I- LE SENTIMENT DE NATIONALISME ET DE LIBERALISME 1) Les

L’Europe domine le monde
XIXe Siècle
Au début du XIXe Siècle, la majorité des régions européennes sont encore dominées par l’agriculture. En un siècle, la civilisation agraire
va se métamorphoser en civilisation industrielle.
Les villes sont à la mode ; beaucoup quittent la campagne, ce qui provoque une augmentation considérable de la population dans les grandes
agglomérations. La croissance démographique aide considérablement ce phénomène. Pour beaucoup, l’industrialisation et l’urbanisation sont
dangereuses à court terme. Toutefois, il semble qu’à plus long terme, ce développement garantirait de meilleures conditions de vie et un
agrandissement de la richesse d’une certaine classe de la population.
C’est d’abord l’initiative de la Grande-Bretagne, imitée par d’autre pays européens à l’Ouest précédant des nations situées plus au Sud et
à l’Est. S’ajoute à cela un développement qui bouleverse le monde des transports et des communications.
Le XIXe Siècle voit également l’influence croissante des idées de nationalisme et de libéralisme. C’est la naissance d’Etats-nations
(Grèce, Belgique, Roumanie) et l’union d’autres pays comme l’Allemagne et l’Italie. Le crépuscule du XIXe Siècle sera le temps de la création de
partis politiques, l’introduction de réformes sociales et l’amélioration du rôle de la femme. La modernisation apporte les loisirs, une meilleure
éducation et vie culturelle.
Enfin, l’Europe est au sommet de sa supériorité dans les secteurs tant industriel que technique. Les Empires coloniaux nés des puissances
européennes influencent considérablement les orientations du monde.
I- LE SENTIMENT DE NATIONALISME ET DE LIBERALISME
Libéralisme et nationalisme, ce sont les deux principes issus de la Révolution française que reprennent les partisans d’une transformation
de l’Europe. On en appelle à l’indépendance des pays et l’unification des peuples. Deux courants se forment : les Libéraux soutiennent les nouveaux
principes de la démocratie, concepts embrassant la souveraineté du peuple, sa représentation au gouvernement ainsi que la liberté d’expression, de
la pression et de religion. Les Romantiques, quant à eux, prônent l’héroïsme individuel et la liberté de l’individu grâce à celle des nations.
1) Les prémices d’un changement européen
Face à ces idées dangereuses, les dirigeants politiques décident de combattre ces fléaux. Les émeutes de protestation, les
manifestations et toute menace de révolution sont violemment réprimées. Les guerres napoléoniennes, la croissance démographique, l’urbanisation
et les mouvements de réforme politique sont suivis par une période de marasme économique. Les émeutes engendrées par la famine, la destruction
des machines par des ouvriers craignant le chômage, les conflits étudiants-autorités, pétitions ou meetings pour une mutation politique organisés
par la bourgeoisie libérale traduisent le mécontentement général.
En 1819, lAngleterre du roi
George IV
est perturbée : on demande une révision du système électoral. C’est pourquoi, les ouvriers
décident d’organiser un meeting important à St Peter’s Fields (Manchester), considéré comme illégal par les autorités locales. La milice n’hésite pas
à charger les manifestants faisant onze morts et des
centaines de blessés. C’est le « massacre de Peterloo ». Il
incite le gouvernement à voter de nouvelles lois plus sévères
sur le droit de manifestation.
En Allemagne, les lois plus rigoureuses, connues sous le nom
de Décret Carlsbad, en 1819, interdisent les meetings
politiques, censurent la presse et contrôlent le système
éducatif. Seuls subsistent quelques groupes isolés.
En Espagne, la révolution de 1820, animée par
Riego, sen prend à labsolutisme brutal de Ferdinand VII.
Dans certains Etats italiens, des sociétés révolutionnaires
secrètes, les Carbonari (charbonniers) prônent l’unité
nationale, l’absence de toute domination étrangère et la
formation d’une république italienne. Mais le mouvement des
Carbonari n’est pas assez structuré, leurs révoltes politiques
(à Naples et dans le Piémont en 1820-1821, puis dans le reste
du pays en 1831) sont trop localisées, sporadiques et trop
aisément répressibles.
La diversité des formes de protestation entraîne
l’apparition de différents systèmes de maintien de l’ordre. Ainsi, en Irlande, pays sous autorité britannique mais ayant de fortes velléités
d’indépendance, les agents du
Royal Irish Constabulary
(après 1867) portent les armes et sont casernés, alors qu’en Angleterre, les forces de police
ne sont par armées.
2) Révolutions et interventions
Les systèmes gouvernementaux européens varient beaucoup selon les pays. La Grande-Bretagne refuse d’intervenir dans les affaires
internes des autres pays, mais la Prusse, l’Autriche, la Russie, et, dans une moindre mesure, la France, sont prêtes à apporter une aide militaire aux
gouvernements ou dynasties menacés par une révolution. L’Autriche soutient les régimes monarchiques à Naples ou au Piémont ; grâce à la France, le
roi d’Espagne dont l’autorité a été limitée par une constitution libérale recouvre la totalité de ses pouvoirs. L’Empire russe survit à une conspiration
militaire et à une révolte en Pologne.
Malgré les troubles sociaux et des difficultés liées à l’urbanisation, la Grande-Bretagne ne connt pas de révolution et réussit à
conserver ses institutions politiques. Le
Reform Act
de 1832, grâce auquel l’électorat britannique atteint environ 650 000 électeurs (masculins),
permet la création d’un système parlementaire plus approprié aux besoins d’un pays en pleine modernisation. La plus importante manifestation de
protestation en Grande-Bretagne est le mouvement chartiste qui réclame un accroissement du pouvoir représentatif de la Chambre des Communes.
L’Irlande est la seule région des îles britanniques qui fait craindre au gouvernement anglais le spectre dune révolution ; car l’
Act of Union
(1800) a entraîné une domination plus directe du pays par la Grande-Bretagne. Les Irlandais protestent contre cette loi et demandent son
abrogation ; un mouvement de lutte nationale se développe. Daniel O’Connell, principal nationaliste irlandais, surnommé le « Libérateur », héros
populaire se battant contre l’Act of Union, marque à jamais l’histoire de l’Irlande et de l’Europe.
3) La Grèce et la guerre d’indépendance
En 1821, les Grecs (les sujets orthodoxes du Sultan Ottoman) s’insurgent contre l’autorité turque. La Révolte est organisée par la
«
Philiké Hétairia
» (société secrète des patriotes fondée par des commerçants) et menée par Alexandre Ypsilanti (officier de l’armée russe) qui
tente tout d’abord de soulever les provinces danubiennes.
La Grèce se jette alors dans une guerre d’indépendance et devient l’inspiratrice des libéraux européens. La mort du poète anglais Byron
au siège de Missolonghi fait naître des sentiments philhelléniques dans l’Europe entière. En Russie, les intérêts nationaux, la politique traditionnelle
d’expansion vers la Méditerranée et les liens religieux poussent les Russes à soutenir les Grecs et à combattre les Turcs. En 1827, une intervention
de la Grande-Bretagne, de la France et de la Russie se conclut par la destruction de la flotte turque à Navarin. La Grèce devient indépendante en
1830 et accepte un prince bavarois comme souverain (le fils de Louis Ier de Bavière). En 1843, les Grecs se révoltent contre l’absolutisme de leur
roi et obtiennent la mise en place d’un gouvernement parlementaire et une limitation constitutionnelle du pouvoir monarchique.
4) Les Révolutions de 1830-1831
Le mécontentement vis-à-vis du système politique est la cause principale des révolutions qui frappent plusieurs pays européens en 1830
et 1831. En France, en juillet 1830, lorsque la monarchie des Bourbon tente de supprimer les limitations constitutionnelles au pouvoir du roi et de
ses ministres, les Parisiens se révoltent et le roi est renversé. Une nouvelle monarchie constitutionnelle avec
Louis-Philippe Ier
sinstalle. La
révolution française de 1830 inspire d’autres libéraux européens. Les dirigeants de plusieurs Etats allemands sont forcés d’abdiquer et des
constitutions garantissant les droits de l’individu et certains droits de vote sont établies. En Italie, Modène, Parme et les Etats pontificaux sont le
théâtre de soulèvements réprimés par l’Autriche. A Varsovie, les soldats russes sont
chassés par les contestataires qui proclament un gouvernement révolutionnaire. Ce
n’est qu’en septembre 1831 que le tsar en Russie étouffe le mouvement de révolte.
Le soulèvement des Belges contre leur monarchie hollandaise et l’union de
leur pays avec la Hollande imposée par le traité de Vienne (1815) reste l’étape
essentielle de la Belgique moderne. L’Autriche, la Russie et la Prusse ne peuvent
apporter leur aide au roi hollandais à cause du soulèvement de la partie russe de la
Pologne. Grâce à la révolte de Bruxelles (août-septembre 1830), la Belgique accède à
l’indépendance en 1831. En 1839 après une nouvelle guerre belgo-hollandaise, sa
neutralité est garantie par le traité de Londres. La partie orientale du Luxembourg est
érigée en grand-duché indépendant mais dans le cadre de royaume hollandais. Sa
neutralité est déclarée en 1867 par le traité de Londres et en 1890, il est finalement
détaché des Pays-Bas.
5) Jeune Europe
En 1831, le nationaliste italien, ancien carbonaro, Giuseppe Mazzini, alors en
exil politique à Marseille, fonde le mouvement Jeune Italie (Giovine Italia) dont le but
est de soulever les populations pour l’avènement d’une république italienne libre et
unie. Ce mouvement devient vite populaire et engendre l’apparition de
mouvements révolutionnaires républicains et unitaires à travers l’Europe (tels Jeune
Allemagne et Jeune Pologne). Mazzini regroupe ces mouvements en « Jeune Europe » et essaye de promouvoir la notion de fraternité entre les
républiques fondée sur les principes de la charité chrétienne. Jeune Irlande, organisation nationaliste révolutionnaire voit le jour en 1840. Dans la
pratique, aucune de ces fraternités n’a eu beaucoup de succès, comme en témoignent les malheureuses tentatives d’insurrection réalisées par Jeune
Italie. Néanmoins, Mazzini devient source d’inspiration pour les nationalistes et les
démocrates européens.
6) Le « printemps des peuples »
L’impact des révolutions de 1848 est beaucoup plus important que celui des
révolutions de 1830. Un certain nombre de facteurs comme les troubles économiques et
sociaux que connaît l’Europe en 1835, les récoltes catastrophiques, les pénuries (et même
une famine en Irlande), les épidémies, une diminution des échanges commerciaux, la
misère et le chômage, viennent s’ajouter au mécontentement envers les systèmes
politiques. Ces révolutions éclatent dans des contextes spécifiques à chaque pays. En
général, elles sont menées par des intellectuels libéraux appartenant aux classes
moyennes et s’inspirant des idéaux de la Révolution française.
En février 1848,
Louis-Philippe
, le « roi-citoyen », perdant son combat contre
la réforme électorale, est contraint d’abdiquer. En mars, le chancelier d’Autriche,
Metternich doit s’enfuir de Vienne. Ainsi des gouvernements constitutionnels sont mis en place dans les Etats italiens ainsi que dans toutes les
capitales d’Europe centrale jusque là dominées par l’Autriche. Dans les Etats allemands, lors de la courte période d’existence du Parlement de
Francfort (mai 1848 avril 1849), des mouvements apparaissent pour la mise en place dun gouvernement représentatif et pour la création dune
Allemagne unie.
Ces révolutions ont été très courtes dans le temps, la plupart étant violemment réprimées en l’espace de quelques mois. En France, les
propriétaires fonciers répriment les troubles du mois de juin à Paris et élisent président de la République Louis-Napoléon Bonaparte, le futur
Napoléon III
. En Angleterre, le charisme connaît une fin de vie mouvementée. La tentative menée par Jeune Irlande de provoquer une révolte
paysanne échoue. En Italie, les soldats français renversent la république vénitienne et reprennent le contrôle de la Lombardie, mais le Piémont et la
Sardaigne conservent leur Constitution libérale avec l’avènement de Victor Emmanuel II.
Le nationaliste hongrois, Louis Kossuth, qui avait mené la révolte contre les
Habsbourg, est contraint de fuir son pays lorsque les Russes interviennent pour restaurer la
suprématie autrichienne. En Allemagne, l’échec des révolutions de 1848 vient des libéraux
allemands qui étaient persuadés de la nécessité du soutien de la Prusse, dont ils étaient prêts à
accepter les exigences. Mais le roi de Prusse, encouragé par les succès de la contre-révolution
autrichienne, dissout l’Assemblée prussienne et promulgue une Constitution garantissant le
maintien de lautorité royale. A limage de la Prusse, les dirigeants des Etats allemands
suppriment les concessions constitutionnelles. Fait important, la nouvelle Constitution
démocratique suisse n’est pas remise en cause.
A la fin de l’année 1849, le paysage politique de l’Europe ressemble à ce qu’il était deux
années auparavant. Mais les idées nationales, démocratiques et libérales ont fait leur chemin ! La
monarchie absolue perd du terrain et la puissance des aristocrates propriétaires terriens
s’étiole. La paysannerie européenne se libère totalement du joug féodal. Le terrain semble prêt
pour le triomphe des mouvements nationalistes.
7) La nouvelle carte de l’Europe
Pendant environ 40 ans, grâce au
traité de Vienne (1815), les pays européens
règlent leurs différends sans qu’éclate
aucune guerre importante.
Vers 1850, la suspicion des
Etats européens grandit face aux intérêts
de la Russie dans les Balkans, où la
suprématie des Turcs décline. La Grande-Bretagne et la France veulent empêcher la Russie
d’augmenter son influence vers la Méditerranée et la guerre éclate entre la Russie d’une part
et une alliance turco-franco-anglaise d’autre part.
La guerre de Crimée (1853-1856) où les alliés sont vainqueurs met un frein pour
quelques temps aux manuvres d’intimidation de la Russie à l’égard de la Turquie, mais la
menace russe persiste. Les anciennes terres de domination turque développent un fort esprit
de nationalisme, et les prémices sont jetées pour la formation d’une nouvelle nation
chrétienne, la Roumanie (1862). La guerre de Crimée ravive l’ancienne rivalité entre l’Autriche
(qui était pourtant restée neutre dans ce conflit) et la Russie au sujet de l’Europe de l’Est et
des Balkans.
En 1856, lors du Congrès de paix réuni à Paris à la fin de la guerre de Crimée,
Cavour, Premier ministre du
Piémont, dont les soldats ont
combattu aux côtés des
Français et Britanniques, soulève la question de l’unité
italienne. En 1858, Cavour et
Napoléon III
décident de libérer l’Italie du Nord des
Autrichiens.
Napoléon III
demande Nice et la Savoie en échange de son aide. En
1859, la France et le Piémont chassent les Autrichiens de Lombardie. Cavour
rattache la Lombardie au Piémont et entreprend, avec l’accord des deux régions et
au moyen d’un plébiscite, l’agrandissement du royaume de Piémont-Sardaigne en
formant une union avec dautres Etats du nord et du centre de lItalie. Avec la
complicité de Cavour, Garibaldi, le héros de la jeune république romaine de 1848 et
militant du
Risorgimento
(Résurrection), quitte le Piémont en compagnie d’un millier
de volontaires, appelés Chemises rouges, et renverse la monarchie en Sicile et à
Naples. Afin d’empêcher Garibaldi d’opérer une marche sur Rome qui faisait
craindre une intervention militaire de l’Autriche et de la France, nations catholiques
obéissant au pape, Cavour contourne Rome mais réunit la Sicile et lItalie du Sud
dans le nouveau royaume d’Italie créé en 1861.
En terres allemandes, l’unification est également en marche. En 1862, Otto von Bismarck, Premier ministre du roi de Prusse, regroupe les
Etats allemands. Les duchés de Schleswig et de Holstein sont sous lautoridu roi du Danemark mais la majorides habitants est allemande. En
1864, par une guerre courte contre le Danemark, les deux duchés sont cédés aux Etats allemands et administrés par la Prusse et l’Autriche. En
1866, la Prusse les annexe et bat l’Autriche au cours d’une campagne militaire éclair, mettant un terme à plus d’un siècle de rivalité entre les deux
puissances. Chassés d’Allemagne, les Habsbourg se tournent vers le sud-est de l’Europe et les Balkans. En 1867, ils mettent fin à leurs rivalités avec
les Magyars, ou Hongrois, en instituant la Double Monarchie, l’Autriche-Hongrie. Ce
dualisme doit permettre de mieux freiner les aspirations des peuples slaves inclus dans
leurs territoires, aspirations nationales qu’avive le succès des Slaves de l’Empire
Ottoman, Serbes, Monténégrins, Albanais, Bulgares, etc. qui profitent de son déclin pour
créer ou développer leurs propres Etats.
Force de décomposition des Empires austro-hongroise et ottoman, le
mouvement des nationalités agit en sens inverse en Italie et en Allemagne.
Napoléon III
,
empereur des Français depuis 1852, ne lui a pas ménason soutien. Mais l’accroissement
de la puissance prussienne depuis 1866 l’inquiète et il se laisse prendre en 1870 à un
traquenard de Bismarck qui a besoin dun choc psychologique pour vaincre les réticences
des Etats dAllemagne du Sud à accepter la prééminence prussienne. Lappui qu’il donne à
la candidature d’un prince Hohenzollern
au trône d’Espagne, momentanément
vacant, amène la France à déclarer la
guerre à la Prusse qui entraîne
l’Allemagne dans un même élan.
Les défaites françaises
(Sedan, 1er septembre 1870) conduisent
à la chute du Second Empire français et
au dernier acte des unifications
allemande et italienne. Le 20 septembre
1870, les troupes italiennes entrent
dans Rome où le pape, jusque là protégé
par une garnison française, se considère
désormais comme prisonnier. Après plébiscite, Rome est déclarée capitale de l’Italie unifiée. Le 18
janvier 1871, dans la galerie des Glaces, à Versailles, le roi de Prusse, Guillaume Ier, est proclamé
empereur allemand. L’annexion de l’Alsace-Lorraine réalisée sans consultation des populations,
ouvre, pour plusieurs générations, un fossé entre la France et l’Allemagne.
Ainsi se généralise dans l’Europe de la seconde moitié du XIXe Siècle la forme de l’Etat-
nation, souvent né dans la violence. Mais l’héritage d’un passé parfois lointain ne permet pas une coïncidence parfaite entre l’un et l’autre, suscitant
des problèmes de minorités. L’Europe de ce temps est celle de la paix armée.
II- POPULATION ET URBANISATION
1) L’explosion démographique
Au cours du XIXe Siècle, la supériorité économique de l’Europe entraîne un accroissement de population nettement plus fort que dans le reste du
monde. La population de l’Europe, Russie incluse, passe d’environ 190 millions de personnes en 1800 à environ 420 millions en 1900. Mais cet
accroissement n’a pas été uniforme au sein de l’Europe, la population augmentant différemment selon les pays et les années.
Cette explosion démographique sans précédent fait, dès son développement, l’objet d’études et de théories. Ainsi Thomas Malthus,
pasteur et économiste anglais, écrit son
Essai sur le principe de la population
(1798). Il soutient que, s’il n’est pas freiné par des facteurs tels que la
pauvreté, la famine, la maladie, la guerre ou le contrôle des naissances, le pouvoir multiplicateur de la population est infiniment plus grand que le
pouvoir qu’a la terre de produire la subsistance des hommes. Le bien-fondé des idées de Malthus ne peut cependant pas être appliqué au XIXe
Siècle. Le développement des villes et les améliorations agricoles, industrielles, bancaires, permettent de subvenir aux besoins d’une population
grandissante, et daméliorer même les conditions générales de la vie. Cependant, dans certains cas, Malthus avait vu juste. Ainsi, en 1845-1847, la
récolte catastrophique de pommes de terre en Irlande provoque une famine suivie d’épidémies. Beaucoup meurent de malnutrition. Chacun y voit
cependant un tragique accident économique et non une crise malthusienne.
Plusieurs facteurs contribuent à cet accroissement de la population. En Europe occidentale, les taux de mortalité diminuent sous l’effet
des progrès de la santé publique. En Angleterre et pays de Galles, par exemple, l’espérance de vie moyenne passe de 35 ans environ vers 1780 à 40
ans environ vers 1840. Dans les pays moins développés d’Europe orientale en revanche, les taux de mortalité restent élevés. Parallèlement, la
natalité augmente (37% en Angleterre, 42% en Allemagne) du fait de l’abaissement de l’âge du mariage et du maintien de pratiques traditionnelles
en matière de fécondité. La France constitue une exception puisque son taux de natalité nest plus que de 25% vers 1880. Dans lensemble
cependant, l’excédent naturel des naissances sur les décès entraîne un peu partout une forte poussée démographique.
Les migrations ont également influencé l’accroissement de la population. Les immigrants, venus pour la plupart des campagnes, sont
attirés vers les villes et les secteurs industrialisés par les possibilités d’emploi et de meilleurs salaires. Ainsi, de nombreux Polonais viennent
travailler dans les mines du nord de la France ou du bassin de la Ruhr allemande. De nombreux travailleurs qualifiés quittent l’Ecosse pour
l’Angleterre. Nombre d’Irlandais semi-qualifiés ou non qualifiés s’expatrient et s’installent dans les villes industrielles d’Angleterre, travaillent à la
construction des nouvelles routes, au creusement des canaux et à la construction des chemins de fer. Le plus fort de l’émigration irlandaise vers les
Etats-Unis s’est produit dans les années 1840, alors que la famine faisait rage en Irlande. Persécutés en Russie, les Juifs fuient les pogroms en
émigrant vers l’Europe de l’Ouest et les Etats-Unis. Dix mille européens émigrent par an dans les années 1830, 1 500 000 par an à la fin du siècle.
Un nombre croissant d’Africains, d’Antillais, et de Chinois s’installent en Grande-Bretagne dans l’espoir de bénéficier de meilleures
conditions de vie ou, parfois, pour échapper à des persécutions religieuses ou politiques.
2) La croissance des villes
Même si l’agriculture demeure fondamentale dans l’Europe du XIXe Siècle, la population urbaine connaît un essor décisif. A la fin du
siècle, la société britannique est la plus urbanisée du monde : neuf Anglais sur dix vivent en ville. Ailleurs, les situations sont plus contrastées : en
France, les campagnes regroupent encore plus de 70% de la population, en Espagne ce taux atteint 80%. Mais la population urbaine augmente
partout à une vitesse spectaculaire : en 1880, Londres compte environ 900 000 habitants ; Paris, 600 000 ; Berlin, 170 000. En 1900, ces chiffres
s’élèvent respectivement à 4,7, 3,6 et 2,7 millions d’habitants. Glasgow, Vienne, Moscou et Saint-Pétersbourg dépassent à leur tout la barre d’un
million d’habitants, et seize autres villes européennes comptent plus de 500 000 habitants.
Les premières régions industrialisées, comme les bassins houillers et les centres sidérurgiques de Grande-Bretagne, de Belgique, de
France et d’Allemagne, ont été très marquées par l’urbanisation. A Manchester, cur de l’industrie cotonnière du Lancashire, la population a plus
que décuplé entre 1800 et 1900. Dans la Ruhr, Essen, berceau de la famille Krupp, est en 1800 une petite bourgade paisible denviron 4000
habitants. En 1900, elle en compte près de 300 000. La population de Marseille, alors premier port français, triple entre 1820 et 1870, passant de
100 000 à 300 000 habitants. En 1900, Odessa sur la Mer Noire, l’un des principaux ports de Russie, compte environ 500 000 habitants. Elle n’avait
que 6000 habitants en 1800.
L’urbanisation exacerbe les problèmes sociaux qui existaient déjà avant l’industrialisation. Bien souvent, les villes en plein essor ne
disposent pas d’installations urbaines de base telles que systèmes sanitaires, réseaux de distribution d’eau ou même services de nettoyage des rues.
Une population nombreuse vit dans la misère, entassée dans des locaux surpeuplés : les risques d’épidémies sont importants. En 1844, Friedrich
Engels publie
La situation de la classe laborieuse en Angleterre
, où il dénonce les conditions de vie épouvantables des pauvres de Manchester. A
Londres, l’East End (faubourgs Est de la ville) abrite les taudis les plus misérables de l’Europe du XIXe Siècle. Face à cette souffrance, les villes
deviennent, pour certains, synonymes de destructions du comportement social traditionnel, de menace pour la religion et pour lordre social établi.
Ils vont parfois jusqu’à croire qu’elles sont un terrain propice pour fomenter une révolution. La notion de « classes dangereuses » préoccupe
désormais de nombreux gouvernements.
3) Médecine et santé publique
L’industrialisation favorise la recherche médicale. En 1796, le médecin anglais Edward Jenner met au point un vaccin contre la variole. Les
progrès réalisés permettent de diminuer les cas de diphtérie, de scarlatine, de coqueluche et de typhoïde, maladies jusque-là causes d’une mortalité
infantile élevés. Louis Pasteur
(1822-1895) met au point le premier des traitements efficaces contre la rage. Joseph Lister, professeur de chirurgie à l’université de Glasgow,
lance l’usage des antiseptiques, et James Simpson, celui des anesthésiques. Suivant les travaux de Pasteur, l’Allemand Koch montre que les
différentes maladies sont causées par des bactéries distinctes, et isole le bacille responsable de la tuberculose. Paul Erlich ouvre la voie de la
chimiothérapie. En 1895n William Röntgen, physicien allemand, découvre les rayons X grâce auxquels les
diagnostics et la chirurgie font dimmenses progrès. Pierre et Marie Curie découvrent le radium et la
radioactivité.
Le domaine de la santé publique a également bénéficié des progrès du siècle. Réformateurs
sociaux et ingénieurs luttent pour une meilleure hygiène publique dans les villes : construction de
systèmes sanitaires, d’égouts, de systèmes de distribution et dévacuation des eaux. Ces
transformations bouleversent la vie de nombreux Européens. Dès 1900, le choléra, qui faisait des
ravages, notamment à Londres et à Paris entre 1830 et 1850, est éradiqué des villes industrielles.
III- LES CHANGEMENTS DANS LE DOMAINE DE
L’AGRICULTURE
1) La révolution des techniques agricoles
Au cours du XVIIIe et XIXe Siècle, l’agriculture connaît un développement rapide se
traduisant par une meilleure rotation des cultures, un meilleur rendement des récoltes, l’apparition de
nouvelles machines ainsi que l’amélioration des espèces animales et des techniques agricoles. L’explosion démographique liée à l’urbanisation crée une
demande croissante de nourriture ce qui encourage des cultures plus intensives, voire l’extension des surfaces cultivées. On qualifie parfois ces
changements, très souvent originaires de Hollande ou d’Angleterre, de « révolution agricole », mais parler d’une « évolution agricole » semble plus
approprié, ces mutations ne possédant par la rapidité caractéristique des transformations industrielles. En Angleterre, les grands espaces cultivés
hérités du Moyen-Age cèdent la place à des champs clôturés par des haies : c’est le mouvement des enclosures.
Les campagnes sont sillonnées par de nouvelles machines agricoles ; les batteuses à vapeur font leur apparition. En Angleterre, la
paysannerie traditionnelle disparaît et la terre est désormais travaillée par des ouvriers agricoles ou de petits cultivateurs. Vers le milieu du XIXe
Siècle, l’agriculture représente, en Grande-Bretagne, une proportion de travailleurs bien plus faible que dans les autres pays européens au même
stade de développement. Dans la plupart des autres pays, la grande masse des ruraux a souvent des droits très stricts sur les terres par le biais
des droits communautaires et en raison du morcellement excessif des exploitations. Certains agriculteurs traversent la Manche pour étudier les
nouvelles techniques agricoles, acheter du bétail ou des machines, ou demander conseil aux Anglais ! Les innovations se répandent ainsi dans toute
l’Europe. En France, le monde rural n’a pas été aussi profondément bouleversé qu’en Angleterre. De même, l’Allemagne, il faut attendre le
développement des voies navigables, des routes et des chemins de fer pour que les paysans voient leurs conditions de vie s’améliorer.
Les révolutions de 1848, la propagation du libéralisme et la hantise d’une révolte populaire ont une influence considérable sur les
propriétaires d’Europe centrale. Vers 1850, la féodalité, qui lie les paysans à la terre et les oblige à la travailler, a pratiquement disparu à l’Ouest,
mais les propriétaires de Prusse et de Pologne gardent leur pouvoir me après l’abolition de la féodalité. En Russie, il faut attendre 1861 pour que
le servage soit aboli. Les paysans ne sont plus attachés à une terre. Ils travaillent désormais pour subvenir à leurs propres besoins. Les salaires
sont bas et consistent souvent en paiements en nature.
Si les zones urbaines sont le fer de lance de la révolution industrielle, l’Europe demeure rurale : vers 1900, la majorité de ses habitants
vit toujours à la campagne.
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