PARTIE 2
de l’ o rd r e de 100 kiloélectro n v olts, soit
1 0 0 0 0 0 fois celle d’un photon de lumière visible.
Il s’étend aujourd’hui jusqu’à 30 téraélectro n vo l t s
( 3 0 ×1 0 1 2 é l e c t ro n volts), soit 3 0 0 0 m i l l i a rd s
de fois l’énergie de la lumière visible.
L’intérêt du rayonnement gamma pour l’ é t u d e
des processus cosmiques très énergétiques a été
souligné dès les années 1960. Pour autant, l’ a s -
t ronomie gamma a dû re l e ver des défis expéri-
mentaux considérables en termes de sensibilité
et de résolution spatiale. En effet, les rayo n n e-
ments les plus énergétiques sont aussi les moins
intenses, car le flux de particules cosmiques décro î t
rapidement avec leur énergie. De plus, contrai-
rement à la lumière visible, il est encore impos-
sible de focaliser des photons gamma de haute
énergie, dont la longueur d’onde est inférieure aux
dimensions d’un noyau atomique.
Depuis les pre m i è res observations en 1961,
néanmoins, la gamme d’énergie étudiée n’a cessé
de s’ é t e n d r e. En 1967, les satellites militaire s
de la série V E L A, censés surveiller les tests
n u c l é a i res clandestins, ont ainsi découve rt des
bouffées de rayons gamma de l’ o rd re du méga-
é l e c t ro n v olt (106é l e c t ro n v olts) provenant du
c o s m o s ; on les nomme aujourd’hui les sursauts
gamma. Les satellites S A S -2 et C O S -b ont ensuite
exploré dans les années 1970 le domaine situé
e n t re 100 mégaélectro n volts et quelques giga-
é l e c t ro n v olts (109é l e c t r o n volts). Puis, dans les
années 1990, l’ Ob s e rva t o i re Compton du rayo n -
nement gamma (Compton Ga m m a - R a y
Ob s e rva t o ry ) a couve rt le vaste domaine compris
e n t re 50 kiloélectro n v olts et 30 gigaélectro n -
volts. On a alors découve r t que les sursauts
gamma, que l’on croyait d’origine galactique,
s u r viennent dans l’ Un i vers extragalactique loin-
tain et relâchent en quelques secondes une énergie
gigantesque, équivalant à l’énergie libérée lors
d’une explosion ou d’une collision d’ é t o i l e s .
Le détecteur E G R E T a révélé l’existence d’ u n
fond diffus de rayonnement gamma de haute
énergie, dû à l’interaction des rayons cosmiques
(des particules chargées très énergétiques) ave c
le milieu interstellaire, et a fourni le pre m i e r
catalogue des sources gamma de haute énergie,
recensant environ 300 sourc e s .
Il est toutefois crucial de pousser l’ e x p l o r a t i o n
plus loin, dans le domaine des très hautes énergies,
à l’échelle du téraélectro n v olt et au-delà, car c’est le
royaume des phénomènes très énergétiques, en jeu
dans les mystérieux « accélérateurs cosmiques » .
En effet, les rayons gamma sont issus d’inter-
actions de particules chargées accélérées à très
haute énergie. Il peut s’agir d’ é l e c t r ons attei-
gnant des vitesses proches de celle de la lumière,
qui interagissent avec les rayonnements présents
dans l’environnement de la source accélératrice ;
ils produisent des rayonnements gamma par des
mécanismes nommés émission synchro t ron ou
effet Compton inverse ( v oir l’encadré page xxx).
Ces mécanismes sont dits leptoniques. Ils semblent
ê t re à l’ œ u v re dans plusieurs types de sourc e s
«c o m p a c t e s », tels les pulsars (des étoiles à neutro n s
émettant des faisceaux d’ondes radio), les nébu-
leuses entourant certains pulsars, les systèmes
d’étoiles binaires émetteurs de rayo n s X, ou encore
les noyaux actifs de galaxies.
Trouver la source
Le rayonnement gamma de très haute énergie
peut aussi résulter de l’interaction des rayo n s
cosmiques avec le gaz interstellaire. Les rayo n s
cosmiques sont des protons et des noy a u x
atomiques traversant le cosmos, et accélérés à des
énergies colossales, bien supérieures à celles
atteintes par les accélérateurs construits par
l’homme (voir Les ra yons cosmiques d’ é n e r g i e
e x t r ê m e, par M. Boratav et T. Su o m i j ä r vi, dans
ce dossier). En percutant les noyaux du gaz, ces
p rotons déclenchent des réactions nucléaires qui
e n g e n d r ent notamment des mésons pi neutre s ,
lesquels se désintègrent en émettant deux photons
gamma. Ce mécanisme, dit hadronique, est sans
doute à l’ œ u v re dans tous les sites d’ a c c é l é r a -
tion et de propagation des rayons cosmiques,
notamment les restes de supernovae, les nuages
m o l é c u l a i res interstellaires ou les disques galac-
tiques. Les rayons gamma de très haute énergie
révèlent ainsi le gaz qui entoure les accéléra-
teurs cosmiques. Enfin, il existe peut-être un tro i -
sième mode, encore hypothétique, de pro d u c -
tion de rayons gamma de très hautes énergies :
l’annihilation des neutralinos, des part i c u l e s
prédites par les théories de supersymétrie et qui
pourraient être des vestiges de l’ Un i vers primor-
dial. Nous y re v i e n d r o n s .
Si les rayons gamma sont si précieux pour
identifier et observer les sites d’accélération de
p a r ticules, c’est que les rayons cosmiques, élec-
3
DOSSIER N°62 / JANVIER-MARS 2009 / © POUR LA SCIENCE
L’ESSENTIEL
➥
Les rayons gamma so n t
l e s témoins des
p h é n o m è n e s les plus
é n e rg é t i q u es de l’Unive rs.
N ’ é t ant pas déviés par
l e s champs magnétiques
i n t e rste l l a i res, ils nous
indiquent la direction de
leur so u rce.
➥
On déte c t e ces rayo n s
soit par des sa te l l i t es,
soit par des télesco p es
au sol, grâce aux gerbes
lumineuses qu’ils
engendrent dans
l’atmosphère.
➥
H E SS, réseau de
4 télesco p e s au sol entré
en se rv i ce en 20 0 2, a
l o c alisé de nombre u s es
so u rces de rayons gamma.
de haute énergie