THEME 4 COLONISATION ET DÉCOLONISATION QUESTION 2 LA DÉCOLONISATION CHAPITRE 1 LA FIN DE L’EMPIRE DES INDES CHAPITRE 2 LA GUERRE D’ALGÉRIE INTRODUCTION Définition du sujet: A partir des années 1930, les mutations des sociétés coloniales jouent un rôle fondamental dans la montée des nationalismes. En effet, le développement d’une bourgeoisie indigène urbaine et occidentalisée qui envoie ses enfants étudier dans la métropole, permet au nationalisme de s’incarner dans des chefs charismatiques : Gandhi en Inde. Hô Chi Minh en Indochine, Messali Hadj en Algérie. Ces mouvements nationalistes se structurent autour d’une presse, d’associations, de partis politiques, de syndicats. Tandis que certains mouvements militent en faveur de l’égalité de traitement des peuples indigènes dans le cadre de la colonisation, d’autres revendiquent l’indépendance totale. Au lendemain de la 2nde Guerre mondiale, le contexte international est plus favorable aux revendications d’indépendance, d’abord, parce que la guerre a affaibli les métropoles européennes. En outre, les deux principales puissances mondiales, les Etats-Unis et l’URSS, condamnent toute forme de domination impérialiste et poussent à l’émancipation des colonies. Par ailleurs, l’ONU réaffirme le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et la Conférence de Bandung qui réunit en 1955, 29 pays africains et asiatiques donne une tribune internationale aux revendications nationalistes. 1 INDE ALGÉRIE Dans l’empire des Indes, les Britanniques pratiquent l’administration indirecte. Ils favorisent la création en 1885 du Parti du Congrès afin de permettre aux Indiens éduqués de participer au gouvernement de l’Inde, sans toutefois remettre en question la tutelle coloniale. Au début du XXe siècle, ce parti est dirigé par Gandhi, avocat ayant étudié à Londres. Il conduit de nombreuses campagnes de protestation non-violente contre l’autorité britannique. L’Algérie est une colonie de peuplement française depuis 1830. A la veille de la guerre d’indépendance, y vivent 980.000 Européens pour 8,85 millions de musulmans autochtones. En 1954, le FLN revendique l’indépendance de l’Algérie. La France refuse et envoie l’armée, ce qui déclenche le début d’une longue guerre d’indépendance. Problématique : o Pourquoi et selon quelles modalités se sont effectués les mouvements de décolonisation après la 2nde Guerre mondiale ? o Quelles en ont été les conséquences ? CHAPITRE 1 LA FIN DE L’EMPIRE DES INDES Plan de la leçon : 1. La contestation de la domination britannique. 2. Les négociations avec la couronne britannique et la partition de l’Inde. 3. L’Inde au lendemain de l’indépendance. _______________________________________________________________ 2 1. La contestation de la domination britannique. A- Le « joyau de la Couronne » britannique. La présence britannique en Inde est ancienne mais au XIXe siècle, le souscontinent passe entièrement sous la domination anglaise. Sous la couronne britannique, l’Inde demeure un ensemble d’Etats hétéroclites gouvernés par des maharadjas et des nawabs et une mosaïque de cultures, de castes, de croyances et de langues. Les différentes régions sont autonomes. Toutefois, un vice-roi représente l’autorité britannique et l’anglais devient la langue officielle de l’administration. Les Indes représentent une zone de prospérité financière pour les 120 000 colons anglais qui développent l’exploitation des mines de charbon, de fer, la culture du thé, du café et du coton. Ils transforment également les villes et construisent un réseau de chemin de fer. Il ne faut pas cependant exagérer l’importance de la colonie dans le commerce anglais, puisque l’Inde ne représente qu’à peine 1% du PIB britannique entre les deux guerres mondiales. Dès la fin du siècle, la métropole délègue des pouvoirs aux élites locales, souvent formées en Angleterre (on parle d’indirect rule et de selfgovernment). Celles-ci fondent en 1885 L’Indian National Congress (INC), ou parti du Congrès, avec l’accord et des autorités britanniques. Une série de réformes entérinent l’autonomie des provinces sans que l’on puisse dire que les Britanniques préparent l’indépendance de la colonie. B- Le parti du Congrès et la Ligue musulmane. Après la Première Guerre mondiale, le parti du Congrès ainsi que de nombreux intellectuels commencent à réclamer l’indépendance de la colonie. L’avocat Mohandas Karamchand Gandhi (bientôt surnommé " Mahatma ", " la grande âme ") prend la tête du Parti et du mouvement de résistance contre la présence anglaise en Inde. 3 Dans le même temps, la Ligue musulmane est fondée en 1906 pour défendre les droits de la minorité de musulmans indiens. Son leader, Muhammad Ali Jinnah, est d’abord favorable à une négociation avec les Britanniques mais réclame rapidement l’indépendance de l’Inde aux côtés des membres du Congrès. Pour autant, il désapprouve les campagnes lancées par Gandhi contre les Britanniques et les tensions entre la Ligue musulmane et le parti du Congrès s’exacerbent. A partir des années 1920, Gandhi prône la "non-coopération" et la "résistance civile" face à l’occupation britannique. Sa stratégie passe par l’organisation de campagnes de boycott des produits anglais et de marches pacifiques, comme la Marche du sel en 1930 : Après un parcours à pied de 386km, Gandhi arrive au bord de l’Océan indien. Il s’avance dans l’eau et recueille un peu de sel. Ce geste symbolique est destiné à encourager ses compatriotes à violer le monopole d’Etat sur la distribution de sel et qui oblige tous les consommateurs indiens à payer un impôt sur le sel et leur interdit d’en récolter eux-mêmes Plusieurs fois arrêté, comme des dizaines de milliers d’autres activistes antibritanniques, il devient une figure internationalement connue. C- La marche vers l’indépendance En 1935, le Government of India Act apporte un début d’autonomie politique à la colonie : elle devient une fédération de onze provinces dotées de gouvernements autonomies et d’assemblées élues au suffrage censitaire. Toutefois, le parti du Congrès continue de demander l’indépendance totale, tandis que le projet de fédération se heurte à la Ligue musulmane qui réclame la création d’un Etat musulman indépendant à partir de 1940. La participation de l’Inde à la guerre contre l’Axe (1,5 millions d’hommes engagés) semble ouvrir la voie à de nouvelles négociations entre les différentes parties, mais le mouvement Quit India lancé par le parti du Congrès en 1942 durcit la situation : cette campagne de désobéissance civile massive mais pacifique déclenchée par Gandhi entraîne l’arrestation de 4 plusieurs leaders du parti du Congrès, dont Gandhi et Jawaharlal Nehru. Dans les mois qui suivent, des grèves et des manifestations sont organisées. Des postes de police, des gares et des bureaux de poste sont attaqués et les attentats à la bombe se multiplient. La répression menée par l’armée britannique entraîne l’arrestation de plus de 90 000 indépendantistes et cause plus d’un millier de morts. 2. Les négociations avec la couronne britannique et la partition de l’Inde. A- 1945 : un contexte favorable à la décolonisation Outre le fait que les deux superpuissances sont hostiles à la colonisation (dont les Etats-Unis, alliés privilégiés du Royaume-Uni), plusieurs facteurs expliquent la rapidité de l’indépendance des Indes britanniques. Comme les autres métropoles européennes, le Royaume-Uni sort affaibli du second conflit mondial et doit faire face à ses propres difficultés économiques, alors que les émeutes se multiplient en Inde après l’échec de pourparlers entre représentants du gouvernement britannique, du parti du Congrès et de la Ligue musulmane. Les Britanniques sont également confrontés à une agitation nationaliste croissante dans leurs autres colonies ou les territoires sous mandat (Birmanie, Palestine, Indes britanniques, Palestine, etc.). Ils veulent avant tout éviter une guerre avec l’une de leurs colonies. D’autre part, le RoyaumeUni a fondé en 1931 le Commonwealth, une communauté d’Etats autonomes l’associant avec ses anciennes colonies, protectorats et dominions. Cette organisation permet au Royaume-Uni de préserver ses intérêts économiques sans supporter le coût de l’administration coloniale. Enfin, en 1945, le parti travailliste remporte les élections en GrandeBretagne. Winston Churchill, très attaché à la domination britannique sur l’Empire, cède la place à Clement Attlee, qui devient Premier ministre. Ce 5 dernier n’est pas hostile à une indépendance des colonies à la condition que celles-ci demeurent liées au Royaume-Uni par des liens économiques. B- Les tensions de l’après-guerre. Alors que le gouvernement britannique et le parti du Congrès s’accordent sur le principe de la construction d’un Etat fédéral, la Ligue musulmane s’y oppose et Jinnah réclame la création de deux Etats. Son parti refuse de participer au gouvernement intérimaire et à l’Assemblée constituante élue en 1946. En août, Jinnah organise une journée d’action pour imposer la création d’un Pakistan indépendant. Des émeutes éclatent entre hindous et musulmans, faisant plusieurs milliers de morts à Calcutta, la capitale administrative de l’Empire. L’agitation gagne plusieurs provinces, au Bengale et dans le nord-ouest de l’Inde. Elle se poursuit au cours de l’année suivante. Les gouvernements locaux, qu’ils soient hindous ou musulmans, annoncent clairement dans ces provinces qu’ils n’interviendraient pas contre leur communauté pour protéger la communauté minoritaire. Les massacres sont donc quasiment encouragés à des fins politiques. Dans le même temps, la ligue musulmane remporte une victoire lors des élections législatives précédant la mise en place d’une Assemblée constituante, en remportant tous les sièges réservés aux musulmans. Pour Jinnah, c’est la confirmation de la légitimité de son parti à revendiquer un Etat musulman indépendant. C- Les négociations et la partition En février 1947, Clement Attlee annonce que des mesures seront prises "pour mettre en œuvre le transfert de pouvoir entre des mains indiennes responsables, au plus tard en juin 1948." Attlee justifie cette décision en expliquant que le processus de self-government entrepris depuis longtemps par les Britanniques a abouti : " aujourd’hui, l’administration civile et l’armée indienne sont, dans une large mesure, aux mains de fonctionnaires et 6 d’officiers indiens. " Cette décision précipitée - Attlee abandonne en effet le principe d’unité du nouvel Etat - s’explique par la situation intérieure de l’Inde, au bord de la guerre civile. C’est dans un contexte de violences extrêmes que Lord Mountbatten, nommé vice-roi des Indes, négocie l’indépendance et la partition lors de la conférence de New Delhi (juin 1947) avec les deux figures les plus importantes des mouvements nationalistes, Nehru et Jinnah. Malgré l’opposition de Gandhi, la partition ne peut être évitée. L’évacuation par les Britanniques devait prendre 15 mois. Le vice-roi l’organise en trois mois seulement. La partition donne naissance à deux Etats, conformément à l’Indian Independence Act qui entre en vigueur le 15 août 1947 : l’Union indienne et le Pakistan. Ce dernier est lui-même divisé en deux parties, le Pakistan occidental (l’actuel Pakistan) et le Pakistan oriental (l’actuel Bangladesh, indépendant en 1971 à la suite de la troisième guerre indo-pakistanaise). Dès août 1947, l’Inde et le Pakistan intègrent le Commonwealth. En 1948, l’indépendance de Ceylan (l’actuel Sri-Lanka) et de la Birmanie met définitivement fin à l’Empire des Indes. 3. L’Inde au lendemain de l’indépendance. A- Déplacements de populations et massacres Nehru devient Premier ministre du nouvel Etat indépendant indien et une Assemblée Constituante est formée. Cette dernière est entièrement composée d’Indiens : les délégués de la Ligue musulmane décident en effet de la boycotter. De son côté, Jinnah devient gouverneur général du Pakistan, puis il est élu président de l’Assemblée constituante. L’indépendance des Indes britanniques s’accompagne d’un vaste mouvement de populations : 7 millions de musulmans rejoignent le Pakistan occidental ou oriental, tandis que 10 millions d’hindous se déplacent de ces régions vers l’Union indienne. C’est le plus grand déplacement de population dans 7 l’histoire de l’humanité. La rapidité du processus de décolonisation explique sans doute le déchaînement de violence qui se produit alors. Une véritable guerre civile se déroule entre les communautés, notamment au Pendjab, au Bengale et dans le Cachemire. On estime que ces massacres font environ 500 000 victimes parmi les hindous, les musulmans et les Sikhs (mais certaines estimations évoquent les chiffres de 1 à 2 million de morts). Nehru tente en vain de s’opposer au massacre. En 1948, Gandhi est assassiné par un extrémiste hindou qui lui reproche sa trop grande tolérance à l’égard des musulmans. B- La première guerre indo-pakistanaise et ses conséquences Au nord-ouest de l’Inde, le Cachemire fait l’objet d’un désaccord entre Indiens et Pakistanais. Il est majoritairement peuplé de musulmans, mais son prince est hindou. Une première guerre éclate entre les deux Etats, qui aboutit en 1949 au partage du Cachemire entre l’Inde et le Pakistan. Le conflit indo-pakistanais se poursuit néanmoins au sujet de la province, puisque deux autres guerres opposent ces Etats nouvellement indépendants en 1965 et 1971. On constate donc que la précipitation dans laquelle s’est effectuée l’indépendance des Indes britanniques est à la source de conflits internes et internationaux. D’autre part, dans le contexte de la guerre froide, et bien qu’ils participent tous deux au mouvement des non-alignés, l’Inde et le Pakistan deviennent un enjeu de l’affrontement Est-Ouest. Ainsi, le Pakistan devient l’un des piliers de l’endiguement américain dans la région, tandis que l’Inde se rapproche de l’Union soviétique. C- Les défis de l’Inde indépendante Les enjeux de l’Inde indépendante sont également sociaux et économiques. Sur le plan du développement, l’Inde mise sur une industrialisation fondée 8 sur le modèle socialiste et lance une "révolution verte" pour nourrir une population en pleine croissance. Le pays bénéficie d’une administration héritée de la période coloniale pour mettre en œuvre cette politique. Mais l’Inde hérite également des fortes inégalités entre les élites qui ont émergé durant l’occupation britannique et la masse de la population pauvre et non-éduquée. Cette situation est aggravée par la persistance du système de castes que les Britanniques n’ont pas remis en cause et qui cloisonne la société civile au sein de la nouvelle démocratie. CHAPITRE 2 LA GUERRE D’ALGÉRIE Rappels en introduction sur la spécificité de la colonie algérienne et du processus de décolonisation. o Une colonisation ancienne qui date de 1830. o Colonisation de peuplement donc appropriation des terres de la part des colons. Les Européens installés depuis plusieurs générations sont hostiles à l’indépendance d’un pays qu’ils estiment avoir construit. o De grandes inégalités entre le niveau de vie des colons d’origine européenne et les populations musulmanes. Population Taux de natalité Taux de mortalité Taux de mortalité infantile Taux de scolarisation dans le primaire Taille moyenne des exploitatios agricoles Nombre de tracteurs Revenu moyen d’un agriculteur (en francs 1954) Européens (« pieds noirs ») 980.000 (dont 79% nés en Algérie) 19 0/00 9 0/00 46 0/00 100 % Musulmans 8,85 millions (52,6% de moins de 20 ans) 45 0/00 14 0/00 181 0/00 18 % 109 ha 14 ha 19.091 780.000 418 22.000 9 o Originalité du statut du territoire algérien considéré comme un ensemble de départements français, donc partie intégrante du territoire national. o La guerre d’Algérie fut particulièrement longue et coûteuse en vies humaines. o La guerre d’indépendance est menée par un mouvement indépendantiste, le FLN, qui rejette la colonisation et élimine ses rivaux algériens. o Cette guerre se caractérise en outre par la présence d’une multitude d’acteurs : l’Eta français, les Européens qui peuplent l’Algérie, le FLN et des mouvements algériens rivaux, les partis politiques de la métropole parmi lesquels certains sont opposés à la colonisation, des intellectuels. Problématique (spécifique à la guerre d’Algérie) Pourquoi la guerre d’Algérie fut-elle longue et difficile et pourquoi a-t-elle marqué durablement les relations entre l’Algérie et la France ? Plan de la leçon: 1. Comment la guerre débute t-elle (1954-1956)? 2. Comment la guerre s’enlise t-elle (1956-1957)? 3. Dans quelles conditions le général de Gaulle met-il fin à la guerre (1958-1962) _______________________________________________________________ 1. Comment la guerre débute t-elle (Années 1930-1956)? A- L’émergence d’une nouvelle génération d’indépendantistes Dès le début du XXème siècle, plusieurs mouvements défendant les droits du peuple algérien ont émergé. La plupart sont surveillés par les services policiers français, d’autres sont exilés. Parce que leurs projets pour l’Algérie 10 divergent, ils donnent naissance à plusieurs associations et partis algériens, certains plutôt favorables à des réformes dans le cadre du régime colonial, d’autres demandant l’indépendance totale : Parti de la Réforme, Mouvement pour l’égalité, Association des oulémas musulmans algériens, Association de l’Etoile Nord-Africaine, Parti du peuple algérien, Parti Communiste algérien. Face à l’émergence de ces mouvements, en 1936, le gouvernement du Front Populaire dirigé par Léon Blum présenta un projet de loi sur les propositions de Maurice Violette, gouverneur d’Algérie, destiné à octroyer la citoyenneté française à environ 25.000 musulmans (« Projet Blum-Violette »). Ce projet de loi devait permettre à une minorité de musulmans d’Algérie d’acquérir également le droit de vote. A part certains milieux nationalistes qui s’y opposèrent, ce projet de loi fut assez bien accueilli par les musulmans d’Algérie. En revanche, les Français d’Algérie l’accueillirent avec beaucoup d’hostilité et en 1938 le Sénat rejette ce projet. La fin de la 2nde Guerre mondiale et les célébrations de la Libération donnent lieu, le 8 mai 1945, à des manifestations d’Algériens dans plusieurs villes algériennes et s’accompagnent de revendications nationalistes. A Sétif, des heurts ont lei entre policiers et nationalistes, la manifestation se transforme en émeute et la colère des manifestants se tourne vers les Français dont 27 sont tués. La répression de l’armée française est très violente et fait environ 30.000 morts (« Massacres de Sétif »). La portée historique de ces massacres est fondamentale, car ceux-ci marquent une radicalisation des milieux nationalises algériens. Certains historiens considèrent même que ces massacres marquent le véritable début de la Guerre d’Algérie. Les années qui vont de 1945 à 1954 sont des années de répression et d’interdiction des mouvements indépendantistes et par conséquent aussi, des années de radicalisation de ces mouvements qui commencent à organiser la lutte armée. Le Front de Libération Nationale (FLN) est créé en novembre 1954. 11 B- Les choix tactiques du FLN Le recours au combat armé est initié par le FLN en 1954. Ce combat armé se traduit par des exactions (ici, mauvais traitements, sévices) contre les populations civiles d’origine européenne et autochtones (ceux qui ne soutiennent pas la cause indépendantiste). Il prend aussi la forme d’une guérilla, de maquis et d’affrontements avec l’armée française qui comprend aussi des unités de supplétifs (forces militaires recrutées temporairement pour compléter les forces régulières) musulmans appelés « harkis ». Le 1er novembre 1954, des civils européens et musulmans sont assassinés. L’intimidation est utilisée par le FLN pour rallier les populations musulmanes à leur cause. Le FLN obtient des soutiens étrangers, notamment d’autres pays arabes, de pays d’Europe de l’Est. L’Algérie lance aussi un appel aux instances de l’ONU où le FLN réussit à faire inscrire « la question algérienne » à l’ordre du jour de la Commission politique de l’Assemblée Générale. Les EUA proposent une médiation qui est cependant rejeté par l’Etat français. Les choix tactiques du FLN peuvent se résumer par les points suivants : Guérilla (massacres de civils, embuscades, utilisation du terrain qu’ils connaissent à leur avantage et de la population musulmane) Terreur urbaine afin de s’implanter à Alger. Stratégies pour gagner les musulmans à la cause indépendantiste, y compris par l’intimidation ou l’élimination des concurrents « Messalistes » (on peut parler de guerre civile parallèle) Obtention du soutien international : la « question algérienne » est à l’ordre du jour de l’Assemblée générale de l’ONU en 1955. 12 C- Les réponses de la métropole après 1954 SUR LES « OPÉRATIONS DE PACIFICATION » FRANCAISES EN ALGÉRIE : CE DOCUMENTAIRE VISIBLE SUR YOUTUBE À L’ADRESSE SUIVANTE (60 minutes): http://www.youtube.com/watch?v=jSwZQA-PIdY&feature=related ET CETTE EMISSION SUR FRANCE INTER (30 minutes): http://www.franceinter.fr/emission-la-marche-de-l-histoire-saison-2011-2012-la-pacification-enalgerie L’Algérie tient une place particulière dans l’empire colonial français, puisqu’elle a le statut de « départements français d’Algérie » et qu’elle est une colonie de peuplement comptant presque 1 million d’Européens. Dès le 8 mai 1945 avec les massacres de Sétif et Guelma contre les nationalistes algériens qui font environ 40.000 morts, la France donne le ton : le refus de toute réforme. Dès lors, ces massacres exacerbent les rancœurs de la population musulmane à l’égard de la population européenne d’Algérie (« pieds noirs »). Neuf ans plus tard, la Guerre d’Algérie débute. Entre temps, la France s’est montrée incapable de réformer l’administration de sa colonie, notamment à cause de la pression exercée par la population des « pieds noirs ». Tandis que 68.000 combattants musulmans ont participé à la libération de la France et que des intellectuels musulmans revendiquent l’égalité des droits, les musulmans d’Algérie continuent d’être considérés comme des citoyens de 2nde catégorie. Face aux mouvements indépendantistes, la France répond par des moyens militaires auxquels l’armée française donne le nom d’ « opérations de pacification » qui désignent la répression des mouvements indépendantistes aux de la guerre « non conventionnelle » comme l’usage de la torture. Résumé : Affirmation de l’intégration de l’Algérie à la France. Annonce de réformes sans effets notables afin de conserver la confiance des populations musulmanes. 13 Réponse militaire : « pacification », « maintien de l’ordre ». La réponse militaire implique l’engagement de forces supplétives musulmanes (Harkis) Guerre psychologique : les musulmans du FLN sont présentés comme des terroristes. 2. Comment la guerre s’enlise t-elle (1956-1957)? A- Le tournant de 1956-1957 En 1956, le président du Conseil (Chef du gouvernement) Guy Mollet décide de faire appel au contingent, ce qui amène à 470.000 le nombre d’hommes qui sont alors déployés en permanence en Algérie pour répondre aux attentats qui se multiplient sur tout le territoire et la guérilla gagne les montagnes. Au même moment, l’armée française incorpore des supplétifs musulmans (harkis). Afin que son combat acquière une audience internationale, le FLN tentent d’infiltrer Alger pour y mener une campagne terroriste, ce qui conduit à la bataille d’Alger. Celle-ci a opposé en 1957 à Alger la 10eme division de parachutistes de l’armée française aux indépendantistes du FLN. Le général Massu qui dirige les opérations opère en dehors de tout cadre légal afin de démanteler le FLN. Militairement, la bataille est remportée par l’armée française qui obtient l’organigramme complet du FLN et peut procéder à l’arrestation des membres les plus importants. Toutefois, aux yeux de l’opinion publique française, cette bataille est perçue comme une défaite moral du fait de l’usage de la torture par l’armée française contre les civils afin d’obtenir ces renseignements. Dès lors, les moyens utilisés par l’armée française en Algérie soulève un débat durable en France métropolitaine et division l’opinion française. 14 Résumé : Montée en puissance de l’insurrection qui contrôle de vastes régions de l’intérieur. Attribution de pouvoirs de police à l’armée en Algérie et envoi du contingent. Divisions entre musulmans : engagements de « harkis », luttes entre FLN et Messalistes. Bataille d’Alger : défaite du FLN, mais crise morale majeure autour de l’emploi de la torture. B- L’utilisation de la torture et les fractures de l’opinion française. a- L’utilisation systématique de la torture comme arme de guerre. SUR L’UTILISATION DE LA TORTURE ET DES APPELÉS DU CONTINGENT DANS LES OPERATIONS DE TORTURE : http://www.youtube.com/watch?v=-b_kqKQgqp4&feature=relmfu La torture pendant la guerre d’Algérie a été pratiquée sur les populations musulmanes par l’armée française et les forces de police dans des proportions qui, selon les historiens, ont concerné des centaines de milliers d’Algériens. L’objectif était d’obtenir des renseignements sur les opérations du FLN et ses membres. Elle fut consacrée et institutionnalisée comme arme de guerre qui a reçu tous les pouvoirs, lors de la bataille d’Alger en 1957. L’utilisation de la torture est même théorisée et justifiée dans le cadre d’une doctrine de « guerre contre-révolutionnaire » en tant que moyen de mener une guerre asymétrique dans laquelle l’adversaire se dérobe aux catégories classiques du droit de la guerre (par exemple, il n’y a pas de distinction en Algérie entre les catégories de combattants et de civils, les combattants se dissimulant dans la population et étant alors considérés comme des terroristes). Dans ce cadre, la torture est considérée comme un moyen légitime de mener la guerre. 15 On parle alors d’ « usage du renseignement » et de « guerre psychologique » et la frontière entre civil et militaire est effacée, c’est-à-dire que la guerre s’étend au-delà de la sphère militaire et inclut la société civile. Le 1er juillet 1955, le Ministre de l’Intérieur et le Ministre de la Défense signent l’ « Instruction No 11 », qui a reçu la peine adhésion du gouvernement et qui est diffusée dans tous les régiments français d’Algérie, celle-ci stipule : « La lutte doit être plus policière que militaire. (…) Le feu doit être ouvert sur tout suspect qui tente de s’enfuir. (…) Les moyens les plus brutaux doivent être employés sans délai (…) il faut rechercher le succès par tous les moyens » Donc, le pouvoir civil a couvert en toutes connaissances de causes les militaires dès l’année 1955. Elle a aussi été employée à une moindre échelle et de manière non systématique par le FLN et l’ALN (Armée de Libération Nationale). Dans le cas des tortures réalisées par le FLN, elles visaient à entretenir un climat de terreur plutôt qu’à obtenir des renseignements. Les principales victimes de ces tortures sont des supplétifs algériens ou civils algériens fidèles au gouvernement français. Toutefois, selon les historiens, le nombre de victimes de l’ALN et du FLN demeure inférieur à celui des victimes torturées par l’armée française. b- Les réactions de l’opinion française. Les premières et l’essentiel des remises en question de l’intervention de l’armée française en Algérie sont venus d’intellectuels français. Dès 1955, plusieurs articles dénoncent l’usage de la torture en Algérie : Le 13 janvier 1955, Claude Bourdet publie « Votre Gestapo d’Algérie ». Le 15 janvier 1955, François Mauriac publie « la Question » dans le journal L’Express. Le 5 avril 1956, Henri-Irénée Marrou dénonce aussi la torture dans un article publié dans le journal Le Monde : « France, ma patrie ». 16 Début 1957, Pierre-Henri Simon publie « Contre la torture ». EN mars 1957, Hubert Beuve-Méry, fondateur du journal Le Monde publie un éditorial contre la torture : «Sommes-nous les vaincus de Hitler ? ». En 1957, l’activiste du Parti Communiste Français et directeur du journal Alger Républicain, Henri Alleg dénonce l’emploi de la torture par l’armée français, à partir de sa propre expérience vécue lors de la bataille d’Alger. La dénonciation peut même venir des rangs de l’armée, puisqu’en mars 1957, le général Jacques Pâris de Bollardière publie une lettre dénonçant ces tortures et il est démis de ses fonctions. Le 6 septembre 1960, des intellectuels, universitaires et artistes publient le « Manifeste des 121 », une « Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie ». Ils cherchent à informer l’opinion française et internationale du mouvement de contestation contre la guerre d’Algérie. Ils critiquent l’attitude équivoque de la France vis-à-vis du mouvement d’indépendance algérien et soutiennent le fait que la population algérienne ne cherche qu’à être reconnue comme une communauté nationale indépendante. Ils replacent ce mouvement dans celui plus large de la décolonisation et dénoncent le rôle surdimensionné qu’a pris l’armée dans ce conflit. En ce qui concerne l’opinion publique française, dès le début de la guerre elle est plutôt hostile aux colonies et à l’idée de colonisation. Elle n’a pas beaucoup de sympathie pour les « pieds noirs ». Toutefois dans son ensemble, la population française demeure assez passive tout au long du conflit. Les oppositions véritables à l’intervention armée française et aux pratiques de l’armée française sont restées cantonnées aux intellectuels. Dès le début de la guerre, la majorité des Français pense qu’il faut se résigner à perdre la colonie algérienne comme les autres et lorsque de Gaule assume le 17 pouvoir en 1958, les Français lui font plutôt confiance pour rétablir la paix et accepter l’indépendance e l’Algérie. 3. Dans quelles conditions le général de Gaulle met-il fin à la guerre (1958-1962) A- L’appel au Général de Gaulle et l’espoir d’en finir avec la guerre Dès son arrivée au pouvoir, de Gaulle nouveau chef du gouvernement ainsi que le président René Coty demandent aux Français le 28 septembre 1958 de ratifier la nouvelle Constitution qui pose les fondements de la 5eme République. Celle-ci est ratifiée par 75% des électeurs. De Gaulle annonce alors un vaste plan d’investissement en Algérie (le plan de Constantine), laissant entendre un engagement durable de la France en Algérie. Ce plan était destiné à affaiblir politiquement le FLN. Ses principaux objectifs sont la construction de logements, la redistribution des terres, le développement de l’irrigation, la création de 400.000 emplois industriels, la scolarisation de tous les enfants, l’emploi dans une proportion accrue de français musulmans. Cependant, à ce moment de la guerre, ce plan ne peut plus ramener la paix. B- Le tournant de l’autodétermination Le 16 septembre 1959, de Gaulle ouvre dans un discours la voie à l’autodétermination du peuple algérien. Il annonce que tous les Algériens auront à se prononcer sur leur avenir selon 3 options : l’indépendance complète, la francisation conduisant à un unique Etat avec égalité des droits de toute la population, ou un gouvernement autonome en Algérie en association avec la France qui conserverait ses prérogatives en matière d’économie, d’enseignement, de Défense et d’Affaires étrangères. 18 De Gaulle ne cache pas son hostilité aux deux premières options. Selon lui, la 1ere risque de conduite à un Etat communiste et la 2nde serait impossible. Mise en place du Plan Challe : A partir de 1959, le général Challe est nommé commandant militaire de l’Algérie et espère asphyxier les maquis de l’ALN, branche armée du FLN à l’aide d’une série de grandes opérations militaires. Ces opérations comprennent en outre la mise en pace de centres de regroupement des populations situées dans les zones rurales afin d’isoler les unités du FLN et de les priver de leur principal soutien. Au cours de ces opérations de nombreux villages sont détruits et des régions sont vidées. Dans un 1er temps, ces opérations affaiblissent l’ALN, mais celle-ci s’adapte et réussit à se réorganiser et à reconstituer des réseaux dans les régions pacifiées avec a fin de l’année 1960. Dans ce contexte, le gouvernement français entame des négociations. Le 8 janvier 1961, par un référendum sur l’autodétermination en Algérie organisé en métropole et en Algérie, les électeurs s’étaient prononcés à plus de 70 % en faveur de l’autodétermination. C’est alors que des négociations secrètes avaient été ouvertes entre le gouvernement français et le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA) lié au FLN. Une partie des cadres de l’armée, qui avaient mené 7 années de combats se sentit trahie par le général de Gaulle et voulut s’opposer par un coup e force aux projets d’indépendance de l’Algérie. Le 23 avril 1961 quatre généraux (Maurice Challe, Edmond Jouhaud, Raoul Salan et André Zeller) conduisent une tentative de coup d’Etat (« Putsch des Généraux » ou « Putsch d’Alger »). Immédiatement après, le Général de Gaulle prononce un discours télévisé appelant les soldats à refuser le coup d’Etat et, conformément à l’article 16 de la Constitution el se saisit des pleins pouvoirs. Des unités d’appelés du contingent refusent d’obéir aux ordres des mutins et se soulèvent à leur tour et arrêtent les officiers putschistes. En métropole, des volontaires parmi lesquels on trouve des anciens de la Résistance, se rassemblent à Paris pour soutenir le Général de Gaulle. Les 19 syndicats décident d’une grève générale en signe de protestation contre le Putsch et sont suivis massivement. Puis, progressivement, le 26 avril, les troupes qui avaient suivi les généraux putschistes, se rendent. Le Général Challe se rend aux autorités. Le Putsch a échoué. C- Les Accords d’Evian, le bilan de la guerre et les suites de l’indépendance Entre le 7 et le 18 mars 1962 se tiennent à Evian des négociations entre les représentants du gouvernement français et ceux du GPRA. Des accords sont signés le 18 mars et se traduisent immédiatement par un cessez-le-feu applicable sur l’ensemble du territoire algérien. Ils furent approuvés, lors du référendum du 8 avril 1962 par 90% des votants de France métropolitaine, les électeurs des départements d’Algérie étant exclus du scrutin. Outre, un accord de cessez-le-feu, ces accords prévoient l’organisation d’un référendum d’autodétermination dans un délai minimum de 3 mois et maximum de 6 mois. Ces accords mettent fin à plus de 7 années de guerre. La France y a déployé 400.000 hommes. Entre 250.000 et 400.000 Algériens ont été tués (500.000 selon l’Etat algérien). Du côté français, on compte 28.500 soldats français morts, entre 30.000 et 90.000 harkis et entre 4.000 et 6.000 civils européens. Le référendum d’autodétermination est organisé le 1er juillet 1962. Les électeurs (citoyens résidants en Algérie, européens et musulmans) ont à se prononcer sur la question suivante : « Voulez-vous que l’Algérie devienne un Etat indépendant coopérant avec la France dans les conditions définies par les déclarations du 19 mars 1962 ? ». Le OUI l’emporte par 99,72% des suffrages. Le 3 juillet, le général de Gaulle reconnait l’indépendance de l’Algérie. Au lendemain de l’indépendance, les « Pieds noirs » sont rapatriés en France métropolitaine, ainsi que de nombreux harkis. 20 CONCLUSION : Un passé qui ne passe pas. De nombreux aspects de la guerre d’Algérie sont encore aujourd’hui l’objet de débats, comme l’atteste l’abondance des productions de la recherche historique sur ce conflit. La question de la torture et de sa justification suscite notamment de nombreuses controverses. 21