 2002 Denis écrivait: «Si les désastres sont sources de stress, ils offrent aussi, potentiellement du moins, des occasions de repenser nos vies, plus précisement, dans certains cas, l'ordre de nos valeurs. A ce titre, ils peuvent constituer des révélateurs.» En effet, après tout événement traumatique, certaines personnes peuvent s'en sortir ou rebondir. Comme l'a confirmé cette recherche, la résilience est reliée à la culture, qui joue le rôle d'un catalyseur puissant pour mobiliser les populations locales, les réunir et renforcer les sentiments d'appartenance autour de ce processus de reprise de construction. Nos résultats tendent à montrer que la composante culturelle de la société contribue à l'émergence de la résilience face aux catastrophes naturelles. Dans le cadre des opérations humanitaires, l'approche de la résilience, qui permet de concilier aide humanitaire et développement, semble constituer une réponse cohérente au besoin crucial de soutenir et aider les populations en situation de fragilité et de vulnérabilité, offrant par là-même des possibilités non seulement de prévenir des chocs futurs, mais également d'assurer la continuité et de conduire l'indispensable transition entre les phases d'aide humanitaire et d'appui au développement. Les constats de cette recherche permettent donc, d'adopter un autre regard sur l'intégration de la culture dans les stratégies et les actions de prévention des catastrophes naturelles, car il ne suffit pas de s'intéresser à cette dimension, il est clair qu'elle est devenue une nécessité scientifique. 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