Postérieurement, Wittgenstein aurait abandonné cette thèse en choisissant la langue quotidienne comme
modèle de normalité et de normativité, il se trouve ainsi que dans les écrits d’un seul philosophe les deux
positions principales au cœur du courant du tournant linguistique ont été suivies ou fondées.
Le dialogue entre ces des positions définit une tension entre comprendre la philosophie entière de
manière linguistique et faire de la philosophie du langage. Les partisans du maintien du langage actuel
cherchent la compréhension et les suiveurs d’une langue idéale postulent une reforme active du langage.
Le grand consensus ne se ferait que sur le fait que le tournant linguistique doit être soit accepté soit
rejeté, mais toujours considéré.
La réalisation du projet montrerait des difficultés qui finiraient pour constituer des problèmes
philosophiques, il faut ainsi faire de la philosophie, la même philosophie que les suiveurs étaient sensés
dissoudre.
Si le tournant linguistique s’est imposé comme courant philosophique c’est parce qu’il a trouvé sa
justification dans l’habilitation donnée à la philosophie à continuer à développer son activité, par le biais
du langage, tout en se libérant des problèmes sur les preuves d’une réalité. Plus tard, au cours de cet
écrit, cela constituera même l’une des caractéristiques principales de ce que la langue est : une résistance
à la réification.
En outre, Habermas affirme que la tradition herméneutique peut être considérée comme une autre
version du tournant linguistique, la pratique analytique et celle de la langue quotidienne ont toujours
mis l’accent dans la relation proposition-fait, cette pratique considère toujours des phrases simples dont
la tâche consiste à prouver, une par une, la validité. En revanche, la tradition herméneutique continentale
s’occupe du langage entier et le but de la recherche consiste à demander au langage les traits
caractéristiques du monde.
Pour les herméneutes, la compréhension est la conséquence d’un rapport entre la totalité et ses parties.
Les textes, en vue de leur interprétation, ne peuvent pas se passer de la considération de leur monde
propre. Il s’agit de chercher la propriété de l’interprétation, c’est-à-dire, la possibilité de lire les mêmes
mots en assurant un rapport qui considère toutes les dimensions des vocables.
Chaque texte est immergé dans son monde culturel, historique, littéraire. L’interprète — l’exégète — l’est
aussi. Il modifie, il rajoute sa propre interprétation à la totalité des faits.
La solution proposée au cercle herméneutique est la résolution de faire une interprétation continuelle,
toujours au présent, toujours renouvelée. Il s’agit plus d’une accentuation extrême de la thèse, un a
fortiori plutôt que d’un nec plus ultra.
D’après Heidegger, l’herméneutique reçoit quelques acceptions différentes entre elles, selon que
l’approche se fait vers son essence ou vers l’usage le plus commun du vocable. Le sens le plus propre de
l’herméneutique est l’explicitation, le fait de dire, de décrire. Selon lui, herméneutique et
phénoménologie du Dasein coïncident en principe. L’herméneutique ne serait que l’art de l’interprétation
parce que toute interprétation est aussi compréhension.
Dastur signale l’importance que prend ce tournant en comparaison avec la tradition philosophique, ce
qui inaugure la défaite d’une ontologie de la présence.
En outre, selon Lévinas, l’herméneutique en tant que méthode ne saurait être capable de convenir à sa
pensée. D’après l’intentionnalité, telle qu’elle est définie par la philosophie actuelle, toute expérience
devient interne. Il n’y aurait pas la possibilité de faire intervenir des notions telles que l’au-delà ou le
plus-profond-que-soi, centrales dans la pensée lévinassienne.Néanmoins, une herméneutique religieuse
est encore possible.
Quant à Wittgenstein — selon la lecture de Bouveresse — l’herméneutique réaliserait le mouvement
contraire à sa pensée, les concepts de compréhension et d’interprétation seraient hypostasiés par elle,
mis hors de ses jeux de langage, dans un mouvement typiquement philosophique.
Le critère de la bonne interprétation est essentiellement qu’elle nous satisfait, c’est-à-dire nous dissuade
d’interpréter davantage, et la certitude d’avoir compris devient, du même coup, celle de la « légitimité »
des préconceptions diverses qui ont rendu la compréhension possible.
L’universalisation de la situation proprement herméneutique (celle dans laquelle la compréhension n’est
pas immédiatement donnée et ne peut être obtenue que par un processus d’interprétation ou de
traduction plus ou moins complexe) aboutirait, en fait, tout simplement à la conséquence qu’il n’existe
rien de tel que ce que la linguistique s’efforce de décrire sous le nom de possession ou de maîtrise d’une
langue.
Dans la considération des courants contemporaines il existe bien la possibilité de apprécier la
philosophie avec le même statut que la littérature, c’est-à-dire, comme faisant partie du même réseau
textuel que toutes les autres formes de discours, chaque texte ne pouvant pas trouver son sens en tant
qu’œuvre en lui-même sinon comme partie d’un tout signifiant.