2TITRE DU DOSSIER © POUR LA SCIENCE
Au cœur des hauts plateaux namibiens, par
une nuit sans lune, quatre grands téles-
copes pointent en direction du centre galac-
tique. Pour autant, ils n’ o b s e r vent pas dire c t e-
ment les étoiles : ils tentent de capter des
phénones beaucoup plus proches, de rare s
éclairs de lumière qui surgissent quelques kilo-
m è t res au-dessus d’eux, si faibles et si fugaces
q uils sont invisibles à l’œil nu.
Ces éclairs sont la signature ultime des phéno-
mènes les plus énergétiques du cosmos. Ils résul-
tent de la pénétration dans l’ a t m o s p h è r e terre s t r e
de rayons gamma de très haute énergie, pro d u i t s
dans les sites cosmiques des particules sont
violemment accélérées, tels les vestiges de super-
n o vae, les pulsars ou les abords des trous noirs.
La détection indirecte de ces rayons gamma
de très haute énergie depuis le sol est mise en
œ u v re au sein de l’expérience H E S S (High En e r g y
St e reoscopic Sy s t e m , c’ e s t - à - d i re système stéréosco-
pique de haute énergie, ainsi nommé en hommage
au physicien autrichien Victor Hess, qui a décou-
ve rt les rayons cosmiques en 1912). Elle ouvre
a u j o u rd’ hui une nouvelle fetre – celle de l’ a s-
t ronomie gamma de très haute énergie – sur les
phénomènes les plus extmes de l’ Un i v ers, et
l i v re une moisson de résultats re m a r q u a b l e s .
Au cours du X X esiècle, le champ d’ i n ve s t i -
gation de l’ a s t rono mie s’est étendu de la lumière
visible à l’ensemble du spectre électro m a g n é t i q u e ,
des ondes radio jusqu’aux rayonnements les
plus énergétiques : les rayons gamma. Le domaine
des rayons gamma commence à la fro n t i è re ave c
les rayons X, avec des photons dont l’énergie est
Bernard DEGRANGE
est dire c t eur de re c h e rc h e s
é m é r i t e au C N R S /I N2P3,
L a b o r a to i r e Le p r i n c e - R i n g u et,
à l’École polyte c h n i q u e ,
à Pa l a i seau .
Hélène SOL
est dire c t r i ce de re c h e rc h e
au C N R S/I N S U , Labora to i re
U n i ve rs et Th é o r i es,
à l’O b se rva to i re de Pa r i s,
à Meudon.
Longtemps l’exploration de l’Univers dans le domaine
des rayonnements gamma de très haute énergie est restée
marginale.Aujourd’hui cette exploration se développe
et ouvre une nouvelle fenêtre sur le cosmos. UN DES TÉLESCOPES du
réseau HESS, en Namibie.
L’astronomie gamma
PARTIE 2
de l’ o rd r e de 100 kiloélectro n v olts, soit
1 0 0 0 0 0 fois celle d’un photon de lumière visible.
Il sétend aujourd’hui jusqu’à 30 téraélectro n vo l t s
( 3 0 ×1 0 1 2 é l e c t ro n volts), soit 3 0 0 0 m i l l i a rd s
de fois l’énergie de la lumière visible.
L’intérêt du rayonnement gamma pour l’ é t u d e
des processus cosmiques très énergétiques a é
souligné dès les années 1960. Pour autant, l’ a s -
t ronomie gamma a re l e ver des défis expéri-
mentaux considérables en termes de sensibili
et de résolution spatiale. En effet, les rayo n n e-
ments les plus énergétiques sont aussi les moins
intenses, car le flux de particules cosmiques décro î t
rapidement avec leur énergie. De plus, contrai-
rement à la lumière visible, il est encore impos-
sible de focaliser des photons gamma de haute
énergie, dont la longueur d’onde est inférieure aux
dimensions d’un noyau atomique.
Depuis les pre m i è res observations en 1961,
néanmoins, la gamme d’énergie étudiée n’a cessé
de s’ é t e n d r e. En 1967, les satellites militaire s
de la série V E L A, censés surveiller les tests
n u c l é a i res clandestins, ont ainsi découve rt des
boufes de rayons gamma de l’ o rd re du méga-
é l e c t ro n v olt (106é l e c t ro n v olts) provenant du
c o s m o s ; on les nomme aujourd’hui les sursauts
gamma. Les satellites S A S -2 et C O S -b ont ensuite
exploré dans les années 1970 le domaine sit
e n t re 100 mégaélectro n volts et quelques giga-
é l e c t ro n v olts (109é l e c t r o n volts). Puis, dans les
années 1990, l’ Ob s e rva t o i re Compton du rayo n -
nement gamma (Compton Ga m m a - R a y
Ob s e rva t o ry ) a couve rt le vaste domaine compris
e n t re 50 killectro n v olts et 30 gigaélectro n -
volts. On a alors découve r t que les sursauts
gamma, que l’on croyait d’origine galactique,
s u r viennent dans l’ Un i vers extragalactique loin-
tain et relâchent en quelques secondes une énergie
gigantesque, équivalant à l’énergie lirée lors
d’une explosion ou dune collision d’ é t o i l e s .
Le détecteur E G R E T a vélé l’existence d’ u n
fond diffus de rayonnement gamma de haute
énergie, à l’interaction des rayons cosmiques
(des particules chargées très énertiques) ave c
le milieu interstellaire, et a fourni le pre m i e r
catalogue des sources gamma de haute énergie,
recensant environ 300 sourc e s .
Il est toutefois crucial de pousser l’ e x p l o r a t i o n
plus loin, dans le domaine des très hautes énergies,
à l’échelle du téraélectro n v olt et au-delà, car c’est le
royaume des phénomènes très énergétiques, en jeu
dans les mystérieux « accélérateurs cosmiques » .
En effet, les rayons gamma sont issus d’inter-
actions de particules chargées accélées à ts
haute énergie. Il peut s’agir d’ é l e c t r ons attei-
gnant des vitesses proches de celle de la lumière,
qui interagissent avec les rayonnements présents
dans l’environnement de la source accélératrice ;
ils produisent des rayonnements gamma par des
mécanismes nommés émission synchro t ron ou
effet Compton inverse ( v oir l’encadré page xxx).
Ces mécanismes sont dits leptoniques. Ils semblent
ê t re à l’ œ u v re dans plusieurs types de sourc e s
«c o m p a c t e s », tels les pulsars (des étoiles à neutro n s
émettant des faisceaux d’ondes radio), les nébu-
leuses entourant certains pulsars, les systèmes
d’étoiles binaires émetteurs de rayo n s X, ou encore
les noyaux actifs de galaxies.
Trouver la source
Le rayonnement gamma de ts haute énergie
peut aussi résulter de l’interaction des rayo n s
cosmiques avec le gaz interstellaire. Les rayo n s
cosmiques sont des protons et des noy a u x
atomiques traversant le cosmos, et accélérés à des
énergies colossales, bien supérieures à celles
atteintes par les accélérateurs construits par
l’homme (voir Les ra yons cosmiques d’ é n e r g i e
e x t r ê m e, par M. Boratav et T. Su o m i j ä r vi, dans
ce dossier). En percutant les noyaux du gaz, ces
p rotons clenchent des actions nucléaires qui
e n g e n d r ent notamment des mésons pi neutre s ,
lesquels se désintègrent en émettant deux photons
gamma. Ce canisme, dit hadronique, est sans
doute à l’ œ u v re dans tous les sites d’ a c c é l é r a -
tion et de propagation des rayons cosmiques,
notamment les restes de supernovae, les nuages
m o l é c u l a i res interstellaires ou les disques galac-
tiques. Les rayons gamma de ts haute énergie
lent ainsi le gaz qui entoure les accéléra-
teurs cosmiques. Enfin, il existe peut-être un tro i -
sième mode, encore hypothétique, de pro d u c -
tion de rayons gamma de très hautes énergies :
l’annihilation des neutralinos, des part i c u l e s
prédites par les théories de supersytrie et qui
pourraient être des vestiges de l’ Un i vers primor-
dial. Nous y re v i e n d r o n s .
Si les rayons gamma sont si précieux pour
identifier et observer les sites d’accération de
p a r ticules, c’est que les rayons cosmiques, élec-
3
DOSSIER N°62 / JANVIER-MARS 2009 / © POUR LA SCIENCE
L’ESSENTIEL
Les rayons gamma so n t
l e s témoins des
p h é n o m è n e s les plus
é n e rg é t i q u es de l’Unive rs.
N ’ é t ant pas déviés par
l e s champs magnétiques
i n t e rste l l a i res, ils nous
indiquent la direction de
leur so u rce.
On déte c t e ces rayo n s
soit par des sa te l l i t es,
soit par des télesco p es
au sol, grâce aux gerbes
lumineuses qu’ils
engendrent dans
l’atmosphère.
H E SS, réseau de
4 télesco p e s au sol entré
en se rv i ce en 20 0 2, a
l o c alisé de nombre u s es
so u rces de rayons gamma.
de haute énergie
4TITRE DU DOSSIER © POUR LA SCIENCE
triquement chargés, sont déviés par les champs
magnétiques psents dans le milieu interstel-
l a i re, de sorte que leur direction à l’arrie sur
Te r r e nindique pas celle de leur source sauf
p e u t - ê t r e pour les plus énergétiques. En re va n c h e ,
les photons gamma, qu’ils soient produits par
la voie leptonique ou par la voie hadro n i q u e ,
ne sont pas viés au cours de leur trajet, et révè-
lent directement les accérateurs cosmiques et
les phénomènes qui se produisent dans leur vo i s i-
nage immédiat.
La percée de l’astronomie
gamma au sol
Le rayonnement gamma de ts haute énergie
est donc une fenêtre sur les phénomènes
cosmiques mettant en jeu des accélérations de
p a r ticules. Mais jusquà récemment, cette fenêtre
était à peine exploe. Alors que l’ o b s e r va t i o n
spatiale est adape aux rayons gamma de plus
basse énergie leur flux important permet de les
tecter avec des instruments de taille duite
, les photons gamma de très haute énergie
sont si peu nombreux quil faudrait des surf a c e s
de détection de l’ o r d r e de l’ h e c t a r e pour en
collecter suffisamment. Il faut donc les détecter
i n d i rectement depuis le sol.
Un photon gamma de 1 téraélectro n v o l t
p é n è t re dans l’ a t m o s p h è re terre s t re en y créant
une gerbe d’ é l e c t rons , de positons et de rayo n s
gamma secondaires, dont le nombre est maximal
vers dix kilomètres d’altitude ( voir l’encadré ci-
d e s s o u s ). Les particules chargées de cette cascade
vont plus vite que la lumière dans l’ a i r, et, de ce
fait, émettent un rayonnement dit T c h e re n k ov.
La gerbe produit un éclair collimaté, qui illumine
au sol une zone d’ e n v i ron 300 mètres de diamètre .
Leffet T c h e r e n k ov atmosphérique a été
o b s e r vés les années 1950, mais les obstacles
techniques à son utilisation en astronomie n’ o n t
été surmontés que dans les années 1990. En
théorie, il suffit de détecter le rayo n n e m e n t
T c h e r e n k ov pour remonter à la cascade qui lui
a donné naissance, et aux caractéristiques du
photon gamma incident. Cependant, l’éclair de
l u m i è re T c h e re n k ov est faible et ne dure que
quelques milliardièmes de seconde. Il a donc
fallu mettre en œuvre des photomultiplica-
teurs et des dispositifs d’ é l e c t r onique rapide
typiques de la physique des particules pour
obtenir des tecteurs suffisamment sensibles,
utilisables par nuit noire. La seconde diffi-
culté, plus grande encore, est que les rayo n s
cosmiques qui pénètrent dans l’ a t m o s p h è r e
Latmosphère terrestre : un détecteur de rayons gamma
Les astrophysiciens détectent indirectement les sources de rayonne-
ment gamma très énergétique en observant les effets que produisent
les photons gamma lorsqu’ils pénètrent dans l’atmosphère terrestre.
L’interaction d’un photon gamma de haute énergie avec un noyau atomique
de l’air crée une paire électron–positon. Ces particules interagissent à leur
tour avec les noyaux en émettant des rayons gamma secondaires, qui
entraînent la création d’autres paires électron–positon, et ainsi de suite en
cascade. Le photon gamma incident engendre ainsi une gerbe d’électrons,
de positons et de rayons gamma. Pour un photon incident d’une énergie de
un téra é l e c t ro n vo l t, cette gerbe électro m a g n é t i q u e
atteint son développement maximum autour de dix kilo-
mètres d’altitude, avec un millier de particules chargées.
Les particules étant déviées par les multiples collisions,
la gerbe s’élargit progressivement, mais elle reste relati-
vement collimatée et symétrique.
Les rayons cosmiques créent aussi des cascades de par-
ticules en pénétrant dans l’atmosphère, mais les interac-
tions nucléaires en jeu mènent à une évolution bien plus
aléatoire de la gerbe, la symétrie de révolution nest
pas co n se rv é e. Les gerbes hadro n i q u es (protons ou
noyaux) sont ainsi plus larges et moins organisées que
les gerbes électromagnétiques.
Comment ces gerbes sont-elles détectées ? Lorsqu’une
particule chargée traverse un matériau à une vitesse
supérieure à celle de la lumière dans ce milieu, elle émet
un rayonnement le long d’un cône centré sur la direction
de propagation et dont l’angle est d’autant plus faible que
l’indice de réfraction est proche de l’unité. Cet effet a été découvert en 1937
par le physicien russe Tcherenkov.
Les particules des gerbes électromagnétiques et hadroniques émettent
ainsi un rayonnement Tcherenkov. Dans une gerbe atmosphérique, l’angle
du cône de lumière reste inférieur à un degré, et les particules rayonnent
sur la plus grande partie de leur parco u rs, si bien que l’émiss i o n
Tcherenkov illumine au sol une zone d’environ 300 mètres de diamètre.
Cet éclair de lumière est à la fois très faible et très fugace et nécessite,
pour être détecté, des photomultiplicateurs rapides utilisés habituellement
en physique des particules.
Lo b se rvation st é r é oscopique du rayonnement Tc h e r e n k ov
p e r m et de re co n st r u i re le point d’impact et la direction de
la gerbe, et donc de re m o n ter aux ca ra c t é r i s t i q u es du pho-
ton ou de la part i cule initiale. En donnant accès à la fo r m e
tridimensionnelle précise des gerbes, la st é r é o scopie per-
m e t surtout de distinguer ce l l e s pro d u i t es par des rayo n s
gamma de ce l l e s, très majorita i res, iss u es de rayons cos-
m i q u es. En associant st é r é oscopie et haute défi n i t i o n ,
HESS élimine ainsi plus de 99,9 pour cent des gerbes iss u es
de rayons cos m i q u es, et a révolutionné l’o bse rva t i o n
gamma par effet Tc h e r e n k ov.
1 km
Simulations de gerbes créées par un photon
gamma
(à gauche)
et par un proton
(à droite)
,
d’une énergie de 300 gigaélectronvolts. Les
photons gamma sont en vert, les électrons et
les positons en bleu.
PARTIE 2
e n g e n d rent aussi des gerbes de particules émet-
tant un rayonnement T c h e re n k ov, et qu’ils sont
beaucoup plus nombreux que les rayons gamma
(les rayons gamma repsentent moins de un
pour mille des rayons cosmiques). Il faut donc
trier les gerbes issues de rayons gamma de
celles engendes par les rayons cosmiques, qui
ne renseignent en rien sur leur sourc e .
À la fin des années 1980, Tre v or Weekes et
ses collègues de l’ O b s e r va t o i r e Whipple en
A r i zona ont eu l’idée de comparer la forme des
d i f f é rentes gerbes en observant leurs images en
l u m i è re T c h e re n k ov. Les images de gerbes issues
de rayons gamma ressemblent en effet à un épiré-
gulier avec un axe net qui pointe vers la sourc e ,
et sont plus étroites et plus symétriques que celles
résultant de rayons cosmiques. Lanalyse de
l’image des gerbes recueillies avec une caméra
composée de 37 photomultiplicateurs au foye r
du lescope de l’ Ob s e r va t o i re Whipple a révé,
en 1989, la pre m i è r e source indiscutable de
r a yons gamma de très haute énergie, la nébu-
leuse du Cr a b e .
Dans les années 1990, les capteurs ont é
améliorés (expérience française C AT, ave c
600 photomultiplicateurs) et la détection stéréo-
scopique a été introduite (expérience germano-
espagnole H E G R A à cinq lescopes). En obser-
vant simultanément les gerbes avec plusieurs
télescopes, on re c o n s t rui t précisément leur forme
spatiale et on élimine ainsi plus efficacement les
gerbes issues de rayons cosmiques. To u t e f o i s ,
j u s q u’en 2000, on ne dénombrait qu’une poignée
de sources gamma bien identifiées aux très
hautes énergies, principalement extragalactiques.
L’expérience internationale HESS regroupant
une centaine de physiciens pour la plupart euro-
ens (France, Allemagne, Roy a u m e - Uni, Ir l a n d e ,
République tchèque, Pologne, Arménie, Na m i b i e
et Afrique du Sud) a capitali l’ensemble des
p r ogrès précédents. Qu a t r e télescopes de 12m è t r e s
de diamètre disposés aux coins dun carré de
120 mètres de côté, équipés de caméras compor-
tant chacune 960 photomultiplicateurs, ont été
installés en Namibie en 2002 et 2003.
Une moisson
d’observations
H E S S élimine plus de 99,9 pour cent des gerbes
issues des rayons cosmiques, ce qui re p r é s e n t e
un gain de sensibilité spectaculaire : il détecte
labuleuse du Crabe en 30 secondes de pose,
20 h e u res étaient nécessaires en 1989. Sa
résolution est aussi re m a r q u a b l e : lorsque la
gerbe est captée par les quatre télescopes, la so-
lution est de quatre minutes d’ a r c, meilleure
que celle des satellites gamma de plus basse
énergie (par ailleurs, la source est localisée
a v ec une précision de l’ o r d re de 30 secondes
d’ a rc). La résolution spatiale et le grand champ
de vision (cinq degrés) de H E S S p e r m e t t e n t ,
pour la pre m i è re fois en astronomie gamma,
de cartographier des sources étendues tels les
vestiges de supernova e .
Qu a t re ans après sa mise en service, H E S S a
complètement re n o u vel’ a s t ronomie gamma
de très haute énergie en réalisant une moisson
de plus d’une cinquantaine de nouvelles sourc e s ,
galactiques pour la plupart, multipliant par un
facteur sept le nombre de sources connues. Dès
les pre m i è r es observations, H E S S a levé en
p a r tie le voile sur la nature des accélérateurs
cosmiques galactiques. Une cartographie systé-
matique de la Voie lactée, entreprise dès 2004,
a déjà recensé 52 sources gamma de très haute
énergie. Elles ont révéque certaines nébuleuses
de pulsars, des vestiges de supernovae et des
systèmes binaire s Xa c c é l è rent des part i c u l e s
j u s q u’à au moins 100 t é r a é l e c t ro n vo l t s .
5
DOSSIER N°62 / JANVIER-MARS 2009 / © POUR LA SCIENCE
LO B S E RVATION DU CIEL p a r
l ’ex p é r i e n ce H E SS r é s e rve aux
a s t ro n o m e s des surprises : en
s u i vant la so u r ce PSR B1259 - 6 3
(1 sur a, b et c)
, ils ont
d é co u ve rt dans le champ de
vie une autre so u rce de
rayonnement gamma
( 2 )
, sur
la natu re duquel ils
s’ i n te r r o g e n t e n c o r e. La
so u rce 1 est en réalité un
sysme binaire qui appara î t
sur la vue da r t i ste
( d )
.
Le vent du pulsa r,
i n t e ra g i s sant avec celui de
l ’ é t oile (le disq u e), acc é l è r e
l e s électrons qui émettent des
rayons gamma énerg é t i q u es.
Étoile massive
Pulsar
a
b
c
Le réseau H ESS est co n s t i tué de quatre télesco p e s identiques
(en haut)
. Le rayonnement émis par une gerbe cosmique est
e n re g i s tré par ces lesco p e s. La superposition des images
d ’ une me gerbe re c ueillie par trois des lesco p e s
(en bas)
p e r m et d’o btenir la direction d’origine du photo n
gamma et de tra c er le pointso u rce sur la sphère leste.
d
L o r s q u’une nouvelle source de rayons gamma
est repérée, les astronomes re c h e rchent ses émis-
sions dans d’ a u t res longueurs d’onde. Il est en effet
difficile de distinguer directement si l’ é m i s s i o n
gamma est d’origine leptonique ou hadro n i q u e .
Néanmoins, dans le premier cas, on s’attend à
o b s e r ver des contre p a rties de la source en ondes
radio et en rayo n s X, dues à l’émission synchro-
t ron des électro n s ; les contre p a rties en lumière
visible sont, quant à elles, difficiles à identifier,
car plusieurs sources optiques sont présentes
dans la zone du ciel est située la source gamma
(étant donné l’ i n c e rtitude de plusieurs secondes
d’ a rc sur sa position). Une source dépourvue de
c o n t r e p a rties en radio comme en Xsignerait ainsi
l’existence dun nouveau type d’ a c c é l é r a t e u r
cosmique « s o m b re», un accélérateur de pro t o n s
e xc l u s i v ement ou un aclérateur faiblement
magnétisé, dont la description théorique reste à
é l a b o re r. De fait, une vingtaine de sources galac-
tiques du catalogue de H E S S ne sont pas claire-
ment identifiées à d’ a u t res énergies.
Quelques stars gamma
Ou t re la cartographie systématique du plan galac-
tique, H E S S a effectué des observations ciblées d’ o b -
jets susceptibles d’ é m e t t r e des rayons gamma très
énergétiques, et nombre d’ e n t r e eux se sont effec-
t i v ement révélés être des sources gamma aux
énergies du rlectro n v olt. C’est le cas par exe m p l e
d’un sysme binaire formé dun pulsar (P S R B1 2 5 9 -
63) en orbite autour d’une étoile massive dont le
vent stellaire constitue un disque autour de
l’équateur (source 1 sur la figure de la page précé-
dente). Un pulsar est une étoile, dite « à neutro n s » ,
qui tourne rapidement sur elle-même en émet-
tant des faisceaux d’ondes radio par ses les magné-
tiques. Elle émet aussi des faisceaux d’ é l e c t r ons et
de positons, le « ve n t » du pulsar, accélérés par d’ i n-
tenses forces électromagnétiques. Lorsque le pulsar
t r a v erse le disque formé par le vent de l’étoile massive ,
son pro p re vent interagit avec les photons et le gaz
du disque, ce qui produit un rayonnement gamma
de très haute énergie. H E S S en a observé la va r i a-
tion début 2004 lors du passage du pulsar près de
l’étoile, puis la décroissance pro g re s s i v e à mesure
que le pulsar s’éloignait de son compagnon.
Par un heureux hasard, le champ de vision,
centré sur le système binaire, contenait une
autre source gamma de très haute énergie, tota-
lement inattendue, ce qui a renforl’espoir de
découvrir de nouvelles sources en grand nombre.
À la différence du pulsar binaire, cette sourc e
gamma, nommée HESS J1303-631, est étendue,
et sa luminosi est constante. Aucune contre-
p a r tie dans d’ a u t res longueurs d’onde na é
détectée pour le moment. Il existe bien un
pulsar radio à 4,9 minutes d’ a rc, mais l’ é n e r g i e
de rotation qu’il peut dissiper (mesue par le
ralentissement de sa période) semble insuffi-
sante pour alimenter la production des rayo n s
gamma de haute énergie avec une telle intensité.
Parmi les autres objets ciblés qui se sont révélés
ê t re des sources brillantes de rayons gamma de
très hautes énergies, se tro u v ent des objets issus
d’explosions d’étoiles en supernovae. L’onde de
choc sphérique qui résulte d’une telle explosion se
p ropage dans le milieu interstellaire et y accélère
des particules. Le rayonnement émis par les élec-
t r ons en radio et en rayons Xdonne à certains ve s t i g e s
6TITRE DU DOSSIER © POUR LA SCIENCE
DEUX VESTIGES de
supernovæ en coquille très
étendus ont été détectés
par HESS : RX J1713.-3946
(
à gauche
; un degré de
diamètre angulaire) et
RX J0852.0-4622, aussi
appelé « Vela Junior »
(
à droite
, deux degrés de
diamètre, soit 4 fois celui du
Soleil). Les images ont été
obtenues en fausses
couleurs, le jaune
correspondant à l’intensité
maximale. Les deux objets
ont été également
« photographiés » en
rayons Xpar les satellites
ASCA
(à gauche)
et ROSAT
droite)
. Les contours
d’égale intensité en
rayons X, superposés aux
i m a g es de H ESS, re p ro d u i s e n t
la me st r u c t u re en co q u i l l e .
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