L’Information psychiatrique 2011 ; 87 : 375–8 TROUBLES DES CONDUITES ET TROUBLES ENVAHISSANTS DU DÉVELOPPEMENT CHEZ L’ENFANT ET L’ADOLESCENT Déficit de l’attention/hyperactivité : le point de vue des familles Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Christine Gétin RÉSUMÉ Le trouble déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) est un trouble « neuro-psycho-développemental », ce trouble est le plus prévalent en psychopathologie de l’enfant, avec 5,6 % des enfants d’âge scolaire en France [3]. En l’absence de diagnostic, il entraîne une souffrance à la fois à la maison et à l’école car l’enfant est rejeté à la fois par ses pairs et par les adultes. Les parents sont à l’initiative du diagnostic dans la moitié des cas et ce après un temps moyen d’errance de plusieurs années. Ce diagnostic est porté par des spécialistes après un délai moyen d’attente d’un rendez-vous spécialisé de huit mois auquel s’ajoute un second délai de huit mois qu’une médication soit proposée. Les parents souhaitent une classification qui permette une meilleure compréhension du trouble, qui contribue à aider au mieux leur enfant. Une reconnaissance du handicap cognitif que génère le trouble est nécessaire pour une bonne prise en charge des enfants, afin de leur assurer une intégration scolaire, une insertion professionnelle et une bonne qualité de vie. Mots clés : trouble déficitaire de l’attention hyperactivité, trouble du comportement, nosologie, Cim ABSTRACT Attention deficit/hyperactivity disorder: the parents point of view. Attention deficit/hyperactivity disorder (ADHD) is the most frequent neuro-psycho-developmental disorder in childhood, affecting 5.6% of school-aged children [3]. In the absence of a diagnosis, ADHD induces suffering both at home and at school because ADHD children are stigmatized and rejected. In half the cases of children diagnosed as ADHD it was the parents who initiated the search for a diagnosis, often after several years of misdiagnosis. It is necessary to create a classification to better understand the disorder and to help these children. The cognitive handicap induced by ADHD must be recognized to give ADHD children the special care they need, to ensure their performance in school and later in a job and to make available to them the possibility of a satisfying, good quality of life. doi:10.1684/ipe.2011.0786 Key words: attention deficit hyperactivity disorder, behaviour disorder, nosology, ICD Présidente de l’association HyperSupers TDAH France, 37, rue des Paradis, 95410 Groslay, France <[email protected]> Tirés à part : C. Gétin L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 87, N◦ 5 - MAI 2011 375 Pour citer cet article : Gétin C. Déficit de l’attention/hyperactivité : le point de vue des familles. L’Information psychiatrique 2011 ; 87 : 375-8 doi:10.1684/ipe.2011.0786 C. Gétin RESUMEN Déficit de atención/hiperactividad : el punto de vista de las familias. El trastorno del déficit de atención con hiperactividad (TDAH) es un trastorno del “neuropsicodesarrollo”, siendo este trastorno el más prevalente en psicopatología infantil, con un 5,6 % de los niños de edad escolar [3]. De la falta de diagnóstico se deriva un sufrimiento a la vez en casa y en la escuela pues el niño es rechazado por sus iguales y por los adultos. Los padres llevan la iniciativa del diagnóstico en la mitad de los casos, y ello, tras varios años erráticos como media. Este diagnóstico se lleva a cabo por medio de unos especialistas tras un plazo medio de ocho meses para concertar una cita especializada, plazo al que se añade otro más antes de tomar un medicamento. Los padres desean una clasificación que permita una mejor comprensión del trastorno, que contribuya a ayudar lo mejor posible a su hijo. Un reconocimiento del perjuicio cognitivo que genera el trastorno es necesario para una adecuada atención de los niños, con el fin de asegurarles una integración escolar, una inserción profesional y una buena calidad de vida. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Palabras claves : trastorno deficitario de la atención, hiperactividad, trastorno del comportamiento, nosología, CIM L’association HypersSupers TDAH a effectué une enquête nationale en 2009 sur les besoins et les difficultés liées au TDAH : 282 familles ont participé [2]. Cette enquête a mis en évidence que dans 46 % des cas, les familles prennent elles-mêmes la décision de consulter pour un diagnostic. Ce sont majoritairement (77 % des cas) les difficultés dans le milieu scolaire qui poussent les parents à investiguer le problème de l’enfant. D’après une première pré-enquête portant sur un échantillon de 30 parents participants à un forum de discussion en 2004, le délai d’errance ou « nomadisme » médical précédant le diagnostic était en moyenne de 4 ans, cette évaluation manque de fiabilité. Lors de l’enquête nationale [2], il a été constaté un délai moyen de 8,2 mois d’attente pour obtenir un rendezvous avec un spécialiste du trouble, soit des neuropédiatres (34 %) soit des pédopsychiatres (37 %). Il existe aussi un délai de huit mois entre le moment où le diagnostic est posé et le moment où intervient un traitement médicamenteux, mais celui-ci n’est pas proposé à tous les enfants. Ce sont ces problématiques du délai d’errance diagnostique et d’attente d’une consultation spécialisée qui ont amené un groupe de parents à créer l’association. Il s’agissait de cinq familles, qui avaient eu chacune de cinq à dix années d’errance diagnostique et ce d’autant que l’enfant présentait surtout un déficit attentionnel et semblait sage, « dans la lune ». Ce sont des enfants qui ne dérangeaient pas obligatoirement mais qui ressentaient tout de même une grande souffrance à l’école et à la maison. Le plus souvent c’est par le canal du site Internet, que les familles et les patients entrent en contact avec l’association, dont c’est la seule vitrine. Ce qui implique, qu’il faut avoir lancé une recherche à partir de mots clés tels que : hyperactivité, trouble de l’attention. Donc il faut déjà connaître les mots (« maux ») pour contacter l’association. Les mots utilisés par les familles pour décrire les enfants atteints du trouble sont : l’agitation, le manque d’attention, etc. On retrouve les éléments de diagnostic et de troubles associés, dans les termes employés par les familles. 376 Parmi les difficultés sociales exprimées par rapport à l’enfant et les difficultés dans la famille, la plus marquante est le rejet social que subit l’enfant, car il n’a pas d’amis, il n’est jamais invité, fait le pitre, il paraît parfois violent, car impulsif et contrôle mal ses émotions. À la maison, il y a aussi de nombreuses difficultés : crise de colère, agitation, opposition et agressivité. Ainsi, lorsque le diagnostic n’est pas posé, l’enfant est vraiment stigmatisé au quotidien et il est rejeté par le groupe et par les adultes. Alors qu’avec un diagnostic précis, l’entourage accède à une explication des troubles et l’enfant peut être compris, aidé, au lieu d’être jugé comme un enfant capricieux, manquant de limite, voire « mal éduqué ». Le diagnostic vient aussi soulager la souffrance des parents qui éprouvent une grande culpabilité, se sentent jugés et stigmatisés comme de mauvais éducateurs. Le diagnostic permet de restaurer avec leur enfant un lien de bonne qualité et de se placer dans une dynamique de compréhension et de soin auprès de leur enfant. Les familles des patients ont besoin d’une classification pour donner un nom aux difficultés des enfants qui souffrent de ces symptômes. Pouvoir, se retrouver sous une dénomination commune, ou une classification, permet aux familles de se rencontrer et d’avoir accès à la littérature scientifique et médicale pour comprendre les dysfonctionnements et leur retentissement. L’un des premiers soins qui peut être apporté à l’enfant, consiste à le comprendre. En tant que parents, si l’on comprend les manifestations, les dysfonctionnements qui sont sous-jacents par rapport aux symptômes, au retentissement qui en découle, ou pourrait en découler, on dispose de plus de connaissance et de moyen pour aider l’enfant face à son trouble. Les conditions environnementales qui peuvent aggraver ou diminuer l’impact des symptômes doivent être identifiées. Le tableau symptomatique est souvent unique pour chaque enfant, mais il existe un noyau commun autour duquel les familles peuvent échanger entre-elles et s’entraider. Au sein de l’association, les familles échangent entre-elles beaucoup d’astuces pour gérer le quotidien, des choses très pratiques, et assez simples. L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 87, N◦ 5 - MAI 2011 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Déficit de l’attention/hyperactivité : le point de vue des familles La classification permet un langage commun qui facilite les échanges entre tous les intervenants de la chaine de soins. Aujourd’hui, la coordination des soins dans le TDAH est le plus souvent assurée par les parents, car il y a une réelle difficulté à trouver un spécialiste pour le diagnostic, puis un médecin qui accepte de renouveler tous les 28 jours l’ordonnance du médicament et des professionnels paramédicaux pour assurer les rééducations et les thérapies, à proximité de leur lieu de vie. Ils sont souvent très éloignés les uns des autres. Le choix des mots utilisés par les classifications a donc une grande importance pour la reconnaissance du trouble et son acceptation par les familles. Les termes employés doivent être représentatifs du trouble sans stigmatiser la personne ni la réduire à son trouble. Le symptôme qui est au centre des difficultés et préoccupe le plus les familles est le manque d’attention (94 %) [2]. Alors qu’en vieillissant les enfants parviennent à mieux contrôler leur agitation motrice, leur trouble attentionnel, semble, lui, s’accroître avec l’âge. Le terme « hyperkinésie » utilisé dans la CIM-10 [6] est peu connu des familles, bien qu’il exprime la notion de contrôle et de mouvement. Le terme hyperactivité, correspond à un enfant agité, remuant, et c’est un terme très familier et de plus en plus utilisé. Les parents utilisent pour décrire leur enfant des mots proches des symptômes : agité, épuisant, remuant, distrait, manque de concentration, impulsif impatient, bavard. Mais aussi, juste après les termes qui se référent à l’agitation, on peut noter également l’utilisation des mots insomnies, nuits agitées, réveils nocturnes. Pour les familles, la classification, représente un moyen d’accès aux soins, par sa représentation au plus proche de ce que manifeste l’enfant. Elle permet de nommer, donc de soigner et par conséquent de conduire l’enfant vers la meilleure issue possible. Si on reprend la CFTMEA [5], elle a un côté assez moderne, parce que c’est la seule classification qui dispose d’une catégorie « troubles cognitifs », comprenant les : « Troubles de l’attention sans hyperkinésie », et ce à l’intérieur de la catégorie « les troubles spécifiques du développement ». Dans le DSM-IV-R [1], le TDAH se situe dans les « Troubles : déficit de l’attention et comportements perturbateurs ». Le TDAH apparait aussi dans « les troubles des habiletés motrices » même si, dans ce cas, le manque d’habileté motrice est davantage lié à l’impulsivité qu’à une perturbation motrice. Dans le chapitre, les troubles hyperkinétiques de la CIM-10 [6], la plupart des termes utilisés pour décrire les troubles, sont relatifs à l’attention. Ainsi, le déficit de l’attention est bien l’une des préoccupations majeures dans la symptomatologie des patients. La dimension de troubles cognitifs est essentielle. L’association a contribué à ce qu’un groupe de travail définisse et décrive la classification des handicaps cognitifs. La loi du 11 février 2005 [4] définit que « le handicap correspond à une limitation de l’activité ou restriction de participation de la vie en société, subie, dans son environnement, par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive, d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un poly handicap ou d’un trouble de santé invalidant ». Le mot cognitif présent dans ce texte est important pour les enfants ayant un TDAH. La présence de la notion de handicap cognitif dans la loi facilite la reconnaissance des difficultés d’apprentissage et d’adaptation sociale des enfants ayant un TDAH et sa définition viendrait utilement étayer cette notion. De même, dans ce travail de définition qui est pratiquement abouti, il y a un chapitre qui s’appelle « trouble du développement des processus attentionnel et des fonctions exécutives », qui permet de décrire comment le déficit d’attention et le déficit des fonctions exécutives, peuvent conduire à une limitation d’activité ou des restrictions de participation pour les enfants dont ses fonctions sont touchées. Reconnaître l’altération de fonctions cognitives et en tenir compte dans la classification contribuerait à mieux reconnaître les difficultés des enfants atteints de TDAH. Et leur permettrait d’éviter la trop grande stigmatisation liée au jugement qu’ils subissent en l’absence de diagnostic et le manque de compréhension face à leur agitation qui parfois occupe le premier plan des symptômes. Les familles souhaitent une terminologie cohérente avec les symptômes pour faciliter le dialogue, la coordination des soins et pour une juste compréhension du mode de fonctionnement de l’enfant. Cependant, il apparaît que les médecins français sont peu nombreux à utiliser les classifications, ce qui est regrettable car elles contiennent des descriptions très intéressantes. Il est primordial de faire de la prévention. Les troubles de l’attention et l’hyperactivité ne font pas partie des troubles des conduites, mais cependant non identifiés et mal pris en charge, ils semblent constituer un facteur de risque supplémentaire. Il serait intéressant de savoir si ce facteur de risque est lié à l’absence de prise en charge du trouble ou au trouble lui-même. Ainsi, les enfants atteints de TDAH sont souvent sujets à la déscolarisation, à l’exclusion scolaire. Parmi les principaux facteurs de risque de la délinquance, l’on retrouve l’exclusion scolaire, l’échec scolaire. Par conséquent, une bonne intégration scolaire est un préalable nécessaire à une bonne insertion professionnelle, un épanouissement personnel et une qualité de vie familiale satisfaisante. Les enfants ayant un TDAH de type inattentif, donnent l’impression qu’ils sont opposants. Ils ne font pas attention, ils sont dans la lune et ils s’opposent car des éléments de la communication leurs échappent. Ils ont une interprétation erronée, une distorsion cognitive par rapport à ce qu’ils perçoivent ou entendent. Parfois, ils finissent par être en opposition ou manifester une agressivité, mais cette L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 87, N◦ 5 - MAI 2011 377 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. C. Gétin attitude serait peut-être davantage une manifestation de leur souffrance que la manifestation d’un réel trouble de l’opposition. Il faut donc veiller à ce que ce type d’attitude ne devienne pas une habitude et agir de manière préventive. Il est rassurant pour les familles que les psychiatres entourent les diagnostics de trouble des conduites de beaucoup de précautions, parce que ce sont des diagnostics qui peuvent être très stigmatisant et constituer un obstacle au soin, il faut le prendre en compte dans les classifications. Pour conclure, en présence d’un trouble déficit de l’attention/hyperactivité, avant même que le diagnostic ne soit posé, il existe fréquemment une stigmatisation de fait, liée au trouble lui-même et qui place les patients qui en sont atteints en situation d’exclusion sociale. C’est donc par le diagnostic, l’accès au soin et le soin lui-même que la personne ayant un TDAH pourra le mieux se dégager de toute forme de stigmatisation et progressivement apprendre à vivre avec son trouble. Les classifications doivent en nommant les troubles, contribuer à l’accès au soin et à l’amélioration de la vie des patients. Conflits d’intérêts : aucun. 378 Références 1. American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders (4th ed., text revision). Washington, DC: Author, 2000. 2. Gétin C, Keddad K, Lecendreux M. Enquête sur le parcours de soin des familles ayant un enfant atteint de TDAH en France. L’encéphale, revue de psychiatrie clinique biologique et thérapeutique 2011 ; 37 : 299. 3. Lecendreux M, Konofal E, Faraone SV. Prevalence of attention deficit hyperactivity disorder and associated features among children in France. J Atten Disord 2010. 4. Loi n◦ 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. 5. Misès R, Quemada N. Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent-R-2000 (quatrième édition). Paris : CTNERHI, 2002. 6. World Health Organization. International. Statistical Classification of Diseases and Related Health Problems. 10th Revision (ICD-10). Geneva, Switzerland : World Health Organization, 1992. L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 87, N◦ 5 - MAI 2011