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SANTÉ, SOCIÉTÉ ET SOLIDARITÉ N° 2, 2010
les naissances afin d’augmenter la popula-
tion et de préparer la politique d’expansion
allemande mais, d’autre part, il souhaite limi-
ter cet essor démographique à une certaine
partie de la population qualifiée d’aryenne.
Dans Mein Kampf, Hitler affirmait déjà
qu’il était du devoir de l’État de veiller à ce
que toute personne en bonne santé conçoive
(Gerlach, 2008). Le gouvernement associe
une politique de soutien actif aux familles –
crédit au mariage à taux zéro, allocations
familiales – et une politique répressive à
l’égard de toute méthode de limitation des
naissances, le tout accompagné de vastes cam-
pagnes
de propagande. En même temps, afin
d’assurer la pureté de la race, le gouverne-
ment
interdit les mariages entre une personne
dite aryenne et une d’un autre groupe de
population; il incite, voire contraint à la sté-
rilisation les personnes atteintes de maladies
génétiques ou de malformations, les crimi-
nels et les personnes juives ou d’origine juive
et leur donne un accès libre à l’avortement
(Mouton, 2007).
Dès 1934, le nombre de naissances aug-
mente de manière sensible pour atteindre
plus de 1,4 million en 1939 et en 1940 contre
0,97 million en 1933, soit une hausse de
moitié. L’indice synthétique, qui était tombé
à 1,8 en 1931, augmente à 2,1 dès 1934 pour
atteindre 2,44 en 1939-1940. Il faut cepen-
dant
relativiser ces résultats. La descendance
finale reste faible: de 2,11 enfants par
femme pour la génération née en 1900, elle
passe à 1,95 pour celle née en 1915 et se
maintient approximativement à ce niveau
pendant les dix années suivantes (Schwarz,
1991, 1997; Marschalk, 1984). La politique
familiale menée sous le Troisième Reich a
donc permis tout au plus une stabilisation
de la fécondité.
Sous la RDA
La RDA (1949-1990) ne met véritablement
en œuvre de politiques familiales qu’à partir
des années 1970. Face à la double baisse de
la population et de la fécondité, le pays est
confronté à la nécessité d’assurer le renou-
vellement des générations afin de préparer
l’avenir du pays et de développer la main-
d’œuvre dans un contexte de pénurie et de
faible productivité. L’objectif nataliste pour-
suivi est donc limité à la fois par la volonté
du gouvernement de maintenir les femmes
en activité à temps plein et par le souhait de
défendre la liberté des femmes et d’afficher
ainsi la supériorité du système socialiste sur le
système capitaliste. La RDA libéralise l’avor-
tement
en 1972 et développe les moyens de
contraception moderne, comme la pilule qui
est disponible gratuitement sur ordonnance.
Les mesures en faveur des familles s’arti-
culent autour de deux axes: d’abord des
aides financières directes et indirectes com-
prenant une prime à la naissance, des allo-
cations familiales en forte hausse à partir
des années 1970, un crédit à taux zéro pour
les couples mariés ainsi que la gratuité du
système scolaire et des soins médicaux et la
subvention de nombreux produits de consom-
mation courante; ensuite des mesures favo-
risant la conciliation entre travail et famille,
notamment un congé parental d’un an, des
congés pour enfant malade, une journée chô-
mée par mois dévolue aux tâches ménagères
et une réduction de l’horaire de travail heb-
domadaire des mères. Par ailleurs, la RDA
a développé un réseau de crèches1propo-
sant un accueil gratuit des enfants qui
atteint, à la veille de la chute du mur, un taux
de couverture pratiquement total.
Alors même que l’évolution de la fécon-
dité avait été pratiquement identique dans
les deux États allemands depuis leur fon -
dation, on observe dès les années 1970 une
reprise de la fécondité en RDA, tandis qu’elle
se maintient à un niveau très bas en RFA.
Ainsi, l’indice synthétique de fécondité en
RDA passe de 1,54 enfant par femme en
1974 à 1,94 en 1980 (contre 1,44 en RFA).
Cet écart s’observe également, à un moindre
degré, dans la descendance finale: il se creuse
progressivement pour les générations nées à
partir de 1941 et atteint environ 0,2 pour les
femmes nées entre 1953 et 1959 (figure 1).
Il est cependant difficile de dire si la RDA
aurait connu l’évolution de la RFA sans sa
politique familiale active. Jürgen Dorbritz et
Jochen Fleischhacker (1995) estiment que le
maintien des naissances à un niveau supérieur
en Allemagne de l’Est pourrait être en partie
échos d’ailleurs
1. Il s’agit ici d’une prise en charge à temps plein des enfants. La RDA a tenté d’introduire des crèches
hebdomadaires, donc proposant un accueil en semaine, les enfants ne retrouvant leurs parents que le week-
end, mais l’expérience n’a pas connu un grand succès.
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