Cœur et périphéries du continent L`Europe est un continent

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Chapitre 3 : Cœur et périphéries du continent
L’Europe est un continent hétérogène avec une zone centrale qu’est la dorsale.
I.
La figure de la dorsale européenne.
Fig. 1 : la lecture des densités de population en Europe
- Une évidence continentale : la « dorsale » européenne de
peuplement
- Des densités régionales de plus de 300 hab/km2
- Environ 70 millions d’habitants soit 10% du total européen sur 5% du
territoire…
Densité de population :
Il apparaît une évidence continentale : la dorsale européenne, un
foyer de peuplement de Liverpool à Milan.
Les grands foyers de cette dorsale sont :
Le bassin de Londres
La région de Rhin
La région de la Bavière
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La région de la Lombardie
L’Europe est un foyer de population d’environ 70 millions d’habitants
dont un peu plus de 10 millions sont concentrés sur cette bande étroite qu’est la dorsale
européenne.
Explication : pourquoi ce cœur ?
Fig. 2 : les liens et les flux au sein de la dorsale
- Proximité et connexité des pôles urbains :
Le réseau urbain est serré, les villes marchandes sont très proches les unes des autres ce qui
augmentent le nombre de connexions entre les villes en fonctions de leur proximité physique.
- Potentiel économique de 1er ordre :
Volume d’échanges possibles : plus les villes sont grandes plus les échanges sont importants. De
Manière flagrante on voit émerger la dorsale
-Infrastructures mondiales: le Northern Range (Rangée Nord)
et ses grands ports
-Conception de « rangée nord » : au départ l’Europe représente l’interface européen de la mer
du nord où il y a la présence de nombreux et importants ports tels que : Rotterdam qui est le
premier port mondial (concurrencé par Singapour et maintenant distancé par la Chine), Le
Havre, Anvers ou encore Hambourg. C’est le point des échanges marchands, ce sont des ports
de complémentarité. On parle d’un point de respiration de l’Europe. Les anciens ports ont été
choisis pour devenir des ports importants. Il y a eu depuis quelques années l’invention de
conteneurisation. Grâce à l’évolution des ports maritimes il y a eu une réduction des coûts et un
développement des équipements. Cette évolution a permis de relier l’Europe à l’Asie par des
routes que l’on appelle « tracks ». Rotterdam est devenu un HUB où il y a une centralisation des
marchandises pour être redistribuées en Europe principalement.
Aujourd’hui, c’est un véritable système d’échanges mondialisés qui s’est mis en place et où
Rotterdam a éclipsé les
autres ports européens.
- Un hinterland européen (canaux jusqu’au Danube)
Concept d’HINTERLAND : cela signifie arrière-pays.
L’HINTERLAND de Rotterdam c’est l’Europe. Il y a important réseau fluvial partant de Rotterdam
servant à
redistribuer les marchandises par bateau jusqu’au Danube.
La voie maritime intérieure jusqu’à la mer Noire est le canal Rhin-Main-Danube.
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Fig. 3 : un isthme européen
- Un réseau aéroportuaire dense (hubs aussi)
- Autoroutes, voies ferrées, pôles chimiques, énergétiques
et industriels…
- Des capitales de rang mondial (« global cities », Saskia
Sassen).
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- Un « isthme européen » (Jean Barrot, R. Brunet)
Un isthme européen :
Un isthme est une étroite bande de terre permettant ici de relier la
mer du nord à la méditerranée.
Les trois premiers aéroports recevant 190 millions de passagers par an
sont : Londres, Paris et Francfort.
Le transport de personnes est encore plus sélectif que le transport de marchandise. Les voies
autoroutières et ferrées sont d’une densité importante.
A la base de la dorsale, se trouve un potentiel industriel important par la présence de minerais :
charbon ou encore acier…ex : la région de la Ruhr est la suprématie de l’industrie allemande
(sidérurgie, pétrochimie…)
Il y a aujourd’hui des villes postindustrielles appelées « global cities »
SASKIA SASSEN : sociologue qui identifie à l’échelle du monde les villes de commandement
dans l’économie
mondiale. Pour elle, trois villes méritent ce titre de commandement : New-York / Tokyo / Londres.
S.S distinguait aussi des villes importantes et beaucoup se trouvaient dans la dorsale
européenne comme capitales économiques et politiques : Bruxelles / Lahaye / Strasbourg/
Francfort. Ces villes ont un rôle non négligeable et elles assurent toutes à l’échelle mondiale une
fonction particulière.
Bilan : des infrastructures de premier ordre : Northern Range (rangée nord) et hub multimodal
de Rotterdam, une
façade maritime de rayonnement mondial et un hinterland continental par les réseaux de
transport. Plates-formes aéroportuaires, équipements industriels et miniers hérités (ex. de la
Rhénanie allemande). Notion de Global cities (S. Sassen): beaucoup de villes à stature
internationale dans la dorsale.
Fig. 4 : une mégalopole à nuancer
Une « mégalopole » (Jean Gottman, 1961) ?
Eviter la « banane bleue » (R. Brunet, 1980)
Des ruptures, des nuances de densité
Des « satellites » à la dorsale :
- une « pieuvre rouge » (the Red Octopus) ?
- des « corridors de croissance » ?
Pourquoi la dorsale est une puissance économique ?
Au moyen-âge, deux grandes zones prospèrent : au nord, des provinces unies dans un bassin
historique. Au sud, des puissances princières telles que Gênes, Venise…
Le terme de dorsale admet certains noms et n’en admet pas d’autres
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Mégalopole : nom crée par GOTTMAN réinscrit au 19ème siècle en 1861 donnée en premier
pour la dorsale
européenne où des villes mondiales étaient reliées à des villes émergeantes.
Le nom à bannir est le terme de « banane bleue » car celui-ci est peu géographique.
Roger Brunet propose à la DATAR le terme de « dorsale » entendue comme zone de création
dynamique
européenne.
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Bilan : la Dorsale médio-européenne, un continuum de densités. Proximité, connexité et
potentiel économique des
réseaux de villes, mesurés par une modélisation gravitaire. Explication historique : l'isthme
européen (J. Barrot) entre Flandres et Italie du Nord. Critique des autres termes rencontrés :
"mégalopole" (J. Gottmann), "banane bleue" (R. Brunet).
D’un point de vue géographique :
La dorsale n’est pas continue : on trouve plusieurs séparations : La Manche au nord et la chaîne
des Alpes au sud.
On peut parler d’une certaine séparation.
Mais :
La Manche est une route maritime totalement intégrée à la dorsale. Elle était une zone disputée
car elle était le
premier champ de pétrole, d’hydrocarbures mais aussi de poissons.
Les Alpes : elles ne sont pas un obstacle car on remarque une forte densité de population, elles
ont été de plus
domptées par hommes par la création de tunnels…aujourd’hui les Alpes sont devenus des
zones touristiques.
Il est donc impossible de parler de véritables ruptures.
Dans cette mégalopole nous trouvons aussi des zones rurales telles que les Ardennes, la région
de la Hesse en
Allemagne, les Vosges ou encore la région de la frise qui s’étend au nord des Pays-Bas.
Ces zones rurales ne constituent pas de zones de ruptures car elles sont des zones de loisirs et de
culture, il y a
donc une certaine complémentarité.
Autour de ces zones rurales, gravitent plusieurs satellites tels que Paris même si il y a un
éloignement physique.
D’autres routes complémentaires :
L’Ecosse est éloignée, il faut franchir les Highlands
La vallée du Danube
Emergence d’une nouvelle routes entre Allemagne / Slovénie et Croatie
Différents concepts :
« la pieuvre rouge » ou corridor de puissance concernant les flux et réseau de la dorsale
européenne partant du
cœur de la dorsale et divergent vers l’extérieur de la dorsale comme des tentacules de
pieuvre.
Concept de « pentagone européen » : Au lieu de parler de la dorsale, on pourrait parler de «
cœur pentagonal »
entre Londres, Paris, Milan, Munich et Hambourg.
Bilan : vision de ruptures qui n'en sont pas (Manche et Mer du nord, axes majeurs de circulation
et ressources
halieutiques / énergétiques). Existence de marges intégrées : plaines et plateaux agricoles
(Frise, Picardie, etc.), massifs anciens (Hesse, Ardenne, Massif schisteux rhénan, Vosges ou Forêt
Noire): jouent un rôle agricole et touristique. Extension de la dorsale: idée de Red Octopus (Van
der Meer) et de corridors de croissance vers l'Est (ex: Hellweg allemand, vallée du Danube).
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II.
Les cœurs en devenir du continent :
Fig. 5 : les autres cœurs de peuplement en Europe
- La base : de vieilles régions agricoles fertiles, marchandes et industrielles: Saxe, Silésie, Moravie
- Renouveau par le « triangle d’Or » des métropoles Vienne-Prague-Budapest et l’axe majeur du
Danube
- Un axe dense (200 hab./km2, 50 Mo d’hab.) mais peu présent dans l’analyse des cœurs de
l’Europe…
Fig. 6 : l’organisation énergétique et industrielle de
ce centre européen
- Une fourniture en énergie dépendant encore pour le
tiers de la Russie, via les réseaux de l’Amitié
- Une priorité stratégique du socialisme en faveur de l’industrie lourde, équipement aidé par
l’URSS mais dont la production était drainée vers l’Est …
Fig. 7 : le facteur des transports en Europe centreorientale
- Net retard de l’équipement autoroutier (300 km en tout
pour tous les pays satellites de l’URSS en 1991 contre plus de
7000 km pour la seule France à la même date)
- Un choix modal : le rail
Fig. 8 : des lacunes héritées dans cet autre cœur
démographique du continent européen
- Une priorité à l’industrie lourde au détriment des services
- Faiblesse des investissements dans l’espace public
(équipements civils, infrastructures)
Fig. 9 : paysages des cœurs est-européens
- Le mode d’habitation collectif surimposé à l’héritage de l’élite urbaine
- L’urbanisation encadrée et planifiée du monde rural (tradition de navettage vers les villes pour
un emploi
industriel complémentaire)
Fig. 10 : l’image du « boo-merang centre-européen »
(Enyedi, Gorzelak
- Axe de métropoles et de cœurs économiques proches de
l’Ouest européen
- Variété interne (industrie, tourisme, grands axes de
transport) et potentiels
- Un effet de miroir face à l’Ouest ?
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Les autres cœurs de peuplement en Europe :
La Pologne : A la base, de vieilles régions fertiles agricoles, marchandes et industrielles : la
région de la Saxe, de la
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Moravie ou de la Silésie.
On retrouve certaines caractéristiques de la dorsale :
La région de Cracovie qui est une région marchande
Un renouveau par « le triangle d’or » : Prague-vienne-Budapest avec fort un développement
économique et
touristique.
Un axe dense de 200 habitants au km2
Découverte de minerais tels que le lignite, le fer ou le charbon…
Alors pourquoi ce secteur n’a pas le même impact ?
La réponse se trouve dans l’histoire, l’Europe centrale n’a pas fait les mêmes choix
économiques que la dorsale car
les pays étaient sous dominations soviétique.
En Europe centrale il n’y as eu de développement dans l’industrie lourde ni la haute
technologie, l’industrie lourde existante était exportée en Russie et l’économie était une «
économie sous perfusion » avec un dynamisme contrôlé.
A l’ouest, la priorité était donnée à l’industrie lourde.
Les priorités étaient donc différentes. Depuis 1989, il n’y a pas vraiment eu de réorganisation
comme par exemple au niveau des axes routiers : il y a toujours un net retard de l’équipement,
en tout 300Km d’autoroutes pour tous les pays satellites de L’URSS. (la France compte 7000km
d’autoroute à elle seule).
Choix modal :
Union européenne
Pays satellites
Routes
70%
27%
Rails
17%
63%
On remarque à l’est une faiblesse des services, des investissements à l’espace public, il y a une
priorité à l’industrie
et au militarisme.
A partir de 1990, il y a une rénovation mais les lacunes héritées l’ont empêché de devenir le
cœur économique
d’aujourd’hui.
A l’est : Budapest arrive au même niveau que Lyon et fait concurrence à Paris.
Au contraire : Pereslaiëv : sous-urbanisation
L’urbanisation est encadrée avec des intéractions présentes. L’héritage perd de sons sens car
ce sont des cœurs
incomplets.
Aujourd’hui c’est un cœur potentiel que l’on appelle « le boomerang centre-européen »
Bilan : au-delà de la Dorsale, des pôles de densité, avec un appareil industriel hérité et un passé
prospère: Saxe,
Silésie, Sudètes, Moravie. Dynamisme de grandes agglomérations : le Triangle d'Or danubien
(Prague/Vienne/Budapest), des conurbations anciennes et puissantes (Dresde, Leipzig,
Cracovie).
Bilan : mais un développement industriel exogène sous le socialisme, orienté vers l'industrie
lourde. Dépendance
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énergétique et capitalistique forte, choix modal du rail dans les exportations vers l'URSS, et une
faible
modernisation productive : autant de handicaps dans la restructuration post-socialiste.
Bilan : des réseaux de transport insuffisants (réseau autoroutier indigent), malgré un
renversement modal rapide
en faveur de la route. Et des lacunes: pollution urbaine, faible tertiairisation commerciale,
entretien des espaces et équipements publics insuffisant. Des villes particulières (habitat
collectif, lien à la ruralité). Idée de "boomerang centre-européen" (G. Enyedi, G. Gorzelak): un
potentiel à terme.
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III.
Périphéries et marges :
Fig. 11 : les facteurs de différenciation
- Les marges rurales du continent européen : des campagnes en évolution rapide (ressources
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alimentaires, essor des fonctions touristiques et protection de la nature)
- Les véritables périphéries du continent: lecture possible par les « facteurs limitants » (culturels)
du peuplement : LATITUDE, ALTITUDE, ARIDITE
Ce sont des centres dont l’économie est moins intégrée car les
échanges moins importants.
Les marges et périphéries correspondent-elles à une faible
densité ? NON.
MARGES : ce sont des pays peu intégrés et éloignés comme l’Irlande ou la Mazurie. Elles ne sont
pas toutes en retard grâce à un essor touristique avec une évolution rapide dans certains pays.
Bilan : attention, des notions qui ne sont pas nécessairement synonymes de moindre
développement ou
d'enclavement. Les marges rurales de faible densité (Irlande, Champagne, Morvan, Massif
central, Cévennes, Monts de Bohème/Forêt de Bavière, Poméranie, Mazovie/Mazurie), des
espaces en évolution qualitative malgré leur moinde accessibilité et développement
(agriculture, tourisme) et dont les bilans démographiques sont même localement positifs
(Irlande, France).
Fig. 12 : la question de l’intégration territoriale
des marges et périphéries
- Attention, les périphéries et les marges ne sont pas
forcément répulsives!
- des cœurs en déclin naturel et migratoire (ex-RDA,
bassins houillers/industriels)
- des périphéries en croissance: Irlande, Pologne
occidentale, Scandinavie.
- Attention aux espaces scandinaves « faussement
vides »: exclusivité urbaine.
(Peuplement et urbanisation des pays riverains de la
mer Baltique)
PERIPHERIES : il y 3 critères : latitude / altitude et aridité. Ces trois facteurs sont limitant.
Il existe des périphéries
de moindre peuplement comme par exemple la région des Carpates ou le centre de
l’Espagne.
Avec un taux d’urbanisation correct et donc plus de connexions et de services : ex : Ukraine
L’ex-Allemagne de l’est est au cœur mais relativement en retard
L’idée de périphéries est donc à nuancer.
Bilan : des périphéries liées aux questions de latitude, d'altitude ou d'aridité : Ecosse du Nord,
Scandinavie,
Campagnes lettones et estoniennes, russes et biélorusses, arc des Carpates bugares et
roumaines, Meseta espagnole, collines intérieures de Grèce et des Balkans. Là encore, malgré
un modèle centre-périphérie dominant et de réels retards économiques, il existe des secteurs
développés et urbains (Scandinavie).
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Conclusion :
Le fait majeur : le rôle structurant des réseaux de villes, organisés en lignes de force du
continent ;
Un modèle centre-périphérie dominant, avec un enjeu d’intégration territoriale des marges et
périphéries aux
cœurs.
Plutôt qu’un modèle centre-périphérie, évolution possible vers un principe général de
polycentrisme en Europe (G.
Baudelle) ?
Bibliographie
Des liens utiles pour préciser les concepts :
- Roger Brunet, sur la notion de "banane bleue":
http://www.mgm.fr/ARECLUS/page_auteurs/Brunet14.html
- Guy Baudelle, sur l'idée de polycentrisme européen:
http://www.diact.gouv.fr/IMG/File/Territoires2020N_3_12.pdf
Quelques ouvrages de géographie régionale consacrés aux pays de la Dorsale d'une part, et
aux pôles des pays
d'Europe centrale et orientale d'autre part :
- Boyer J-C.(2000), Géographie humaine de l’Allemagne, A. Colin coll. « U », 224 p.
- Boyer J-C. (1994), Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Masson coll. « Géographie », Paris, 255 p.
- Brunet R., Dollfus O.. (1990), Mondes nouveaux, Belin/Reclus coll. « Géographie Universelle »,
Paris, 480 p.
- Marchand J-P., Riquet P. (1993), Europe du Nord, Europe médiane, Belin/Reclus coll. «
Géographie Universelle »,
Paris, 480 p.
- Maurel M-C. (dir.) (1997), Recompositions de l’Europe médiane, dossier D.I.E.M. n°21, SEDES,
11
Paris, 217 p
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