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Quand les personnes privées sont à l'origine d'un service public
Introduction
Il fut une époque ou l’identification des services publics fut chose aisée. En effet, il suffisait
que l’on soit en présence d’une activité d’intérêt général gérée par une personne publique. Mais,
cette définition fut mise à mal lorsque le Conseil d’Etat admit qu’une personne privée pouvait être
responsable d’un service public (CE, ass., 13/05/1938, Caisse primaire « Aide et protection »). Se
posa, alors, la question de l’identification des services publics gérés par des personnes privées. C’est
à une telle question que répond, notamment, l’arrêt étudié.
Dans cette affaire, une association avait créée en 1948 un festival d’art lyrique à Marseille.
Mais, suite à des difficultés financières dans les années 1990, ce festival fut repris en mains par l’Etat
qui décida, en 1998, la création d’une nouvelle association pour gérer le festival. La question posée
était double : d’abord il s’agissait de savoir si la gestion de ce festival constituait une mission de
service public ; ensuite, il s’agissait de déterminer si le fait de confier la gestion de ce festival à une
association constituait une délégation de service public, pour déterminer si les règles de publicité et
de mise en concurrence prévues par la loi Sapin trouvaient à s’appliquer. Le tribunal administratif de
Marseille a, le 29 juin 2000, considéré qu’il s’agissait d’un service public administratif, mais que les
règles de la loi Sapin ne trouvaient pas à s’appliquer. Par la suite, la Cour administrative d’appel de
Marseille a, le 4 juillet 2005, pris la position inverse. Le 6 avril 2007, par un arrêt de section, le Conseil
d’Etat jugea que l’association créée par l’Etat était bien en charge d’une mission de service public,
mais que les règles de publicité et de mise en concurrence ne s’appliquaient pas dans la mesure où le
service public était géré en régie directe.
Cette dernière affirmation peut surprendre à double titre. En effet, alors que le juge
administratif qualifie la gestion de ce service public de gestion en régie directe, le Conseil d’Etat
prend pourtant la peine de consacrer un considérant de principe à déterminer les hypothèses dans
lesquelles une activité d’intérêt général créée et gérée par une personne privée peut être qualifiée
de mission de service public. L’arrêt Ville d’Aix-enProvence vient ainsi compléter la jurisprudence
APREI relative à l’indentification des services publics gérés par des personnes privées ne possédant
pas de prérogatives de puissances publiques. Cette partie de l’arrêt a de quoi surprendre quand l’on
sait qu’elle ne sera d’aucune utilité pour trancher le litige de l’espèce.
Mais, l’autre apport de l’arrêt est de systématiser les différents modes de gestion des
services publics gérés par des collectivités publiques. Surtout, le Conseil d’Etat juge, et c’est encore
étonnant, que le fait de confier la gestion d’un service public à une association sur laquelle les
collectivités publiques exercent un contrôle étroit ne constitue pas une délégation d’une mission de
service public. En pareille hypothèse, l’on reste dans le cadre de la gestion en régie directe, et, en
conséquence, les règles de publicité et de mise en concurrence ne trouve pas à s’appliquer.
Il convint donc d’étudier le double apport de l’arrêt Ville d’Aix-en-Provence : l’apport à la
théorie d’identification des services publics gérés par des personnes privées d’une part (I), et l’apport
à la théorie des modes de gestion des services publics par les collectivités publiques d’autre part (II).