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Autre détail: les chevaliers partent à l’assaut après l’engagement des « arlots » .
C’était d’abord une manifestation unitaire ! tous les princes qui auparavant combattaient entre eux s’étaient unis pour l’occasion. Les transports ont été gratuits. Dans
les précédentes croisades il fallait franchir la Méditerranée ce qui n’était pas donné. Il y a eu ensuite une promesse d’amnistie ou de pardon pour les petits délits. Et
enfin il y a eu une tombola gigantesque avec promesse de gains exceptionnels. Les premiers qui arrivaient chez un hérétique pouvaient emporter son argenterie. Toutes
les conditions étaient donc réunies pour que la Croisade contre les Albigeois mobilise un très grand nombre de participants.
Dernière remarque : Mr Martin Albera Cabrer nous dit que Guillaume de Tudèle n’ayant jamais vu une armée au Moyen-Âge ne pouvait effectuer une évaluation
correcte. J’avoue que c’est aussi mon cas : je n’ai jamais vu de déplacement d’armée du Moyen-Âge. Il me semble pourtant que, si j’avais été à la place de Guillaume de
Tudèle, accompagnant une armée susceptible de mener un combat, et d’un naturel craintif, j’aurais posé deux questions : « Combien on est ? » et « Combien sont nos
ennemis ? ». Durant tout le trajet entre Toulouse et Beaucaire, j’aurais vérifié le nombre de mes compagnons. Et à l’arrivée à Beaucaire je les aurai accompagné à
l’emplacement qui leur était attribué. Et j’aurais compté le nombre d’emplacements de même superficie attribués à la totalité de l’armée des croisés.
Une simple multiplication m’aurait permis de trouver le nombre de croisés. Je ne crois pas être un génie pour avoir inventé ce mode de calcul. Il me semble que
beaucoup d’autres que moi sont capables de la même démarche. Et, à coup sûr, Guillaume de Tudèle, qui était très intelligent, l’a fait. Ces trois études permettent
d’estimer que l’évaluation de Guillaume de Tudéle est cohérente et que le nombre de 220 000 croisés n’est pas du tout exagéré comme je l’avais cru auparavant. Il est
même possible que le nombre de croisés soit passé de 220 000 à Beaucaire à 300 000 à Béziers, gonflé par l’apport de nouveaux arrivants. Mais alors cette estimation
remet en question une foule d’idées.
La première d’entre elles c’est que les gens de Béziers n’ont pas été, contrairement à ce qu’on dit, fous et inconséquents. Ils n’avaient tout simplement pas imaginé une
telle foule contre laquelle ils ne pouvaient rien faire. Le nombre d’assaillants était au moins 30 fois plus grand que le leur. La deuxième des idées c’est que Arnaud
Amaury lui-même ainsi que les principaux chefs croisés ont dû être dépassés par les événements. Les combats ont été déclenchés sans qu’ils en aient donné l’ordre. De
même ils ne sont sans doute pas à l’origine de l’incendie qui a détruit la cathédrale. Cependant, étant les chefs, ils devaient en assumer la responsabilité. Loin d’être un
succès le sac de Béziers a dû être vécu comme un échec par la plupart des croisés qui y ont participé. Echec parce que de nombreux trésors convoités ont disparu dans
les flammes. Echec aussi parce que la cathédrale que l’on prétendait défendre a été détruite pas ceux-là même qui voulaient la défendre. Le lien entre les deux
événements Existe-t-il un lien entre les deux événements: la mort de Trencavel et le sac de Béziers ? A priori non.
Pourtant si on regarde de près, certains arguments permettent d’imaginer qu’un tel lien pourrait être effectué. Tout d’abord le fait maintenant établi que le meurtre de
Trencavel n’a pas été isolé dans le temps. Il a laissé des traces et l’acte de 1185, solennellement repris en 1194 montre que 27 ans après la mort de Trencavel, on en discute
encore. Mais il y a plus ! En 1205, l’évêque Guillaume de Rocosels, meurt. Son épitaphe annonce qu’il était « quasi-martyr ». Ceci montre qu’il y avait des problèmes à
l’évêché de Béziers. Et quatre ans plus tard c’est la Croisade. On voit donc qu’il existe une continuité des événements. Il y aurait aussi un autre lien : c’est Sainte
Madeleine ; En effet tous les textes parlant du sac de Béziers mentionnent Sainte Madeleine.
Le plus intéressant est celui de la Chanson de la Croisade : « So fo a una festa con di la Magdalena » « Ce fut à une fête qu’on dit la Madeleine » Il semblerait que
Guillaume de Tudèle ignorait jusqu’alors que le 22 juillet était la fête de Sainte Madeleine. Par la suite de nombreux auteurs entendent montrer que ce massacre a eu
lieu par une sorte de vengeance de Sainte Madeleine dont le temple avait été profané et contre laquelle les hérétiques avaient dit beaucoup de méchancetés. En gros, les
croisés ont effectué une sorte de transfert qui le dédouanait de toute responsabilité : « Ce n’est pas notre faute. C’est celle de Sainte Madeleine ».
Une idée se fait jour : avant même le déclenchement de la croisade les événements de 1167 devaient être bien connus du coté de Rome. Et Il devait y avoir un lourd
contentieux entre la papauté et la ville de Béziers. Si on résume ce qui s’est passé : après 1167 , la ville de Béziers a été excommuniée par le pape sur demande de l’évêque
Bernard. Il est probable que le pape, mal informé par l’évêque, a très mal compris l’attitude des habitants de Béziers. Ceux-ci, sûrs de leur bon droit – et nous avons à
présent des raisons de penser qu’ils avaient raison - ont dû se montrer très indépendants par rapport aux décisions du pape, s’en remettant à Dieu pour un jugement
meilleur. La ville de Béziers devait donc être considérée comme séditieuse et, par là, hérétique.
Cette analyse remet en question tout ce qu’on savait sur la Croisade. Quel a été son véritable but ? Chasser l’hérésie ou mettre au pas des villes ou des pays rétifs à
l’autorité pontificale ? très certainement un peu des deux. Les hérésies qui se développaient dans le midi de la France mais aussi un peu partout dans la chrétienté ont
peut être été un alibi pour intervenir afin de mettre au pas des évêques, des religieux ou des laïcs rebelles à l’autorité papale. Une telle question doit être posée. Le fait
est que les textes mentionnant la présence d’hérétiques à Béziers sont succincts et peu convaincants Tout compte fait : Ces deux événements ont-ils eu de l’importance
? La réponse est oui! Pour le réaliser j’ai consulté diverses chroniques trouvées dans l’Histoire Générale du Languedoc. Ces chroniques n’offrent en général que peu
d’intérêt car elles sont très succinctes. Mais elles nous apprennent quels sont les événements qui paraissaient importants aux gens de l’époque.
Et on peut dire que pour les languedociens de l’époque la bataille de Bouvines n’a pas du tout eu l’importance qu’on lui attache maintenant. Aucun texte ne la
mentionne. Par contre l’assassinat de Trencavel , les prises de Béziers et de Carcassonne ont été très importantes. Plus même que la bataille de Muret. Mais il me semble
que l’affaire du sac de Béziers a revêtu une importance beaucoup plus grande au niveau de la hiérarchie catholique. On n’a pas de témoignage de ce qui s’est dit, par la
suite, entre évêques. Malgré ce on est obligé de constater que la Croisade des Albigeois a été la seule croisade qui s’est déroulée sur le continent européen. La papauté a
voulu tenter l’expérience d’une croisade sur son terrain. Et ça a mal marché. Ou plutôt ça a trop bien marché. Les organisateurs voulaient sans doute restaurer l’esprit
de Croisade qui devait commencer à s’essouffler en Orient. Ils espéraient pouvoir mobiliser une armée de 30 000 hommes, supérieure à celle du comte de Toulouse. Ils
en ont eu dix fois plus. Mais ces hommes ne s’étaient mobilisés que pour l’appât du gain.
La stratégie de Arnaud Amaury consistant à écraser Béziers de façon à obtenir la reddition immédiate des autres villes n’a été efficace qu’à moitié. Carcassonne et
Toulouse ne se sont pas rendues immédiatement. Très rapidement les chefs des Croisés se sont retirés de la Croisade refusant d’en assurer le commandement. Celui-ci
a été donné à un certain Simon de Montfort, après la prise de Carcassonne. « coms de Guinsestre so la gesta ne ment » le traducteur a donné le mot « Leicestre » et ajouté
en marge « en Angleterre » C'est-à-dire Leister; Je trouve quand même bizarre qu’un homme issu du centre de la France ait un comté en Angleterre. A mon idée Simon
de Montfort n’était comte de rien du tout ! De nombreux hommes d’église ont aussi refusé de devenir les évêques d’évêchés devenus vacants . Quant aux Croisades
l’église n’en a plus organisées sur le sol européen.
Donc, après 1209, l’église catholique aurait abandonné l’idée de régler, elle-même, par les armes, les problèmes de religion. Que ce soient des problèmes d’hérésie ou des
problèmes avec des puissances laïques. Par contre au même moment l’église a confié à des congrégations religieuses le soin d’instruire les affaires concernant les
hérésies, en laissant au pouvoir temporel le soin d’exécuter les sentences. C’est ce qu’on a appelé l’Inquisition » Voilà donc le texte présenté lors de cette conférence. Il
n’était pas question, dans un site traitant du premier millénaire (en fait de l’an 1 jusqu’à l’an 1100), de traiter des événements postérieurs à cette période. Ce texte a été
seulement inséré afin de servir d’exemple. Exemple d’une méthode d’approche en trois temps qui peut se résumer ainsi : Premier temps : Sensibilité et attention
particulière apportée aux incohérences ou aux détails qui clochent. Deuxième temps : Tentative d’apporter un raisonnement logique permettant d’expliquer ou de
corriger les incohérences. Troisième temps : Une fois le raisonnement logique trouvé, le poursuivre pour en déduire les conséquences. Cette méthode d’approche, on
la retrouve aussi bien dans la première partie de la conférence que dans la seconde partie.