Vers une sociologie des intermédiaires Première séance du séminaire du programme Etat, régulation et pratiques institutionnelles ce lundi 29 septembre, à Liège. En discussion : la sociologie des « intermédiaires ». La matinée a été ouverte par un très bel exposé d’Antoine Hennion, chercheur au CSI (Centre de sociologie de l’innovation, Paris). Bien connu pour ses travaux pionniers sur la musique, Antoine Hennion a donné quelques éléments sur sa démarche personnelle depuis son entrée au CSI, évoquant ainsi tout un morceau de l’histoire de la sociologie française des 25 dernières années. Il a expliqué son itinéraire qui lui a permis de travailler avec Lucien Karpik, Bruno Latour, Michel Callon et d’autres. Au centre du débat : le positionnement critique à l’égard de la « sociologie critique » incarnée par Bourdieu. C’est une sociologie du goût qui le mobilise actuellement. Il en a esquissé les linéaments et, dans le feu des questions, s’est expliqué sur son rapport à la phénoménologie, à Bourdieu encore, et à la notion de convention dont on sait l’importance aujourd’hui pour la sociologie française. Antoine Hennion a surtout donné son sentiment sur la question difficile du choix du thème de thèse. Selon lui, le choix d’un objet de recherche par le (jeune) sociologue est une opération difficile dont les règles varient selon les contextes historiques. On ne choisit pas, et pour de bonnes raisons, les mêmes objets de recherche aujourd’hui qu’il y a à peine 15 ans. Un « bon » choix d’objet est un choix qui permet au sociologue d’opérer des déplacements dans la manière dont un thème est ordinairement abordé, tant par le discours expert que par le discours profane. Par exemple, il est certain qu’aujourd’hui le sociologue a quelque chose à dire sur le handicap. Le handicap est traité pauvrement par les théories dominantes (soit par une théorie du stigmate soit par l’ « identity politics » des postmodernes). Une sociologie qui montrerait la pratique réelle des handicapés, comment ils se débrouillent avec le monde, comment ils construisent des dispositifs, aurait une vraie vertu critique dans ce contexte. En revanche, il y a selon lui bien des objets sur lesquels le sociologue n’a pas grand-chose à apporter de nouveau, parce qu’ils sont adéquatement pris en charge par d’autres discours. Emmanuelle Marchal et Marie-Chritine Bureau ont pris le relai d’Antoine Hennion pour exposer leur propre vision des intermédiaires, dans une version beaucoup plus inspirée de l’économie des conventions. Elles ont présenté un papier sur les dispositifs d’intermédiation sur le(s) marché(s) du travail. Loin de correspondre à l’idéal néo-classique d’un espace homogène où l’offre et la demande s’apparient naturellement, les marchés du travail fonctionnent grâce à des dispositifs d’intermédiation multiples (intérim, dispositifs d’insertion, chasseurs de têtes etc.). Comme elles le montrent, les « façons de recruter » importent pour le devenir de l’offre de travail. Elles mettent en évidence combien les manières actuelles de recruter sur ce marché sont aujourd’hui traversées par des tendances dangereuses qui rendent impossible l’accès à l’emploi d’un certain type de personnes systématiquement exclues des dispositifs de recrutement avant même d’avoir pu y faire leurs preuves. Ce sont les dispositifs de (pré-)jugement qui doivent être placés au centre de l’analyse sociologique. Au cours du débat, les deux sociologues n’ont pas manqué d’être interpellées sur des concepts fondamentaux de leur démarche (comme celui, problématique, d’ « équilibre des formes de jugement ») et les jugements qu’elles portent sur certains dispositifs. Chargé de recherches au FNRS belge, Fabrizio Cantelli a clôturé la journée par une présentation d’une recherche en cours sur les médiateurs dans des hôpitaux bruxellois. Ces nouveaux dispositifs sont mal connus. Dans cette recherche, ils font l’objet d’une enquête ethnographique et d’une thématisation inspirée de la sociologie pragmatique. Le but de la recherche est de parvenir à (re)construire les cheminements de la plainte des patients en milieu hospitalier compte tenu du nouvel environnement discursif et légal qui s’articule autour des « droits des patients ». Fabrizio a répondu aux délicates questions sur l’éthique de sa recherche en cours dans ce contexte. Les textes de la journée peuvent être obtenus auprès de Jean-François Orianne et Chriophe Dubois (ulg). Mise en ligne le 1er octobre 2008