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Citations
La grande inspiratrice du maître par sa splendeur plastique, par la beauté et l’expression de son
visage, et aussi par son intelligence et son esprit, demeure Lydia Delectorskaya.
Raymond Escholier.
Mots adressés par Matisse à Lydia
- La bonne Lydia se donne pour tous. Elle n’oublie qu’elle. (9 mai 1948)
- A Madame Lydia. Premier prix de sagesse et de résignation. Les plus belles distractions du ciel et de
la terre.
- [Madame] Lydia est un ange un vrai j’en suis certain. Quelquefois. HM. 5/7/49
Propos de Lydia
Bien que tout au début, alors que j’étais son aide d’atelier, il eut fait d’après moi trois ou quatre
dessins, l’idée ne m’effleurait même pas qu’un jour je poserais de nouveau pour lui. J’en avais conclu
que je ne lui convenais pas comme modèle, et voilà tout.
D’ailleurs c’était un fait : je n’étais pas « son type ». A part sa fille, la plupart des modèles qui
l’avaient inspiré étaient des Méridionales. Or j’étais une blonde, très blonde.
Sans se départir d’une certaine réserve, les rapports entre Henri Matisse et moi étaient devenus
progressivement très cordiaux. Je me consacrais entièrement et de tout cœur à leur maison, à son
travail ; de leur côté, Madame Matisse et lui-même m’avaient prise en affection et me gâtaient même
un peu à l’occasion.
Un jour, Matisse vint se reposer un carnet de croquis sous le bras et, pendant que distraitement
j’écoutais la conversation, il m’intima soudain : Ne bougez pas !
Et ouvrant son cahier, il me dessina, fixant une pose qui m’était familière : la tête couchée sur les bras
croisés, appuyés sur le dossier du siège.
Ensuite de telles improvisations se reproduisirent de plus en plus souvent. Puis il me demanda de
poser pour lui.
J’étais préoccupée par la vie quotidienne, pour qu’il y ait tout ce qu’il faut : le chauffage, la
nourriture, etc., et qu’il ait des modèles […]
Dans le tableau qui progressait lentement il menait une lutte intelligible pour lui seul trouvant jour
après jour, dans ce qui la veille lui paraissait conclu, « par où se glisser dedans, pour aller plus
loin ». Cette « faille », c’est-à-dire une retouche ne fut-ce que minime, l’entraînait à nouveau dans des
remaniements obstinés de tous les éléments : le dessin, la couleur et la composition. Le modèle
redevenait simplement un composant de son problème.
Il superposait rarement les couleurs : il grattait les compartiments de la couleur indésirable (ou me
les faisait effacer).
Il accrochait les toiles fraîches ou en cours de travail carrément dans sa chambre, face à son lit,
« pour pouvoir au réveil en recevoir le choc à l’improviste et en juger la portée » ou méditer dessus
pendant les insomnies.
Henri Matisse travaillait toujours d’après nature les tableaux de chevalet. Il avait besoin de
l’exaltation que lui procuraient la vue et la proximité des fleurs, des tissus chatoyants, des fruits
juteux, de corps féminins, qu’il allait tenter de sublimer.
Matisse n’a jamais imposé d’attitude à un modèle. Au premier abord, il disait au modèle : « Asseyezvous ». Pas plus.
Ensuite il l’observait un moment en bavardant, puis allait chercher dans ses réserves (accumulées au
cours de dizaines d’années) une robe (européenne ou orientale) ou un corsage, ou un peignoir qui
conviendrait au type du modèle, et quelques bijoux de pacotille. Il les donnait à mettre au modèle qui,
une fois habillé ainsi, se rasseyait, et HM commençait alors un dessin d’étude, en général au fusain.
Au bout d’une dizaine de minutes, il s’arrêtait de travailler, se levait en disant : « reposez-vous,
bougez ». En déambulant dans la pièce, il observait directement le modèle, puis, revenu à sa place, lui
faisait prendre une pose ou une attitude harmonieuse qu’il avait remarquée au cours de ces dix
minutes de détente. Alors il effaçait le dessin ébauché précédemment et se mettait à dessiner « pour de
bon ».
Matisse avait toujours beaucoup dessiné. Au milieu des années 30, le dessin devient pour lui un
domaine d’art indépendant. Se consacrant comme toujours le matin à la peinture, l’après-midi il
dessinait passionnément. En cette période, le travail acharné au fusain le conduit vers un moyen
d’expression qui se met à le fasciner, c’est-à-dire le dessin au trait – crayon ou plume – qui, tout en
étant descriptif, traduisait dans une certaine mesure les émotions que son sujet suscitait en lui. Il
cherchait avec ardeur et obstination à rendre son trait sensible au maximum et parfaitement expressif.
(14 août 1981)
Matisse me faisait cadeau de deux beaux dessins par an : un au jour de l’An – une sorte de
gratification annuelle – et un en juin, à mon anniversaire, en signe d’affectueuse reconnaissance pour
mon application de l’aider à vivre avec le plus de sérénité possible pour s’adonner à son art.
Matisse peignait dans un décor qui bougeait peu. Il utilisait dans ses œuvres les objets, tentures,
tableaux qu’il avait autour de lui. Tous ces dessins sont réalisés avec un modèle, même les aquatintes.
Il avait toujours besoin du support d’un modèle.
Pour les modèles femmes ou autres, il dessinait d’abord un portrait réaliste où il décrivait tous les
aspects du visage. C’était un portrait descriptif. Puis il procédait à des éliminations progressives dans
les dessins qu’il faisait ensuite pour ne conserver que l’essentiel. D’abord un dessin au fusain pour
« débroussailler » puis un dessin au crayon pour ne retenir que la ligne.
Sur les papiers gouachés découpés :
Les aides d’atelier préparaient les feuilles de papier. Il y avait des piles de chaque couleur. Les
feuilles avaient environ 1,20 x 1,50 m. Quand une aide avait du temps, elle préparait des feuilles
d’avance. La peinture était plus épaisse au début et plus transparente à la fin. Matisse avait ainsi du
choix. Il disposait de toute sa palette. Il utilisait toujours des couleurs pures, que ce soit des peintures
à l’huile ou des gouaches.
[…] Quand il disait : « Donnez-moi les bleus », on lui apportait une pile avec deux ou trois bleus. Il y
avait toujours deux ou trois jaunes : jaune citron, jaune orangé, quatre ou cinq rouges, un bleu
outremer foncé et un clair, un bleu faïence = le bleu Matisse. Il ne se servait jamais de bleu azur. […]
on faisait de très nombreuses feuilles avec ce bleu faïence qui a servi pour toutes les célèbres
gouaches : Nu bleu, La Piscine, Les Bas verts, etc.
Matisse sur le modèle
J’ai à peindre un corps de femme : d’abord, je lui donne de la grâce, un charme, et il s’agit de lui
donner quelque chose de plus. Je vais condenser la signification de ce corps, en recherchant ses lignes
essentielles. Le charme sera moins apparent au premier regard, mais il devra se dégager à la longue
de la nouvelle image que j’aurai obtenue, et qui aura une signification plus large, plus pleinement
humaine.
Notes d’un peintre, La Grande Revue, t. 52, 25 décembre 1908
Il ne faut à aucun prix faire coïncider le modèle avec une théorie ou un effet préconçu/ Le modèle doit
vous marquer, éveiller en vous une émotion, qu’à votre tour vous cherchez à exprimer.
Notes d’un peintre, Notes de Sarah Stein, 1908
Mes modèles, figures humaines, ne sont jamais des figurantes dans un intérieur. Elles sont le thème
principal de mon travail (….) Je dépends absolument de mon modèle (…) Je garde ces jeunes filles
souvent plusieurs années, jusqu’à épuisement d’intérêt.
Notes d’un peintre sur son dessin, Le Point, n°21, juillet 1939
Ce qui m’importe le plus ? De travailler mon modèle jusqu’à ce que je l’aie suffisamment en moi pour
pouvoir improviser, laisser courir ma main en parvenant à respecter la grandeur et le caractère sacré
de toute chose vivante.
Témoignage, recueilli par Gaston Diehl dans Peintres d’aujourd’hui, coll. Comoedia-Charpentier, juin
1943.
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