5L’exclusion segmentaire
LES FEUILLETS DU GEMMSOR
PRÉVENIR ET TRAITER LE SYNDROME
D’EXCLUSION SEGMENTAIRE
La rééducation en traumatologie de la main ou du membre supé-
rieur, se doit d’être précoce et doit éviter les complications telles
que le syndrome d’exclusion segmentaire. La prévention et le
traitement de ce syndrome doivent être faits à tous les stades de
la prise en charge du patient, car une fois installé, la rééducation
sera lente et difcile autant pour le patient que pour le thérapeute.
Le diagnostic précoce : Tous les intervenants de la prise en
charge doivent y être sensibilisé et le repérer.
- Au niveau médical : Lors de la prise en charge du trau-
matisme initial, il faudra si possible, privilégier un traitement
fonctionnel et expliquer au patient les consignes d’utilisation de
son membre lésé.
- Au niveau des soins : Les pansements protègent le
membre et le cachent de la vue du patient qui peut minimiser ou
au contraire extrapoler l’ampleur de son traumatisme. Il se doit
d’être le plus n possible, n’immobilisant que ce qui est néces-
saire. A ce stade, il est important de repérer les patients à risque,
c’est-à-dire, les personnes montrant des signes de non-accepta-
tion, qui présentent un comportement excessif lors de la mise à
nu de la plaie, ou qui ne veulent pas regarder leur propre partie
du corps.
- Au niveau des rééducateurs : Il faudra être vigilant au
comportement et à la posture du patient. En effet, l’observation
de ses automatismes en le mettant en situation écologique per-
met de déceler le moindre trouble du schéma corporel ou trouble
attentionnel.
La prise de conscience du trouble : Une fois décelé, il faudra dans
un premier temps que le patient se rende compte de l’exclusion de
son membre. C’est la condition sinequanone pour optimiser l’ef-
cacité du traitement. Pour ce faire, on pourra lmer ou photo-
graphier le patient en situation réelle d’exclusion pour faciliter sa
prise de conscience. La technique de description sans feed-back
visuel des membres sains puis lésés décrite par McCabe en 2011,
pourra être employée pour que le patient cible son attention sur
ses perceptions. De même, l’implication des proches de la per-
sonne an de lui faire remarquer, pourra ici aussi être employée.
Enn, la conrmation du diagnostic d’exclusion segmentaire par
le corps médical pourra avoir un plus grand impact sur le patient.
La rééducation « classique » : la kinésithérapie, la physiothéra-
pie et l’ergothérapie doivent être réalisées en parallèle. Les objec-
tifs de cette rééducation concernent le traitement de la douleur, de
l’inammation, le recouvrement de la mobilité et de la sensibilité
et le travail fonctionnel.
La reprogrammation neuro-motrice : Le syndrome d’exclusion
segmentaire nécessite une rééducation spécique. Les techniques
de réafférentation s’attachent à rechercher l’automatisation du
geste en utilisant de façon répétée le membre exclu sous toutes ses
formes, avec autant que possible l’auto-correction du patient. Ici,
l’utilisation des différents canaux sensoriels sera nécessaire tels
que le rappel oral du thérapeute et le travail avec feed-back visuel.
Les nouveaux concepts de rééducation : Les techniques de
contrainte induite, d’imagerie motrice, de thérapie par miroir sont
des éléments à mettre en place précocement.
La rééducation attentionnelle : Le traitement des troubles atten-
tionnels passe par des techniques de biofeed-back, un travail de
l’attention sélective du membre exclu puis d’attention divisée. Ici
les aides externes (tels que les rappels sur le téléphone) peuvent
être utilisées pour que le patient prête attention à son membre
exclu lors de sa vie quotidienne plusieurs fois dans la journée.
La rééducation sensitive : La présence de troubles sensitifs sans
lésion de nerf périphérique doit être un signal d’alarme pour le
thérapeute. Ce phénomène démontre qu’il y a probablement de
mauvaises transmissions entre la main et l’encéphale et donc une
sous-utilisation du membre. Le travail proprioceptif et sensitif
sera essentiel. Les thérapies de « désensitization », de « touche-
à-tout », d’auto-massages, de tapotements, de vibration, ou de
pressions sont autant d’outils que nous pouvons utiliser. Il est im-
portant que la personne prenne le temps de décrire ses sensations,
de les comparer avec l’autre membre, de regarder, de toucher
voire même d’écouter son membre exclu. Ce travail permettra la
réappropriation par la personne de son segment.
L’appareillage : en règle générale il tend à libérer les articula-
tions non concernées par le traumatisme et si possible, à laisser
au maximum les pulpes libres. Les consignes concernant le port
d’orthèse sont primordiales pour expliquer au patient comment
vivre avec et comment utiliser ce qui lui reste de disponible. De
même, il faudra lutter contre le port excessif et non justié de
l’orthèse.
La syndactylisation du doigt exclu avec un doigt sain peut être
une solution pour l’accompagner lors de la mobilisation active.
De même, la thérapie de la contrainte induite peut fonctionner.
(Nous pouvons par exemple, pour une exclusion de l’index avec
compensation par le majeur, « aveugler » la pulpe du majeur avec
un bandage an d’obliger le patient à ne plus compenser.)
Cependant, ces techniques n’ont pas une réussite systématique.
Au contraire, on constate de nombreux échecs avec des exclu-
sions qui s’étendent aux autres doigts sains.
L’éducation thérapeutique du patient (8,15): elle est primordiale
tout au long ce traitement pour obtenir une adhésion maximale et
une participation active du patient. Celle-ci tend à transmettre à
un individu, une information, un savoir-faire et/ou une compré-
hension. L’équipe soignante « a un rôle d’enseignement perma-
nent du patient, an de le rassurer et de lui faire comprendre les
buts de cette rééducation»(14). La compréhension du patient de
l’ensemble de sa prise en charge permet une modication com-
portementale adéquate, en dehors du cadre hospitalier. A ce sujet,
Dr Levame (11) nous dit que « le temps réel consacré à la réé-
ducation est souvent bref et le patient se trouve pendant le reste
du temps abandonné, ce qui freine les progrès ». C’est pourquoi
la rééducation à domicile peut être bénéque, mais nécessite un
comportement de santé formé, en l’absence de contrôle théra-
peutique.
En effet, le traitement du syndrome d’exclusion segmentaire ne
peut pas être traité exclusivement par le biais des séances de réé-
ducation. Il doit se poursuivre au quotidien, par des exercices à
réaliser au domicile. Pour cela, tout type de support d’éducation
thérapeutique du patient peut être intéressant, que ce soit une
vidéo, un livret, une brochure ou encore un site internet.
Comme vu ci-dessus, il est nécessaire autant que possible, d’inci-
ter l’entourage à être également actif dans la prise en charge.
Ainsi on encouragera les parents, conjoint ou autres, à être attentif
à la sous-utilisation du membre.
Prise en charge psychologique : Selon les types de traumatisme
et de personnalité, une psychothérapie précoce peut améliorer
la prise en charge. Elle permettra d’aider le patient à gérer ses
angoisses liées à l’accident, au contexte socioprofessionnel et à
la prise en charge.
Nous avons par exemple traité deux patientes ayant une exclu-
sion de l’index qui avaient totalement récupéré la motricité et la
sensibilité du doigt. Néanmoins, l’une s’étant coupé avec une
trancheuse à jambon, le remettait systématiquement en extension
lorsqu’elle entendait n’importe quel bruit de machine. L’autre