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Occident, suivie de la lecture en commun des
sourates 69 – «Celle qui doit venir» – et 6 «Les
troupeaux» – (au semestre d’hiver), les étudiants
ont présenté, au semestre d’été, des exposés
portant sur les principaux thèmes coraniques
(Dieu, la création, enfer et paradis, les anges et le
diable, les rapports avec les autres religions
monothéistes, etc.).
Le séminaire destiné aux étudiants avancés a
porté l’année dernière sur L’islam moderne
entre réformisme et fondamentalisme. Après
une brève introduction historique, des textes de
Rifâ‘at al-Tahtâwî (L’Or de Paris), Ernest
Renan («L’islamisme et la science»), Jamâl al-
Dîn al-Afghânî («Réponse à Renan»),
Muhammad ‘Abduh (Risâlat al-tawhîd), Rashîd
Ridâ (sur le califat) ont été lus en traduction
française, cet enseignement s’adressant
également à des non-arabisants. Au semestre
d’été, des exposés sur des livres récents, écrits
par des spécialistes de l’islam ayant des points de
vue contradictoires, ont été présentés par des
étudiants. Il s’agissait des ouvrages suivants:
Bernard Lewis, La formation du Moyen-Orient
moderne, Paris, 1995; Olivier Carré, Le
nationalisme arabe, Paris, 1993; Gilles Kepel,
La revanche de Dieu, Paris, 1992; François
Burgat, L’islamisme en face, Paris, 1995.
Silvia Naef
Chargée de cours à l’Université de Genève
LE SOUFISME: AMOUR SACRE, AMOUR PROFANE
(Cours proposé à l'UniGE en 1997-98 par A. Meddeb)
Notre point de départ est la préface qu’avait
écrite Ibn ‘Arabî (Murcie, 1165 – Damas, 1240)
pour introduire son divân «Tarjumân al-
Ashwâq» (traduit sous le titre l’Interprète des
Désirs, par Maurice Gloton, Albin Michel éd.,
Paris, 1996). Là, apparaît la figure de la dame
inspiratrice, Nidhâm, au nom symbolique
(Nidhâm = Harmonia) tout comme sa soeur
cadette Béatrice. Nous saurons d’abord – à
travers la tante de Nidhâm, Fakhr an-Nisâ’ («La
Gloire des femmes») –, que l’humanité féminine
est présente dans la voie de l’initiation, qu’elle est
le témoin de l’expérience, qu’elle participe à la
maîtrise et à la transmission. Nous entrons par la
suite dans la dialectique de l’un et du multiple
pour ce qui a trait à la présence de la figure
féminine dans la conversion de sa diversité: tout
autre nom féminin invoqué dans les poèmes du
divân renvoie à Nidhâm, laquelle constitue le
support qui accueille l’épiphanie divine. Nous
assistons de suite à la première «métamorphose»
de la dame persane et musulmane en jeune fille
grecque et chrétienne, révélant au cheminant ses
errements et ses manques. Cette pluralité dans
l’unité s’avère être la métaphore qui légitimera
l’apparition dans les premiers poèmes de thèmes
et de motifs empruntés à d’autres croyances.
Cette référence aux autres religions culminera
dans les derniers vers du onzième poème («Mon
coeur est capable d’accueillir toute forme/ Il est
pâturage pour gazelles, couvent pour moines/
Temple pour idoles, Caaba pour pèlerin/ Table
de Torah, feuilles de Coran/ Ma religion est celle
de l’amour/ Je vais où que me mènent ses
montures»). Et c’est tout naturellement que
s’épanouit dans le douzième poème l’éloge de la
Trinité, dans sa vérité dogmatique comme dans
sa réalisation cultuelle et esthétique. Nous
retrouverons Ibn ‘Arabî dans le dernier chapitre
des Fuçûç al-Hikam («Les Gemmes des
Sagesses», partiellement traduits par Titus
Burckhardt sous le titre de La Sagesse des
Prophètes, Albin Michel éd., Paris, 1955). Le
théosophe andalou y commente le dit prophé-
tique suivant: «De votre monde trois choses me
furent rendues dignes d’amour: les femmes, le
par-fum et consolation me fut trouvée dans la
prière.» Dans l’acte de chair se réalise l’épipha-
nie divine dont le support est la femme en
jouissance: la relation à deux (entre homme et
femme) aide à déchiffrer la présence du Tiers
(Dieu).
Pour situer cette théorie dans un cadre islamique
plus vaste, nous la confrontons à deux autres
propositions: celle de Bistami (777–848) qui
situe le désir dans le nihilisme du corps, hors du
rapport sexuel (ce qui le rapproche d’une
posture «christique»); et celle d’Abû Hâmid
Ghazâli (1058–1111) qui réclame le dû de la
chair afin de désencombrer le corps et y instaurer
la vacance qui le rendra apte à l’expérience.
Abdelwahab Meddeb
Prof. à l’Université de Genève