« Quelle place accorder à la famille dans la prise en charge de l’usager ? » Mme Sophie LASCOMBES, Chargée des affaires juridiques des Hôpitaux de Saint-Maurice Quel rôle le droit accorde-t-il à la famille dans la prise en charge d’un malade ? Le rôle que la famille est amenée à jouer dépend avant tout de la situation du patient. La famille, incontournable dans la prise en charge d’un mineur, se trouve plus souvent mise de coté dans la prise en charge d’un patient majeur, ce qui peut donner lieu à des revendications. En parallèle, la famille peut devenir un véritable usager du service public hospitalier, investi de droits et de devoirs propres, dans le cadre de ses visites à l’hôpital. Dans certains cas, le patient peut désigner une personne de confiance qui peut être choisie en dehors de sa famille. Dans cette situation, la famille n’est plus l’interlocuteur privilégié de l’équipe médicale. Nous allons donc aborder successivement ces différentes situations, où l’usager peut être une personne majeure ou une personne mineure et enfin la situation dans laquelle la famille devient usager du service public hospitalier. y L’usager est un patient majeur Juridiquement, lorsqu’il s’agit d’un majeur non protégé, il appartient aujourd’hui au patient lui même de décider s’il souhaite associer sa famille ou pas. Les réclamations sur les conditions de prise en charge d’un patient majeur émanent autant des patients eux- même que de leur famille. Si les motifs des réclamations des patients sont nombreux et divers, la revendication principale des familles est d’être mieux impliquée dans la prise en charge du patient, qu’il soit hospitalisé ou suivi en ambulatoire. Cette implication plus étroite des familles peut se traduire par : Ö une information sur les différentes modalités de prise en charge Ö une information plus précise sur l’évolution de l’état de santé Ö une participation aux choix thérapeutiques. Après entretien avec le corps médical sur les souhaits de ces familles, il apparaît qu’elles sont souvent en situation de détresse face à la maladie de leur proche, et peuvent se montrer parfois envahissantes auprès des équipes, ou au contraire absentes. L’accompagnement de certaines familles peut donc, dans certains cas, s’avérer difficile. Que la famille soit omniprésente ou totalement effacée, c’est le patient qui est le principal acteur de sa prise en charge et à qui il revient de décider s’il souhaite associer sa famille ou non. La capacité de discernement du malade rend souvent difficile ce choix en psychiatrie, d’où les dérogations prévues par les textes au principe général du consentement aux soins, pour les personnes qui font l’objet d’une mesure de tutelle et pour les personnes hospitalisées d’office ou à la demande d’un tiers. Ces dispositions sont propres aux personnes majeures et il en va différemment pour les personnes mineures. y L’usager est un patient mineur Il peut s’agir de mineurs suivis sur les secteurs de psychiatrie infanto-juvénile, de mineurs hospitalisés au CCASA ou au sein des services adultes. De façon générale, les familles sont mieux intégrées, et plus précisément les parents. Il est en effet indispensable que chacun des détenteurs de l’autorité parentale soit associé à la prise en charge de l’enfant, s’agissant de l’information et du consentement au soin. Ce qui donne lieu à des situations le plus souvent sensibles voire conflictuelles dans le cas de familles séparées ou divorcées, où l’intervention du juge a parfois été rendue nécessaire. Exemple : nous avons actuellement un cas où le père d’une jeune patiente, suivie sur les secteurs de pédo-psy, est détenu et a reçu, en prison, des informations sur l’état de santé de sa fille. Les nouvelles dispositions (de l’article L1111-5) du code de la santé publique, issues de la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades, permettent à l’inverse à un mineur de bénéficier de soins sans obtenir le consentement des titulaires de l’autorité parentale, si les conditions suivantes sont toutes réunies : ¾ D’une part les soins s’imposent pour sauvegarder la santé du mineur, ¾ D’autre part, le refus du mineur d’informer ses parents reste constant, après que le médecin ait tenté de le convaincre d’informer ses parents des soins dont il souhaite bénéficier, ¾ Enfin, le mineur est accompagné d’une personne majeure de son choix. Dans cette situation, qui doit rester exceptionnelle, la famille n’a aucune place dans la prise en charge du patient : elle n’a ni le droit de consentir aux soins, ni même le droit d’être informée sur l’état de santé. L’accès au dossier médical de leur enfant doit donc leur être refusé. Cela entraîne parfois des incompréhensions de la part des familles. Quelle attitude adopter alors en cas de complications (effet secondaire important lors d’un traitement, complications au cours d’une intervention chirurgicale nécessitant un transfert en réanimation…) ? Bien que les textes soient muets sur ce point, il ne semble pas concevable de transférer un mineur dans un autre établissement sans en informer les titulaires de l’autorité parentale. y La famille peut également avoir un statut d’usager Comme dans tout établissement public, la personne prise en charge est un usager du service public et bénéficie à ce titre de droits et de devoirs propres. La famille devient elle-même un usager du service public hospitalier, lorsqu’elle entre dans l’établissement, se fait accueillir et orienter par nos agents. De la même façon, lorsqu’elle prend une boisson au Pole Loisirs, elle est un usager de la Cafétéria. La famille du malade bénéficie ainsi de tous les droits applicables aux usagers : - l’égalité - la continuité - la neutralité - et la non discrimination Quant aux devoirs, la famille se situe, comme le patient d’ailleurs, dans une situation réglementaire : - elle doit respecter le règlement intérieur de l’établissement et celui du service de soins - elle doit respecter le bon fonctionnement du service Exemple : nous avons été plusieurs fois confrontés à des situations où un membre de la famille outrepasse ses droits en s’impliquant de manière excessive dans la prise en charge, au point de remettre tout le projet de soins en cause. Ces situations, difficiles à gérer aussi bien du point de vue de l’équipe que de celui de la famille, sont au final préjudiciables au patient. La notion d’usager peut également s’étendre à la personne de confiance, mise en place par la loi du 4 mars 2002. En effet, si le patient en fait la demande, la personne de confiance qu’il aura choisie pourra assister avec lui aux entretiens médicaux. Là encore, la personne de confiance du malade se trouve dans une situation d’usager du service public hospitalier. Instituée précisément dans les cas où la famille peut ne pas agir dans l’intérêt du patient, la personne de confiance, choisie par le malade, devient alors l’interlocuteur privilégié de l’équipe soignante, au détriment de la famille. Devant le rôle grandissant de la personne de confiance, la place qui était accordée à la famille dans la prise charge des patients, se trouve fortement diminuée. C’est le reflet de l’évolution de la société, qui n’est pas propre au monde de la santé.