2) La croissance des villes
Même si l’agriculture demeure fondamentale dans l’Europe du XIXe Siècle, la population urbaine connaît un essor décisif. A la fin du
siècle, la société britannique est la plus urbanisée du monde : neuf Anglais sur dix vivent en ville. Ailleurs, les situations sont plus contrastées : en
France, les campagnes regroupent encore plus de 70% de la population, en Espagne ce taux atteint 80%. Mais la population urbaine augmente
partout à une vitesse spectaculaire : en 1880, Londres compte environ 900 000 habitants ; Paris, 600 000 ; Berlin, 170 000. En 1900, ces chiffres
s’élèvent respectivement à 4,7, 3,6 et 2,7 millions d’habitants. Glasgow, Vienne, Moscou et Saint-Pétersbourg dépassent à leur tout la barre d’un
million d’habitants, et seize autres villes européennes comptent plus de 500 000 habitants.
Les premières régions industrialisées, comme les bassins houillers et les centres sidérurgiques de Grande-Bretagne, de Belgique, de
France et d’Allemagne, ont été très marquées par l’urbanisation. A Manchester, cur de l’industrie cotonnière du Lancashire, la population a plus
que décuplé entre 1800 et 1900. Dans la Ruhr, Essen, berceau de la famille Krupp, est en 1800 une petite bourgade paisible d’environ 4000
habitants. En 1900, elle en compte près de 300 000. La population de Marseille, alors premier port français, triple entre 1820 et 1870, passant de
100 000 à 300 000 habitants. En 1900, Odessa sur la Mer Noire, l’un des principaux ports de Russie, compte environ 500 000 habitants. Elle n’avait
que 6000 habitants en 1800.
L’urbanisation exacerbe les problèmes sociaux qui existaient déjà avant l’industrialisation. Bien souvent, les villes en plein essor ne
disposent pas d’installations urbaines de base telles que systèmes sanitaires, réseaux de distribution d’eau ou même services de nettoyage des rues.
Une population nombreuse vit dans la misère, entassée dans des locaux surpeuplés : les risques d’épidémies sont importants. En 1844, Friedrich
Engels publie
La situation de la classe laborieuse en Angleterre
, où il dénonce les conditions de vie épouvantables des pauvres de Manchester. A
Londres, l’East End (faubourgs Est de la ville) abrite les taudis les plus misérables de l’Europe du XIXe Siècle. Face à cette souffrance, les villes
deviennent, pour certains, synonymes de destructions du comportement social traditionnel, de menace pour la religion et pour l’ordre social établi.
Ils vont parfois jusqu’à croire qu’elles sont un terrain propice pour fomenter une révolution. La notion de « classes dangereuses » préoccupe
désormais de nombreux gouvernements.
3) Médecine et santé publique
L’industrialisation favorise la recherche médicale. En 1796, le médecin anglais Edward Jenner met au point un vaccin contre la variole. Les
progrès réalisés permettent de diminuer les cas de diphtérie, de scarlatine, de coqueluche et de typhoïde, maladies jusque-là causes d’une mortalité
infantile élevés. Louis Pasteur
(1822-1895) met au point le premier des traitements efficaces contre la rage. Joseph Lister, professeur de chirurgie à l’université de Glasgow,
lance l’usage des antiseptiques, et James Simpson, celui des anesthésiques. Suivant les travaux de Pasteur, l’Allemand Koch montre que les
différentes maladies sont causées par des bactéries distinctes, et isole le bacille responsable de la tuberculose. Paul Erlich ouvre la voie de la
chimiothérapie. En 1895n William Röntgen, physicien allemand, découvre les rayons X grâce auxquels les
diagnostics et la chirurgie font d’immenses progrès. Pierre et Marie Curie découvrent le radium et la
radioactivité.
Le domaine de la santé publique a également bénéficié des progrès du siècle. Réformateurs
sociaux et ingénieurs luttent pour une meilleure hygiène publique dans les villes : construction de
systèmes sanitaires, d’égouts, de systèmes de distribution et d’évacuation des eaux. Ces
transformations bouleversent la vie de nombreux Européens. Dès 1900, le choléra, qui faisait des
ravages, notamment à Londres et à Paris entre 1830 et 1850, est éradiqué des villes industrielles.
III- LES CHANGEMENTS DANS LE DOMAINE DE
L’AGRICULTURE
1) La révolution des techniques agricoles
Au cours du XVIIIe et XIXe Siècle, l’agriculture connaît un développement rapide se
traduisant par une meilleure rotation des cultures, un meilleur rendement des récoltes, l’apparition de
nouvelles machines ainsi que l’amélioration des espèces animales et des techniques agricoles. L’explosion démographique liée à l’urbanisation crée une
demande croissante de nourriture ce qui encourage des cultures plus intensives, voire l’extension des surfaces cultivées. On qualifie parfois ces
changements, très souvent originaires de Hollande ou d’Angleterre, de « révolution agricole », mais parler d’une « évolution agricole » semble plus
approprié, ces mutations ne possédant par la rapidité caractéristique des transformations industrielles. En Angleterre, les grands espaces cultivés
hérités du Moyen-Age cèdent la place à des champs clôturés par des haies : c’est le mouvement des enclosures.
Les campagnes sont sillonnées par de nouvelles machines agricoles ; les batteuses à vapeur font leur apparition. En Angleterre, la
paysannerie traditionnelle disparaît et la terre est désormais travaillée par des ouvriers agricoles ou de petits cultivateurs. Vers le milieu du XIXe
Siècle, l’agriculture représente, en Grande-Bretagne, une proportion de travailleurs bien plus faible que dans les autres pays européens au même
stade de développement. Dans la plupart des autres pays, la grande masse des ruraux a souvent des droits très stricts sur les terres par le biais
des droits communautaires et en raison du morcellement excessif des exploitations. Certains agriculteurs traversent la Manche pour étudier les
nouvelles techniques agricoles, acheter du bétail ou des machines, ou demander conseil aux Anglais ! Les innovations se répandent ainsi dans toute
l’Europe. En France, le monde rural n’a pas été aussi profondément bouleversé qu’en Angleterre. De même, l’Allemagne, il faut attendre le
développement des voies navigables, des routes et des chemins de fer pour que les paysans voient leurs conditions de vie s’améliorer.
Les révolutions de 1848, la propagation du libéralisme et la hantise d’une révolte populaire ont une influence considérable sur les
propriétaires d’Europe centrale. Vers 1850, la féodalité, qui lie les paysans à la terre et les oblige à la travailler, a pratiquement disparu à l’Ouest,
mais les propriétaires de Prusse et de Pologne gardent leur pouvoir même après l’abolition de la féodalité. En Russie, il faut attendre 1861 pour que
le servage soit aboli. Les paysans ne sont plus attachés à une terre. Ils travaillent désormais pour subvenir à leurs propres besoins. Les salaires
sont bas et consistent souvent en paiements en nature.
Si les zones urbaines sont le fer de lance de la révolution industrielle, l’Europe demeure rurale : vers 1900, la majorité de ses habitants
vit toujours à la campagne.