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Au sein du CID notre groupe de recherche est né du désir de chacun de comprendre et de
problématiser des questions et des situations liées à l’interculturel. Une démarche de
réflexion et d’interrogation, une rencontre interdisciplinaire, une ouverture à des références
pluriculturelles impulsent la dynamique du groupe. De nombreux concepts sous-tendus par
celui d’interculturalité ont orienté notre recherche autour de l’ethnicité. En effet, cet objet
nous est apparu à la fois flou et prégnant dans le discours actuel, scientifique, politique et
commun. L’ethnicité est-il un objet conceptuel apte à rendre compte de la réalité des rapports
humains et sociaux dans notre société française ? Les articles que nous proposons, issus de
cette réflexion, s’attachent à présenter un questionnement multiple et pluri-référencé.
Ainsi, dans un premier temps, une enquête historique de l’ethnie situe le contexte sémantique
du terme ethnicité. Il s’agit de montrer comment se dresse dans le champ scientifique toute
une dialectique autour de l’objet ethnicité.
Ensuite, l’appropriation de cet objet permettra de saisir les débats épistémologiques qu’il
suscite dans la recherche actuelle française.
Enfin, nous verrons comment l’ethnicité s’inscrit de manière ambiguë et conflictuelle au
cœur des rapports sociaux marqués par des enjeux de pouvoir.
Yolande ROSALES TORRES,
Doctorante en Sciences de l’Education
Pascale RUFFEL,
Psychologue Interculturel
Fatima OUACHOUR,
Docteur en Histoire
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A R CHEO L O G I E DE L ’ ETHNI E , D I ALECTI Q UE DE L ’ ETHNI CI TE
Actuellement, le concept d’ethnie est, le plus souvent, considéré comme un euphémisme
pour signifier le terme de race. Pour rompre avec cette définition, les chercheurs actuels,
dans le domaine des Sciences Humaines et Sociales, ont remplacé le concept d’ethnie par
celui de d’ethnicité. Ce nouveau concept correspond-t-il à une autre façon de penser
l’altérité ? Pour tenter de répondre à cette question, nous avons orienté notre réflexion, d’une
part, autour d’une enquête historique sur le concept d’ethnie, et d’autre part, autour de la
dialectique du vocabulaire ethnique et du concept d’éthnicité.
LA DIMENSION DE L’ETHNIE : DES SENS MULTIPLES
Dans les acceptions contemporaines, le terme ethnie est généralement admis comme étant
l’héritier direct des termes anciens ethnos, natio, et paganus. Quels rapports ces termes
anciens entretiennent-ils avec le concept actuel d’ethnie ?
D’un point de vue historique, le terme ethnie est rattaché au mot grec ethnos qui est souvent
traduit par le terme de peuple ou d’une société humaine fondée sur la conviction de partager
une même origine et sur une communauté effective de langue et, plus largement, de culture.
Les Grecs opposaient ainsi les ethnê1 et la polis. Les sociétés qui relevaient de leur culture
mais auxquelles manquait l'organisation en cités-États étaient des ethnê. Ainsi, l'ethnos
désignait une population aux institutions mal affirmées, une forme d'organisation sociale
antérieure et inférieure à la polis. Les ethnê étaient en somme les sociétés autres, celles des
Grecs pour ainsi dire « incivils » et celles des « Barbares », qui ne parlaient pas la langue
grecque.
Selon certains chercheurs, le terme a, dès son origine, une valeur sinon péjorative, du moins
problématique : « c'est un vocable qui implique une hiérarchie et qui est connoté par
l'ethnocentrisme qui désigne cette attitude de supériorité culturelle, voire d'égocentrisme
collectif et qui utilise un terme dérivant de la même racine ». Néanmoins, les réponses sont
loin d'être simples, tant les statuts de non-citoyens sont nombreux dans les cités grecques. Ce
qu’il faut retenir est que le terme ethnos désigne une altérité politique, et non des groupes
désignés par leur unité biologique, bien que les mythes sacrés de créations fassent descendre
les membres de l’ethnos d’un ancêtre commun.
Plus tard, dans le vocabulaire judéo-chrétien, ethnos sera traduit par le latin ethnicus qui
désignera les païens, les idolâtres ou adorateur des idoles. Le terme servira aussi à désigner
« les peuples étrangers », et par la suite, il prendra le sens d’un groupe humain homogène.
Ethnie est également rattaché aux termes de natio et paganus. Parfois, ces vocables anciens
sont traduits par les termes de « race, progéniture, espèce, sorte2 », parfois par ceux de
« nation, peuple ». Les sens sont multiples.
Concernant plus particulièrement le terme de paganus, il convient de faire un détour par la
terminologie chrétienne3. Pour Saint-Augustin, le mot paganus employé dans le sens de nonchrétien appartient au langage populaire. Le mot paganus avait alors un sens qui le rendait
sing. ethnos
Omnes ejus gentis nationes : tous les peuples de ce pays. Nationes : les païens, les gentils.
3 Vittorio PORCHIA, Langues et cultures de l'Antiquité, Neuchâtel, 2001
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apte à être utilisé par les chrétiens, puisqu'il pouvait désigner celui qui ne pratiquait pas le
culte impérial. Paganus est l'habitant d'un pagus, c'est-à-dire d'un territoire placé dans des
limites bien déterminées, un village, un district, et même une région. Le paganus est donc un
autochtone et se distingue du colonus, vétéran de l'armée romaine établi sur des terres qui lui
ont été assignées et qui rend, par conséquent, un culte aux divinités romaines selon les rites
officiels. Le paganus, par contre, se contente d'honorer les divinités du pagus. Pour
Tertullien, auteur ancien, le chrétien est le soldat du Christ, celui qui a prêté serment de
fidélité lors du baptême, celui qui est intégré dans la véritable cité de Dieu. Le païen devient
alors son contraire : celui qui est alienus à tout ce que le christianisme représente de sacré
pour ceux qui y adhèrent. Ainsi, lorsque le christianisme devient religion officielle de
l'Empire, l'Empereur peut désigner pagani tous les non-chrétiens. Ainsi, Tertullien écrit Ad
natione et non ad paganus.
D’une manière générale, pour certains historiens antiquisants 4, il faut se garder de traduire
anachroniquement les mots genos, ethnos, phylon en grec, gens et natio en latin, par le terme
français de race ou d’ethnie mais plutôt par le terme de peuple. Le vocable peuple a surtout
une signification politique, puisqu’il désigne l’ensemble des citoyens soumis aux même lois
mais il ne possède pas de sens ethnique 5.
Qu’en est-il alors de l’ethnie ?
CONTEXTE ET AMBIGUÏTE CONCEPTUELLE DE L’ETHNIE
En français, le mot ethnie n’apparaît et rentre dans l'usage de la langue française qu’au
tournant du XIXe siècle6. L'apparition de ce mot, à une époque où l'Europe est dominée par
le phénomène colonial, va influer sur son utilisation et lui donner un sens historique. A cette
époque, le vocable ethnie est souvent un euphémisme pour dire race sans prononcer ce mot.
A cette époque, les définitions du terme ethnie sont assez peu nombreuses et tournent toutes
autour de quelques grandes caractéristiques. Dans l'Essai sur l'inégalité des races humaines,
Joseph-Arthur de Gobineau utilise l'adjectif ethnie de manière ambiguë. Nous observons
justement que chez lui le terme semble, d'un côté, fonctionner comme synonyme de race,
nation ou civilisation ; et de l'autre, se référer au résultat du mélange des races, c'est-à-dire à
une hybridation fatale qui, dans la vision du diplomate français, est destinée à provoquer le
déclin de l'humanité et la fin de l'histoire7.
La même ambiguïté se retrouve chez Georges Vacher de Lapouge, théoricien du racisme, qui
est le premier à introduire dans la langue française le terme et la notion d'ethnie. Dans Les
sélections sociales, il emploie ethnies pour désigner certaines parties de population
racialement homogènes, qui entrent en contact avec d'autres races et cohabitent avec elles
dans la longue durée, finissant de ce fait par en assimiler la langue et la culture. Il tente de
rendre compte de « la séparation de populations racialement homogènes dont les différentes
divisions connaissent des changements divers, entrent en contact avec d'autres races et
finissent, par la cohabitation prolongée avec celles-ci, à leur ressembler davantage, du fait de
la mixité linguistique et culturelle, qu'à la partie initiale dont elles se sont séparées 8 ».
Pierre Salmon, SALMON Pierre : 1984 : Racisme ou refus de la différence dans le monde grécoromain, in Dialogues d’histoire ancienne, n°10, p. 75-91
5 Paul Ansart, ibid.
6 Annamaria RIVERA, Ethnie-Ethnicité, in L’imbroglio ethnique en 14 mots clés, sous la direction de
René GALISSOT, Mondher KILANI, Annamaria RIVERA, Lausanne, 2000, p. 97-115
7 Joseph-Arthur de GOBINEAU, Essai sur l’inégalité des races, 1854
8 Georges Vacher DE LAPOUGE, Les sélections sociales,1896
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4
Par la suite, Georges Montandon reprend les idées de Vacher de Lapouge. Il développe la
notion d’ethnie et la définit comme un groupement naturel comprenant la totalité des
caractéristiques humaines. Membre de la société d’anthropologie française, il publie en 1935
dans l’Ethnie française : « L’ethnie englobe la race9 ».
Même le grand innovateur de la linguistique, Ferdinand de Saussure, se réfère à la
problématique raciale : il propose d'appeler ethnisme ce groupe constitué de populations qui,
tout en étant différentes du point de vue racial, ont en commun la langue, la religion, les
connaissances et la défense.
Ce rapide inventaire des différentes définitions de l'ethnie telles qu'on peut les trouver dans
la littérature anthropologique du XIXème siècle et du début du XXème siècle montre la
grande convergence des positions sur ce thème. A travers les différentes significations
recensées apparaissent un certain nombre de critères communs tels que : la langue, un
espace, des coutumes, des valeurs, un nom, une même ascendance et la conscience qu'ont les
acteurs sociaux d'appartenir à un même groupe. A la fois une cohésion culturelle et
biologique.
Selon la conception classique qui s'exprime, à cette époque, dans les sciences sociales,
l'ethnie (ou groupe ethnique) serait donc une population qui s'auto-reproduit sur le plan
biologique, qui partage des valeurs, des croyances et des institutions culturelles de base, qui
parle la même langue et a la même organisation sociale. Enfin, elle s'identifie elle-même et
est identifiée comme une unité distincte de toutes les autres unités du même ordre.
L'existence de l'ethnie résulterait donc de la coïncidence de ces différents critères. Or, hormis
la proximité de la notion d'ethnie avec celle de race, on voit combien sa définition est
tributaire de la conception de l'Etat-nation, telle qu'elle a pu être élaborée en Europe.
Dés les premières décennies du XXème siècle, cependant un débat souterrain n'a cessé
d'agiter la sociologie et l'anthropologie sur cette question, et nombre de chercheurs ont fait
état de l'inadaptation du concept d'ethnie avec la réalité qu'ils avaient été capables d'observer
sur le terrain.
Dans le domaine de la sociologie, Max Weber 10 a été le premier à attirer l’attention sur le
danger que représentait l'utilisation de la notion d’ethnie en l'absence d'une analyse
historique et sociologique concrète de la conscience qu'un groupe acquiert de lui-même à
une époque et en un lieu donné. Pour lui, ce qui est décisif n'est pas la présence de liens de
sang mais le sentiment d'appartenance. Max Weber nomme ainsi groupes ethniques des
groupes humains qui font preuve d'une croyance subjective dans leur ascendance commune,
à cause de ressemblances dans le type physique, dans les coutumes, ou de souvenirs partagés
dans l'expérience de la colonisation et des migrations. Ainsi l'appartenance ethnique ne
constitue pas un groupe : elle n'a pour effet que d'en faciliter la formation, en particulier dans
le domaine politique11.
La nature symbolique de l’appartenance ethnique sera mise ensuite en avant par
l'anthropologue Siegfried F. Nadel, qui rejette toute conception objectiviste ou essentialiste,
anticipant ainsi le travail de déconstruction auquel s'attellera une partie de l'anthropologie.
Ce chercheur soutient que la tribu n'existe pas en vertu d'une quelconque unité ou
Georges MONTANDON, Pendant la Seconde guerre mondiale, Montandon fera partie du
Commissariat aux questions juives.
10 Max WEBER, Économie et société, Tome 1, Paris, 1922
11 Pour les anthropologues actuels, l'opposition proposée par Max Weber paraît aujourd'hui non
pertinente, « parce qu'il ne considère pas que la parentèle elle-même est un artefact : un idiome social
au travers duquel les acteurs sociaux négocient constamment leurs appartenances et leurs alliances.
Néanmoins, il est important que Max Weber ait souligné la nature parfaitement symbolique de
l'appartenance ethnique. » Mais ce ne sont pas tous les sociologues actuels qui pensent cela.
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ressemblance objective, mais en vertu d'une unité idéologique et d'une ressemblance
acceptée comme un dogme12.
Les années soixante voient arriver une révision critique qui aboutit à la déconstruction du
concept d'ethnie.
Pour l'anthropologue Paul Mercier, par exemple, l'ethnie est un groupe clos, qui descend d'un
ancêtre commun ou qui, d'une manière plus générale, a la même origine ; un groupe qui,
constituant une unité sur le plan politique également, possède une culture homogène et parle
une langue commune. Toutefois, atténuant le risque d'une définition substantialiste, il estime,
comme Siegfried F. Nadel, que le concept d'appartenance ethnique exprime en grande partie
une théorie élaborée par une population donnée, mais il atténue fortement la rigidité de ces
définitions en affirmant que « l'ethnie comme n'importe lequel de ses composants n'est qu'un
segment socio-géographique d'un ensemble plus vaste, et qu'il ne faut pas l'envisager
isolement mais au contraire, la replacer dans l'ensemble d'un paysage, ethnique régional
envisagé dans une perspective historique13 ».
Le concept d’ethnie sera plus radicalement déconstruit par l'anthropologue Frederick Barth,
dont les contributions, à la révision critique, sont, actuellement, considérées comme les plus
importantes. Selon cet anthropologue, les ethnies sont avant tout des catégories de
classement et d'identification. « Les séparations entre les ethnies servent à construire des
schémas d'hétéro et d'auto-identification socialement signifiants. En somme, les frontières
ethniques sont des barrières sémantiques, c'est-à-dire des catégories sociales et des systèmes
de classification, qui rendent possible la définition de soi et des autres, de soi par opposition
aux autres ; et cela non en se fondant sur des caractéristiques culturelles objectives, mais à
travers une comparaison avec les autres, et l'exclusion de ce dernier 14 ». En ce qui concerne
la culture commune présumée être le fondement partagé de l'ethnie, l'anthropologue propose
de ne pas considérer le groupe ethnique comme déterminé par des contenus culturels. Ces
derniers sont à l'inverse utilisés pour construire la frontière, et par conséquent pour construire
la culture du groupe.
Pour cet anthropologue, c'est le point de l'attribution qui est le plus important: « Une
attribution catégorielle est une attribution ethnique si elle classe une personne dans les
termes de son identité la plus fondamentale et la plus générale, identité qu'on peut présumer
être déterminé par son origine et son environnement. Dans la mesure où les acteurs utilisent
des identités ethniques pour se catégoriser eux-mêmes et les autres dans des buts
d'interaction, ils forment des groupes ethniques au sens organisationnel du terme 15 ».
Cette déconstruction aboutit à définir l'ethnie comme une catégorie, un modèle de perception
et de classement cognitif, qui sert à distinguer les autres, parfois pour les stigmatiser, et à se
définir soi-même, parfois pour s'autovaloriser. Ce qui constitue une ethnie, au-delà d'une
quelconque unité généalogique ou culturelle de fait, c'est une idéologie, qui repose sur la
revendication d'une culture commune et spécifique par un groupe ou une collectivité ; c'est la
croyance en une généalogie et en un passé commun, qui se trouvent parfois légitimés au
moyen d'un mythe d'origine racontant comment les membres du groupe descendent d'un
couple primordial ou d'un héros culturel. Selon A. Ch. Taylor16, « l’ethnie n’est rien en soi,
sinon ce qu’en font les uns et les autres. L’ethnie est objet de manipulation et ses dérivés
ambigus ». Aussi, actuellement, rejetant l'idée que l'ethnie est une entité substantielle ou une
Siegfried F. NADEL, The Nuba : An Anthropological Study of the Hill Tribes in Kordofan, London,
1947, voir également du même auteur : Byzance Noire : le royaume des Nupe au Nigeria, Paris, 1942
13 Paul MERCIER, Tradition, changement, histoire, Paris, 1968
14 Frederik BARTH, Les groupes et leurs frontières, Paris,1995, pp. 205-249
15 Frederik BARTH, Les groupes et leurs frontières, Paris,1995, pp. 205-249
16 A.-Ch. TAYLOR, Ethnie in P. Bonte et M. Izard (éd.), Dictionnaire d’anthropologie et d’ethnologie,
Paris,1991, pp. 242-244
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réalité empirique objective, les chercheurs mettent l'accent plutôt sur les processus d'hétéro
et d'auto-identification ethnique, c'est-à-dire sur l'ethnicité.
LE PIEGE DE L’ETHNICITE
Pourtant, l’ethnicité n’est pas plus neutre que l’ethnie. Le concept actuel a été inventé par le
chercheur américain, Lloyd Wagner en 1941 ; il ne possède pas une définition précise.
L’ethnicité est ce qui renvoie à un groupe, c’est la caractéristique commune d’une
communauté culturelle. L’ethnicité englobe le racial.
Peu usité auparavant, le mot se répand rapidement à partir des années 60 et correspond aux
mouvements de revival ethnic, notamment chez les populations Afro-américaines (Black
Panters). L’ethnicité est une forme d’identification et de distinction qui renvoi à un modèle
politique. L’ethnicité correspond à une forme d’idéologie politique à un moment où
l’Amérique ne croit plus au melting pot. En 1975 le mot ethnicity entre dans le vocabulaire
ethnologique.
En France, le terme est introduit à la fin des années 80 dans le champ d’étude des relations
interethniques. L’ethnicité est pensée comme étant propre aux groupes minoritaires.
L’ethnicité renvoie à un contenu objectif et subjectif du groupe. Au départ, il y a une
conception objectiviste de l’ethnicité ; elle est décrite à partir de traits et de critères : histoire,
ancêtres, généalogie, origine commune, lien à un territoire, langue, religion. Un groupe qui
n’aurait qu’un seul de ces critères en commun aurait en fait une ethnicité floue. Cette
approche présente l’ethnicité comme trop statique et débouche sur l’idée d’une préexistence
de l’ethnicité. Les théoriciens pensent que l’ethnicité est une caractéristique des groupes
traditionnels donc permettent une forme d’identification archaïque. La conception
subjectiviste de l’ethnicité permet une forme d’identification, d’appartenance à une
communauté insaisissable.
De très nombreux travaux scientifiques ont largement démontré17 que l'ethnicité est
essentiellement une catégorie construite. C'est un modèle de perception et de classification
cognitive qui recourt à des éléments d'identification, dont le contenu ou le sens accordé à ce
contenu peut changer, pour construire des frontières qui opèrent comme des barrières
sémantiques entre les groupes. Une fois débarrassée des connotations naturalistes, voire
biologiques, l'ethnicité n'apparaît plus comme une réalité primordiale, se nourrissant de ses
catégories et fonctionnant selon sa logique. D'où, selon Annamaria Rivera, « la tendance de
l'ethnicité à être une catégorie manipulée et de manipulation18 ».
Dans tous les cas, le fait d'utiliser cette notion reflète l'instauration d'une division nette entre
la société dont fait partie l'observateur, et qui est considérée comme normale, générale et
universelle, et les groupes ethniques. Ce sont toujours les autres qui sont ethniques, c’est-àdire des groupes ou des cultures qui, s'écartant de la norme sociale et culturelle de la
majorité, sont perçus comme différents. Selon P.J. Simon19, « l'ethnicité est l'humanité des
autres ».
Cependant, le fait que l'ethnicité soit un modèle, une invention ou un critère de classement et
d'auto-identification ne signifie pas pour autant que les catégories définies par elle soient des
cases vides. Selon Epstein, « au contraire, ces catégories sont investies d'une grande charge
BARTH, AMSELLE et M’BOKOLO, POUTIGNAT et STREIFF-FENART, BRETON, MARTINIELLO,
FABIETTI BAYART
18 Annamaria RIVERA, ethnie- ethnicité, in l’imbroglio ethnique, pp. 97-115
19 P.-J. SIMON, Ethnique, groupe ethnique, in Pluriel Recherches, vocabulaire historique et critique
des relations inter-ethniques, cahier n°1, Paris, 1993, p. 51-57
17
7
affective et émotionnelle, et perçues comme des données réelles par ceux qui se
reconnaissent en elles. Bien qu'elle soit une construction idéologique, l'ethnicité n'est pas une
illusion, puisqu'elle a une efficacité sociale20 ».
Tout en étant représentation, l’ethnicité est, selon M. Giraud21, une « partie intégrante de la
réalité sociale où elle est agissante ».
Pour conclure, si l'ethnie et l'ethnicité ne peuvent en aucun cas se concevoir comme des
réalités substantielles ou douées d'une quelconque essence, elles ne sont toutefois pas
réductibles à « des créations artificielles, sans substrat concret, purement imaginaires,
idéologiques ou administratives 22 ». Doit-on poursuivre la déconstruction de ces concepts,
les redéfinir, ou inventer de nouveaux termes en prise avec la réalité actuelle ?
Fatima OUACHOUR
Docteur en Histoire, Université de Nantes
A.L. EPSTEIN, Etnici, gruppi, Rome, 1992, pp. 650-658
M. GIRAUD, Assimilation, pluralisme, double culture, l’ethnicité en question, Paris, 1993, pp. 233-246
22 DE RUDDER, op. cit., p. 42-44
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L’ETHNICITÉ
UN OBJET DE CONTROVERSE DANS LA RECHERCHE FRANÇAISE
Pouvons-nous percevoir l’ethnicité comme un écho des débats sur l’immigration ou encore
comme un succédané de cette question ? Commençons par dire que l’émergence de
l’ethnicité comme objet de discours a quelque chose à voir avec les évolutions affectant les
systèmes démocratiques à un moment de l’histoire où la nature de l’immigration a changé.
La question du traitement de l’étranger, de l’immigré, de l’autre perçu dans sa différence
interroge nos pratiques démocratiques. Aujourd’hui, il devient difficile de penser la diversité,
non seulement dans « l’esprit » de la démocratie, mais aussi dans l’esprit de l’individu luimême. Il se peut que l a production actuelle d’un discours sur l’ethnicité témoigne de notre
rapport problématique à l’identité. Nous ne parlons pas seulement ici de nos modalités
d’appartenance, de notre appartenance inébranlable à un commun, de notre labilité
identificatoire et de la manière dont nous identifions l’autre, mais il s’agit aussi de
comprendre pourquoi aujourd’hui nous nous posons la question de l’identité, et pourquoi
nous la posons sous cette forme et ce langage spécifiques. Dans cette perspective, l’ethnicité
apparaît comme une voie possible de questionnement, comme un palier conceptuel capable
de mobiliser l’attention et les interrogations du chercheur.
Dans cet article, nous nous efforcerons de saisir l’objet ethnicité pour en éprouver son
potentiel heuristique. Nous montrerons que la construction de cet objet soulève un certain
nombre d’obstacles épistémologiques qui ne sont pas sans liens avec la défiance historique
dans notre pays vis-à-vis de ce qui peut évoquer la différence…
DE L’IMMIGRATION A L’ETHNICITE
Le discours tenu sur l’immigration, sur ceux qui participent d’une façon ou d’une autre de
cette expérience, de cette histoire, n’existe que parce qu’il répond à la demande incessante de
penser et/ou de parler « des problèmes » posés par ce fait social à la société. Et chacun sait la
production abondante de discours (savants ou non) que génère cet objet. Comme l’exprime
A. Sayad, se confronter à l’immigration, c’est d’abord se heurter à l’étude d’un objet qui fait
problème. En effet, celui-ci se présente comme « éclaté », divisé par des débats de tous
bords, par des intérêts divergents ; voici un objet qui oblige pour en parler à recourir à de
nombreuses catégories, à faire usage de concepts qui aussitôt sont happés dans la circulation
de la parole et du discours, rendant parfois ardu leur identification et leur compréhension. A.
Sayad précise dans ses propos qu’ : « Une des particularités de la réflexion sociologique sur
l’émigration et sur l’immigration est que cette réflexion se doit d’être aussi et
nécessairement une réflexion sur elle-même. »23 Les problématiques liées à ce champ de
recherche recouvrent dans tous les cas des questions sociales et politiques. Et de fait, le
phénomène migratoire est soumis continûment au politique et aux politiques, imprégné sans
pouvoir toujours se défaire des idéologies qui l’accompagnent. Débats publics, luttes
électorales et médias trouvent là matière à alimenter leurs discours, les uns influant sur les
autres. Dès lors, « l’immigration » apparaît comme un vaste « objet de discours », sous
emprise politique et appelé à se reproduire tant que perdurera sa division entre « puissances
politiques plus qu’entre disciplines et entre intérêts sociaux et politiques divergents à
l’intérieur de chacun des continents que sépare la frontière tracée entre l’émigration et
l’immigration ». Et il faudrait encore ajouter cette réflexion d’A. Sayad : « le phénomène
migratoire ne peut trouver une intelligence totale qu’à la condition que la science renoue les
fils rompus et recompose les morceaux brisés – la science et non la politique, voire la
A. Sayad, La double absence. Des illusions de l’émigré aux souffrances de l’immigré, Ed. du Seuil, 1999, p
16
23
9
science et non pas la politique, voire la science contre l’acharnement que le politique met à
maintenir la division. »24
Depuis quelques années, de nouveaux et importants débats sur les phénomènes liés à
l’immigration se sont constitués. Il semble qu’aujourd’hui le discours (social et scientifique)
se centre davantage sur la question de l’ethnicité, drainant du même coup toute une typologie
des formes ethniques, mais aussi quantité de malentendus. L’heure est à « l’ethnique ». En
témoigne le développement depuis quelques années des réflexions théoriques sur l’ethnicité
et les enquêtes empiriques menées sur ce sujet, mais aussi la diffusion croissante de la
thématique ethnique dans les médias, dans la presse et dans le discours commun.
Rappelons qu’en France, le concept d’ethnicité ne sera adopté vraiment que dans les années
80 et encore par une petite minorité de chercheurs travaillant dans le domaine de
l’immigration. Dans ces années là, les recherches sur les relations ethniques se focalisaient
de façon quasi exclusive sur l’immigration au point de se confondre avec une « sociologie de
l’immigration ». Les sciences sociales françaises s’étaient en effet désintéressées de la
thématique des relations ethniques. Mais, depuis une dizaine d’années, certains travaux de
recherche insistent sur la dimension ethnique des problèmes sociaux et éducatifs qu’ils
s’efforcent d’analyser. L’objet ethnicité gagne peu à peu du terrain dans les sciences
sociales. L’une des raisons tient au fait qu’aujourd’hui ce qui est en train de se substituer à la
question de l’intégration des immigrés et de leur descendance est : « le besoin de
connaissance sur les phénomènes et rapports sociaux s’inscrivant dans la société modifiée et
élargie par l’immigration »25. En effet, à partir des années 80, l’immigration de travail s’est
transformée en immigration de peuplement. Cette mutation a conduit progressivement à
traiter les rapports entre immigrés et société française sous l’angle de « relations
interethniques » plutôt que sous l’angle de l’ « immigration » et à travers le prisme de
l’intégration. Il aura donc fallu attendre la fin des années quatre-vingt et le début des années
quatre-vingt-dix pour voir apparaître des articles, des travaux faisant émerger la question de
l’ethnicité, et en particulier dans le domaine des relations ethniques. Celui-ci, selon J. StreiffFenart « n’est pas l’étude des rapports entre des « ethnies » ou des rapports entre les
cultures dont elles seraient porteuses, mais l’analyse de la production sociale de la
différence ethnique et culturelle elle-même et des processus socio-historiques dans lesquels
s’enracinent les conflits et les relations de domination entre les groupes »26.
Il s’ensuit que l’ethnicité se présente comme un « objet interethnique », relativement
indéterminé, mais qui commence à être pris au sérieux dans la communauté scientifique.
Toutefois, sa reconnaissance, sa légitimité sont loin d’être acquises. D’autant plus, souligne
J. Streiff-Fenart, que la notion d’ethnicité prend place dans « un champ où la circulation
entre notions de sens commun et concepts scientifiques est particulièrement intense »27, dans
un domaine (la recherche interethnique) qui, s’il tend à se développer et à consolider sa
légitimité scientifique, souffre aussi de l’absence d’une tradition de recherche.
DE QUELQUES OBSTACLES EPISTEMOLOGIQUES…
Pourquoi cette résistance de la recherche française à reconnaître l’ethnicité ?
Plusieurs raisons plus ou moins liées les unes aux autres expliquent la marginalité de ce
concept :
A. Sayad, Ibid, p 14
V. De Rudder (sous la dir. de), Jeunes issus de l’immigration. De l’école à l’emploi, Paris, l’harmattan,
1997, p 35
26 J. Streiff-Fenart, « Les recherches interethniques en France : le renouveau ? in MigrantsFormation, n°109, juin 1997, p 48.
27 J. Streiff-Fenart, ibid. p 62.
24
25
10
-
pour certains chercheurs et en raison de sa filiation avec « ethnie » et
« ethnique », son utilisation constituerait une tentative d’actualiser les théories
raciales et racistes du siècle dernier ainsi que les conceptions substantielles de la
culture qui lui ont succédé. En France notamment, l’ethnicité est encore très
souvent perçu comme un euphémisme pour race. Nous serions donc davantage
confrontés à une arme idéologique avec tous les dangers qu’elle comporte plutôt
qu’à un concept scientifique.
-
Pour d’autres, ce concept serait un construit (plus ou moins idéologique), une
invention américaine propre à saisir les relations entre groupes dans une société
pluri-ethnique où domine le modèle multiculturaliste et où se font visibles les
revendications et les solidarités communautaires. Rappelons que l’invention du
mot ethnicité coïncide avec l’émergence et la construction de groupes ethniques
comme groupes d’intérêt sur la scène politique américaine. C’est donc là un
contexte très éloigné du contexte français. Un tel concept serait en fait
inopératoire et inadaptable à la recherche française.
-
Autre facteur : la tradition jacobine est prégnante dans le monde universitaire et
dans la constitution des sciences sociales. Celle-ci s’oppose à l’expression des
particularismes, lesquels constituent une menace pour l’unité nationale. Selon
Eléni Varikas, l’ethnicité « est impensable aujourd’hui en dehors du contexte et
de l’histoire de la souveraineté nationale et des empires, des rapports de force
qu’elle suppose, et de ses présupposés implicites. Le présupposé qui situe
l’ethnicité du côté du particularisme, par rapport à la nation qui, elle, est
l’expression de l’universel ».28 J. Streiff-Fenart soulignera pour sa part, que
l’obstacle au développement des recherches sur l’ethnicité et les minorités tient à
la difficulté de penser la définition des appartenances en dehors du seul espace
socialement légitime que représente le cadre national.
Il apparaît que l’ethnicité en France est à mettre en rapport avec les phénomènes induits par
la stabilisation en France des populations issues de l’immigration. La stabilisation de ces
groupes humains a modifié l’ordre national et la société entière, modifiant du même coup la
nature des rapports entre ces populations et la société globale, mais aussi la nature des
rapports de ces populations avec leurs pays d’origine, avec le temps, avec les autres et euxmêmes, etc. Nous sommes sans doute à un moment où se brouillent les identifications, à un
moment où le modèle républicain d’intégration n’offre plus guère de sens pour certaines
franges de la population. Par ailleurs, il n’est pas étonnant si l’action de l’Etat, après s’être
longtemps focalisée sur l’intégration des populations immigrées, requalifie aujourd’hui son
action en lutte contre les discriminations au sens large et en particulier ethniques.29
Il faut noter que l’émergence de l’ethnicité concourt également avec la remise en cause des
modes de pensée et des catégories d’analyse des faits migratoires. Pendant longtemps,
l’appareil statistique français s’est trouvé en difficulté pour mesurer les phénomènes
ethniques. Mais depuis quelques années, des spécialistes en science politique et en
démographie ont remis en cause les modes de pensée et les catégories d’analyse des faits
migratoires. Avec la publication de l’enquête de l’INED en 1992 sur la « Mobilité
géographique et (l’) insertion sociale (MGIS) de populations immigrées ou d’ascendance
Eleni Varikas, « Sentiment national, genre et ethnicité » in Tumultes, n°11, 1998, p 94
Cf l’article de F. Lorcerie, « La lutte contre les discriminations ou l’intégration requalifiée »in VEI
enjeux, n°121-juin 2000.
Rappelons également la reconnaissance officielle de l’existence des discriminations ethniques par le
gouvernement à l’automne 1998. Ce qui ne signifie pas que cette lutte soit effective dans les faits et
du point de vue juridique…
28
29
11
immigrée réalisée par la sociodémographe Michèle Tribalat 30 et ses collaborateurs, on sort
des analyses globalisantes et insuffisantes du système statistique français. Pour la première
fois, une enquête conduite par des organismes publics (l’INED et L’INSEE) introduit à côté
de la catégorie d’étranger la catégorie des personnes « d’origine étrangère ». Ainsi, on ne
mélange plus la catégorie d’ « immigré » avec celle d’ « étranger ». Distinguer ces
populations suivant leurs origines à été vivement critiqué car soupçonné d’être peu
« républicain », voire raciste. On s’interroge sur les effets de réification et de « fixation » des
groupes ethniques. On redoute exprimera V. De Rudder « l’enfermement des individus dans
une « identité » labellisée en fonction de leurs « origines »… »31 G. Noiriel, quant à lui
affirmera, sans ambages : « c’est le tabou sur les origines qui a conduit à parler en France
d’« immigration » plutôt que d’ « ethnicité ».32
Mais qu’en est-il du silence qui couvre les catégorisations spontanées, « ethnistes », voire
racistes, qu’en est-il des formes de discrimination, de ségrégation qui se déploient
aujourd’hui dans la société ? Toute recherche qui s’attache à identifier, à analyser et à
comprendre les phénomènes ethniques est confrontée au problème que pose les catégories
utilisées pour nommer ceux dont on parle sans les désigner, sans contribuer à les catégoriser
ou à les classifier. Sur ce sujet, V. De Rudder s’exprime ainsi : « De fait, et quelle qu’en soit
la validité ou la nécessité scientifique, la distinction catégorielle des Français selon leur
« origine » participe de l’ethnicisation des rapports sociaux, dans le même temps qu’elle est
censée pouvoir en rendre compte ».33
Cela étant, l’un des intérêts de cette enquête et non des moindres, est d’avoir suscité « une
réflexion sur les procédures instituées de catégorisation et de classification de l’altérité ». 34
Une réflexion sans doute nécessaire, à la fois pour dévoiler les présupposés sur lesquels se
fondent les taxinomies en vigueur actuellement en France, mais aussi pour mettre au jour les
enjeux impliqués par la transcription de l’ethnicité en catégorie statistique. On le voit,
l’ethnicité s’inscrit dans des conflits, des oppositions et des tensions qui reflètent toute la
difficulté à penser une définition commune tout comme à élaborer une problématique plus
scientifique que politique ou du moins une problématique qui ne soit pas subordonnée à la
pression des faits et des débats idéologiques qui l’ont engendrée. Certains termes sont le lieu
d’enjeux et exercent une sorte de pouvoir, celui de faire croire et d’imposer des modes de
perception. En ce sens, ils risquent toujours d’être instrumentalisés. Ces propos d’A. Sayad,
bien qu’ils se réfèrent au processus d’intégration apparaissent tout à fait pertinents dès qu’il
s’agit de problématiser des phénomènes découlant de l’immigration : « Tout se passe comme
si, ayant à nommer le même processus dans des contextes sociaux et aussi mentaux
différents, chaque époque avait besoin de se donner sa propre taxinomie. Outre que des
variations extérieures pèsent sur le système des dénominations, celles-ci s’usent très vite, se
démodent, se chargent de significations parasitaires ou de connotations trop précisément
localisées et (…) perdent de leur rendement social et politique ».35
Force est de constater que l’ethnicité est tantôt considérée et utilisée comme catégorie
« statistique » ou comme catégorie d’analyse, tantôt appréhendée comme un concept36
difficile à cerner tant il est soumis à une variété d’interprétations, de définitions et tant il
M. Tribalat, De l’immigration à l’assimilation. Enquête sur les populations d’origine étrangère en France,
Paris, La Découverte, 1996.
31 V. De Rudder (sous la dir. de), op. cit., p 23.
32 G. Noiriel, « Difficulties en french historical research on immigration », in Horowitz, D. L. and G.
Noiriel, Immigrants in two Democraties, New York, University Press, 1992.
33 V. De Rudder, op, cit., p 35
34 J. Streiff, op, cit., p 59
35 A. Sayad, op. cit., p 309
36 Rappelons que des propositions théoriques concernant l’ethnicité font l’objet des ouvrages de P.
Poutignat et J. Streiff-Fénart, Théories de l’ethnicité, Paris, PUF, 1995 et M. Martiniello, L’ethnicité
dans les Sciences Sociales contemporaines, Paris, PUF, 1995.
30
12
recouvre une somme de processus complexes. Le recours à ce terme divise la communauté
scientifique et contribue à renforcer les clivages théoriques et idéologiques. Depuis une
dizaine d’années, J.P Payet à propos de ses recherches sur l’école fait usage de la catégorie
de l’ethnicité pour parler des modes de structuration des rapports socio-ethniques dans
l’espace scolaire. Voici sa position quant à l’usage de cette catégorie :
« D’aucuns, et non des moindres, accusent le chercheur de fabriquer l’ethnicité, d’imposer
au débat français des catégories qui lui sont étrangères. A notre sens, le risque serait plus
grand d’ignorer une catégorie aussi prégnante dans le monde ordinaire, celui des usagers,
mais aussi celui des agents des institutions, dans le cours quotidien de leur action. Se pose
alors la question de ce qu’en fait le chercheur. S’il s’agit d’authentifier une catégorie
ordinaire, de la réifier, nous souscrivons entièrement à la critique. S’il s’agit de décrire et
de comprendre comment cette catégorie est utilisée, à quelles fins et par qui, d’analyser son
caractère complexe, tantôt stigmatisant tantôt requalifiant, alors le chercheur ne dévie pas
de sa mission. »37
J.P Payet montre que dans l’univers scolaire, l’ethnicité est une catégorie inscrite dans le
langage, prompte à circuler, en particulier dans les interactions entre les agents scolaires et
les publics immigrés ou issus de l’immigration. 38
Avant de poursuivre, faisons une parenthèse sur la question des rapports ethnicité/école. 39 Il
est en effet remarquable que l’ethnicité en France ait fait « parler » d’elle dans un lieu aussi
emblématique que l’école : une Ecole laïque, républicaine, postulant l’égalité universelle et
rejetant tout particularisme. En effet, des chercheurs en sociologie de l’éducation tels que J.
P Payet, E. Debardieux, J. Favre-Perroton ont mis en évidence le construit social de
l’ethnicité : « Il s’agit plutôt de montrer comment le monde scolaire est devenu perméable à
un discours ethnicisant »40, dira Debardieux qui en étudiant les phénomènes de violence à
l’école, met en lumière l’existence de processus de stigmatisation, de désignation et de
définition des frontières entre les groupes, tant du coté des élèves que des enseignants. Selon
ce même chercheur, l’ethnicité apparaît comme un processus actif qui permet d’organiser les
identités et les interactions : « l’ethnicité est traçage et maintien de la frontière par les
« eux » qui sont désignés et s’autodésignent, aussi bien que par les « nous » qui désignent et,
désignant, se définissent ».41 Pour Payet, la catégorie de l’ethnicité est instable, elle se joue
dans un double mouvement de surdétermination et d'invisibilisation. Elle permet de saisir
dans l’espace scolaire « la tension et l’imbrication des références, qui tour à tour, soulignent
et occultent l’origine ethnique du public ».42 Pour Favre-Perroton, l’émergence de l’ethnicité
dans l’Ecole est le signe d’une tendance et d’une difficulté pour les enseignants à interpréter
les problèmes de niveau ou de discipline scolaires autrement qu’en termes ethniques.
L’ethnicité peut constituer également pour les élèves un point d’appui à la résistance scolaire
face aux enseignants comme se transformer en racisme entre élèves. On le voit, le discours
ethnique ou ethnicisé essaie de se frayer un chemin au sein d’une école où peut s’éprouver à
chaque instant la confrontation parfois inquiétante avec l’étrangeté de l’autre. En ce sens la
différence ethnicisée pose à tout idéal démocratique un problème de justice, d’égalité.
Dans le contexte de l’école, l’ethnicité se présente comme un instrument d’analyse, comme
un concept opératoire dont la mission est d’étudier les processus d’attributions ethniques
dans les microsituations où se négocient les attributions d’identité. C’est bien là un objet qui
J.P Payet, « Mixité et ségrégation dans l’école urbaine », in Hommes et Migrations, n°1217 ; 1999, p
42
38 Cf, J.P Payet, Collèges de banlieue. Ethnographie d’un monde scolaire, A. Colin, 1995
39 La question des rapports entre ethnicité et école, mériterait à elle seule un long développement…
40 E. Debardieux et l. Tichit, Coordonné par B Charlot et J. C Emin, Violence à l’école. Etat des savoirs,
Armand Colin, 1997, p 158
41 E. Debardieux et l. Tichit, op. cit., p 158
42 J. P Payet, « Civilité et ethnicité dans les collèges de banlieue : enjeux, résistances et dérives d’une
action scolaire territorialisée » in La revue française de pédagogie, n°101, 1992
37
13
sert à penser ce qui se construit de frontières mouvantes et multiples entre les « eux » et les
« nous », ce qui se joue comme jeu du « dedans-dehors », d’exclusion-inclusion. Fermons
cette parenthèse en disant que la question de l’ethnicité interroge les processus inégalitaires
et conflictuels en jeu dans un contexte qui ouvre à nouveau le dossier de ce qui fait obstacle
à la démocratisation scolaire, eu égard aux inégalités de scolarisation, aux inégalités d’accès
aux savoirs, aux inégalités sociales qui s’y jouent en particulier pour une partie des familles
de milieu populaire et/ou immigré. 43
Par ailleurs, en dehors de la production scientifique, l’ethnicité fait aussi son entrée dans la
presse écrite. Dans un article du Monde, « Sciences-Po à l’heure de la discrimination
justifiée » », un journaliste en fait usage comme catégorie d’analyse des faits sociaux : « En
France, le « jeu de montré-caché de l’ethnicité », selon l’expression des sociologues V. De
Rudder, C. Poiret et F. Vourc’h (…) a ses inconvénients : l’occultation totale des différences
finit par les exacerber et l’hypocrisie de normes ciblant des populations que l’on se refuse à
désigner explicitement tend à les affaiblir ».44 Notons que l’usage de cette catégorie dans la
presse, sous couvert de validité scientifique (références aux sociologues) s’impose comme
allant de soi. De fait la diffusion médiatique de ce terme tend à le présenter comme une sorte
d’objet nébuleux, détaché du terrain de la connaissance scientifique et de toute recherche
empirique. Pour d’autres encore, le vocable ethnicité sert à déguiser la réalité des rapports
sociaux de domination ; c’est un vocable pris dans un jeu de définitions floues se substituant
les unes aux autres ; une catégorie de perception imposée par la « novlangue américaine » :
« Dans tous les pays avancés, patrons et hauts fonctionnaires internationaux, intellectuels
médiatiques et journalistes de haute volée se sont mis de concert à parler une étrange
novlangue dont le vocabulaire, apparemment surgi de nulle part, est dans toutes les
bouches : (…) « communautarisme », « multiculturalisme » et leurs cousins
« postmodernes », « ethnicité », « minorité », « identité », « fragmentation »». 45
Au terme de cette réflexion, deux points conclusifs apparaissent. Premièrement, il ressort
qu’appréhender l’ethnicité, conduit à prendre en compte ses dimensions anthropologiques,
psychologiques, sociologiques et politiques combinées, d’où son caractère complexe et
transdisciplinaire. Sur ce sujet, faut-il considérer l’ethnicité comme un nouveau phénomène,
ou plutôt comme une nouvelle grille d’analyse susceptible de dévoiler des phénomènes
longtemps occultés, et plus encore, avons-nous affaire à un nouveau paradigme comme le
suggèrent P. Poutignat et J. Streiff-Fenart ? Toujours est-il qu’il existe une réticence dans les
sciences sociales françaises à adopter l’ethnicité comme concept et catégorie d’analyse.
Précisons aussi que les recherches consacrées à cet objet récusent la dimension essentialiste
de l’ethnicité. Cet objet suscite pourtant bien des débats et permet selon Poutignat et StreiffFenart de mettre au jour un tournant vers de nouvelles questions théoriques et empiriques en
sciences sociales. La vertu heuristique de cet objet pourrait bien tenir à ce qu’il autorise la
mise en relation de phénomènes jusque là considérés comme tabou, à ce qu’il autorise de
nouvelles (ré)interrogations sur des vocables, (race, ethnie, nation, identité…) sur des idées
qu’il faut réexaminer à la lumière des transformations de nos sociétés et en remontant dans
l’histoire de ces mots pour comprendre pourquoi les choses sont comme elles sont
aujourd’hui. Au fond l’ethnicité est peut-être aussi une autre façon de discourir sur la
question migratoire, une nouvelle façon de revisiter les phénomènes qui en découlent et qui
nous interpellent dans un monde qui change et dans lequel il nous faut vivre ensemble.
L’ethnicité comme objet de recherche permet d’interroger et de ne pas oublier la place
importante et parfois dramatique qu’a pris « l’ethnique » dans les sociétés contemporaines…
Le défi est bien de trouver des outils conceptuels et appropriés pour analyser la pertinence
Précisions ici que l’école, tout en assurant la reproduction de la domination sociale, a
incontestablement contribué à la promotion d’une partie des classes populaires, en conférant toute sa
légitimité au principe d’égalité des chances.
44 Philippe Bernard, Le Monde, le 27/04/2001
45 Pierre Bourdieu et Loïc Wacquant, « « L’Amérique dans les têtes ». La nouvelle vulgate
planétaire. », Le Monde diplomatique, mai 2000
43
14
sociale des phénomènes ethniques, tout en s’interrogeant sur les effets sociaux qu’ils
produisent.
Deuxièmement, On ne peut que souligner les rapports de force dans lesquels émerge cette
catégorie, ni faire abstraction des enjeux politiques et théoriques auxquels elle renvoie. De
même l’ethnicité ne peut être pensée sans une réflexion sur les processus d’ethnicisation des
rapports sociaux. Ethnicité et ethnicisation, ne sont-ils pas inséparables ? Debardieux et
Tichit proposent d’employer le terme d’ethnicisation plutôt que d’ethnicité parce qu’il
permet de capturer la dimension temporelle et dynamique des processus et évite de penser un
« état ethnique » reçu passivement. « L’ethnicité est construction en cours, chemin et non
point d’arrivée. Elle est donc nécessairement toujours incomplète, labile, provisoire ».46 Elle
apparaît dans tous les cas comme le signe d’une difficulté à penser la définition de soi et des
autres, des autres par rapport à soi dans un monde remodelé par les mobilités humaines.
Yolande ROSALES TORRES
Doctorante en Sciences de l’Education
Université Paris VIII
46
E. Debardieux et l. Tichit, op, cit., 158
15
LES PARADOXES DE L'ETHNICITE
Depuis quelques années, le terme d'ethnicité s'est peu à peu imposé dans le discours
dominant sur les questions d'interculturalité, mais aussi de délinquance et de banlieue. Issu
du discours médiatique et politique, il est devenu incontournable dans les sciences sociales,
soit pour l'adopter, soit pour le critiquer. Beaucoup de scientifiques notamment français le
considèrent non seulement inapte à rendre compte des phénomènes sociaux, mais aussi
dangereux pour son risque de dérive aliénante. Néanmoins, son succès nous interroge.
Pourquoi depuis les années 1980, 1990, semble t-on privilégier une lecture des phénomènes
sociaux en terme d'ethnicité ? L'ethnicité n'est-elle qu'un fantasme, une création des
dominants envers les dominés, une recherche illusoire de parenté par les dominés ? Est-elle
une réalité dans une France que d'aucuns appellent pluriethnique, un repère identitaire pour
des populations différentes culturellement ? Ce sont ces questions complexes et paradoxales
que nous nous proposons d'explorer dans cet article.
LA REGENERESCENCE DU VOCABLE ETHNIQUE
D'emblée, il apparaît périlleux de définir le terme d'ethnicité. Nous remarquons que
s'il existe des efforts de conceptualisation du mot (voir l'article de Fatima OUACHOUR), il
est le plus souvent utilisé comme allant de soi. Il nous semble qu'il est souvent entendu
comme l'expression de la dimension ethnique, voire l'affirmation plus ou moins
revendicatrice d'une identité ethnique. A. RIVERA définit l'ethnicité en termes de
"processus d'hétéro et d'auto-identification ethnique"47. L'ethnicité est toujours définie en
référence à l'ethnie. Or, ce terme-même d'ethnie porte à débat. L'ethnie semble représentée
comme une réalité immuable, transmise par la naissance. On dira par exemple que telle
personne appartient à telle ethnie et ceci est censé expliquer ses représentations et son
comportement. L'appartenance ethnique s'imposerait aux groupes et aux sujets sans
dynamique particulière. L'ethnie apparaît comme relevant de l'archaïque, s'opposerait à la
modernité. A ce propos, il est intéressant de noter l'apparition du terme ethnique dans le
langage commercial pour désigner des objets d'apparence exotique, traditionnelle souvent
patinés par le temps. En ce sens, on repère bien la filiation coloniale de ce terme. Il est en
effet très rarement employé pour désigner des groupes occidentaux. Selon BALIBAR et
WALLERSTEIN, l'ethnie serait en fait liée à la notion de race plus biologisante et à la
notion de nation qui suppose une organisation politique à l'européenne. Parler en termes
d'ethnie introduirait la dimension culturelle ce que n'induit pas la race. Mais en même temps
elle apparaît hiérarchiquement inférieure à l'Etat-nation et révèle, en ce sens, la pensée
coloniale. Ainsi, l'ethnie serait-elle une version quelque peu édulcorée de la race. Elle
associerait la dimension raciale et des éléments culturels considérés comme inférieurs à ceux
qui organisent les sociétés occidentales. Ce retour de la dimension raciale dans la
représentation de l'autre ne peut que nous interroger. On observe ainsi "un usage euphémique
du vocable "ethnie" qui sert à faire allusion aux races sans les nommer et à contourner ainsi
l'interdit qui pèse - du moins dans certains pays européens et dans certains milieux - sur
l'utilisation des catégories raciales dans le langage". 48
Enfin, il convient de préciser qu'en aucun cas les ethnies seraient une donnée
immuable, tant au niveau de leur production que de leur destinée. Ainsi, beaucoup d'ethnies
africaines sont-elles un produit du colonialisme49. Par exemple, JL AMSELLE et Elikia
M'BOKOLO50 montrent que la plupart des ethnies africaines sont des constructions
47
RIVERA A. Ethnie, ethnicité in L'imbroglio ethnique en quatorze mots-clés, p.105
RIVERA A. op cit, p.98
49
AMSELLE JL & M'BOKOLO E. Au coeur de l'ethnie, Maspero, 2000
50
AMSELLE JL & M'BOKOLO E. Au coeur de l'ethnie, Maspero, 2000.
48
16
historiques récentes, dont la culture est toujours métissée et dont la dénomination provient
des dénominations coloniales. Pour Frederik BARTHES51, les définitions et frontières des
ethnies se construisent et se reconstruisent dans une interaction permanente entre groupes ;
elles ne procèdent pas d'une logique interne. Les définitions de l'ethnie52 renvoient à une idée
de territoire, d'histoire, de langue et de coutumes communes, à la conscience d'appartenir à
un même groupe fondée sur "la croyance en des ancêtres communs, réels ou putatifs" 53. Ses
liens avec la notion de culture sont ténus mais les deux termes ne se recouvrent pas.En ce
sens, l'ethnie apparaît comme une construction arbitraire, mais néanmoins réelle. Elle est
réelle car dotée d'une grande efficacité sociale, de plus cette catégorisation est investie d'une
grande charge affective. En ce sens, elle doit être considérée avec circonspection et plus
encore son utilisation via l'ethnicisation des rapports sociaux.
ETHNICITE ET RAPPORTS DE DOMINATION
L'emploi du mot ethnicité semble signifier que l'on considère notre société comme
composée de groupes ethniques. Cette appartenance serait associée à une culture comprise
comme un attribut dont on ne peut se déprendre et qui expliquerait bon nombre de nos
attitudes, comportements et croyances. Ceci peut amener à la valorisation des approches
essentialistes et culturalistes. L'autre devient essentiellement sujet culturel et au nom de cette
différence, on se doit de respecter ses us et coutumes (Bien sûr, cette approche peut aussi
engendrer la xénophobie et le racisme). Cette conception est quelque peu idéaliste, elle tend
à omettre que la différence est toujours comprise dans un contexte économique, social et
politique et que, de ce fait, il n'existe pas de différence qui ne soit hiérarchisée. Du coup,
certaines formes de tolérance peuvent-elles finir par paraître suspectes tant elles postulent
l'impossible communication inter humaine au nom du principe du relativisme culturel. On
peut alors considérer que l'ethnicité est une conception incluse dans des logiques de pouvoir
servant à reproduire des rapports inégalitaires. Elle assigne l'autre à une place ethnicisée pour
mieux masquer les rapports de domination. Il devient dès lors intéressant de comprendre les
raisons du succès de ce mot bien flou dans la littérature scientifique et dans les médias
français depuis environ dix ans. Dans les pays anglo-saxons, il est d'usage courant depuis
plus longtemps, les années soixante (Il a notamment été utilisé pour évoquer le mouvement
politique des droits civiques, puis celui des revendications du pouvoir noir aux Etats-Unis).
En effet, la différence ethnique étant considérée comme naturelle, l'idéologie nationale
américaine "se représente la formation du peuple américain comme le creuset d'une nouvelle
race, mais aussi comme une combinaison hiérarchique de différents apports ethniques"54. La
"nation française" s'est, quant à elle, constituée sur le rejet des particularismes régionaux
notamment linguistiques. La communauté linguistique constituant le ciment de la "nation
française". Or, Etienne BALIBAR montre que l'ethnicité est produite par deux voies : la
langue et la race ; le plus souvent, elles sont associées et définissent les contours stricts d'un
peuple ; de ce fait, l'ethnicité apparaît comme allant de soi, comme naturelle. La société
française d'aujourd'hui ne peut plus se référer à ces déterminants simplistes. La population
est de plus en plus métissée, la couleur de peau et l'expression dans une autre langue que le
français se trouvent de plus en plus souvent déconnectés. Certains repères se brouillent en
insécurisant sur le rapport à l'autre et à soi-même. Aussi, l'introduction massive du mot
ethnicité semble signer une rupture dans la considération de soi et des autres. Il souligne que
le fait de parler une même langue ne constitue plus un seuil suffisant pour appartenir au
peuple français. L'introduction du mot ethnicité dans les médias français en pointerait plus
particulièrement la dimension raciale ; il traduirait le lien entre ethnicité et visibilité sociale,
51
BARTHES F. Les groupes ethniques et leurs fontières, 1969.
Voir Sciences Humaines, N°110, nov. 2000, N° spécial "Cultures".
53
JUTEAU D. L'ethnicité et ses frontières PUM, 1999, p.178.
54
BALIBAR E & WALLERSTEIN I Race, nation, classe, les identités ambiguës. Ed. la découverte, 1990, p.136.
52
17
il réintroduirait la composante physique dans la hiérarchie entre Français. Bien entendu,
"toutes sortes de traits somatiques ou psychologiques, visibles ou invisibles, sont
susceptibles de servir à constituer la fiction d'une identité raciale, donc à figurer des
différences naturelles et héréditaires entre des groupes sociaux"55, cependant la
représentation de ces traits comme caractéristiques, innés et déterminants fige les individus
et les groupes dans une surdétermination influençant les échanges les plus quotidiens. Alors
que les biologistes et les anthropologues ont démontré depuis longtemps l'absurdité
scientifique de la répartition des humains en termes de races. On voit bel et bien réapparaître
cette même hiérarchisation qui assigne le "Black" à être "cool" et bon danseur…. Sous
couvert de culture et d'ethnicité, on reproduit des rapports de domination issus du
colonialisme. Les banlieues deviennent des territoires ethniques, les nouveaux espaces
exotiques où les rapports sociaux sont analysés sous l'angle ethnique et rarement sous celui
des rapports de domination sociale, politique, économique et aussi culturelle. C'est lorsque
les frontières entre l'autre et soi se brouillent que l'on a recours à des catégorisations
simplistes qui enferment la pensée sur les rapports sociaux. Il est à noter que cette lecture
ethniciste peut être favorisée aussi bien par les dominants que par les dominés. En effet, ces
derniers évitent de ce fait la confrontation avec la réalité de leur position et la démonstration
des moyens dérisoires qu'ils mettent en œuvre pour se défendre de l'oppression.
Ainsi, le processus qui vise à considérer les relations humaines à l'aune de l'idéologie
ethniciste tend-elle à clore les groupes artificiellement produits sur eux-mêmes, avec une
représentation souvent négative de l'ethnie désignée. En effet, en France, l'ethnicité est
employée pour évoquer l'expression des minorités culturelles et économiques ; on utilise peu
l'expression ethnicité française. La spécificité culturelle du groupe dominant passe inaperçue
parce qu'on la conçoit comme une norme incarnant l'universalité tandis que la spécificité
culturelle des minoritaires devient particularisme et exotisme. Les majoritaires n'accordent
pas aux minoritaires la liberté de définir leurs propres vies en fonction de leurs trajectoires
personnelles et du sens de leur histoire. Ils perçoivent les minoritaires en termes d'attributs
essentialistes plutôt que d'histoire"56
Toutefois, il est à noter que dans ce jeu complexe entre les différents groupes
sociaux, on voit apparaître depuis quelques temps "une ethnicisation de la conscience
nationale" comme le dénonce Madeleine REBERIOUX57. En effet, dans le discours commun
et dans certains médias, il est question d'ethnie française, l'idée permet de différencier les
"Français de souche", les "Gaulois", les "BBR (bleu blanc rouge)" des autres Français plus
basanés. Au delà du projet ethnocentriste, voire xénophobe véhiculé par ces appellations, on
voit se dessiner une représentation aussi erronée qu'idéalisée d'un peuple pur et homogène,
faisant fi de l'histoire métissée des Français et des valeurs républicaines. 58 Il s'agit bien de
dresser des lignes de démarcation dans un environnement qui paradoxalement en montre
l'inaptitude à rendre compte des phénomènes sociaux. Par exemple, de nombreux
scientifiques ont démontré depuis longtemps le peu de validité de la notion de seuil de
tolérance59, néanmoins on observe des pratiques issues de cette conception se perpétuer dans
les politiques d'attribution des logements sociaux, de recrutement au travail ou de
constitution des classes à l'école. Ce besoin de délimiter, séparer, catégoriser s'accroît alors
même que ces catégories apparaissent à certains égards inefficaces et obsolètes.
ETHNICITE ET MODERNITE
55
BALIBAR E & WALLERSTEIN I Race, nation, classe, les identités ambiguës. Ed. la découverte, 1990, p.135.
JUTEAU D. L'ethnicité et ses frontières. PUM, 1999, p.182.
57
Historienne, présidente de la Ligue des Droits de l'Homme
58
Voir l'article de VIEILLARD-BARON H. De l'origine de l'ethnie aux fabrications ethniques en banlieue in Migrantsformation, N°109, juin 1997, p.39.
59
Idem
56
18
L'ethnicité apparaît bel et bien comme une production sociale que l'on voudrait
absolument montrée comme inéluctable. Pourquoi en est-il ainsi ? En quoi l'introduction de
ce mot dans le contexte français depuis une décennie est-il porteur de sens ?
Nous remarquons qu'ethnicité se trouve régulièrement associé à violence, banlieue,
immigration et racisme. L'ethnicité est présentée comme entraînant l'exercice de la violence
et l'exclusion de l'autre. Elle serait à l'origine de beaucoup de maux et remettrait en cause le
mode d'intégration républicain. Elle reflèterait une pensée archaïque, la modernité se
présentant comme antinomique avec l'ethnicité. Cette thèse couramment répandue ne semble
pas aller de soi. C'est, par exemple, ce que démontre Yvon LE BOT 60, à propos des Indiens
d'Amérique Latine. Selon lui, les revendications ethnicistes des Indiens s'inscrirait dans la
modernité puisqu'il s'agirait de favoriser la reconnaissance culturelle de tout un chacun et la
possibilité pour tous de se définir soi-même dans un mouvement continu entre différents
groupes. En ce sens, l'ethnicité serait un produit de la modernité puisqu'elle serait étroitement
liée à une logique individualiste : chacun pouvant se construire identitairement à l'intérieur
de groupes culturels également dignes. Il y aurait dans leurs revendications, une logique qui
dépasserait les seuls Indiens en tentant de promouvoir d'autres rapports entre les groupes
sociaux tant du point de vue économique que culturel. Le mouvement zapatiste relayé dans
le monde entier pour sa réflexion sur l'écologie et la mondialisation en est l'illustration. En ce
sens, ethnicité pourrait rimer avec modernité et lien social.
Or, il en va tout autrement dans son utilisation dans les médias français. Elle serait la
cause et la conséquence des difficultés d'intégration des populations migrantes, ouvrières et
vivant en banlieue, et, notamment et surtout de leurs enfants. Ces enfants parlant français, on
a recours à la différenciation raciale pour justifier la prétendue impossible communication et
les manifestations de rejet réciproque. De ce fait, on ne considère plus la relation à l'autre
comme une élaboration fragile, vivante, mouvante, pourtant toujours possible, mais comme
tellement surdéterminée par l'ethnicité qu'elle en devient quasi impossible pour des raisons
qui dépassent les individus. L'ethnicité permettrait alors de justifier, voire de naturaliser, le
sort inacceptable réservé à certains. Elle renvoie chacun vers un groupe illusoirement pur et
homogène dont il est difficile de se déprendre au risque d'être taxé de lâcheté, voire de
traîtrise. Ces phénomènes de clôture ethnique qui entravent les processus d'identification
inter humains et donc les manifestations fraternelles sont sans doute fort utiles dans une
société confrontée à l'incertitude et à la complexité. Ils inscrivent les sujets dans des
systèmes de parenté fictive dont il est difficile de se sortir (surtout si on appartient à un
groupe dominé), et gênent les relations à l'extérieur de ces groupes ; en ce sens, ils assurent
une certaine reproduction sociale. Les jeunes issus des groupes dominés sont condamnés à se
conformer aux modèles proposés en raison de leur caractère prétendument ethnique car il y a
assignation externe sur des modes variés (citons par exemple, l'orientation scolaire dans
certains métiers où certains groupes sont sur-représentés) et interne par la mobilisation des
conflits de loyauté que ferait surgir un éloignement trop marqué d'un groupe stigmatisé. Il
arrive fréquemment que l'on assiste à une inversion du stigmate, les sujets marqués et rejetés
s'emploient à revendiquer avec fierté ce là même qui les stigmatise. "L'identité fière, bien
qu'à certains égards elle puisse se parer de toutes les vertus de l'authenticité, tend à
compromettre la possibilité d'un rapport à soi, caractérisé par l'aveu du doute, du manque, de
l'hésitation, bref de ce qui caractérise notre irréductible finitude."61 On crée alors de toutes
pièces de nouvelles formes de conformismes. Finalement, les jeunes, fils de migrants sont
placés devant une situation difficilement tenable : en leur imposant une représentation qui
bien que stéréotypée de leur appartenance ethnique est montrée comme indiscutable, (or,
cette représentation est pour une bonne part imaginaire d'une part du fait de la
méconnaissance des origines de ces jeunes - il y a souvent amalgame au vu de signes
60
Sociologue au CADIS, auteur de Violence et modernité en Amérique latine, Karthala, 1994 et avec le souscommandant Marcos Le rêve zapatiste, Seuil, 1997.
61
CHAUMONT JM. Est-il requis d'être fier pour n'être pas honteux ? in WIEVORKA M. & OHANA J. La différence
culturelle. Balland, 2001, p. 143.
19
extérieurs. Par exemple, on impute à tous les jeunes noirs des déterminants ethniques qui
font fi des différences extrêmement importantes entre les cultures d'origine - et d'autre part,
parce que l'on ne prête pas attention aux trajectoires individuelles) on les entraîne dans une
logique potentiellement violente. Assigner l'autre à une différence construite en grande partie
sur un mode externe, l'enfermer dans un groupe que l'on décrète homogène en y gommant
toutes les différences, le marginaliser du fait de cette appartenance recèlent une charge d'une
grande violence symbolique. Les jeunes (et moins jeunes) peuvent y répondre par une autre
forme de violence souvent plus tangible dans un effort sur eux-mêmes et contre les autres
pour tracer illusoirement des frontières rassurantes pour tout un chacun. Ce faisant ils
creusent les conditions-mêmes de leur rejet dans un engrenage sans fin. "Ce n'est pas la
différence en elle-même qui est à l'origine du conflit mais bien les efforts pour la construire,
l'affirmer et l'imposer."62. En ce sens, il est important de rappeler que ce n'est pas l'ethnicité
qui cause le conflit, mais plutôt des formes de violence réelles ou symboliques (comme le
racisme ou la stigmatisation) qui construisent l'ethnicité en prenant appui sur des éléments de
différence plus ou moins objectifs.
ETHNICITE ET AFFIRMATION IDENTITAIRE
Cela reviendrait-il à énoncer que l'ethnicité ne serait-elle qu'illusion ? Elle finirait par
devenir pour tout un chacun un destin insurmontable. Peut-être cela n'est-il pas si simple,
peut-être ne peut-on pas réduire l'ethnicité au produit de logiques de domination. Ce ne serait
que voir la face externe de la frontière ethnique. Par exemple, ne traiter de l'ethnicité
maghrébine en France que dans une logique d'affirmation identitaire d'un groupe dominé par
rapport à un groupe dominant et dans une logique d'exclusion d'un groupe dominant face à
un groupe dominé tendrait à nier toute spécificité, tout lien entre les membres de ce groupe
autres que construits socialement et par conséquent, idéologiquement. Cela ne comporte t-il
pas le risque de nier encore plus ce groupe en ne reconnaissant pas aussi la valeur
constructive de cette appartenance pour les sujets concernés ? Cette question est complexe
puisque la face externe et la face interne de la frontière ethnique sont intrinsèquement liées 63.
Ainsi, il apparaît bien souvent que les minoritaires peuvent avoir tendance à rigidifier,
purifier, homogénéiser les repères identitaires ethnicistes qui leur sont imposés de l'extérieur
en vue de justifier et d'étayer leur propre projet émancipatoire.
Il n'empêche que des individus peuvent se reconnaître autour d'une histoire et d'une
culture qu'ils font leur pour des raisons actuelles de relations sociales. Nous savons que
l'histoire n'a de sens que par rapport au présent et que des groupes peuvent revendiquer une
histoire qui d'une certaine façon n'est pas la leur. JL AMSELLE cite par exemple le cas "des
Garifuna du Belize qui parlent une langue amérindienne et se disent autochtones, même si
de toute évidence, ils ressemblent à des Africains"64. En effet, on peut aussi considérer
l'ethnicité d'un point de vue interne comme un processus permettant à des sujets de se
reconnaître dans des groupes de pairs, peu importe que ces groupes soient à la fois
imaginaires et réels. L'histoire est toujours une construction pour donner sens au présent et
au futur, les liens identificatoires sont par essence mouvants.
D'autre part, on ne peut nier que d'une certaine façon, l'appartenance ethnique peut
conditionner le sujet tant d'un point de vue externe (le regard des autres) que d'un point de
vue interne via le processus d'enculturation. 65 En effet, on sait que le nouveau-né n'existe que
dans une relation avec une figure maternelle comme l'a montré WINNICOTT 66. Cette mère
62
BIELEFIELD U. Ethnicité et violence in WIEVORKA M. & OHANA J. La différence culturelle. Balland, 2001, p.
296.
63
JUTEAU D. L'ethnicité et ses frontières. PUM, 1999
64
AMSELLE JL. "Le métissage une notion piège" in Sciences humaines, N° 110, nov. 2000, p.50.
65
Ethnicité et culture entretiennent des rapports étroits, même si selon BARTHES, le groupe ethnique n'est pas
déterminé par des contenus culturels, au contraire, les contenus culturels sont utilisés, précisés, signifiés, codifiés
pour construire les frontières ethniques
66
Voir les différents écrits de ce grand psychanalyste anglais.
20
qui à travers le holding (la façon de porter) et le handling (la façon de prendre soin), lui
permet de se construire psychiquement. Or, ces soins varient d'une culture à l'autre et à
travers les gestes les plus quotidiens : vêtir, nourrir, porter, parler, chanter, laver l'enfant, la
mère transmet aussi son propre rapport à ses groupes d'appartenance. A travers ce quotidien,
la mère transmet de l'idéel, un certain regard sur soi, sur son corps, sur son sexe, sur sa
famille, des valeurs, un certain rapport à l'identique et à l'altérité. "C'est dans le cadre d'une
relation d'entretien matériel que la culture se transmet, que la socialisation se réalise. Voilà la
part réelle de l'idéel."67. En ce sens, on voit bien que la socialisation ou enculturation de
l'enfant produit toujours de l'ethnicité entendue comme l'expression ethnique du sujet.
"L'ethnicité nous apparaît comme un produit social forgé par le destin historique des
générations précédentes fixé en nous par la socialisation"68 En ce sens, nous sommes tous
porteurs d'ethnicité. Seulement cette ethnicité est transmise sur un mode dynamique, la
socialisation est un processus complexe qui ne se contente pas de reproduire, il innove, il
s'adapte aux conditions d'existence, aux trajectoires individuelles et à l'Histoire. L'ethnicité
est donc un déterminant identitaire mais il ne saurait se comprendre qu'à l'intérieur d'un
système d'interactions. En effet, le rapport de chacun à la dimension ethnique est vivant donc
mouvant ; de plus, ce qui sera considéré comme porteur d'ethnicité variera d'une société à
l'autre, sera valorisé ou stigmatisé et influera donc les processus d'enculturation et de
construction identitaire. On parlera alors de processus d'ethnicisation qui "permet de capturer
la dimension temporelle et le caractère dynamique de l'ethnicité, elle se produit
nécessairement dans le cadre et sous l'effet de contacts et de rapports sociaux". 69
L'ETHNICITE : UN PARADOXE CREATEUR ?
Ce texte est porteur de nombreux paradoxes. En effet, l'ethnicité est à la fois illusion
et réalité, aliénation par l'assignation identitaire et construction émancipatrice, masquage des
dimensions sociales politiques et économiques et mode de résistance voire révélatrice de ces
mêmes dimensions…
En fait l'ethnicité peut être intéressante dès lors qu'elle souligne qu'il peut y avoir de
la différence, elle devient problématique et génératrice de violence quand elle fige cette
différence quand elle dessine des lignes de démarcation infranchissable qui créent
artificiellement de la certitude. Certitude de savoir où est le dominant où est le dominé, où
est le normal où est l'autre, l'étranger le pas pareil. Ces lignes de séparation rassurent en
même temps qu'elles inquiètent en désignant l'origine du danger potentiel. Cependant, elles
enferment tout un chacun quelle que soit sa position dans une certaine représentation de luimême et de l'autre. Elle ne permet plus d'exprimer à la fois le bonheur et l'aliénation liés à
nos filiations, appartenances, trajectoires. En ce sens, elle est mortifère et violente.
L'ethnicité semble donc un processus de régulation sociale, c'est à dire l'opposé de la
légitimation naturelle et implacable de l'exclusion d'une partie de l'humanité. Elle peut dès
lors être créatrice car réintroduite dans le mouvement, l'histoire, l'incertitude, la relation et la
rencontre dans un environnement complexe.
Pascale RUFFEL
Psychologue Interculturel
Formatrice en Travail social – IFRAMES - La Classerie - Rezé
67
JUTEAU D. op cit p. 93
JUTEAU D. op cit p.95
69
RIVERA A. op cit, p.99
68
21
CONCLUSION GENERALE
L’ethnicité demeure un objet difficile à cerner, tant dans sa conception que dans sa
manipulation. Néanmoins, il nous paraît incontournable. En effet, on ne pas peut faire fi de la
place importante de la catégorisation ethnique dans le discours ambiant et dans nos sociétés
contemporaines. Les conflits dramatiques qui jalonnent l’Histoire récente en témoignent.
D’autre part, il convient de ne pas occulter le sens que les acteurs sociaux confèrent à cet
outil, à la fois dans les processus identitaires et dans les interactions quotidiennes. Enfin, en
tant qu’outil d’analyse, l’ethnicité permet de mettre au jour les phénomènes de
discriminations raciales pour mieux les dénoncer. L’utilisation de l’ethnicité requiert une
grande prudence afin de ne pas prétendre à l’universalité. L’ethnicité doit être envisagée
comme un processus dynamique à mettre en rapport avec d’autres phénomènes sociaux. Il
peut permettre de mieux rendre compte de la fécondité des échanges humains, sans tomber
dans le travers de l’enfermement catégoriel.
22
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