Pour expliquer à quoi sert l’ARN messager, reprenons la structure de la cellule. A l'intérieur du noyau
se trouvent les recettes pour fabriquer les protéines, ces recettes sont dans nos gènes, qui font
partie des chromosomes. Nous pouvons comparer nos chromosomes à des livres dans une
bibliothèque centrale, le noyau, dont ils ne peuvent jamais sortir. Quand il faudra fabriquer une
protéine dans la cellule, comme le gène ne peut voyager, il faudra copier sa recette sous forme
d'ARN messager: celui-ci pourra sortir du noyau pour aller dans le cytoplasme rencontrer la
machinerie qui fabriquera la protéine dont il porte la recette.
Très rarement, les enzymes de réparation de notre ADN laissent passer une erreur, comme une faute
de frappe dans un texte. S'il y a une erreur sur un gène, ce qu’on appelle une mutation, quand l'ARN
messager sera produit par copie du gène, il va également porter cette mutation. L’ARN messager
portant la recette erronée va sortir du noyau, et va diriger la fabrication d'une protéine qui elle-
même sera erronée. Par exemple la protéine sera tronquée à la moitié de sa taille normale si la
mutation vient interrompre la recette en son milieu.
Revenons au titre de mon exposé, j’y mentionne de nouvelles stratégies pour guérir les maladies.
Mais quelles étaient les anciennes stratégies en fait? Mon collègue Jean-Marie Colet, professeur de
Toxicologie, m’a signalé que tous les médicaments actuellement sur le marché, ciblent uniquement
des protéines: les antibiotiques, les antidépresseurs, les antidouleurs, les anti-cholestérol, la pilule
anti-conceptionelle etc… Pris tous ensemble, les médicaments actuels ciblent exactement 483
protéines.
La méthode du futur, ça sera plutôt d'essayer de corriger l'erreur, la mutation sur le gène, ce que
l'on appelle la thérapie génique. Mais ça, c'est encore en grande partie du rêve… A l'heure actuelle,
ce n’est pas encore tout à fait au point, même si, et c’est extraordinaire, quelques patients ont déjà
été guéris. Mais rassurez-vous, d'ici une dizaine d'années c'est sûr que ça va marcher pour plusieurs
maladies.
Alors, en attendant que reste-t-il à faire? Entre les gènes et les protéines, c'est de cibler les ARN
messagers, ces copies des recettes qui sortent du noyau pour faire fabriquer la protéine. Voici la
première stratégie qui cible les ARN messagers, c'est ce que l'on appelle l'interférence par ARN.
La découverte de ces méthodes a valu à ses auteurs Andrew Fire et Craig Mello de recevoir le Prix
Nobel de Physiologie et Médecine en 2006. Quel en est le principe? Un micro ARN, c’est-à-dire un
tout petit ARN double brin synthétique est injecté dans la cellule, il va s’associer avec plusieurs
protéines, et perdre l’un de ses brins. Le brin associé aux protéines va se coller à l'ARN messager dont
un bout de séquence lui est complémentaire et va causer la destruction de cet ARN messager.
Voyons l’impact de la méthode d'interférence par ARN au niveau de la cellule complète.
Nous partons toujours d’un gène, qui est la recette, vers l'ARN messager, qui en est la copie, et la
protéine qui est en quelque sorte le gâteau fabriqué à partir de cette recette. L'interférence ARN va
détruire l'ARN messager et, par conséquent, la cellule ne saura plus comment fabriquer la protéine.
Donc, si une protéine cause une maladie, on ne va pas cibler son gène avec ces nouvelles stratégies
thérapeutiques. On va simplement détruire l'ARN messager pour l’empêcher de porter la recette de
la protéine à l’endroit de sa fabrication !
Revenons au titre de mon exposé, j’y mentionne des maladies causées par des gènes. Qu’avons-nous
comme exemples de maladies qui pourraient être soignées de cette manière ?
Le cas le plus avancé au niveau développement thérapeutique est la dégénérescence maculaire liée à
l'âge. Cette pathologie est la cause principale de cécité dans les pays occidentaux. A quoi ressemble
la vision d'une personne qui développe cette maladie? Vous pouvez voir à gauche cette image nette
de deux enfants et d’un ballon. Mais une personne atteinte de la pathologie verra une espèce de
trou gris au milieu de l'image, avec un halo flou.