Chapitre 14
INTEGRALES DE RADON
Dans tous ce qui suit Xsignera un espace métrique,
ou plus généralement un espace topologique séparé,
sauf mention expresse du contraire.
Version du 5 décembre 2005
Claude Portenier ANALYSE 511
14.0
Introduction
Rappelons que, pour tout intervalle fer[a; b], nous avons déni l’espace vectoriel réticulé
R([a; b]) des fonctions réelles (bornées) qui sont intégrables au sens de Riemann, ainsi que
l’intégrale de Riemann, qui est une forme linéaire positive
Zb
a
:R([a; b]) ! R:f7! Zb
a
f=Zb
a
f(x)dx .
On a
E([a; b]) [ C ([a; b])  R([a; b]) ,
et on construit d’autres fonctions R-intégrables à l’aide des opérations pour lesquelles R([a; b])
est stable, en particulier celles dun espace vectoriel réticulé et celle de limite uniforme. Malheu-
reusement cela ne su¢ t pas, même dans des situations très pratiques, et en plus les théorèmes
dans ce cadre ne sont pas les meilleurs.
Nous verrons qu’en élargissant la notion dintégrabilité, en introduisant celle de Lebesgue,
nous obtiendrons un outil beaucoup plus puissant. Il nous faudra également considérer d’autres
intégrales. Il ne su¢ t pas dintégrer sur un intervalle de R, mais aussi sur Rn, voire sur des
parties de Rncomme les sphères, conduisant à la notion dintégrale super…cielle. D’autre part,
pour des besoins plus récents tels que la théorie des objets fractals, on a besoin des mesures (ou
intégrales) de Hausdo. Pour les théories probabilistes ou en physique, la théorie quantique
des champs, il est indispensable de savoir intégrer sur des espaces vectoriels de dimension
in…nie. An de ne pas empêcher les développements ultérieurs, j’introduirai la notion d’intégrale
adaptée à tous ces problèmes, celle d’intégrale de Radon , dé…nie comme une fonctionnelle
linéaire croissante régulière sur un cône de fonctions semi-continues inférieurement.
Je présenterai également un outils puissant de construction d’intégrales, l’intégration dune
famille dintégrales, permettant en particulier de construire les intégrales induites, celles ayant
une densité, les intégrales produit de deux intégrales et les images d’intégrales. Ceci fournira
des formules très prégnantes, appréciées des physiciens, dé…nissant l’intégrale de Lebesgue dans
Rn, les intégrales super…cielles et liant ces intégrales.
512 INTEGRALES DE RADON Claude Portenier
Les additions dans R14.1
14.1 Les additions dans R
Pour commencer, nous allons rappeler un certain nombre de notations, dé…nitions et résul-
tats.
DEFINITION 1 Nous noterons
R:= R[ f1g et e
R:= R[ f+1g .
L’ordre total et la multiplication de Rsont prolongés à Ren posant
1 <  < 1pour tout 2R,
et
(1)=(1) = 8
<
:
1 0<  61
0si = 0
1 1 6 < 0
.
En outre dé…nissons
1
0=1et 1
1 = 0 .
Pour tout partie ARnous noterons
A+:= f2Aj>0g; A:= f2Aj60get A:= Arf0g.
Soit Xun ensemble. Pour tout f; g 2RX,2Ret x2X, on dé…nit
(f) (x) := f(x);(fg) (x) := f(x)g(x);jfj(x) := jf(x)j
et
min (f; g) (x) := min (f(x); g (x)) ;max (f; g) (x) := max (f(x); g (x)) .
On pose
f:= max (f; 0) et f:= min (f; 0) .
Soit F RX. Les fonctions
sup F:x7! supf2F f(x)et inf F:x7! inff2F f(x)
s’appellent enveloppe supérieure , respectivement inférieure de F.
On a
jfj:= max (f; f)et f=f.
REMARQUE Il nexiste pas daddition convenable sur R.
En e¤et, sinon on aurait
1+ (1) = (1) + 1= (1)+[(1)] = [1+ (1)] ,
donc 1+ (1) = 0 , et par suite
1 = 1 + [1+ (1)] = (1 + 1)+(1) = 1+ (1) = 0 ,
Claude Portenier INTEGRALES DE RADON 513
14.1 Les additions dans R
ce qui est absurde.
La commutativité et l’associativité étant indispensable pour pouvoir calculer, il faut se
rendre à l’évidence que la distributivité par rapport à l’addition de la multiplication par 1
doit être sacriée et 1+ (1)est à dé…nir convenablement.
DEFINITION 2 On prolonge l’addition de RàR, et on la note +, en posant
+1=1+=1pour tout 2R
et
1 +=+(1) = 1 pour tout 2R r f1g .
On dé…nit une autre addition +sur Rpar
+:= [() +()] .
On a donc
1+(1) = (1) +1=1et (1) +1=1+(1) = 1 .
Dans tous les autres cas ces additions coïncident, en particulier sur e
R; cette addition est notée
+!
THEOREME Les additions +et +sont associatives, commutatives et compatibles avec
l’ordre. La multiplication de R+dans Rest associative et distributive par rapport à ces additions.
Les véri…cations sont laissées au lecteur.
Cela nous conduit à introduire la structure suivante :
DEFINITION 3 Soit Sun monoïde commutatif (noté additivement) ayant un élément
neutre 0, muni dune action (à gauche) de R+que nous noterons
(; s)7! s:R+ S ! S .
Nous dirons que c’est un conoïde si ces deux structures sont compatibles, i.e. si, pour tout
;  2R+et s; t; u 2 S , on a
(a) 0s= 0 .
(b) (s) = ()s.
(c) (s+t) = s+t.
(d) (+)s=s+s.
Si en plus Sest muni d’une structure de (pré)ordre 6, nous dirons que c’est un conoïde
(pré)ordonné si les axiomes de compatibilité suivants sont satisfaits :
(e) s6tentraîne s+u6t+u.
(f) s6tentraîne s6t.
EXEMPLE 1 R;+et R;+sont des conoïdes totalement ordonnés.
514 INTEGRALES DE RADON Claude Portenier
Les additions dans R14.1
DEFINITION 4 Bien que +et +ne sont pas des opérations de groupe, pour simpli…er
nous poserons
:= +()et := +().
Soit Xun ensemble. Pour tout f; g 2RXet x2X, on dé…nit
(f+g) (x) := f(x) +g(x)
et
(f+g) (x) := f(x) +g(x)
LEMME Pour tout ; ;  2Ret (j)j2JR, on a
(i) +6+.
(ii) += min (; ) +max (; ),
+= min (; ) +max (; ),
6+() 6,
et
+6() 6.
(iii) est le plus petit nombre 2Rtel que +>0, et le plus grand tel que +60.
(iv) infj2J(+j) = +infj2Jj
et
supj2J(+j) = +supj2Jj.
Les véri…cations sont également laissée au lecteur.
EXEMPLE 2 On n’a pas supj2J(+j) = +supj2Jj, comme le montre l’exemple
:= 1 et (j)j2J= (k)k2N.
COROLLAIRE Soit Xun ensemble. Alors RX;+et RX;+sont des conoïdes or-
donnés.
En outre, pour tout f; g 2RX, on a
f+g= min (f; g) +max (f; g),f=f+f+=f+f
et
jfj=f++f.
DEFINITION 5 Si Fest un ensemble de fonctions à valeurs dans Rou C, on désigne par
Fe
R;FR;F+et F
le sous-ensemble de celles qui sont à valeurs dans e
R,R,R+et Rrespectivement.
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