Par conséquent, les modérément engagés ne vont que
rarement à la mosquée ou à khana, habituellement pour
des occasions spéciales comme les Eids. Ils prient, mais pas
régulièrement et pas d’une manière orthodoxe. Certains
lisent le Qur’an et recherchent des réponses sur Internet,
mais ils restent loin des associations organisées en raison
de leurs différences perçues. La plupart d’entre eux
fréquentent l’autre sexe, boivent ou fument, mais tous
ceux qui le font le cachent à leurs parents.
Pour les non-croyants, la religion quelle qu’elle soit
n’est tout simplement pas très importante. Peu d’entre
eux, cependant, sont entièrement coupés de leur héritage
musulman. Il est intéressant de constater que, bien que
plusieurs participants des autres catégories aient déclaré
que les événements et les suites du 11 septembre 2001 les
avaient rapprochés de l’islam, c’est parmi les non-croyants
que nous trouvons la réaction opposée : une participante
a déclaré que, à son avis, les événements du 11 septembre
ne font que montrer que [Traduction] « la religion ne
cause rien d’autre que des problèmes ». Pour le reste, ils
ont soit grandi dans des familles qui n’insistaient pas sur
la religion, soit se sont éloignés, sans rancune, de la
pratique de leur enfance.
Il convient de souligner que les médias ont joué un rôle
considérable dans la vie de beaucoup des participants, des
salafis aux non-croyants. Pour le groupe des salafis et des
musulmans très engagés, la représentation des musulmans
par les médias après les événements du 11 septembre a eu
un affect corrélatif sur l’identité. Beaucoup de ces jeunes
ont dit que, après le 11 septembre, les médias avaient donné
l’impression que tous les musulmans étaient des terroristes,
et,en réaction,un grand nombre d’entre eux ont commencé
à « porter » leur identité islamique avec fierté et plus
ouvertement. Une femme a dit que les événements du
11 septembre avaient joué un grand rôle dans sa décision de
porter le hijab et d’être plus attentive à sa religion. Une autre
femme a reconnu que les événements du 11 septembre
l’avaient incitée à en apprendre davantage au sujet de
sa religion, pour répondre aux questions constantes, et
qu’elle avait récemment commencé à porter le hijab. Les
musulmans modérément engagés ont aussi eu l’impression
que l’image de l’islam avait été ternie après ces événements
et certains ont effectivement commencé à étudier l’islam
pour mieux le comprendre et pour l’expliquer aux autres.
Il est possible de déceler certains grands profils dans
l’échantillon des musulmans de notre projet. La majorité des
participants sont nettement très engagés,et fortpeu s’écartent
de leur foi,surtout s’ils ont commencé à la pratiquer quand ils
étaient enfants. Leur islam est pour la plupart individualiste
plutôt que communautaire, bien que beaucoup sentent qu’ils
font partie, particulièrement grâce à leur accès à Internet,
d’une communauté musulmane mondiale difficile à décrire.
Seulement une petite minorité se fonde sur une autorité
particulière, qui n’est jamais la même. Les médias ont une
incidence sur leur sentiment d’identité en tant que
musulmans. Leur islam est aussi fortement diversifié dans
ses détails : à l’exception des salafis, tous les participants ne
pouvaient pas réellement être parfaitement classifiés d’après
les caractéristiques « libéral » ou « conservateur », bien que,
sur le plan des questions morales personnelles, la tendance
générale était certainement d’orientation conservatrice.
La grande majorité, y compris les salafis, se sentent à
l’aise au Canada. Leur attitude envers le pays est en général
positive, même s’ils sont en désaccord avec divers aspects
de sa culture dominante. Presque tous sans exception
approuvent la politique canadienne de multiculturalisme
et croient que le pays, somme toute, réussit assez bien à
l’appliquer. Il y a aussi une forte insistance sur l’humilité,
la bonté, la compassion et la paix comme concepts
essentiels de leur islam – une compréhension particulière
de leur foi qui, dans plusieurs cas, était beaucoup plus
importante que les cinq piliers de l’islam; à cet égard, cette
compréhension est très caractéristique de ces musulmans
canadiens, et pour eux, véritablement authentique.
[Traduction]
Nous avons un assez bon modèle multiculturel ici
au Canada, tandis qu’au Pakistan, je pense qu’il
y a plus de polarisation raciale, vous savez, pas
d’acceptation de gens qui sont même légèrement
différents de vous, encore moins des gens qui sont
fondamentalement différents […] Je pense avoir
un avantage par rapport aux gens qui ont vécu au
Pakistan toute leur vie, parce que je peux voir à
partir de la culture dominante, que je considère
être le Canada chrétien, je peux voir à partir de
leur point de vue ainsi que ce qui arrive chez nous
et ce que mes parents croient.Alors il y a une plus
grande base de comparaison, et je pense que
cela fait que mon choix est plus authentique.
(Participant musulman)
Conclusion
Nous constatons que les jeunes musulmans de la
deuxième génération qui vivent au Canada construisent
leur identit, et leur identité religieuse en particulier, de
manières diversifiées et très originales, sans égard à ce que
la majorité pourrait penser et sans crainte apparente de
marginalisation, comme on pourrait s’y attendre dans
un contexte qui prétend permettre et même encourager
cela. Pourtant, ces mêmes jeunes, à quelques exceptions
près, prétendent aussi se sentir entièrement à l’aise au
Canada, estimer que c’est un endroit agréable pour vivre,
qui fait bon accueil aux immigrants et qui accepte la
différence. Bref, ils sont différents mais, en général, ils se
sentent en même temps complètement Canadiens, et ce,
sans difficulté.
Les musulmans de la deuxième génération faisant partie
de notre échantillon préliminaire ne se sentaient pas, dans
l’ensemble, paralysés ni défavorisés, pas plus qu’ils ne
semblaient craintifs pour leur avenir. Leur attitude envers
la discrimination, que bon nombre avait vécue au cours de
leur vie, était de la considérer comme une manifestation de
l’ignorance des autres et non comme une caractéristique de la
société canadienne. La politique, l’idéologie et l’orientation
du Canada en matière de multiculturalisme structurent
à coup sûr les limites de la différence individuelle; c’est
un multiculturalisme très intégrationniste et, peut-être à
sa façon, d’assimilation. Pourtant, c’est aussi un
multiculturalisme que les jeunes de la deuxième génération
participant à notre recherche semblent accepter comme
Canadian Diversity / Diversité canadienne
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