Quand les personnes privées sont à l`origine d`un service public (CE

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Quand les personnes privées sont à
l'origine d'un service public (CE, sect.,
6/04/2007, Ville d’Aix-en-Provence)
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Table des matières
Table des matières .................................................................................................................................. 2
Introduction............................................................................................................................................. 3
I – L’arrêt Ville d’Aix-en-Provence : un apport utile à la théorie d’identification des services publics
gérés par des personnes privées ............................................................................................................. 4
A – Les prérogatives de puissance publique : un critère non indispensable ...................................... 4
1 – Le cas des associations transparentes : l’arrêt Ville de Melun .................................................. 4
2 – L’arrêt APREI du 22 février 2007 : une systématisation bienvenue .......................................... 5
B – Un service public d’initiative privée .............................................................................................. 6
1 – L’avis relatif à la Cinémathèque française ................................................................................. 6
2 – L’apport de l’arrêt Ville d’Aix-en-Provence ............................................................................... 6
II – L’arrêt Ville d’Aix-en-Provence : un apport utile à la théorie des modes de gestion des services
publics par les collectivités publiques ..................................................................................................... 8
A – Une systématisation bienvenue des modes de gestion des services publics par les collectivités
publiques ............................................................................................................................................. 8
1 – La délégation de la gestion du service public à un tiers ............................................................ 8
2 – La gestion directe des services publics par les collectivités publiques ..................................... 9
B – Le recours à une association : une autre hypothèse de gestion directe ..................................... 10
1 – La consécration des prestations « in house ».......................................................................... 10
2 – La solution d’espèce du 6 avril 2007....................................................................................... 10
CE, sect., 6/04/2007, Ville d’Aix-en-Provence ....................................................................................... 11
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Introduction
Il fut une époque ou l’identification des services publics fut chose aisée. En effet, il suffisait
que l’on soit en présence d’une activité d’intérêt général gérée par une personne publique. Mais,
cette définition fut mise à mal lorsque le Conseil d’Etat admit qu’une personne privée pouvait être
responsable d’un service public (CE, ass., 13/05/1938, Caisse primaire « Aide et protection »). Se
posa, alors, la question de l’identification des services publics gérés par des personnes privées. C’est
à une telle question que répond, notamment, l’arrêt étudié.
Dans cette affaire, une association avait créée en 1948 un festival d’art lyrique à Marseille.
Mais, suite à des difficultés financières dans les années 1990, ce festival fut repris en mains par l’Etat
qui décida, en 1998, la création d’une nouvelle association pour gérer le festival. La question posée
était double : d’abord il s’agissait de savoir si la gestion de ce festival constituait une mission de
service public ; ensuite, il s’agissait de déterminer si le fait de confier la gestion de ce festival à une
association constituait une délégation de service public, pour déterminer si les règles de publicité et
de mise en concurrence prévues par la loi Sapin trouvaient à s’appliquer. Le tribunal administratif de
Marseille a, le 29 juin 2000, considéré qu’il s’agissait d’un service public administratif, mais que les
règles de la loi Sapin ne trouvaient pas à s’appliquer. Par la suite, la Cour administrative d’appel de
Marseille a, le 4 juillet 2005, pris la position inverse. Le 6 avril 2007, par un arrêt de section, le Conseil
d’Etat jugea que l’association créée par l’Etat était bien en charge d’une mission de service public,
mais que les règles de publicité et de mise en concurrence ne s’appliquaient pas dans la mesure où le
service public était géré en régie directe.
Cette dernière affirmation peut surprendre à double titre. En effet, alors que le juge
administratif qualifie la gestion de ce service public de gestion en régie directe, le Conseil d’Etat
prend pourtant la peine de consacrer un considérant de principe à déterminer les hypothèses dans
lesquelles une activité d’intérêt général créée et gérée par une personne privée peut être qualifiée
de mission de service public. L’arrêt Ville d’Aix-enProvence vient ainsi compléter la jurisprudence
APREI relative à l’indentification des services publics gérés par des personnes privées ne possédant
pas de prérogatives de puissances publiques. Cette partie de l’arrêt a de quoi surprendre quand l’on
sait qu’elle ne sera d’aucune utilité pour trancher le litige de l’espèce.
Mais, l’autre apport de l’arrêt est de systématiser les différents modes de gestion des
services publics gérés par des collectivités publiques. Surtout, le Conseil d’Etat juge, et c’est encore
étonnant, que le fait de confier la gestion d’un service public à une association sur laquelle les
collectivités publiques exercent un contrôle étroit ne constitue pas une délégation d’une mission de
service public. En pareille hypothèse, l’on reste dans le cadre de la gestion en régie directe, et, en
conséquence, les règles de publicité et de mise en concurrence ne trouve pas à s’appliquer.
Il convint donc d’étudier le double apport de l’arrêt Ville d’Aix-en-Provence : l’apport à la
théorie d’identification des services publics gérés par des personnes privées d’une part (I), et l’apport
à la théorie des modes de gestion des services publics par les collectivités publiques d’autre part (II).
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I – L’arrêt Ville d’Aix-enProvence : un apport utile à la
théorie d’identification des
services publics gérés par des
personnes privées
L’arrêt Ville d’Aix-en-Provence apporte un complément utile en matière d’identification des
services publics gérés par des personnes privées : en effet, il vise précisément le cas des services
publics créés sur initiative d’une personne privée, sans impulsion d’une personne publique (B). Dans
une telle hypothèse, la personne privée gère le service public sans détenir de prérogatives de
puissance publique, puisqu’aucune personne publique n’est intervenue : l’arrêt étudié apparait,
alors, comme la suite logique d’une jurisprudence reconnaissant l’existence de services publics gérés
par des personnes privées, même si ces dernières ne détiennent pas de telles prérogatives (A).
A – Les prérogatives de puissance publique : un critère
non indispensable
Depuis 1990, le critère relatif aux prérogatives de puissance publique tend à perdre de
l’importance. Consacrée d’abord à propos des associations transparentes (1), cette jurisprudence
fera l’objet d’une systématisation quelques semaines avant à l’arrêt Ville d’Aix-en-Provence (2). Mais,
ce qu’il faut retenir est que cette jurisprudence n’efface pas les critères posés par l’arrêt Narcy ; elle
vient en complément lorsqu’aucune prérogatives de puissance publiques n’est détenue par une
personne privée.
1 – Le cas des associations transparentes : l’arrêt Ville de Melun
Dans cette affaire, il s’agissait d‘une association municipale, organisme de droit privé, gérant
une activité d’intérêt général. Le problème était que cette association ne détenait pas de
prérogatives de puissance publique. Son activité pouvait-elle, dès lors, être qualifiée de service
public.
Le Conseil d’Etat jugea qu’une activité gérée par une personne privée ne détenant pas de
prérogatives de puissance publique pouvait être qualifiée de service public dès lors, d’une part, que
l’activité en cause représente bien un caractère d’intérêt général, et, d’autre part, que
l’Administration contrôle très étroitement la personne privée (CE, 20/07/1990, Ville de Melun).
Ce qu’il faut retenir de cette solution est que la recherche de telles prérogatives n’est donc
nécessaire que dans le cas où l’organisme privé est véritablement autonome. Dès lors que la
personne privée constitue ce que l’on a appelé une association transparente, les prérogatives de
puissance publique ne sont plus nécessaires.
La solution retenue par le Conseil d’Etat en 2007 va beaucoup plus loin.
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2 – L’arrêt APREI du 22 février 2007 : une systématisation bienvenue
Dans cet arrêt (CE, sect., 22/02/2007, Association du personnel relevant des établissements
pour inadaptés), pour déterminer si une activité gérée par une personne privée ne détenant pas de
prérogatives de puissance publique est ou non un service public, le Conseil d’Etat se base sur
l’intention de l’Administration de confier ou non à la personne privée la gestion d’un service public.
Pour déterminer cette intention, le juge administratif se base sur la méthode du faisceau d’indice.
Plusieurs éléments doivent retenir l’attention.
Le juge vérifie d’abord l’intérêt général de l’activité en cause. Rien de bien novateur jusque
là. Plus intéressant est la suite de son considérant de principe. C’est, ainsi, que le juge retient les
conditions de la création de l’activité, de son organisation ou de son fonctionnement. Il se base aussi
sur les obligations qui sont imposées à la personne privée, ainsi que sur les mesures prises pour
vérifier que les objectifs assignés à la personne privée sont atteints. Si, au vu de tous ces éléments,
l’Administration est considérée avoir entendu créer un service public, alors l’activité gérée par la
personne privée sera qualifiée de service public, quand bien même ne disposerait-elle pas de
prérogatives de puissance publique.
L’arrêt commenté vient ajouter une autre hypothèse dans laquelle une personne privée gère
un service public même sans disposer de prérogatives de puissance publique.
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B – Un service public d’initiative privée
Avec l’arrêt Ville d’Aix-en-Provence, le Conseil d’Etat consacre l’existence de services publics
créés sur l’initiative d’une personne privée. Cette solution (2) avait été précédée par un avis relatif à
la Cinémathèque française (1).
1 – L’avis relatif à la Cinémathèque française
Cet avis de la section de l’intérieur du Conseil d’Etat rendu le 18 mai 2004 est consacré à
l’activité de la Cinémathèque française. Au terme de cet avis, cette association gère bien une mission
de service public sans aucune délégation par l’Etat.
En effet, l’activité de cette association est bien d’intérêt général. Pourtant le fait qu’aucune
délégation de la part de l’Etat n’ait été opérée pouvait poser problème pour reconnaitre cette
qualification. Ainsi, comme le relève le commissaire du Gouvernement sous l’arrêt étudié, aucun
texte ne fait obligation à l’Etat d’assurer les missions remplies par la Cinémathèque. Par ailleurs,
l’association exerce cette mission sans qu’aucun contrat conclu avec l’Etat ne lui ait confié l’exercice
de cette mission. Cette absence de délégation d’une mission de service public par l’Etat n’empêche
pourtant pas le Conseil d’Etat de reconnaitre l’activité de la Cinémathèque comme un véritable
service public.
Avec cet avis et pour reprendre les termes du commissaire du Gouvernement, le juge
administratif « se borne à reconnaitre que l’exercice d’une mission de service public résulte parfois
d’une initiative privée dont la puissance publique vient constater l’existence et la nature, avant de lui
apporter sa contribution et d’y exercer son contrôle ». Autrement dit, une personne privée peut
gérer un service public en dehors de toute délégation de la part de l’Administration.
C’est cette solution que vient consacrer au contentieux l’arrêt Ville d’Aix-en-Provence.
2 – L’apport de l’arrêt Ville d’Aix-en-Provence
Le Conseil d’Etat consacre un considérant de principe aux services publics créés sur initiative
privée. Cette solution pour le moins remarquable n’est pourtant d’aucune utilité pour le règlement
du litige de l’espèce.
La Haute juridiction rappelle tout d’abord qu’une personne privée qui exerce, sous sa
responsabilité et sans qu’aucune personne publique en détermine le contenu, une activité dont elle
a pris l’initiative, ne peut être regardée comme bénéficiant de la part d’une personne publique de la
dévolution d’une mission de service public. Pour autant, l’activité de cette personne privée peut se
voir reconnaitre la qualification de mission de service public en dehors de toute délégation de la part
de la puissance publique, « si une personne publique, en raison de l’intérêt général qui s’y rattache et
de l’importance qu’elle revêt à ses yeux, exerce un droit de regard sur son organisation et, le cas
échéant, lui accorde (…) des financements ». Autrement dit, une activité créée initialement par une
personne privée, en dehors de toute initiative d’une personne publique, peut être qualifiée de
service public, si cette activité est d’intérêt général, si la personne publique exerce un droit de regard
sur son organisation et si elle peut lui accorder des financements. Les deux premiers critères sont
déjà connus, le troisième est nouveau. Le Conseil d’Etat vient, ainsi, reconnaitre la légitimité de
l’action de personnes privées qui, spontanément, face à la carence de la puissance publique,
prennent en charge des activités d’intérêt général. La collectivité publique vient ensuite « valider,
soutenir et contrôler cette initiative ».
Avec cette solution, le juge administratif complète les hypothèses de gestion d’un service
public par une personne privée en dehors de toute délégation de prérogatives de puissance
publique, puisqu’ici l’activité est exercée en dehors de toute initiative de l’Administration, cette
dernière ne pouvant donc lui avoir délégué de tels pouvoirs.
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Ces principes auraient pu s’appliquer à l’association en cause en l’espèce. En effet, l’initiative
de ce festival a été prise par une personne privée, une association en l’occurrence, et la puissance
publique est venue par la suite contrôler et financer cette activité. Mais, depuis 1998, le mode de
gestion a radicalement changé : la gestion du festival a, ainsi, fait l’objet d’une reprise en mains par
l’Etat au travers de la création d’une nouvelle association qui n’est qu’une émanation directe des
collectivités publiques et sur laquelle l’Etat exerce un contrôle étroit. Ainsi, cette dernière association
ne peut, pour reprendre les termes du commissaire du Gouvernement, se prévaloir de la filiation
avec celle qui avait créée le festival en 1948. En conséquence, l’on n’est plus dans le cadre d’un
service public créé sur initiative privée, mais dans le cadre classique d’un service public géré sous la
responsabilité d’une collectivité publique.
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II – L’arrêt Ville d’Aix-enProvence : un apport utile à la
théorie des modes de gestion des
services publics par les
collectivités publiques
Dans deux considérants de principe, le Conseil d’Etat systématise les modes de gestion des
services publics par les collectivités publiques (A). Mais, l’apport de l’arrêt en la matière est de
répondre à la question de savoir si le recours à une association pour l’exécution d’une mission de
service public s’analyse nécessairement comme une dévolution du service (B).
A – Une systématisation bienvenue des modes de gestion
des services publics par les collectivités publiques
Le Conseil d’Etat distingue classiquement selon que la gestion du service public est confiée à
un tiers (1), ou assurée directement par la collectivité publique (2).
1 – La délégation de la gestion du service public à un tiers
Le Conseil d’Etat rappelle, ainsi, la possibilité de déléguer la gestion des services publics à des
tiers, hormis le cas d’activités non délégables comme les activités de police par exemple. Puis, la
Haute juridiction rappelle les deux possibilités qui s’offrent à la puissance publique : soit conclure un
contrat de délégation de service public, soit, si la rémunération du tiers n’est pas substantiellement
liée aux résultats de l’exploitation du service, passer un marché public de service.
Le juge administratif précise en outre que de tels contrats doivent être conclus quel que soit
le statut juridique du tiers et même si la collectivité publique délégante a contribué à la création
dudit tiers.
Mais, ce qui doit retenir l’attention est que la conclusion de tels contrats est soumise aux
règles de publicité et de mise en concurrence prévues pour les contrats de délégation de service
public par la loi Sapin. En cette matière, la dernière partie du premier considérant de principe
apporte une précision utile : ainsi, le juge administratif dispose que ces règles ne trouvent pas à
s’appliquer quand le tiers contractant, eu égard à la nature de l’activité et conditions particulières
dans lesquelles il exerce l’activité, ne saurait être regardé comme un opérateur sur un marché
concurrentiel. Autrement dit, les règles de publicité et de mise en concurrence ne trouvent pas à
s’appliquer lorsque l’on a affaire à un tiers qui n’est pas un opérateur économique. Le Conseil d’Etat
consacre par là une solution déjà admise au niveau communautaire.
L’arrêt étudié est tout aussi novateur en matière de gestion directe.
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2 – La gestion directe des services publics par les collectivités publiques
La gestion directe des services publics par les collectivités publiques est le mode de gestion
normal des services publics. Celles-ci peuvent gérer le service public en simple régie : ici, la
collectivité gère elle-même le service public avec ses propres moyens financiers, humains, matériels.
Mais, il peut s’agir aussi, lorsque l’on a affaire à des collectivités territoriales, d’une régie disposant
d’une autonomie financière et même éventuellement d’une personnalité juridique propre.
Autre différence avec la gestion déléguée, ici les règles de publicité et de mise en
concurrence n’ont pas à être respectées. Ici, un même acte peut englober la décision de créer le
service, le choix du mode de gestion ainsi que les règles d’organisation du service, alors que ces
différentes étapes doivent être séparées lorsqu’il s’agit de gestion déléguée.
Mais, l’apport de l’arrêt est d’assimiler à la gestion directe le recours à une association sur
laquelle la puissance publique exerce, notamment, un contrôle important.
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B – Le recours à une association : une autre hypothèse de
gestion directe
Avec l’arrêt Ville d’Aix-en-Provence, le Conseil consacre un troisième cas de gestion directe :
celui du recours à une association pour gérer un service public, hypothèse que l’on qualifie
habituellement de prestations intégrées ou « in house ». Mais, la qualification de gestion directe est
soumise au respect de certaines conditions. L’intérêt de cette nouveauté est qu’en pareille
hypothèse, l’Administration n’aura pas à respecter les règles de mise en concurrence (1). Pourra,
ensuite, être analysée la solution d’espèce retenue (2).
1 – La consécration des prestations « in house »
Les prestations « in house » faisaient déjà l’objet d’une consécration par le juge
communautaire. Ainsi, la Cours de justice des communautés européennes (CJCE), dans son célèbre
arrêt Teckel du 18 novembre 1999, écarte l’application des règles de publicité et de mise en
concurrence lorsque, pour reprendre les termes du professeur Douence, l’Administration « exerce
sur l’opérateur un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses services et si l’opérateur réalise
l’essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui les détiennent ».
Jusqu’à présent cette théorie n’avait pas été reprise en droit interne. C’est chose faite avec
l’arrêt du 6 avril 2007. En effet, le Conseil d’Etat assimile à la gestion directe la gestion du service par
une association lorsque deux conditions sont remplies. Ainsi, l’organisme doit avoir été créé par la
puissance publique et son objet statutaire exclusif doit être de gérer ce service. Par ailleurs,
l’Administration doit exercer sur cet organisme un contrôle comparable à celui qu’elle exerce sur ses
propres services. Il faut enfin préciser que cet organisme peut être créé par plusieurs collectivités
publiques qui décident de créer et gérer ensemble un service public.
Si ces conditions sont remplies, le juge administratif considère que l’on reste dans le cadre de
la gestion directe. En conséquence, les règles de publicité et de mise en concurrence ne sont pas
applicables.
C’est en appliquant ce principe que le Conseil d’Etat tranche l’affaire qui lui était posée.
2 – La solution d’espèce du 6 avril 2007
Pour trancher l’affaire au fond, le Conseil d’Etat reprend les conditions vues précédemment.
Ainsi, le juge relève que l’objet statutaire exclusif de l’association est la programmation et
l’organisation du festival international d’art lyrique. Par ailleurs, l’Etat et les collectivités publiques
locales qui ont créés l’association exercent sur elle un contrôle étroit. Ce contrôle se manifeste par la
présence ultra majoritaire de ces collectivités dans les instances de direction de l’association. Ainsi,
les collectivités publiques détiennent onze des quinze sièges au conseil d’administration et l’adhésion
des autres membres n’est possible qu’avec l’accord du bureau qui n’est qu’une émanation du conseil
d’administration. De plus, la convention conclue entre l’association et les collectivités publiques
garantit le contrôle par ces dernières de la programmation du festival. Le Conseil d’Etat note aussi
que l’association bénéficie de différentes aides de la part des collectivités publiques.
Au final, le juge administratif conclue que l’on est face à un service public administratif et que
les conditions pour l’application de la théorie des prestations intégrées sont remplies. En
conséquence, celui-ci décide, puisque l’on est dans une hypothèse de gestion directe, à
l’inapplicabilité des règles de publicité et de mise en concurrence. Notons enfin que les différentes
restrictions existant en matière d’aide des collectivités territoriales aux services publics industriels et
commerciaux et aux entreprises ne sont pas applicables puisque l’on est confronté à un service
public administratif.
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CE, sect., 6/04/2007, Ville
d’Aix-en-Provence
Requête
par
laquelle
la
Ville
d'Aix-en-Provence
demande
au
Conseil
d'Etat
:
1°) d'annuler l'arrêt du 4 juillet 2005 par lequel la Cour administrative d'appel de Marseille a, à la
demande de M. et Mme Jean-Louis A, annulé les jugements du 29 juin 2000 du Tribunal administratif
de Marseille rejetant leurs demandes tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des délibérations
des 12 février et 26 mars 1998 du conseil municipal d'Aix-en-Provence décidant d'allouer à
l'Association pour le festival international d'art lyrique et l'Académie européenne de musique d'Aixen-Provence deux subventions d'un montant respectif de six et deux millions de francs ;
2°) de mettre à la charge de M. et Mme A une somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article
L.
761-1
du
code
de
justice
administrative
;
Sur
le
bien-fondé
de
l'arrêt
attaqué
:
Considérant qu'après avoir relevé que l'Association pour le festival international d'art lyrique et
l'Académie européenne de musique d'Aix-en-Provence s'était vu confier une mission de service
public, la cour, pour annuler les délibérations litigieuses, a jugé qu'une association ne pouvait exercer
une telle mission et bénéficier à ce titre d'une subvention que si elle était liée à une personne
publique par un contrat de délégation de service public conclu soit en application des dispositions
des articles 38 et suivants de la loi du 29 janvier 1993 soit en application des articles L. 1411-1 et
suivants
du
code
général
des
collectivités
territoriales
;
Considérant que, lorsque des collectivités publiques sont responsables d'un service public, elles
peuvent, dès lors que la nature de ce service n'y fait pas par elle-même obstacle, décider de confier
sa gestion à un tiers ; qu'à cette fin, sauf si un texte en dispose autrement, elles doivent en principe
conclure avec un opérateur, quel que soit son statut juridique et alors même qu'elles l'auraient créé
ou auraient contribué à sa création ou encore qu'elles en seraient membres, associés ou
actionnaires, un contrat de délégation de service public ou, si la rémunération de leur cocontractant
n'est pas substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service, un marché public de service
; qu'elles peuvent toutefois ne pas passer un tel contrat lorsque, eu égard à la nature de l'activité en
cause et aux conditions particulières dans lesquelles il l'exerce, le tiers auquel elles s'adressent ne
saurait être regardé comme un opérateur sur un marché concurrentiel ;
Considérant que, lorsqu'elles sont responsables d'un service public, des collectivités publiques
peuvent aussi décider d'en assurer directement la gestion ; qu'elles peuvent, à cette fin, le gérer en
simple régie, ou encore, s'il s'agit de collectivités territoriales, dans le cadre d'une régie à laquelle
elles ont conféré une autonomie financière et, le cas échéant, une personnalité juridique propre ;
qu'elles doivent aussi être regardées comme gérant directement le service public si elles créent à
cette fin un organisme dont l'objet statutaire exclusif est, sous réserve d'une diversification
purement accessoire, de gérer ce service et si elles exercent sur cet organisme un contrôle
comparable à celui qu'elles exercent sur leurs propres services leur donnant notamment les moyens
de s'assurer du strict respect de son objet statutaire, cet organisme devant en effet être regardé,
alors, comme n'étant pas un opérateur auquel les collectivités publiques ne pourraient faire appel
qu'en concluant un contrat de délégation de service public ou un marché public de service ; qu'un tel
organisme peut notamment être mis en place lorsque plusieurs collectivités publiques décident de
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créer
et
de
gérer
ensemble
un
service
public
;
Considérant en outre que, lorsqu'une personne privée exerce, sous sa responsabilité et sans qu'une
personne publique en détermine le contenu, une activité dont elle a pris l'initiative, elle ne peut, en
tout état de cause, être regardée comme bénéficiant de la part d'une personne publique de la
dévolution d'une mission de service public ; que son activité peut cependant se voir reconnaître un
caractère de service public, alors même qu'elle n'a fait l'objet d'aucun contrat de délégation de
service public procédant à sa dévolution, si une personne publique, en raison de l'intérêt général qui
s'y attache et de l'importance qu'elle revêt à ses yeux, exerce un droit de regard sur son organisation
et, le cas échéant, lui accorde, dès lors qu'aucune règle ni aucun principe n'y font obstacle, des
financements
;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en jugeant qu'une association ne pouvait gérer un
service public et bénéficier à ce titre d'une subvention qu'à la condition d'être titulaire d'un contrat
de délégation de service public passé soit en application des dispositions des articles 38 et suivants
de la loi du 29 janvier 1993 soit en application des articles L. 1411-1 et suivants du code général des
collectivités territoriales, sans rechercher si, pour l'une des raisons analysées ci-dessus, la passation
d'un tel contrat pouvait ou devait être exclue, la Cour administrative d'appel de Marseille a entaché
son arrêt d'une erreur de droit ; que la Commune d'Aix-en-Provence est fondée pour ce motif, et
sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, à en demander l'annulation ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions de
l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Considérant d'une part que, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A, le Tribunal
administratif de Marseille a suffisamment répondu aux moyens tirés de l'absence de convention de
délégation de service public et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 1411-2 du code
général
des
collectivités
territoriales
;
Considérant d'autre part qu'il ressort des pièces du dossier que l'Etat, la région Provence-Alpes-Côte
d'Azur, le département des Bouches-du-Rhône et la commune d'Aix-en-Provence ont créé en 1996
une Association pour le cinquantenaire du festival international d'art lyrique d'Aix-en-Provence,
devenue en 1997 l'Association pour le festival international d'art lyrique et l'Académie européenne
de musique d'Aix-en-Provence ; que cette association a pour objet statutaire exclusif la
programmation et l'organisation du festival international d'art lyrique et de l'académie européenne
de musique ; qu'elle se compose de trois représentants de l'Etat, de quatre représentants des
collectivités territoriales et de cinq personnalités qualifiées, dont une est nommée par le maire d'Aixen-Provence et trois par le ministre chargé de la culture, ainsi que, le cas échéant, de membres actifs
ou bienfaiteurs ou encore d'entreprises, dont la demande d'adhésion doit être agréée par le bureau
et qui ne disposent pas de voix délibérative au sein de l'association ; que son conseil d'administration
est composé de quinze membres, dont onze sont désignés par les collectivités publiques ; que les
subventions versées par les collectivités publiques mentionnées ci-dessus représentent environ la
moitié des ressources de l'association ; que celle-ci bénéficie en outre, de la part de la commune
d'Aix-en-Provence, de différentes aides, comme la mise à disposition de locaux dans lesquels se
déroule
le
festival
et
des
garanties
d'emprunt
;
Considérant que l'Etat, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, le département des Bouches-du-Rhône
et la commune d'Aix-en-Provence ont ainsi décidé, sans méconnaître aucun principe, de faire du
festival international d'Aix-en-Provence un service public culturel ; que, compte tenu de son objet, de
ses modalités d'organisation et de ses modalités de financement, ce service public présente un
caractère administratif ; que l'association à laquelle les quatre collectivités publiques ont confié sa
gestion ne saurait être regardée, compte tenu de son objet statutaire et du contrôle qu'exercent sur
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elle ces collectivités, comme un opérateur auquel il ne pourrait être fait appel que dans le cadre d'un
contrat de délégation de service public ou d'un marché public de service ; qu'ainsi, le moyen tiré de
ce que la commune d'Aix-en-Provence aurait dû passer avec l'association une convention de
délégation de service public doit être, en tout état de cause, écarté ; que M. et Mme A ne peuvent,
dès lors, utilement invoquer les dispositions de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités
territoriales
;
Considérant que la commune d'Aix-en-Provence pouvait accorder des subventions au service public
culturel du festival international d'Aix-en-Provence ; que, contrairement à ce que soutiennent M. et
Mme A, les dispositions de l'article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales, qui
limitent la possibilité pour une commune de prendre en charge dans son budget des dépenses d'un
service public à caractère industriel et commercial, ne peuvent être utilement invoquées ; que la
commune d'Aix-en-Provence n'a pas davantage méconnu les dispositions des articles L. 1511-1 et
suivants du même code dès lors que celles-ci ont pour objet de réglementer les conditions dans
lesquelles les collectivités territoriales peuvent apporter des aides à des entreprises et que
l'association, dont l'activité exclusive est de gérer, à la demande des collectivités publiques qui l'ont
créée et sous leur contrôle, le service public du festival international d'Aix-en-Provence, ne saurait
être
regardée
comme
une
entreprise
au
sens
de
ces
dispositions
;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à se plaindre de
ce que, par ses jugements du 29 juin 2000, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs
demandes tendant à l'annulation des délibérations des 12 février et 26 mars 1998 ;
Décide
:
Article 1er : L'intervention de l'Association pour le festival international d'art lyrique et l'Académie
européenne
de
musique
d'Aix-en-Provence
est
admise.
Article 2 : L'arrêt de la Cour administrative d'appel de Marseille en date du 4 juillet 2005 est annulé.
Quand les personnes privées sont à l'origine d'un service public
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