
– 5 –
l’explication scientifique. Elle comporte la précision abso-
lue et une évidence complète ou croissante. En dirait-on
autant des théories philosophiques ?
Une doctrine nous avait paru jadis faire exception, et
c’est probablement pourquoi nous nous étions attachés à
elle dans notre première jeunesse. La philosophie de
Spencer visait à prendre l’empreinte des choses et à se
modeler sur le détail des faits. Sans doute elle cherchait
encore son point d’appui dans des généralités vagues.
Nous sentions bien la faiblesse des Premiers Principes.
Mais cette faiblesse nous paraissait tenir à ce que l’auteur,
insuffisamment préparé, n’avait pu approfondir les « idées
dernières » de la mécanique. Nous aurions voulu re-
prendre cette partie de son œuvre, la compléter et la con-
solider. Nous nous y essayâmes dans la mesure de nos
forces. C’est ainsi que nous fûmes conduit devant l’idée de
Temps. Là, une surprise nous attendait.
Nous fûmes très frappé en effet de voir comment le
temps réel, qui joue le premier rôle dans toute philosophie
de l’évolution, échappe aux mathématiques. Son essence
étant de passer, aucune de ses parties n’est encore là
quand une autre se présente. La superposition de partie à
partie en vue de la mesure est donc impossible, inimagi-
nable, inconcevable. Sans doute il entre dans toute mesure
un élément de convention, et il est rare que deux gran-
deurs, dites égales, soient directement superposables entre
elles. Encore faut-il que la superposition soit possible pour
un de leurs aspects ou de leurs effets qui conserve quelque
chose d’elles : cet effet, cet aspect sont alors ce qu’on me-
sure. Mais, dans le cas du temps, l’idée de superposition