JACQUES BLANCHET L'Islam et les pays arabes © JACQUES BLANCHET, 2016 ISBN numérique : 979-10-262-0811-2 Courriel : [email protected] Internet : www.librinova.com Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. Pourquoi écrire un ouvrage sur un sujet concernant l'Islam et les pays arabes ? Certes ce n'est pas très original, car le problème de l'islam, des musulmans, des réfugiés et même des attentats est dans tous les esprits. Toutefois. il m'a semblé que jusqu’à maintenant prisonniers de l’actualité, nous n'avions qu'effleuré le sujet. Ce n'est pas seulement un problème civilisationnel. Bien entendu, certains peuvent être choqués de rencontrer dans la rue des femmes portant la burqua. Certains autres peuvent considérer qu'il est inadmissible qu'on tolère que des jeunes filles se promènent sur les plages en burkini. Ainsi en ont jugé un certain nombre de maires. Mais le problème posé par les musulmans n'est pas seulement une question de tenue vestimentaire. Il est beaucoup plus important que cela. Nous devrons dans le futur accepter de vivre avec des gens qui n'ont pas la même culture que nous. Comment se fera la coexistence? Bien, si nous arrivons à nous comprendre. Mais pour nous comprendre, il nous faut nous connaître, car les français ne peuvent pas simplement espérer que les Musulmans finiront par adopter leurs manières de vivre. Le fossé qui nous sépare est très profond et si nous voulons comprendre ce qui nous sépare, (ou nous rassemble) c'est dans ce fossé qu'il faut creuser (profondément) pour découvrir des mentalités qui sont différentes de la nôtre. Il nous faut faire un effort pour aller vers l'autre, interroger son passé, l'histoire, les mœurs, les traditions, l'ethnologie, la philosophie, les coutumes, sans préjugé. Toute civilisation a d’immenses richesses cachées, surtout quand elles sont aussi anciennes que celles de la Mésopotamie et de la Perse. Il faut les (re)découvrir et alors pour nous ce sera peut-être une immense source d’enrichissement. Or cela n'a pas été fait jusqu'à maintenant, la plupart de nous se contentant de condamner des êtres qui n'avaient pas la même façon de voir les choses que nous. C’est un peu simple. Ce que nous proposons donc c'est de faire une plongée en profondeur dans la pensée musulmane. Un trésor y est caché. Finalement, j'estime que l'homme n'est pas mauvais par définition. Il recèle les mêmes aspirations que nous et l'humanisme, la conscience morale qui selon Kant est en nous, finira par l’emporter. Il faut aimer tes autres pour les apprécier, Synopsis Les évènements du Moyen-Orient et les migrations qu'ils ont provoquées nous conduisent à nous interroger sur les Arabes et l'Islam. C'est alors que nous nous rendons compte que cette civilisation à la fois si proche et si lointaine est, d'une part mal connue et, d'autre part très différente de la nôtre. Alors nous nous posons la question : Dans un monde unifié (où se produit actuellement une vraie interpénétration) pourrons-nous coexister en paix? Qui doit évoluer pour aller vers l'autre? Eux ou nous? L'Islam ou la Chrétienté ? Compte tenu d'un passé toujours vivant et encore pesant l'Islam, pour sa part, saura-t-il évoluer, alors que tel n'est pas son souci? Ces interrogations nous incitent à étudier en profondeur la civilisation islamique, ce qui, dans la passé a été rarement fait. Tel est l'objet de cet ouvrage: Comment se présente l'Islam au XXlème siècle ? Disons que seule son histoire peut nous en dévoiler le caractère spécifique et parfois déroutant. Seule une recherche philosophique en profondeur peut nous faire comprendre la clef de ses mystères. Ce travail sera-t-il utile pour l'avenir et les perspectives que nous pouvons avoir quant à la coexistence (pacifique) des pays du Nord et du Sud de la Méditerranée? Matériellement, tous ont le même souci de développement économique et d'enrichissement. Mais qu'arriverait-il s'il s'avérait que, de part et d'autre, la foi religieuse est inconciliable? Malraux avait peut-être raison ! Le Chaos au Moyen-Orient Le chaos au Moyen-Orient représente un danger mondial, même pour les pays les plus lointains. (Japon) Les Russes puis les Américains sont intervenus militairement dans cette partie du monde à la texture très complexe et qui sur le plan de le pensée est restée en panne depuis le Xlllème siècle. Ces interventions n'ont rien résolu et au total elles ont fait plus de mal que de bien : Elles ont largement contribué à la naissance puis à la prolifération de groupes terroristes qui se réclament d'un temps d'un autre âge et d'une religion instrumentalisée pour les besoins de la cause. Les choses sont allées très loin; de nombreux assassinats et massacres de population ont été perpétrés. Cette région du monde est non seulement le lieu de tous les crimes, mais aussi de tous les dangers. L'Union européenne et l'ensemble des Etats de bonne volonté se doivent d'intervenir collégialement, pacifiquement et avec discernement, car le problème n'est pas militaire; il est civilisationnel. Il s'agit de remettre en route les progrès d'une pensée sociale qui s'est ossifiée sous les effets d'une religion rétrograde. Les maîtres mots doivent être dorénavant ordre, paix et sécurité et je dirai même amour, tant le mépris d'autrui a progressé sous l'effet de fa haine et de l'adversité. Le Moyen-Orient est malade; on ne le soignera pas à coups de bombes pour répondre au fracas des explosifs, mais en remettant en marche une civilisation qui ne peut pas revenir au Moyen-Âge. Introduction le père du Président actuel de la Syrie, (toujours en poste}, Hafir elAssad avait pris l'habitude de faire une partie d'échecs l'après-midi, avec des amis. Ceux-ci étaient fouillés trois fois par trois gardes différents à leur entrée dans le palais. Pour une raison qu'on ne s'explique pas, un jour, les trois gardes omirent de se livrer à la tâche qui était la leur. le lendemain on apprit qu'ils avaient été condamnés à mort et exécutés. Cette triste anecdote a pour but de montrer que la violence n'est pas nouvelle au Proche-Orient et que, dans ce domaine, l'Etat islamique n'a rien inventé. Alors que la littérature musulmane et notamment un texte fameux écrit au XVème siècle, racontant les aventures extraordinaires d'un héros qui porte le nom de Nasr Eddin montre combien les hommes de cette époque avaient le sens de l'humour, nous vivons un monde qui bannit l'esprit au profit de la doctrine. Et au fond, ce qui manque le plus aux djihadistes d'aujourd'hui, c'est le goût de la relativité, le sens de la dérision, la distance qu'il faudrait prendre, en toutes occasions vis-à-vis de soimême, des autres et de ses croyances. Par leur façon de nier la valeur de la vie humaine ils sont, de toute évidence, plus proches de Hafir el-Assad que de Nasr Eddin. Ils n'ont pas connu Montaigne. Nasr Eddin est intéressant à plus d'un titre et pas seulement parce qu'il est connu dans la plupart des pays du Moyen Orient (Turquie, Iran, Afghanistan, Turkestan, Ouzbékistan, Azerbaïdjan et jusqu'en Chine). C'est un peu le Rabelais asiatique. Il ne critique pas la religion, car, dit-il, on ne peut ridiculiser ce qui a été institué comme sacré, le sacré étant, par définition ce qui appartient à un domaine interdit et inviolable, hors d'atteinte. Par contre il s'en prend très vivement aux religieux, expliquant que si le sage peut s'accommoder de tout, il ne peut tolérer les hypocrites, les lâches, ceux qui pratiquent le double langage, qui dissocient la parole et les actes, font la morale à tout le monde, alors qu'ils sont cupides et menteurs. Pour Nasr Eddin en effet, les religieux sont avant tout des imposteurs dont la prétention à la sainteté, à l'intimité avec le divin est sans fondement. Ils régentent le sacré, ils ont le monopole du Vrai et ils voudraient qu'on les sacralise eux-mêmes quand ils ne sont que des hommes ordinaires qui prétendent régner de « droit divin » sur les âmes. Cette petite histoire est de nature à illustrer notre propos : « Pendant l'office du Vendredi à la mosquée, l'lmam monte au minbar et s'écrie d'une voix forte au ton d'inspiration sacrée: — ô Allah Tout-Puissant et Tout Bienveillant ! Donne-nous l'humilité, la générosité et la tolérance ! Donne-nous le repentir des nos fautes! Eloigne de nous les mauvaises pensées !... — Là-dessus Nasr Eddin se lève et crie encore plus fort: — o Allah Tout-Puissant! Donne-moi des pièces d'or! Donne-moi une belle maison ! Donne-moi des vierges! Donne-moi du halva à chaque repas! — Arrête, suppôt de Satan ! Tu blasphème ! hors d'ici ! — Mais pourquoi? s'étonne Nasr Eddin. Nous faisons pourtant la même chose, toi et moi. Chacun demande ce qu'il n'a pas» Cette petite anecdote montre que le peuple est certainement plus sage et réaliste que ne le sont les djihadistes de l'Etat islamique et que dans ces conditions bien des espoirs nous sont permis. Car les extrémistes, qui ne gagnent du terrain que parce qu'ils font régner la terreur, sont susceptibles de se heurter tôt ou tard à un peuple, qui devant leurs crimes, refusera de les suivre, ce qui montre la fragilité de leur actuelle percée. « L'homo islamicus » est motivé uniquement par des considérations religieuses. Il est adepte d'un Islam perçu comme « sub specie aeternitatis », comme une « essence » absolue, de caractère immémorial, imperméable à tout changement, identique à lui-même à travers les siècles depuis le Moyen-âge. Or avec le « printemps arabe», on a découvert tout au contraire une jeunesse, parfois religieuse, parfois laïque, mais surtout préoccupée par des considérations à la fois profanes et universelles : un besoin de dignité, un refus de l'arbitraire et de l'injustice, une indignation à l'égard d'un pouvoir confisqué par de petites castes. On a découvert aussi le rôle des femmes arabes qui refusaient d1être «grillagées», pour reprendre l'expression de Pierre Perret, et qui aspiraient à jouer un rôle dans la société. Tout ceci nous prouve que la société musulmane est peut-être plus complexe qu'on ne le croit et que s'il existe des terroristes, qui, à l'heure actuelle, commettent, au nom de la religion, les crimes que nous décrivons dans cet ouvrage, il existe aussi une jeunesse de plus en plus éduquée et désireuse d'adhérer aux valeurs que la société occidentale a promues dans le monde entier. Dans ces conditions, il paraît opportun de bien cerner le problème auquel nous sommes confrontés, mais il peut sembler judicieux de penser que les choses vont évoluer et que le Proche-Orient n'est peutêtre pas condamné définitivement à la régression sociale et au chaos obscurantiste. Si le Moyen-Orient se trouve actuellement dans une situation dramatique, il faut dire que la présence des forces terroristes est peut-être la manifestation patente d'un mal plus profond. L'état de la société s'est dégradé parce que celle-ci était bloquée; elle n'avait guère évolué depuis le Xlllème siècle et elle n'était plus en phase avec le monde moderne. Lorsqu'une société stagne, se sclérose, se rigidifie que se passe-t-il ? Des forces venues d'on ne sait où tendent à faire exploser les institutions ancestrales et produisent une révolution. Ainsi peut-on analyser le printemps arabe. Mais hélas, ce printemps a échoué (sauf peut-être en