Physique Statistique (M1) 36U1PS41 – Notes de cours — II —

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Physique Statistique (M1)
36U1PS41 – Notes de cours
— II —
Jean-Baptiste Fournier
Université Paris 7 – Denis Diderot
2004-2005
2
Chapitre 2
Ensemble canonique
On introduit l’« ensemble canonique », c.-à-d. la statistique canonique, par
opposition à microcanonique, dans le but i) d’appliquer la thermodynamique
statistique à des systèmes qui ne sont pas isolés mais en contact thermique avec
un thermostat, II) de simplifier les calculs pour les systèmes macroscopiques
(nous verrons que c’est le cas), iii) de pouvoir aussi appliquer la mécanique
statistique à des systèmes microscopiques.
2.1
Définition de l’ensemble canonique
Considérons un système σ ouvert : dans le sens qu’il peut échanger de
l’énergie avec son “entourage”, dénommé Θ, mais pas de travail mécanique,
ni de particules (contact thermique uniquement). Nous supposons que Θ est
un système infiniment plus grand que σ et nous l’appelons thermostat—car
nous verrons qu’il fixera la température de σ. Le système total Σ, formé de la
réunion de σ et de Θ, est supposé isolé et à l’équilibre.
σ
Θ
E
V,N
(T )
Nous allons supposer, en outre, que σ est macroscopique (pour commencer)
et qu’il est “faiblement couplé avec le thermostat”, c.-à-d. que l’énergie d’interaction entre σ et le thermostat est négligeable devant l’énergie E de σ et
3
4
Université Paris VII – Jean-Baptiste Fournier
l’énergie E du thermostat. Ceci est raisonnable par exemple pour un système
macroscopique qui interagit par des forces à courtes portées avec son entourage
(ex. des force de van der Waals ∼ 1/r 7 ).
2.1.1
Microétats du système et du thermostat — distribution canonique
Le système et le thermostat étant faiblement couplés, tout microétat de Σ
correspond à une paire (ℓ, L), où ℓ est un microétat de σ et L est un microétat
du thermostat. (Il faut penser ℓ comme indiquant le numéro du microétat dans
une liste de tous les microétats ; idem pour L, etc.)
Comme Σ est isolé et à l’équilibre, on peut lui appliquer la distribution microcanonique : tous ses microétats sont équiprobables. Maintenant, la contrainte
sur l’énergie totale de Σ,
Eℓ + EL = Etot
(fixée),
(2.1)
implique que si σ se trouve dans un état ℓ particulier, alors parmi tous les états
possibles L du thermostat, seuls ceux qui ont l’énergie Etot −Eℓ sont accessibles.
Désignons ces microétats par le sous-ensemble {Lℓ,i } où i numérote ces états.
Comme tous les Ωtot microétats de Σ sont équiprobables, la probabilité que
notre système σ se trouve dans le microétats ℓ (d’énergie Eℓ ) est donc proportionnelle aux nombres d’états Lℓ,i :
P (ℓ) = Card ({Lℓ,i }) /Ωtot .
(2.2)
Lℓ,1
ℓ, Eℓ
Lℓ,2
Etot − Eℓ
Lℓ,3
Lℓ′,1
′
ℓ , Eℓ′
Lℓ′,2
Etot − Eℓ′
Lℓ′,3
Etats de σ
Etats compatibles de Θ
Physique statistique (M1) – II. Ensemble canonique
5
• Un petit modèle pour aider à la compréhension
Soient 3 dés : un dé rouge, représentant notre système, et l’ensemble formé
d’un dé bleu et un dé vert, représentant notre (grand) thermostat. On jette
ces 3 dés un grand nombre de fois. Les points des dés représentent l’énergie.
Supposons que la somme des trois dés soit fixée à 6 (on élimine tous les jets
dont le total n’est pas 6). Tous les jets sont équiprobables : ils représentent
les microétats de la réunion système–thermostat. Quelle est la probabilité que
le dé rouge marque 2 (que notre système ait l’énergie 2) ? Parmi le total des
possibilités (il y en a 10), il n’y a que 3 possibilités que le dé rouge marque 2 car
alors la somme des dés bleus et verts doit valoir 4 et qu’il n’y a pour cela que
3 possibilités : (1,3), (2,2), (3,1). La probabilité que le “système” marque 2 est
bien proportionnelle au nombre de façons que le “thermostat” a de réaliser la
différence 6−2 = 4. On a donc P (2) = 3/10 ∝ 3. (On a aussi P (1) = 4/10 ∝ 4,
etc.)
Revenons à la statistique de σ. Nous avons
1
Sth (Etot − Eℓ )
Card ({Lℓ,i }) = Ωth (Etot − Eℓ ) = e kB
,
(2.3)
où Ωth (Etot − Eℓ ) est le nombre de microétats du thermostat pour l’énergie
Etot − Eℓ , et Sth l’entropie “microcanonique” correspondante. Notons que nous
ne sommes pas en train d’appliquer la statistique microcanonique au thermostat (qui n’est pas isolé) : nous ne faisons qu’utiliser la fonction Ωth —dont
le logarithme donnerait l’entropie du thermostat si il était isolé. Maintenant,
puisque le thermostat est par définition infiniment plus grand que le système,
on a Eℓ ≪ Etot et on peut développer, au premier ordre,
Eℓ
Sth (Etot − Eℓ ) ≃ Sth (Etot ) − ,
(2.4)
T
où T = (∂Sth /∂E)−1 , prise pour E = Etot , est la température microcanonique
du thermostat. Strictement, c’est la température microcanonique qu’il aurait
si il était isolé et qu’il avait toute l’énergie ; par définition nous dirons que c’est
la température canonique commune du système et du thermostat.
On obtient donc la distribution canonique, Pℓ ∝ exp(−Eℓ /kB T ), que nous
noterons :
Pℓ =
1 −βEℓ
e
,
Z
(distribution canonique)
(2.5)
avec
β=
ˆ
1
.
kB T
(2.6)
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La notation Z est traditionnelle pour l’inverse de la constante de normalisation.
Comme la somme des probabilités vaut 1, elle s’exprime comme
Z=
X
e−βEℓ .
(2.7)
ℓ
Attention : Pℓ n’est pas la probabilité que le système ait l’énergie Eℓ , c’est
la probabilité que le système se trouve dans un microétat particulier dont
l’énergie est Eℓ . (Pour avoir la probabilité que le système ait l’énergie Eℓ , il
faudrait multiplier Pℓ par le nombre d’états d’énergie Eℓ .)
2.1.2
Microétats décrits à la fois par des variables continues et des variables discrètes
Nous avons construit la distribution canonique en considérant, par souci de
simplicité, un système dont les microétats sont discrets. Supposons que les microétats soient décrits par une variable continue, que nous dénoterons q. Dans
une description en mécanique classique, de telles variables sont par exemple
les coordonnées de position ou d’impulsion des particules.
On peut reproduire le raisonnement précédent en considérant la probabilité
que le système soit dans un « état » correspondant à [q, q + dq]. L’énergie du
système est alors E(q) à dE près, avec dE = E ′ (q)dq. Par complémentarité
l’énergie du thermostat est Etot − E(q) à dE près. La probabilité de l’« état »
[q, q + dq] est donc proportionnelle à ρth [Etot − E(q)]dE, c’est-à-dire à
1
Sth (Etot − Eℓ )
e kB
dE.
(2.8)
Puisque δE ∝ dq, on arrive, en suivant les étapes du paragraphe précédent, à
dP =
1 −βE(q)
e
dq,
Z
(2.9)
où Z reste à déterminer. La normalisation s’exprime alors en intégrant sur
l’intervalle des valeurs possibles de q :
Z=
Z
dq e−βE(q) .
(2.10)
On devrait en fait écrire dP = Z1 e−βE(q) dq/hq où hq est un infinitésimal, que
l’on introduit, comme la constante h3 dans le gaz parfait classique, afin que
Z soit sans dimension et soit l’équivalent d’une somme sur des états. Cela
Physique statistique (M1) – II. Ensemble canonique
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revient à remplacer dq par dq/hq dans le calcul de Z, mais comme on prendra le logarithme de Z, cela ne fera que renormaliser l’énergie libre par une
constante sans incidence physique. C’est pour cela que l’on ignore en général
cette procédure.
Généralisation.– Dans un problème complexe, les microétats sont indexés
à la fois par des variables discrètes (n, m, . . .) et par des variables continues
(q, s, . . .). Il découle des analyses précédentes que la quantité exp(−βE) est à
la fois une probabilité par rapport aux variables discrètes et une densité de
probabilité par rapport aux variables continues. Ainsi, la probabilité que le
système soit caractérisé par les valeurs discrètes n, m, . . ., et par sa présence
dans les intervalles [q, q + dq], [s, s + ds], . . . est
dP =
1 −βE(n, m, . . . , q, s, . . .)
e
dq ds . . .
Z
(2.11)
La constante de normalisation étant donnée par
Z=
XX
n
m
...
Z
dq
Z
ds . . . e−βE(n, m, . . . , q, s, . . .) dq ds . . . .
(2.12)
C’est dans cette forme la plus générale qu’il faut retenir la distribution canonique.
2.1.3
Cas d’un système microscopique
On considère en général que la distribution canonique s’applique aussi bien
aux systèmes microscopiques, dans la mesure où ils sont couplés à un thermostat, qui, lui, est macroscopique par définition.
Le problème est qu’on ne peut plus supposer que le système et le thermostat
sont faiblement couplés : l’énergie d’interaction sera de l’ordre de l’énergie du
système, et aura pour effet de déplacer les niveaux d’énergie du système (par
exemple en levant certaines dégénérescences).
Il reste cependant vrai, essentiellement, que
Pℓ ∝ Mth (Etot − E),
(2.13)
cette quantité étant le nombre d’états du thermostat lorsque son énergie propre
plus son énergie d’interaction avec le système vaut Etot − E. Ce nombre n’est
pas, a priori, égal au nombre microcanonique Ωth (Etot − E) d’états qu’aurait le
thermostat s’il était isolé et que son énergie propre était Etot − E. Cependant,
8
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comme le thermostat est supposé quasi-infiniment grand, et que la partie d’interaction avec le système est tres faible devant l’énergie propre, on peut en très
bonne approximation identifier les fonctions Mth (E) et Ωth (E) (en effet plutôt
leurs logarithmes). Le même raisonnement que précédemment conduit alors à
la distribution canonique.
2.2
Energie libre et fonction de partition
Calculons l’entropie du système (σ) à partir de la définition générale (cf.
P
chapitre I) : S = −kB ℓ Pℓ ln Pℓ . On a
−S = kB
X
Pℓ (− ln Z − βEℓ )
ℓ
= −kB ln Z − βkB
X
Pℓ Eℓ
ℓ
= −kB ln Z −
E
.
T
(2.14)
Il s’ensuit que si l’on définit l’énergie libre comme
F=
ˆ E − T S,
(2.15)
alors F est donnée par
F = −kB T ln Z
2.2.1
≡ −kB T ln
P
ℓ
e−βEℓ
(2.16)
Grandeurs dérivées de l’énergie libre
Nous avons montré en microcanonique que
dE = T dS − P dV + µ dN.
(2.17)
A la limite d’un très grand système (à la limite « thermodynamique » d’un
système macroscopique) nous verrons que l’énergie E fluctue infiniment peu
(relativement) autour de sa valeur moyenne E, ainsi on peut identifier E et E,
ce qui nous donne F = E − T S. Ainsi, nous avons
dF = dE − T dS − S dT,
(2.18)
dF = −S dT − P dV + µ dN,
(2.19)
c’est-à-dire
Physique statistique (M1) – II. Ensemble canonique
9
où P et µ ont les mêmes significations que dans l’ensemble microcanonique.
Ainsi, dans l’ensemble canonique, à partir de Z(T, V, N) que l’on peut calculer explicitement connaissant les microétats et leurs énergies, on construit
F (T, V, N) et l’on obtient directement
(2.20)
(2.21)
(2.22)
∂F ,
S=−
∂T V,N
∂F ,
P =−
∂V T,N
∂F .
µ=
∂N T,V
Le seul doute qu’on pourrait avoir dans le raisonnement ci-dessus concerne
S, qui avait une définition différente en microcanonique. Il est facile en fait de
calculer directement −∂F/∂T à partir de (2.16) en s’inspirant du calcul (2.14) :
on trouve directement S, ce qui confirme bien l’expression de la différentielle
dF . Comme nous le verrons plus loin, il y a derrière tout cela l’équivalence des
différents ensembles statistiques à la limite thermodynamique.
• Energie interne
Il nous manque l’énergie du système, c’est-à-dire, en fait, sa valeur moyenne E
(car c’est une quantité fluctuante dans l’ensemble canonique). Elle se calcule
comme suit :
X
1X
Eℓ e−βEℓ .
(2.23)
E=
Pℓ Eℓ =
Z
ℓ
ℓ
Pour effectuer ce calcul, on utilise une astuce qu’on retrouve très souvent en
mécanique statistique : en considérant l’expression
Z=
X
e−βEℓ ,
(2.24)
ℓ
on voit qu’il suffit de dériver partiellement Z par rapport à β (ou T ) pour
obtenir l’expression de E en fonction de celle de Z(T, V, N). On obtient
E=−
2.2.2
∂
1 ∂Z
≡−
ln Z.
Z ∂β
∂β
(2.25)
Retour sur l’exemple du cristal d’atomes excitables
Reprenons le modèle, traité précédemment en microcanonique, d’un cristal
à la température T , dont les atomes, placés aux noeuds d’un réseau régulier,
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peuvent être soit dans leur état fondamental (atomes indiqués en blanc sur
la figure suivante), soit dans un état excité (en noir sur la figure). Le cristal
possède N atomes au total. Appelons n le nombre d’atomes excités. Soit ǫ0
l’énergie d’un atome dans l’état fondamental et ǫ0 + ǫ⋆ l´énergie d’un atome
dans l´etat excité (ǫ⋆ > 0), l’énergie totale étant E = N ǫ0 + n ǫ⋆ .
T
Pour traiter le problème dans l’« ensemble canonique », nous supposons que
ce cristal est en équilibre avec un thermostat à la température T avec lequel il
échange librement de l’énergie. Ainsi, la fonction de partition s’écrit
Z=
X
⋆
e−β(N ǫ0 + nα ǫ )
(2.26)
α
où α est un indice parcourant tous les microétats du systèmes, l’énergie totale
étant complètement libre, et où nα désigne le nombre d’atomes excités dans
l’état α.
Pour recenser tous les microétats, le plus commode est de numéroter les
atomes de n = 1 à N et d’associer à chaque atome une variables in qui
vaut 0 si l’atome est dans l’état fondamental et 1 si il est dans l’état excité.
Comme chaque microétat est complètement spécifié par la donnée des valeurs
{i1 , . . . , iN }, sommer sur tous les microétats se fait de la façon suivante1 :
X
α
1
≡
1
X
i1 =0
...
1
X
.
(2.27)
iN =0
Il faut s’habituer en mécanique statistique à manipuler des sommes multiples : c’est
exactement comme manipuler
multiples. On peut remarquer l’analogie entre
R
R desRintégrales
R
l’écriture ci-dessus et d3 r ≡ dx dy dz. Notamment on factorisera les sommes discrètes,
comme on factorise les intégrales, lorsque les bornes sont indépendantes et que la fonction à
intégrer peut s’écrire comme un produit de fonctions des différentes variables indépendantes.
Physique statistique (M1) – II. Ensemble canonique
11
Ainsi, nous avons
Z=
1
X
i1 =0
1
X
...
⋆
e−β[N ǫ0 + (i1 + . . . + iN )ǫ ] ,
(2.28)
iN =0
qui se factorise en un produit :

Z = e−βN ǫ0 × 
1
X
i1 =0
ǫ⋆


e−β i1  × . . . × 
1
X
iN =0
ǫ⋆

e−β iN  .
(2.29)
Chacune de ces sommes est triviale car il n’y a que deux termes : toutes valent
⋆
1 + e−βǫ . Ainsi,
Z = e−βN ǫ0 1 + e−βǫ
⋆
N
.
(2.30)
Nous verrons plus loin qu’en utilisant la propriété que les différents atomes
constituent des sous-systèmes indépendants, on écrira ce résultat directement.
L’énergie libre s’obtient directement
F (T, N) = −kB T ln Z = N ǫ0 − NkB T ln 1 + e−βǫ
⋆
.
(2.31)
On obtient l’énergie moyenne par la formule (2.25) (on pourrait aussi déduire
S et calculer F + T S) :
E=−
∂(βF )
N
∂
⋆
ln Z =
= Nǫ0 +
⋆ǫ .
βǫ
∂β
∂β
1+e
(2.32)
Il s’ensuie que
N
,
(2.33)
1 + eβǫ⋆
résultat qui coı̈ncide à celui que nous avons obtenu en microcanonique.
n=
Dans cet exemple il semble que le calcul soit plus facile en microcanonique :
c’est parce qu’il était facile d’écrire Ω = N!/[n!(N − n)!]. Souvent, dans les
problèmes plus complexes, on ne sait pas exprimer Ω et l’on a recours obligatoirement à l’ensemble canonique.
2.2.3
Fonction de partition Z(T, V, N )
Revenons sur l’ensemble microcanonique : Il a été construit à partir d’un
système isolé caractérisé par ses variables extensives, fixées E, V , N. Son outil
fondamental était la fonction Ω(E, V, N), générant le potentiel thermodynamique entropie S(E, V, N).
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La distribution canonique est construite pour un système ouvert pour l’énergie, qu’il échange avec un thermostat de température T , et isolé pour les autres
grandeurs extensives V et N. Son outil fondamental est maintenant la fonction
Z(T, V, N) (la constante T remplace E qui n’est plus constante), générant le
potentiel thermodynamique énergie libre F (T, V, N).
echange avec Θ
E
T
S V
F V
N
N
Microcanonique
Canonique
NB. Si l’on oublie provisoirement la distinction entre E et E, on voit alors
que F (T, V, N) n’est autre que la transformée de Legendre de E(S, V, N) par
rapport à la variable S, c.-à-d. F (T, V, N) = E−T S où T = ∂E(S, V, N)/∂S.
La quantité Z est à la fois la constante de normalisation de la distribution des
probabilités, et une fonction des variables T , V , N que l’on appelle fonction
de partition :
Z(T, V, N) =
X
e−βEℓ
(fonction de partition).
(2.34)
ℓ
attention : la somme porte sur tous les microétats ℓ possibles du système,
quelle que soit leur énergie, les contraintes sont seulement que V et N sont
fixés.
2.3
Sous-systèmes indépendants : factorisation
de la fonction de partition
Un grand avantage de la formulation canonique—par rapport à la formulation microcanonique—est la possibilité de factoriser les calculs ayant trait à
des systèmes formés de sous-systèmes indépendants.
Physique statistique (M1) – II. Ensemble canonique
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Système canonique formé de sous-systèmes indépendants
m
– L’ensemble des microétats accessibles à chaque sous-système est
indépendant des états des autres sous-systèmes.
– L’énergie totale du système est la somme des énergies des soussystèmes.
On voit tout de suite, avec cette définition, qu’en microcanonique, un gaz
parfait n’est pas constitué de sous-systèmes indépendants. En effet, comme
l’énergie totale est fixée, les états accessibles à une particule donnée dépendent
de l’énergie que les autres particules lui laissent. En canonique, par contre,
comme l’énergie n’est pas fixée, chaque particule voit tous ses états (vecteurs
d’ondes quantifiés) autorisés.
A1
Γ
A2
A
C
B
B1
B2
C1
A1 B1 C1
A1 B1 C2
A 1 B 2 C1
A1 B2 C2
A2 B1 C1
A 2B1 C 2
A 2B2 C1
A 2 B2 C 2
C2
La figure ci-dessus illustre un système formé de 3 sous-systèmes indépendants,
A, B, et C, chacun pouvant se trouver dans deux états. L’indépendance des
sous-sytèmes se traduit par le fait que l’espace des microétats Γ du système
est l’espace produit des espaces des microétats des 3 sous-systèmes.
Dans cet exemple, si l’on a E = EA + EB + EC , alors la fonction de partition
se factorise :
Z=
8
X
ℓ=1
e−βEℓ =
XXX
e−β(EAi +EBi +ECi )
Ai Bi Ci

= 
X
Ai

e−βEAi  
= zA zB zC .
X
Bi

e−βEBi  
X
Ci

e−βECi 
(2.35)
En effet, sommer sur tous les états se traduit par une triple somme (exactement comme une intégrale triple) ; comme les bornes sont indépendantes les
14
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unes des autres et que la fonction à sommer est un produit de 3 fonctions
indépendantes, la somme triple se factorise (à nouveau, exactement comme
une intégrale triple).
Ainsi, dans le cas général, on peut énoncer la règle suivante :
Σ constitué de N sous-systèmes
σi indépendants
=⇒
Z=
N
Y
zi
i=1
où les zi sont les fonctions de partition des sous-systèmes.
• Dans l’exemple précédent du cristal d’atomes excitables, les différents
atomes constituent des sous-systèmes indépendants à deux états. Ainsi on a
tout de suite
Z = zN ,
(2.36)
avec
z=
1
X
⋆
⋆
e−β(E0 + nǫ ) = e−βE0 + e−β(E0 +ǫ ) ,
(2.37)
n=0
ce qui est équivalent à ce que nous avions obtenu.
2.3.1
Factorisation des degrés de liberté internes indépendants des sous-systèmes
Il arrive souvent que pour un même sous-système, l’énergie se sépare en une
somme de termes faisant intervenir des degrés de liberté indépendants. Par
exemple, si l’état du sous-système i est caractérisé par deux jeux de paramètres
indépendants αi et βi (exactement au sens de l’encadré précédent : ensembles
de microétats indépendants et énergie somme de deux termes séparés), alors la
fonction de partition du sous-système se décomposera elle-même en un produit
de deux termes :
XX
z =
e−β(Eαi + Eβi ) = z z .
(2.38)
i
iα
αi
iβ
βi
On aura alors, de façon très générale, pour un système formé de N soussystèmes chacun ayant des degrés de liberté internes indépendants :
Z=
N
Y
ziα ziβ . . .
(2.39)
i=1
L’énergie libre, qui est proportionnelle à ln Z, s’écrira alors comme une somme
de contributions indépendantes ; il en ira de même pour toutes les grandeurs
qui dérivent de l’énergie libre (pression, potentiel chimique, énergie moyenne,
entropie, etc).
Physique statistique (M1) – II. Ensemble canonique
2.3.2
15
Distribution des degrés de libertés indépendants
Dans ce cas, la distribution de probabilité de l’une quelconque des variables,
par exemple la première, α1 , s’exprime de la façon simple suivante (en sommant
sur toutes les variables sauf α1 ) :
P (α1 ) =
X
β1 ,...,αN ,βN
=
1
e−β(Eα1 + Eβ1 + . . . + EαN + EβN )
z1α z1β . . . zN α zN β
1 −β Eα
1,
e
z1α
(2.40)
puisque tout se factorise et que les autres facteurs valent 1 par construction. Il
s’ensuit que l’on peut appliquer la distribution canonique à l’une quelconque
des variables d’un sous-système dès lors que cette variable est indépendante
des autres au sens défini ci-dessus.
2.4
Valeurs moyennes et fluctuations des variables internes
Supposons que X soit une variable interne fluctuante dont on veut calculer
la moyenne et la variance. Il arrive très fréquemment que X apparaisse sous la
forme linéaire B Xℓ (B étant une constante) dans l’énergie Eℓ , et donc dans la
fonction de partition. (Un “truc” souvent utilisé, lorsque cela n’est pas le cas,
est d’introduire manuellement une variable B dans l’énergie, de tout calculer
comme si B avait un sens physique, et de prendre la limite B → 0 à la fin des
calculs.)
On a alors
Z(. . . , B) =
X
0
e−β(Eℓ + B Xℓ ) ,
(2.41)
ℓ
et, par conséquent l’énergie libre dépend de B :
F (. . . , B) = −kB T ln Z(. . . , B).
(2.42)
Si l’on sait calculer la fonction F (B), il sera immédiat d’obtenir la moyenne et
la variance de Xℓ . En effet, on a
Xℓ =
X
Xℓ P ℓ ,
(2.43)
ℓ
c’est-à-dire
Xℓ =
X
0
1
Xℓ e−β(Eℓ + B Xℓ ) .
Z(. . . , B) ℓ
(2.44)
16
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Or, la somme ci-dessus est (∂Z/∂B) à un facteur −1/β près. On a donc
X=−
1 ∂Z
,
β Z ∂B
(2.45)
∂F
.
∂B
(2.46)
soit
X =−
En faisant un pari sur l’élégance du formalisme, calculons la dérivée seconde
de F (B) :
1 ∂Z
∂
∂2F
=
2
∂B
∂B βZ ∂B
"

#
∂Z
∂B
!2
1 ∂Z
= β −
βZ ∂B
!2
1 1
=
− 2
β
Z


1 ∂2Z 
+
Z ∂B 2

1 ∂2Z 
.
+ 2
β Z ∂B 2
(2.47)
2
On reconnait dans le membre de droite la quantité X 2 − X (examiner les
dérivées successives par rapport à B de la fonction de partition), d’où le résultat
final :
2.4.1
X −X
2
=
1 ∂2F
β ∂B 2
(2.48)
Equilibre par rapport à une variable interne : énergie
libre partielle
On se rappelle qu’en microcanonique, pour un système macroscopique, la
valeur d’équilibre d’une variable interne se détermine en maximisant l’entropie
partielle ; nous allons montrer qu’en canonique la règle correspondante est de
minimiser l’énergie libre partielle.
Considérons une variable interne X. Cette variable est libre de fluctuer, mais
nous faisons comme si, dans un premier temps, elle était contrainte au même
titre que V et N. On a, pour X = x, la fonction de partition partielle :
Z̃(T, V, N, x) =
X
e−βEi
=
ˆ
e −β F̃ (T, V, N, x) ,
(2.49)
i ayant x
la somme étant restreinte aux microétats pour lesquels X = x. La dernière
égalité ci-dessus définit l’énergie libre partielle F̃ (par la formule habituelle).
Physique statistique (M1) – II. Ensemble canonique
17
Or, la probabilité que X = x est justement
1 X
e−βEi
P (x) =
Z i ayant x
=
1 −β F̃ (T, V, N, x)
e
,
Z
(2.50)
donc la valeur qui maximise P (x) est celle qui minimise F̃ (T, V, N, x). Pour
un système macroscopique, on peut comme d’habitude identifier cette valeur
avec la valeur “d’équilibre” de X (faire un développement au deuxième ordre
de F̃ et réaliser qu’on obtient une gaussienne infiniment piquée si le système
et l’observable sont macroscopiques).
2.5
Equivalence des ensembles canoniques et
microcanoniques dans la limite thermodynamique
Une propriété très utile est que les descriptions canoniques et microcanoniques sont équivalentes à la limite thermodynamique (limite des systèmes
infiniment grands). Il est en effet équivalent de considérer un système dans
l’ensemble canonique (Tth , V , N)—dans lequel il a une énergie moyenne E
réglée par le « potentiomètre » Tth , ou bien dans l’ensemble microcanonique
(E, V , N), car la température correspondante est justement T = Tth , et que
toutes les grandeurs thermodynamiques calculables seront les mêmes.
Pour démontrer cette propriété, nous allons montrer que l’entropie canonique
S(T, V, N), calculée dans l’ensemble canonique à partir de la loi de probabilité
canonique, et l’entropie microcanonique S ⋆ (E, V, N), calculée dans l’ensemble
microcanonique à partir de la loi de probabilité microcanonique, coı̈ncident, et
que les températures correspondantes sont les mêmes.
Il suffit pour cela de reprendre la construction de l’ensemble canonique et de
chercher à interpréter directement la constante de normalisation Z. En partant
à nouveau de
1 ⋆
1
1 k Sth (Etot − Eℓ )
Pℓ =
Card({Lℓ,i}) =
e B
,
(2.51)
Ωtot
Ωtot
où l’on a maintenant explicité la constante de proportionnalité (le nombre total
Ωtot de microétats du système global isolé Σ), nous allons faire le développement
limité (2.4) autour de l’énergie moyenne E du système. Cela donne
h
⋆
⋆
Etot − E + E − Eℓ
Sth
(Etot − Eℓ ) = Sth
i
⋆
≃ Sth
(Etot − E) +
E Eℓ
− . (2.52)
T
T
18
Université Paris VII – Jean-Baptiste Fournier
On obtient, bien sûr, la distribution canonique, mais on voit de plus que
"
#
1
E
⋆
S
(E
−
E)
+
tot
th
1 kB
1
T .
=
e
Z
Ωtot
(2.53)
Maintenant, par définition,
Ωtot
⋆
Stot
(Etot )
kB
=e
,
(2.54)
et, puisque les systèmes sont macroscopiques (limite thermodynamique), on a
aussi
⋆
⋆
Stot
≃ S ⋆ (E) + Sth
(Etot − E).
(2.55)
En effet le membre de droite est l’entropie partielle du système total à énergie
de σ fixée, prise pour la valeur la plus probable de l’énergie de σ : c´est donc, en
excellente appriximation, comme nous l’avons montré au chapitre I, l’entropie
microcanonique du système total.
Il vient donc
E − T S ⋆ (E)
−
kB T
Z=e
.
(2.56)
Ainsi,
−kB T ln Z = E − T S ⋆ (E),
(2.57)
ce qui, par comparaison avec les équations (2.15) et (2.16), démontre l’identité
entre l’entropie microcanonique S ⋆ (E) et l’entropie canonique S(T ). Quant à
la température de notre système microcanonique elle vaut évidemment T pour
l’énergie E, puisqu’en canonique, à l’équilibre thermique avec le thermostat
à la température T son énergie moyenne vaut E. Nous avons donc démontré
l’équivalence des ensembles : par exemple, l’identité des entropies implique que
les quantités dérivées des potentiels thermodynamiques, comme la pression et
le potentiel chimique, sont les mêmes.
2.6
Le gaz parfait quantique dans l’approximation de Maxwell–Boltzmann en canonique
Traitons à nouveau le gaz parfait, en formulation quantique, mais toujours
dans l’approximation de Maxwell–Boltzmann. Rappelons que cette approximation consiste à autoriser les évènements où deux particules se trouvent dans
Physique statistique (M1) – II. Ensemble canonique
19
le même état quantique exactement mais tient mal compte de l’indiscernabilité
des particules dans ces cas. En pratique, on effectue les calculs comme si les
particules étaient discernables, et l’on divise à la fin par N! pour tenir compte
de l’indiscernabilité.
En canonique, on considére un gaz parfait constitué de N particules de
masse m, enfermées dans un volume V = L3 , et en contact thermique avec un
thermostat à la température T . L’énergie totale n’est pas fixée, donc chaque
particule peut occuper n’importe lequel de ses microétats correspondants aux
vecteurs d’ondes quantifiés :


n
2π  x 
kℓ =
 ny  ,
L
nz
nx , ny , nz ∈ Z,
(2.58)
dont l’énergie est
h̄2 kℓ2
.
(2.59)
2m
Il est clair que les particules forment des sous-systèmes indépendants : l’énergie totale est la somme des énergies partielles, et les microétats accessibles aux
particules forment des ensembles indépendants les uns des autres. Aussi, la
fonction de partition Z du gaz se factorise comme z N , pour des particules
supposées discernables ; et donc, en tenant compte de l’indiscernabilité (approximation de Maxwell–Boltzmann), on obtient
Eℓ =
Z=
où
1 N
z ,
N!
h̄2 kℓ2
X −β
2m
e
z=
(2.60)
(2.61)
kℓ
désigne la fonction de partition d’une particule seulement. La somme sur kℓ
signifie la somme sur tous les vecteurs d’ondes kℓ autorisés par la quantification.
Dans la limite thermodynamique, L → ∞, les kℓ ∝ 1/L sont infiniment rapprochés alors que la fonctionq f (q) = exp[−βh̄2 k 2 /(2m)] possède une échelle
typique de variation fixée : 2m/β/h̄. On peut donc, dans cette limite, approximer la somme par une intégrale :
X
kℓ
−→
Z
d3 k
(2π/L)3
(limite continue).
(2.62)
20
Université Paris VII – Jean-Baptiste Fournier
L’intégrale est un produit de trois intégrales gaussiennes (cf. chapitre I), qui
donne
V
z=
(2π)3
Z
3
dke
−β
h̄2 k 2
2m =
2πm
βh̄2
V
(2π)3
!3/2
=
V
λ3 (T )
,
(2.63)
où λ(T ), qu’on appelle la longueur d’onde thermique de de Broglie, est donnée
par
λ(T ) =
ˆ
2πβh̄2
m
!1/2
.
On arrive donc à
1
Z(T, V, N) =
N!
2.6.1
V
3
λ (T )
(2.64)
!N
.
(2.65)
Pression, potentiel chimique et énergie moyenne
Le potentiel thermodynamique fondamental de l’ensemble canonique, c’està-dire l’énergie libre, se déduit tout de suite de la fonction de partition [en
utilisant la formule de Stirling N! ≃ (N/e)N ] :
!
V
+1 .
F (T, V, N) = −kB T ln Z = −NkB T ln
N λ3 (T )
(2.66)
On retrouve l’équation d’état en calculant la pression :
P =−
∂F (T, V, N)
kB T
=N
.
∂V
V
(2.67)
Le potentiel chimique est donné par
µ=
∂F (T, V, N)
V
= −kB T ln
.
∂N
N λ3
(2.68)
Afin de comparer cette dernière expression avec celle que nous avions obtenue
dans l’ensemble microcanonique, il nous faut calculer l’énergie (moyenne) du
système :
V
∂
∂
ln
ln Z = −N
+1
E=−
∂β
∂β
N λ3 (T )
∂
ln λ(T )
= 3N
∂β
3N
=
.
2β
!
(2.69)
Physique statistique (M1) – II. Ensemble canonique
21
On retrouve bien la relation obtenue en microcanonique : E = 23 NkB T , à la
différence près que E apparaı̂t au lieu de E et que la température T est celle
du thermostat avec lequel le système est en équilibre thermique. Nous pouvons
donc ré-écrire :
!1/2
3πh̄2 N
λ(T ) =
,
(2.70)
m E
qui nous donne
µ = −kB T


ln
m
3πh̄2
3
2
V
N
E
N
!3 
2
,
(2.71)
expression équivalente à celle obtenue dans l’ensemble microcanonique.
2.7
Gaz parfait de particules complexes et entropie “de mélange”
Nous reprenons le gaz parfait, mais dans le formalisme de la mécanique
classique cette fois-ci (afin de maı̂triser les deux approches : quantique et classique). Nous supposons maintenant que les particules possèdent une structure
interne : il peut s’agir par exemple de molécules diatomiques avec des degrés internes de rotation et de vibration, ou bien d’agrégats micellaires de surfactants
dans l’eau. Nous ne détaillerons pas ces degrés internes ; nous nous attacherons
seulement à dégager le concept général d’“entropie de mélange”.
Le gaz étant parfait (sans interactions), les particules forment des soussystèmes indépendants. Nous avons donc
Z=
1 N
z ,
N!
(2.72)
avec en mécanique classique, et par factorisation des fonctions de partitions
associées aux degrés de libreté interne :


z=

Z
p2
−β

d rd p
2m 
e
 × zin .
h3
3
3

(2.73)
La quantité zin est la contribution des degrés de liberté internes, supposés
indépendants les uns des autres et indépendants des degrés translationnels et
cinétiques (relatifs au centre de masse). Le facteur entre parenthèses dans z
est l’écriture classique (par opposition à quantique) de la fonction de partition
individuelle associée aux degrés de liberté de translation. Avec le choix de
la constante de Planck h comme normalisation, l’approche classique donne le
22
Université Paris VII – Jean-Baptiste Fournier
même résultat que l’approche quantique, c’est-à-dire V /λ3 (T ). (Notez que dans
l’approximation de Maxwell-Boltzmann, les résultats ne dépendent pas de la
valeur de h ; il est donc purement esthétique de faire le choix quantique de la
constante de Planck—cela ne sera pas le cas, cependant, dans la statistique
quantique réelle nécessaire à très basse température). Nous arrivons donc à
1 N 1
Z=
V
N!
λ3
N
N
zin
,
(2.74)
puis, en utilisant la formule de Stirling N! ≃ (N/e)N :
Z
=
=
ˆ
1
Ve N
×
N
λ3
Zmix × Zcin
N
N
× zin
× Zin .
(2.75)
Ce choix de séparation des diverses contributions de Z nous permet de ne
laisser dans Zmix que la partie qui dépend de la concentration c = N/V . En
appliquant F = −kB T ln Z on obtient
F = Fmix + Fcin + Fin ,
(2.76)
Fmix = N kB T (ln c − 1) .
(2.77)
avec
Cette quantité est par définition l’énergie libre de mélange, car il n’y a qu’elle
qui varie lorsque l’on mélange deux gaz parfaits de nature différente. En effet,
Fcin et Fin s’expriment comme N fois une fonction dépendant de T —mais ni
de V ni de N. Notez que l’on omet parfois le terme correctif −1 dans Fmix , car
il ne fait que renormaliser Fcin + Fin .
En dérivant −F par rapport à T on obtient S = Smix + Scin + Sin avec
l’entropie de mélange par unité de volume :
Smix
N
= − kB (ln c − 1)
V
V
=
c
−kB c ln .
e
(2.78)
Là encore, on omet souvent le facteur e, car il n’est pas réellement mis en jeu
dans un processus de mélange. On dira que l’entropie de mélange par unité de
volume est
smix = −kB c ln c
(2.79)
On voit immédiatement qu’en mélangeant deux gaz identiques de même concentration (en retirant la paroi qui les sépare), la variation de Smix est nulle (ainsi
par conséquent que la variation totale d’énergie libre). La transformation est
Physique statistique (M1) – II. Ensemble canonique
23
bien réversible : on peut revenir à la situation initiale (identiquement car les
molécules sont indiscernables !) en abaissant simplement la paroi sans effectuer de travail sur le gaz. Par contre, si les particules sont différentes, on voit
facilement qu’il y aura une entropie de mélange non nulle, et, bien sûr, conjointement, il faudrait un travail non nul pour séparer (trier) les molécules.
Le potentiel chimique s’écrit très simplement
µmix =
∂Fmix
= kB T ln c.
∂N
(2.80)
On a donc, en ajoutant les contributions provenant de Fcin et de Fin :
µ = µ0 (T ) + kB T ln c.
(2.81)
• Application : équilibres “chimiques”
On retrouve aisément à partir de cette dernière expression la loi d’équilibre chimique pour les solutions diluées. Le formalisme s’applique aussi aux création/
annihiliation de particules élémentaires, comme e+ + e− ⇀
↽ p+e+ν
↽ 2γ ou n ⇀
(désintégration β). Considérons alors la réaction :
A +B ⇀
↽ AB .
(2.82)
Fixons la concentration cA afin de calculer l’énergie libre partielle correspondante et de la minimiser pour trouver sa valeur d’équilibre. Les concentrations
cB et cAB se déduisent de cA par conservation du nombre total de molécules A
et du nombre total de molécules B : cAB = cA − cA où cA est le nombre total
de molécules A divisé par le volume et, de même, cB = cB − cAB . En traitant
les solutés A, B et AB comme trois gaz parfaits indépendants, nous avons, en
minimisant l’énergie libre totale partielle par rapport à cA afin de déternimer
l’équilibre thermodynamique : 0 = µA + µB − µAB . Comme
µA = µ0A (T ) + kB T ln cA ,
µB = µ0B (T ) + kB T ln cB ,
µAB = µ0AB (T ) + kB T ln cAB ,
(2.83)
(2.84)
(2.85)
on obtient la loi bien connue d’action de masse :
cAB = k cA cB
avec
0
0
(2.86)
0
k(T ) = e−[µAB (T )−µA (T )−µB (T )]/kB T .
(2.87)
24
Université Paris VII – Jean-Baptiste Fournier
2.8
Equipartition classique de l’énergie
En mécanique statistique classique (par opposition à quantique) il existe un
théorème très important dit d’équipartition de l’énergie :
Chaque degré de liberté indépendant quadratique
(classique) a pour énergie moyenne 12 kB T .
Considérons un système classique qui possède parmi ses variables un ensemble
{xα } de N variables qui contribuent quadratiquement à l’énergie :
E=
X
α
1
kα x2α + E ′ ,
2
(2.88)
où E ′ désigne les autres termes énergétiques (non nécessairement quadratiques).
La fonction de partition se factorise en une partie non triviale mettant en
jeu les variables non quadratiques (désignées ci-dessous par . . .), et un produit
d’intégrales gaussiennes sur les {xα } :
Z=
Z
d . . . e−βE
′
Z
−β
dx1 . . . dxN e
X
α
1
kα x2α
Y
2
= Z′
α
2π
βkα
!1/2
. (2.89)
Pour calculer la valeur moyenne de x2α , nous utilisons la même astuce (très
utilisée en physique statistique) que pour le calcul de l’énergie moyenne :
x2α =
1
Z
= −
Z
d . . . e−βE
Z
′
−β
dx1 . . . dxN x2α e
2 1 ∂Z
2 ∂
=−
ln Z.
β Z ∂kα
β ∂kα
Il vient
x2α =
X
γ
1
kγ x2γ
2
(2.90)
βkα
1
1 ∂
ln
=
.
β ∂kα
2π
βkα
(2.91)
1
k
2 α
(2.92)
Ainsi, l’on obtient le résultat :
x2α = 21 kB T.
Physique statistique (M1) – II. Ensemble canonique
2.8.1
25
Equipartition dans l’oscillateur harmonique et le
gaz parfait
• Oscillateur harmonique (à une dimension)
Pour l’oscillateur harmonique quantique, la fonction de partition se calcule
facilement comme une série géométrique :
Z=
X
n
1
−βh̄ω(n + )
e −βh̄ω/2
2 =
e
1 − e −βh̄ω
(2.93)
On trouve alors
∂
βh̄ω
∂
ln Z =
ln 2 sinh
E=−
∂β
∂β
2
!
!
βh̄ω
βh̄ω
= kB T
.
coth
2
2
(2.94)
Nous voyons apparaı̂tre deux régimes :
– A haute température, kB T ≫ h̄ω, l’énergie moyenne est très grande devant la
séparation des niveaux quantiques et nous sommes dans la limite classique ;
l’énergie moyenne tend alors vers kB T . C’est bien ce qu’on aurait trouvé en
classique en comptant 21 kB T pour le degré de liberté p2 /2m et 21 kB T pour le
degré de liberté 12 kx2 .
– A basse température, kB T ≪ h̄ω, l’énergie moyenne tend vers 21 h̄ω car l’oscillateur se bloque dans son état fondamental. Le théorème d’équipartition
est en défaut.
• Gaz parfait
Pour un gaz parfait classique de N particules, nous avons 3N degrés de liberté quadratiques associés aux énergies de translation. Donc, le théorème
d’équipartition nous donne une énergie moyenne E = 32 NkB T . C’est exactement ce que nous avons trouvé précédemment (dans l’ensemble canonique
et dans l’ensemble microcanonique) . . . bien que nous ayons effectué les calculs dans le formalisme quantique. Comme nous le verrons par la suite, c’est
en faisant l’approximation de Maxwell-Boltzmann que nous sommes passés
à côté des effets purement quantiques (qui ne se manifestent qu’à très basse
température).
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