Introduction à la philosophie du langage Martine Nida

publicité
1
Introduction à la philosophie du langage
Martine Nida-Rümelin
3ème cours, 27.3.2002
Les descriptions définies (deuxième partie)
Quatre problèmes concernant les termes d'individu : La solution de Russell
voir Lycan (2000), 16-34.
1. La théorie des descriptions définies de Russell
Exemple
(B3) L'auteur de "Philosophy of Mind" est Coréen.
La thèse de Russell::
(B3) Le terme "L'auteur de "Philosophy of Mind'" n'est pas un terme d'individu (n'est pas une
expression référentielle). La structure logique de la phrase (B3) n'est pas celle d'une phrase 'sujetprédicat'.
Selon Russell (B3) est une abréviation de la conjonction des affirmations suivantes:
(1) Au moins une personne a écrit "Philosophy of Mind"..
(2) Au maximum une personne a écrit "Philosophy of Mind".
(3) Pour toute personne, si elle a écrit "Philosophy of Mind" alors elle est coréenne.
Notation logique de ces phrases:
Soit "P" le prédicat "a écrit 'Philosophy of Mind'"'
Soit "C" le prédicat "est Coréen".
(1') ∃x Px
(2') ∀x (Px → (∀y (Py → y=x)))
(3') ∀x (Px → Cx)
La conjonction de (1'), (2') et (3') est logiquement équivalente à la phrase suivante:
(4) ∃x (Px & ∀y (Py → y=x) & Cx)
Selon Russell (4) décrit la forme logique de B3.
Dans (4) la description définie "l'auteur de 'Philosophy of Mind'" est éliminée.
Cette description définie a donc une autre fonction que celle de référer (il ne s'agit pas d'un
terme référentiel).
Un autre exemple illustrant la différence entre structure logique et structure grammaticale
d'une phrase:
(1) John saw nobody.
(2) John saw Mary.
Superficiellement, les deux phrases ont la même structure, mais leur structure logique est
complètement différente.
Abréviations::
V(x,y): x a vu y.
La structure logique de (2):
(2') V(<J,M>)
La structure logique de (1):
(1') ¬∃x V(<H,x>)
2
Thèse centrale de Russell concernant la solution aux quatre problèmes: les problèmes
surgissent seulement parce qu'on traite certaines phrases comme des phrases ayant la
structure 'sujet-prédicat' alors qu’elles n’ont en réalité pas cette structure.
2. La solution aux quatre problèmes
2.1. La solution au problème de la référence apparente à quelque chose qui n'existe pas
(B1) L’actuel roi de France est chauve.
On peut paraphraser (B1) comme suit:
(B1') (a) Au moins une personne est actuellement roi de France et
(b) au maximum une personne est actuellement roi de France et
(c) pour toute personne, si elle est roi de France, alors elle est chauve.
En notation logique:
(1') ∃x Fx
(2') ∀x (Fx → (∀y (Fy → y=x)))
(3') ∀x (Fx → Cx)
La conjonction de (1'), (2') et (3') est logiquement équivalente à la phrase suivante:
(B1'') ∃x (Fx & ∀y (Fy → y=x)) & Cx)
Fx: x est actuellement roi de France
Cx: x est chauve.
(B1'') est une phrase qui a un sens.
(B1'') est fausse, car (a) n'est pas satisfaite.
Le problème est résolu par le rejet de la prémisse (A2) selon laquelle (B1) a la structure d'une phrase
'sujet-prédicat'.
2.2. Solution au problème des assertions d'identité négative
(B2) Le carré rond n'existe pas.
Première analyse de (B2) (qui n'est pas acceptée par Russell)
(B2) est à paraphraser par la conjonction des phrases suivantes:
(1) Au moins un objet est carré est rond.
(2) Au maximum un objet est carré est rond.
(3) Tout ce qui est à la fois carré est rond n'existe pas.
En notation logique:
Cx: x est un carré
Rx: x est rond
Ex: x existe
(1') ∃x Cx&Rx
(2') ∀x (Cx&Rx → (∀y (Cx&Rx → y=x)))
(3') ∀x (Cx&Rx → ¬Ex)
La conjonction de (1'), (2') et (3') est logiquement équivalente à la phrase suivante:
(B2') ∃x (Cx&Rx & ∀y (Cy&Ry → y=x) & ¬Ex)
3
Selon cette première analyse
(a) il existe un prédicat d'existence et
(b) la négation modifie ce prédicat (ce n'est pas la phrase entière qui est niée).
Selon cette analyse la phrase (B2) demeure paradoxale (elle affirme qu'il existe quelque chose qui
n'existe pas).
Selon cette analyse la phrase (B2) est fausse (car il n'existe rien qui est à la fois carré et rond).
Deuxième analyse de (B2) (la phrase entière est niée/ il y un prédicat d'existence/ analyse qui n'est
pas acceptée par Russell)
Paraphrase de (B2):
Il n'est pas le cas que
(1) il existe au moins un objet carré et rond et
(2) il existe au maximum un objet carré et rond et
(3*) Tout ce qui et carré et rond n'existe pas.
En notation logique:
(B2') ¬∃x (Cx & Rx & ∀y (Cy & Ry → y=x)) & Ex)
Troisième analyse de (B2) (la phrase entière et niée, il n'y a pas de prédicat d'existence)
Selon les philosophes et les logiciens qui n'acceptent pas un prédicat d'existence, il faut analyser une
assertion d'existence "a existe" par "il existe quelque chose qui est identique a".
Selon cette vue il faut formaliser
(P1) a existe
par
(P1') ∃x (x=a)
(B2') ¬∃x (Cx & Rx & ∀y (Cy & Ry → y=x) & Ex)
est donc à remplacer par:
(B2'') ¬∃x (Cx & Rx & ∀y (Cy & Ry → y=x) & ∃z (z=x))
On peut simplifier cette analyse, car (B2'') est logiquement équivalent à
(B3''') ¬∃x (Cx & Rx & ∀y (Cy & Ry → y=x))
A lire comme suit : Il n’est pas le cas qu’il y a au moins et au plus un carré rond.
Remarque terminologique:
Dans les phrases (B2'), (B2'’) et (B2''') la signe de négation apparaît en position secondaire (terme de
Russell) c'est à dire avec une portée large (terminologie d'aujourd'hui).
Dans la phrase (B1') le signe de négation apparaît en position primaire (terminologie de Russell) c'està-dire avec une portée étroite (terminologie d'aujourd'hui).
Téléchargement