PANORAMA
3|2006
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MARCHÉ DU TRAVAIL
Le contrôle suppose
un dur travail
La lutte contre le travail au noir et la libre circulation des personnes exigent des
contrôles renforcés. Le canton frontalier de Neuchâtel a donc augmenté le nombre
des contrôleurs et créé de nouvelles structures plus performantes – un exemple
pour d’autres cantons également. Les principales nouveautés: pouvoirs accrus des
contrôleurs et création d’un office de surveillance.
NEUCHÂTEL: TRAVAIL AU NOIR ET LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES
Fabio Fierloni
Le travail au noir est une composante im-
portante du PIB qui interpelle les autorités
politiques depuis de nombreuses années.
En 2001, le chiffre d’affaires total décou-
lant du travail au noir a été estimé à 37
milliards, soit 9,3% du PIB, ce qui met en
lumière l’importance de ce fléau. Le canton
de Neuchâtel, soucieux de garantir sur le
marché de l’emploi des conditions cadre fa-
vorables à un développement régulier de
l’économie, a décidé d’engager, la même
année déjà, un contrôleur du marché de
l’emploi chargé de traquer le travail au
noir. Après deux ans, il est apparu qu’il
était nécessaire de renforcer les contrôles
en engageant des contrôleurs supplémen-
taires et un office spécifique de contrôle du
marché de l’emploi a été créé. Il s’agit de
l’office de surveillance qui est attaché au
service de l’emploi avec 3,5 postes dévolus
aux activités de contrôle du travail au noir.
DES CONTRÔLEURS AU STATUT DE
POLICIER
Les contrôleurs de l’office de surveillance
ont un statut d’agent de la police judiciaire
ce qui, au regard du Code de procédure pé-
nale neuchâtelois (CPPN), leur confère le
droit d’opérer des contrôles d’identité, de
recueillir les déclarations de toute per-
sonne susceptible de fournir des renseigne-
ments et de faire emmener une personne
au poste de police lorsque les circonstances
l’exigent. Ce statut est très important pour
l’efficacité des contrôles. Pour illustrer ce
propos, il est important de préciser que le
canton de Neuchâtel a également décidé
de subventionner la création d’un poste de
contrôleur dans le cadre de la commission
paritaire cantonale de la convention collec-
tive de travail étendue du secteur principal
de la construction. Lorsque ce contrôleur
se rend sur un chantier pour vérifier les
conditions de travail, il peut se voir refuser
l’accès aux papiers d’identité des tra-
vailleurs, car il n’a pas le statut d’agent de
la police judiciaire. Dans ce cas, il contacte
les contrôleurs de l’office de surveillance
qui se rendent sur place afin d’obtenir les
renseignements désirés. Dans tous les cas
avérés de travail au noir, que ce soit par les
contrôleurs du marché de l’emploi ou le
contrôleur de la commission paritaire de la
construction, les dossiers sont transmis au
Ministère public par l’office de surveillance
pour décision.
Durant les deux dernières années, le
nombre de dossiers ouverts a fortement
augmenté bien que les effectifs de l’office
de surveillance n’aient pas été adapté. Cette
situation est essentiellement due aux nou-
velles missions dévolues temporairement
aux contrôleurs de cet office en lien avec
l’accord sur la libre circulation des per-
sonnes. Parmi les dossiers transmis au Mi-
nistère public en 2005, les sanctions pro-
noncées étaient soit des amendes pénales,
soit des peines de prison avec sursis ou
fermes. Le total des amendes notifiées
s’élève à CHF 191176.–.
AUGMENTATION DES FRONTALIERS…
La problématique du travail au noir est liée
à celle de l’accord sur la libre circulation
des personnes. L’ouverture des frontières a
mis en concurrence la main-d’œuvre neu-
châteloise avec celle de l’Union européen-
ne des 15 (Suède, Finlande, Irlande, Gran-
de-Bretagne, Danemark, Hollande, Bel-
gique, Allemagne, Luxembourg, France,
Autriche, Portugal, Espagne, Italie et Grè-
ce) et en particulier avec la main-d’œuvre
frontalière. Les enjeux liés à l’ouverture
des frontières sont particulièrement impor-
tants pour le canton de Neuchâtel. D’une
part, parce que le canton exporte 80% de
sa production et dépend fortement des
marchés internationaux, d’autre part, en
raison de la topographie même de la ré-
gion de Franche-Comté et plus particuliè-
rement du Département du Doubs. Cette
région frontalière a une longue tradition
industrielle et horlogère, mais elle a été
«La problématique du travail
au noir est liée à celle de
l’accord sur la libre circulation
des personnes.»