PLeIn sUD ● SPÉCIAL RECHERCHE 2006/2007 55
Chez l’adulte, la plupart des types cel-
lulaires subissent un perpétuel renou-
vellement, selon des processus souvent
proches de ceux observés au cours du
développement embryonnaire. Ce renouvelle-
ment repose sur l’existence d’un contingent de
cellules souches* capables de remplacer tout
au long de la vie les cellules mortes et de main-
tenir ainsi l’intégrité tissulaire. Une cellule
souche est une cellule immature, à l’origine
d’un ou plusieurs types cellulaires spécialisés.
En se divisant, une cellule souche génère une
nouvelle cellule souche (auto-renouvellement)
et une cellule progénitrice* qui se multipliera
activement avant de s’engager irréversiblement
dans un programme de différenciation*.
Les cellules souches :
thérapeutique de demain ?
Outre son intérêt pour notre compréhension de la
biologie du développement, la recherche sur les cel-
lules souches revêt un enjeu extrêmement important
d’un point de vue thérapeutique. Seuls de rares ver-
tébrés comme la Salamandre (amphibien urodèle)
ont la capacité de régénérer des parties entières de
leur organisme en cas de lésion ou d’ablation. Cette
propriété s’est largement perdue au cours de l’évolu-
tion. Chez les mammifères, certains organes comme
le foie peuvent, dans une certaine mesure, com-
penser une perte tissulaire. Dans la plupart des cas
cependant, le renouvellement cellulaire naturel est
impuissant face aux lésions générées par certaines
pathologies, comme les maladies neuro-dégénérati-
ves. Deux stratégies potentielles peuvent être envi-
sagées pour l’utilisation des cellules souches à des
fins thérapeutiques. La première approche consiste
à cibler les cellules souches du patient pour stimu-
ler les mécanismes de réparations endogènes. La
seconde repose sur la mise au point de protocoles de
thérapie cellulaire*. Elle nécessite l’isolement préa-
lable de cellules souches, leur expansion in vitro, leur
éventuelle orientation vers un type cellulaire d’inté-
rêt et enfin leur réimplantation chez le patient.
Par ailleurs, les similitudes existant entre les cellules
souches et certaines cellules tumorales ont amené
les chercheurs à proposer le concept de « cellules
souches cancéreuses » (Figure 1). Ces cellules seraient
capables de s’auto-renouveler et de générer les
différents types cellulaires de la tumeur. Leur ori-
gine n’est pas encore connue. Les cellules souches
cancéreuses pourraient dériver de cellules souches
dysfonctionnelles. Des cellules tumorales pourraient
également acquérir des caractéristiques de cellules
souches.
La compréhension des mécanismes moléculaires qui
gouvernent la prolifération et le destin des cellules
souches constitue donc une problématique fonda-
mentale tant dans le domaine de la thérapie cellu-
laire, que dans celui de la cancérologie.
La rétine : modèle d’étude des
cellules souches neurales
Les cellules souches adultes sont rares et, en l’ab-
sence de marqueurs spécifiques susceptibles de
leur assigner une identité, il est très difficile de les
repérer in vivo et de les isoler. Les cellules souches
hématopoïétiques, à l’origine du tissu sanguin, sont
historiquement les premières à avoir été mises en
évidence. L’existence de cellules souches dans les
tissus soumis à une forte abrasion comme l’épiderme
ou l’épithélium intestinal ne fait plus aucun doute.
En revanche, la découverte de cellules souches dans
le cerveau adulte a bouleversé un dogme que l’on
aurait cru, il y a seulement dix ans, inébranlable. Le
célèbre neurobiologiste Ramon y Cajal écrivait en
1902 « We are born with a certain number of brain
cells which decrease with age. Everything must die in
the brain or spinal cord - nothing can regenerate ».
Sa théorie, en vigueur jusqu’au milieu des années 90,
affirmait que le système nerveux adulte ne connais-
sait pas de renouvellement cellulaire. Cependant,
de nombreux travaux ont récemment démontré
l’existence de cellules souches neurales capables
d’entretenir continûment une neurogenèse dans le
cerveau adulte (production de nouveaux neurones
et cellules gliales*) et de participer dans une certaine
mesure à la réparation du tissu nerveux. Malgré les
énormes progrès qui ont jalonné ces dix dernières
années la recherche sur les cellules souches neu-
rales, de nombreux points d’ombre demeurent. En
/ FIGURE 1
Les traitements anti-cancéreux traditionnels (en haut) tuent
rapidement les cellules tumorales en division (rouge) mais
leurs effets sont souvent transitoires, suggérant la persistance
de cellules souches cancéreuses (bleu), à l’origine de la récur-
rence tumorale. L’enjeu actuel (en bas) consiste à développer
des outils thérapeutiques capables de cibler directement les
cellules souches cancéreuses, afin d’obtenir des rémissions à
plus long terme.