Déficit de l`attention/hyperactivité : le point de vue des familles

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L’Information psychiatrique 2011 ; 87 : 375–8
TROUBLES DES CONDUITES ET TROUBLES ENVAHISSANTS DU DÉVELOPPEMENT
CHEZ L’ENFANT ET L’ADOLESCENT
Déficit de l’attention/hyperactivité : le point de vue
des familles
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Christine Gétin
RÉSUMÉ
Le trouble déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) est un trouble « neuro-psycho-développemental », ce trouble est
le plus prévalent en psychopathologie de l’enfant, avec 5,6 % des enfants d’âge scolaire en France [3]. En l’absence de
diagnostic, il entraîne une souffrance à la fois à la maison et à l’école car l’enfant est rejeté à la fois par ses pairs et par les
adultes. Les parents sont à l’initiative du diagnostic dans la moitié des cas et ce après un temps moyen d’errance de plusieurs
années. Ce diagnostic est porté par des spécialistes après un délai moyen d’attente d’un rendez-vous spécialisé de huit mois
auquel s’ajoute un second délai de huit mois qu’une médication soit proposée. Les parents souhaitent une classification
qui permette une meilleure compréhension du trouble, qui contribue à aider au mieux leur enfant. Une reconnaissance du
handicap cognitif que génère le trouble est nécessaire pour une bonne prise en charge des enfants, afin de leur assurer une
intégration scolaire, une insertion professionnelle et une bonne qualité de vie.
Mots clés : trouble déficitaire de l’attention hyperactivité, trouble du comportement, nosologie, Cim
ABSTRACT
Attention deficit/hyperactivity disorder: the parents point of view. Attention deficit/hyperactivity disorder (ADHD) is
the most frequent neuro-psycho-developmental disorder in childhood, affecting 5.6% of school-aged children [3]. In the
absence of a diagnosis, ADHD induces suffering both at home and at school because ADHD children are stigmatized and
rejected. In half the cases of children diagnosed as ADHD it was the parents who initiated the search for a diagnosis, often
after several years of misdiagnosis. It is necessary to create a classification to better understand the disorder and to help
these children. The cognitive handicap induced by ADHD must be recognized to give ADHD children the special care they
need, to ensure their performance in school and later in a job and to make available to them the possibility of a satisfying,
good quality of life.
doi:10.1684/ipe.2011.0786
Key words: attention deficit hyperactivity disorder, behaviour disorder, nosology, ICD
Présidente de l’association HyperSupers TDAH France, 37, rue des
Paradis, 95410 Groslay, France
<[email protected]>
Tirés à part : C. Gétin
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 87, N◦ 5 - MAI 2011
375
Pour citer cet article : Gétin C. Déficit de l’attention/hyperactivité : le point de vue des familles. L’Information psychiatrique 2011 ; 87 : 375-8 doi:10.1684/ipe.2011.0786
C. Gétin
RESUMEN
Déficit de atención/hiperactividad : el punto de vista de las familias. El trastorno del déficit de atención con hiperactividad (TDAH) es un trastorno del “neuropsicodesarrollo”, siendo este trastorno el más prevalente en psicopatología infantil,
con un 5,6 % de los niños de edad escolar [3]. De la falta de diagnóstico se deriva un sufrimiento a la vez en casa y en la
escuela pues el niño es rechazado por sus iguales y por los adultos. Los padres llevan la iniciativa del diagnóstico en la mitad
de los casos, y ello, tras varios años erráticos como media. Este diagnóstico se lleva a cabo por medio de unos especialistas
tras un plazo medio de ocho meses para concertar una cita especializada, plazo al que se añade otro más antes de tomar
un medicamento. Los padres desean una clasificación que permita una mejor comprensión del trastorno, que contribuya a
ayudar lo mejor posible a su hijo. Un reconocimiento del perjuicio cognitivo que genera el trastorno es necesario para una
adecuada atención de los niños, con el fin de asegurarles una integración escolar, una inserción profesional y una buena
calidad de vida.
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Palabras claves : trastorno deficitario de la atención, hiperactividad, trastorno del comportamiento, nosología, CIM
L’association HypersSupers TDAH a effectué une
enquête nationale en 2009 sur les besoins et les difficultés liées au TDAH : 282 familles ont participé [2]. Cette
enquête a mis en évidence que dans 46 % des cas, les
familles prennent elles-mêmes la décision de consulter pour
un diagnostic. Ce sont majoritairement (77 % des cas) les
difficultés dans le milieu scolaire qui poussent les parents
à investiguer le problème de l’enfant. D’après une première pré-enquête portant sur un échantillon de 30 parents
participants à un forum de discussion en 2004, le délai
d’errance ou « nomadisme » médical précédant le diagnostic était en moyenne de 4 ans, cette évaluation manque de
fiabilité.
Lors de l’enquête nationale [2], il a été constaté un
délai moyen de 8,2 mois d’attente pour obtenir un rendezvous avec un spécialiste du trouble, soit des neuropédiatres
(34 %) soit des pédopsychiatres (37 %). Il existe aussi un
délai de huit mois entre le moment où le diagnostic est posé
et le moment où intervient un traitement médicamenteux,
mais celui-ci n’est pas proposé à tous les enfants. Ce sont ces
problématiques du délai d’errance diagnostique et d’attente
d’une consultation spécialisée qui ont amené un groupe de
parents à créer l’association. Il s’agissait de cinq familles,
qui avaient eu chacune de cinq à dix années d’errance diagnostique et ce d’autant que l’enfant présentait surtout un
déficit attentionnel et semblait sage, « dans la lune ». Ce
sont des enfants qui ne dérangeaient pas obligatoirement
mais qui ressentaient tout de même une grande souffrance
à l’école et à la maison.
Le plus souvent c’est par le canal du site Internet, que les
familles et les patients entrent en contact avec l’association,
dont c’est la seule vitrine. Ce qui implique, qu’il faut avoir
lancé une recherche à partir de mots clés tels que : hyperactivité, trouble de l’attention. Donc il faut déjà connaître
les mots (« maux ») pour contacter l’association.
Les mots utilisés par les familles pour décrire les
enfants atteints du trouble sont : l’agitation, le manque
d’attention, etc. On retrouve les éléments de diagnostic
et de troubles associés, dans les termes employés par les
familles.
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Parmi les difficultés sociales exprimées par rapport à
l’enfant et les difficultés dans la famille, la plus marquante
est le rejet social que subit l’enfant, car il n’a pas d’amis,
il n’est jamais invité, fait le pitre, il paraît parfois violent,
car impulsif et contrôle mal ses émotions. À la maison,
il y a aussi de nombreuses difficultés : crise de colère,
agitation, opposition et agressivité. Ainsi, lorsque le diagnostic n’est pas posé, l’enfant est vraiment stigmatisé au
quotidien et il est rejeté par le groupe et par les adultes.
Alors qu’avec un diagnostic précis, l’entourage accède à
une explication des troubles et l’enfant peut être compris,
aidé, au lieu d’être jugé comme un enfant capricieux, manquant de limite, voire « mal éduqué ». Le diagnostic vient
aussi soulager la souffrance des parents qui éprouvent une
grande culpabilité, se sentent jugés et stigmatisés comme
de mauvais éducateurs. Le diagnostic permet de restaurer
avec leur enfant un lien de bonne qualité et de se placer dans
une dynamique de compréhension et de soin auprès de leur
enfant.
Les familles des patients ont besoin d’une classification pour donner un nom aux difficultés des enfants qui
souffrent de ces symptômes. Pouvoir, se retrouver sous une
dénomination commune, ou une classification, permet aux
familles de se rencontrer et d’avoir accès à la littérature
scientifique et médicale pour comprendre les dysfonctionnements et leur retentissement. L’un des premiers soins qui
peut être apporté à l’enfant, consiste à le comprendre. En
tant que parents, si l’on comprend les manifestations, les
dysfonctionnements qui sont sous-jacents par rapport aux
symptômes, au retentissement qui en découle, ou pourrait
en découler, on dispose de plus de connaissance et de moyen
pour aider l’enfant face à son trouble.
Les conditions environnementales qui peuvent aggraver ou diminuer l’impact des symptômes doivent être
identifiées. Le tableau symptomatique est souvent unique
pour chaque enfant, mais il existe un noyau commun
autour duquel les familles peuvent échanger entre-elles et
s’entraider. Au sein de l’association, les familles échangent
entre-elles beaucoup d’astuces pour gérer le quotidien, des
choses très pratiques, et assez simples.
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 87, N◦ 5 - MAI 2011
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Déficit de l’attention/hyperactivité : le point de vue des familles
La classification permet un langage commun qui facilite les échanges entre tous les intervenants de la chaine
de soins. Aujourd’hui, la coordination des soins dans le
TDAH est le plus souvent assurée par les parents, car il y
a une réelle difficulté à trouver un spécialiste pour le diagnostic, puis un médecin qui accepte de renouveler tous les
28 jours l’ordonnance du médicament et des professionnels
paramédicaux pour assurer les rééducations et les thérapies,
à proximité de leur lieu de vie. Ils sont souvent très éloignés
les uns des autres.
Le choix des mots utilisés par les classifications a donc
une grande importance pour la reconnaissance du trouble
et son acceptation par les familles. Les termes employés
doivent être représentatifs du trouble sans stigmatiser la
personne ni la réduire à son trouble. Le symptôme qui est
au centre des difficultés et préoccupe le plus les familles
est le manque d’attention (94 %) [2]. Alors qu’en vieillissant les enfants parviennent à mieux contrôler leur agitation
motrice, leur trouble attentionnel, semble, lui, s’accroître
avec l’âge.
Le terme « hyperkinésie » utilisé dans la CIM-10 [6]
est peu connu des familles, bien qu’il exprime la notion
de contrôle et de mouvement. Le terme hyperactivité, correspond à un enfant agité, remuant, et c’est un terme très
familier et de plus en plus utilisé.
Les parents utilisent pour décrire leur enfant des mots
proches des symptômes : agité, épuisant, remuant, distrait,
manque de concentration, impulsif impatient, bavard. Mais
aussi, juste après les termes qui se référent à l’agitation, on
peut noter également l’utilisation des mots insomnies, nuits
agitées, réveils nocturnes.
Pour les familles, la classification, représente un moyen
d’accès aux soins, par sa représentation au plus proche de
ce que manifeste l’enfant. Elle permet de nommer, donc
de soigner et par conséquent de conduire l’enfant vers la
meilleure issue possible.
Si on reprend la CFTMEA [5], elle a un côté assez
moderne, parce que c’est la seule classification qui dispose d’une catégorie « troubles cognitifs », comprenant
les : « Troubles de l’attention sans hyperkinésie », et ce
à l’intérieur de la catégorie « les troubles spécifiques du
développement ».
Dans le DSM-IV-R [1], le TDAH se situe dans les
« Troubles : déficit de l’attention et comportements perturbateurs ». Le TDAH apparait aussi dans « les troubles
des habiletés motrices » même si, dans ce cas, le manque
d’habileté motrice est davantage lié à l’impulsivité qu’à une
perturbation motrice. Dans le chapitre, les troubles hyperkinétiques de la CIM-10 [6], la plupart des termes utilisés
pour décrire les troubles, sont relatifs à l’attention. Ainsi,
le déficit de l’attention est bien l’une des préoccupations
majeures dans la symptomatologie des patients.
La dimension de troubles cognitifs est essentielle.
L’association a contribué à ce qu’un groupe de travail définisse et décrive la classification des handicaps cognitifs.
La loi du 11 février 2005 [4] définit que « le handicap correspond à une limitation de l’activité ou restriction
de participation de la vie en société, subie, dans son environnement, par une personne en raison d’une altération
substantielle, durable ou définitive, d’une ou plusieurs
fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou
psychiques, d’un poly handicap ou d’un trouble de santé
invalidant ». Le mot cognitif présent dans ce texte est important pour les enfants ayant un TDAH. La présence de la
notion de handicap cognitif dans la loi facilite la reconnaissance des difficultés d’apprentissage et d’adaptation
sociale des enfants ayant un TDAH et sa définition viendrait
utilement étayer cette notion.
De même, dans ce travail de définition qui est pratiquement abouti, il y a un chapitre qui s’appelle « trouble
du développement des processus attentionnel et des fonctions exécutives », qui permet de décrire comment le déficit
d’attention et le déficit des fonctions exécutives, peuvent
conduire à une limitation d’activité ou des restrictions de
participation pour les enfants dont ses fonctions sont touchées. Reconnaître l’altération de fonctions cognitives et
en tenir compte dans la classification contribuerait à mieux
reconnaître les difficultés des enfants atteints de TDAH. Et
leur permettrait d’éviter la trop grande stigmatisation liée
au jugement qu’ils subissent en l’absence de diagnostic et le
manque de compréhension face à leur agitation qui parfois
occupe le premier plan des symptômes.
Les familles souhaitent une terminologie cohérente avec
les symptômes pour faciliter le dialogue, la coordination des
soins et pour une juste compréhension du mode de fonctionnement de l’enfant. Cependant, il apparaît que les médecins
français sont peu nombreux à utiliser les classifications, ce
qui est regrettable car elles contiennent des descriptions très
intéressantes.
Il est primordial de faire de la prévention. Les troubles de
l’attention et l’hyperactivité ne font pas partie des troubles
des conduites, mais cependant non identifiés et mal pris en
charge, ils semblent constituer un facteur de risque supplémentaire. Il serait intéressant de savoir si ce facteur de
risque est lié à l’absence de prise en charge du trouble ou
au trouble lui-même.
Ainsi, les enfants atteints de TDAH sont souvent sujets
à la déscolarisation, à l’exclusion scolaire. Parmi les principaux facteurs de risque de la délinquance, l’on retrouve
l’exclusion scolaire, l’échec scolaire. Par conséquent, une
bonne intégration scolaire est un préalable nécessaire à une
bonne insertion professionnelle, un épanouissement personnel et une qualité de vie familiale satisfaisante.
Les enfants ayant un TDAH de type inattentif, donnent
l’impression qu’ils sont opposants. Ils ne font pas attention, ils sont dans la lune et ils s’opposent car des éléments
de la communication leurs échappent. Ils ont une interprétation erronée, une distorsion cognitive par rapport à
ce qu’ils perçoivent ou entendent. Parfois, ils finissent par
être en opposition ou manifester une agressivité, mais cette
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C. Gétin
attitude serait peut-être davantage une manifestation de
leur souffrance que la manifestation d’un réel trouble de
l’opposition. Il faut donc veiller à ce que ce type d’attitude
ne devienne pas une habitude et agir de manière préventive.
Il est rassurant pour les familles que les psychiatres
entourent les diagnostics de trouble des conduites de beaucoup de précautions, parce que ce sont des diagnostics qui
peuvent être très stigmatisant et constituer un obstacle au
soin, il faut le prendre en compte dans les classifications.
Pour conclure, en présence d’un trouble déficit de
l’attention/hyperactivité, avant même que le diagnostic ne
soit posé, il existe fréquemment une stigmatisation de fait,
liée au trouble lui-même et qui place les patients qui en
sont atteints en situation d’exclusion sociale. C’est donc
par le diagnostic, l’accès au soin et le soin lui-même que
la personne ayant un TDAH pourra le mieux se dégager de
toute forme de stigmatisation et progressivement apprendre
à vivre avec son trouble. Les classifications doivent en
nommant les troubles, contribuer à l’accès au soin et à
l’amélioration de la vie des patients.
Conflits d’intérêts : aucun.
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Références
1. American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical
manual of mental disorders (4th ed., text revision). Washington, DC: Author, 2000.
2. Gétin C, Keddad K, Lecendreux M. Enquête sur le parcours de
soin des familles ayant un enfant atteint de TDAH en France.
L’encéphale, revue de psychiatrie clinique biologique et thérapeutique 2011 ; 37 : 299.
3. Lecendreux M, Konofal E, Faraone SV. Prevalence of attention
deficit hyperactivity disorder and associated features among
children in France. J Atten Disord 2010.
4. Loi n◦ 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits
et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes
handicapées.
5. Misès R, Quemada N. Classification française des troubles
mentaux de l’enfant et de l’adolescent-R-2000 (quatrième édition). Paris : CTNERHI, 2002.
6. World Health Organization. International. Statistical Classification of Diseases and Related Health Problems. 10th Revision
(ICD-10). Geneva, Switzerland : World Health Organization,
1992.
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